P 18 : Commentaires

 

Analyse de la XVIIIe Provinciale

Sources de la XVIIIe Provinciale

GEF VII, p. 12-13.
Provinciales, éd. Cognet, p. 354.
Dictionnaire de Port-Royal, p. 845.

QUARRÉ le P. Hugues, Réponse d'un ecclésiastique de Louvain à l'avis qui lui a été donné sur le sujet de la bulle prétendue du Pape Urbain VIII, contre le livre de M. Jansénius, 3e éd., Louvain, 1650 (Bibliothèque Mazarine : 61 298, pièce 2). La pièce est parue en 1649. Paule Jansen, in « La bibliothèque de Pascal », Revue historique, oct.-déc. 1952 signale qu’il existe à la Bibliothèque Mazarine un exemplaire de cet ouvrage annoté par Pascal et utilisé pour la Provinciale XVIII. Voir Provinciales, éd.

Cognet, p. 371, n. 2. Voir dans OC I, éd. J. Mesnard, p. 283, la situation de la note manuscrite de Pascal en question, Recueil de pièces sur la grâce et les cinq propositions (J3). La note de Pascal est aujourd’hui signalée par MESNARD Jean, Textes inédits, p. 29. La note de Pascal est la suivante : « Ainsi les jésuites ou font embrasser les erreurs ou font jurer qu'on les a embrassées, et font tomber ou dans l'erreur ou dans le parjure, et pourrissent ou l'esprit ou le cœur. » Voir dans l’éd. Sellier, n° 813.

JOUSLIN Olivier, « Rien ne nous plaît que le combat ». La campagne des Provinciales de Pascal. Étude d’un dialogue polémique, I, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 626-627.

P. Jansen et les éditions récentes présentent le texte de la note sans la partie que Pascal en a barré. Voici la disposition de l’imprimé avec les notes manuscrites de Pascal à droite :


[p. 25 sq]

Il est vray que plusieurs jurent avec des restrictions men-  
tales, & sans intention de jurer : mais si cela les rend moins  
criminels, Dieu en sera juge ; les autres (chose horrible &  
pourtant tres-veritable) jurent avec une mauvaise con-  
science, & avec l’intention, d’aller aussi tost à un Confes- Serment
seur pour s’en faire absoudre : & plusieurs jurent par maxime Signature,
politique, disant qu’il faut vivre, & s’accommoder au temps :  
ainsi tout estant consideré, on voit à l’œil que c’est un piege  
pour perdre les consciences : D’où l’on peut juger combien Ainsy les
ce bon Pere à sujet de dire parlant de ce Serment, Qu’il faut jesuites ou
obeïr, & faire comme tant d’autres Ecclesiastiques, dont ils ont le nom font changer
& le Catalogue : Mon Pere, mon Pere, ne vous vantez pas trop la componction
de ce nombre d’Ecclesiastiques, qui pour n’estre pas demis font ambrasser
des dignitez & des offices qu’ils possedent, ou pour y estre les erreurs,
advancez, jurent & signent un Serment si dangereux : pour ou font jurer
moy j’ay tousjours creu, qu’un moindre nombre d’Eccle- qu’on les a amb[rassées]
siastiques, qui pour ne se departir de vos sentimens, aban- et font ou bien
donneroient leurs biens ou leurs honneurs, donneroient ????? temps tomb[er]
plus de credit & d’appuy à vostre cause qu’un plus grand ou dans l’erre[ur]
nombre d’autres, qui par lascheté ou par interest cedent à ou dans le
la violence qu’on leur fait, pour accepter une Bulle que vous parjure
desadvoüez vous mesmes par vos actions ; & en effet au lieu et pourrissent
que vous vous contentez d’un Catalogue de Confesseurs, ou lesprit ou
vous auriez la gloire & l’honneur d’avoir des Martyrs, pour le cœur
en faire un Martyrologe.  

 

Voir le commentaire de CLÉMENCET, Histoire littéraire de Port-Royal, p. 162 sq. « Le p. Quarré, après avoir témoigné son respect et son obéissance pour le saint-siège, qu’il tenait infaillible, montre que la bulle d’Urbain VIII appuyait la censure du livre de Jansénius sur deux faits qui étant manifestement faux, il était constant que non seulement le pape avait pu être trompé, mais qu’il l’avait été réellement par les impostures de ceux qui lui avaient suggéré ces faussetés. Il prouve donc 1. Que Jansénius, en écrivant sur la grâce sans la permission du saint-siège, n’a rien fait contre les décrets de Paul V et d’Urbain VIII, qui défendent d’écrire sur cette matière, parce que ces décrets n’ont jamais été connus à Louvain ; et que d’ailleurs, ils n’ont été reçus ni observés en aucun endroit, comme on le voit dans les écrits publiés sur la grâce, même par les jésuites, depuis ces décrets ; 2. Il est encore faux que Jansénius ait enseigné aucune proposition condamnées par Pie V, n’y en ayant aucune dans son livre qu’avec les distinctions et les explications que les jésuites mêmes ont données.

Notre théologien fait voir ensuite que les intentions du pape n’ont point été suivies par celui qui a dressé cette bulle. En, effet, le pape déclara aux députés de Louvain, dans l’audience qu’il leur donna le 26 novembre 1643, qu’il n’avait voulu que renouveler les bulles de Pie V et de Grégoire XIII, et qu’il avait défendu très expressément de nommer aucun auteur. Mais malgré cette défense, Jansénius s’y trouve nommé plusieurs fois. Après cela il examine le formulaire fabriqué par les jésuites, dont l’internonce et l’archiduc exigeaient la signature de tous ceux qui devaient être promus à quelque bénéfice ou dignité ecclésiastique. Il montre que l’on ne peut signer un tel formulaire, sans faire un mensonge et un faux serment. De plus, le p. Quarré soutient, qu’encore que le livre de Jansénius fût défendu, cette défense ne pouvait passer pour une censure de sa doctrine, puisqu’elle avait été faite sans qu’on l’eût examinée, et sur les fausses accusations du docteur Skinkelius, qui avait écrit à Rome qu’à Louvain, l’on foulait aux pieds les bulles de Pie V et de Grégoire XIII.

Enfin, l’auteur termine sa réponse, en montrant quelle est la doctrine de la société, quelles sont les fourberies, les violences et les artifices dont ils se sont servis pour la soutenir et la répandre ; soit en remplissant le monde de libelles pleins d’impostures et de calomnies contre ceux qui ne suivent pas leurs erreurs, ou qui s’y opposent ; soit en sollicitant les puissances et le conseil de sa majesté catholique, d’exclure de toutes les charges ecclésiastiques, et même d’envoyer aux galères tous ceux qui refuseraient de souscrire ce formulaire, et d’abjurer par cette souscription la doctrine de saint Augustin ».

Date et rédaction de la XVIIIe Provinciale

Le 24 mars 1657 est la date que Cognet assigne à la fin de la composition.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Commentaires, Seconde édition, Vrin, Paris, 1971, p. 150-151. C’est l’anniversaire du miracle de la Sainte-Epine.

OC III, éd. J. Menard, p. 465. Selon Fouillou, Nicole en a fourni la matière.

Publication de la XVIIIe Provinciale

Dictionnaire de Port-Royal, art. Langlois Denis, p. 588. La Provinciale XVIII, datée du 24 mars 1657, est imprimée par Langlois, mais n’est diffusée qu’à partir du 14 mai 1657. Le 9 juin 1657, après avoir arrêté Desprez, Camuset se présente chez Langlois, qui est en train d’imprimer la Lettre d’un avocat au Parlement. Langlois se cache, mais Camuset trouve des feuilles. Langlois est arrêté le lendemain matin ; il raconte ce qu’il sait et est libéré sans être plus inquiété.

Réception de la XVIIIe Provinciale

SAINTE-BEUVE, Port-Royal, éd. Leroy, Pléiade, t. 2, p. 955 sq. Lettre de Fabert à Arnauld d’Andilly du 16 mai 1657.

Provinciales, éd. Cognet, p. 355. Le nonce lit la XVIIIe Provinciale le 14 mai, d’après Hermant, Mémoires, III, p. 410.

Réactions des jésuites à la XVIIIe Provinciale

GEF VII, p. 29, n. 2. Les jésuites ne répondent pas.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, II, p. 475 : “les jésuites n’ont rien osé dire contre la dix-huitième lettre”.

Problème de la variation de Pascal par rapport aux précédentes Provinciales

SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, VIII, p. 99 sq. Thèse de l’abbé Dumas. Explication de Sainte-Beuve pour les variations de Pascal : p. 102 sq.

MESNARD Jean, Pascal, coll. Connaissance des lettres, 5e éd., p. 94 sq.

La copie imprimée à Cologne

Cette mention est donnée par l’édition GEF VII, p. 23, qui indique qu’elle manque dans Wendrock, ce qui n’est pas bien étonnant, et dans l’édition B, qui est celle de 1659.

Cette mention ne se trouve pas dans l’édition Cognet. Ce n’est pas étonnant, puisque Cognet reproduit l’édition de 1659.

Sujet de la Provinciale XVIII

Provinciales, éd. Cognet, p. 354, n. 1. Titre de Nicole : “On fait voir encore plus invinciblement, par la réponse même du Père Annat, qu’il n’y a aucune hérésie dans l’Église; que tout le monde condamne la doctrine que les jésuites renferment dans le sens de Jansénius, et qu’ainsi tous les fidèles sont dans les mêmes sentiments sur les cinq propositions. On marque la différence qu’il y a entre les disputes de droit et celles de fait, et on montre que, dans les questions de fait, on doit plus s’en rapporter à ce qu’on voit qu’à aucune autorité humaine”.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la dix-huitième XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214 ; voir p. 206 sq. La situation est devenue plus pressante avec la remise au roi de la bulle Ad sacram. La lettre se présente comme un « duel avec le p. Annat », comme l’écrit Cognet, éd. des Provinciales, p. LVIII. Pascal aborde deux reproches : l’un relève de la dogmatique, savoir que la doctrine de Jansénius sur la grâce efficace ne diffère pas de celle de Calvin ; l’autre d’ordre ecclésiologique et disciplinaire, sur le prétendu manque de soumission des jansénistes aux constitutions pontificales, le p. Annat niant que l’attribution des propositions à Jansénius relève des questions de fait, et affirmant que c’est une chose de foi : p. 206-207. La faillibilité des papes est en cause : p. 208.

La situation de la Provinciale XVIII dans le contexte de la campagne de Port-Royal contre la signature du formulaire

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 209 sq. Port-Royal accepte de conserver un silence respectueux « de part et d’autre », du moment que les autorités ecclésiastiques renoncent à la signature du formulaire : p. 210. Attitude d’Arnauld sur ce point dans la consultation qu’il a adressée à l’évêque Nicolas Pavillon, qui lui consieille de signer ; à quoi Arnauld répond par des Réflexions, contre la signature : p. 211-212. La position de Pascal aboutit à contester le bien-fondé de la dernière constitution pontificale, ettend à évoquer la possibilité de demander un procès en révision : p. 213. Sens de cette attitude de Pascal, hardie et originale dans son groupe : p. 213-214.

Structure argumentative de la XVIIIe Provinciale

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Duel avec le P. Annat : p. 206. Double orientation de la réponse de Pascal, dogmatique et ecclésiologique : p. 207. Le problème de la faillibilité du pape dans les questions de fait est en cause dans ce texte : p. 208. L’argumentation de Pascal repose sur une liste de papes trompés sur des points de fait dans leurs décisions solennelles ainsi que des témoignages de certains papes, de docteurs de l’Église, qui reconnaissent la faillibilité pontificale dans les questions de fait et ont recommabndé de faire des procès en révision. Il invoque aussi lma règle de droit canonique qui permet de suspendre les bulles et les décrets quand on pense que les papes ont été trompés : p. 208. Ensuite, le texte passe au plan théorique qui repose sur la distinction des trois principes de connaissance, sens, raison et foi : p. 208.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la 18e Provinciale », in La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Bibliothèque Mazarine, 2008, p. 59-71. Voir p. 62 sq.

Frises de la Provinciale XVIII

Frise du recueil R 1035 de Clermont

 

Frise du recueil R 5452 de Clermont

La lettre est manuscrite.

 

Frise du recueil R 5597 de Clermont

Cette frise est identique à celle de l’exemplaire que la BNF a mis en ligne.

XVIII, 1. Il y a longtemps que vous travaillez à trouver quelque erreur dans vos adversaires ; mais je m’assure que vous avouerez à la fin qu’il n’y a peut-être rien de si difficile que de rendre hérétiques ceux qui ne le sont pas, et qui ne fuient rien tant que de l’être. J’ai fait voir, dans ma dernière Lettre, combien vous leur aviez imputé d’hérésies l’une après l’autre, manque d’en trouver une que vous ayez pu longtemps maintenir ; de sorte qu’il ne vous était plus rété que de les en accuser, sur ce qu’ils refusaient de condamner le sens de Jansénius, que vous vouliez qu’ils condamnassent sans qu’on l’expliquât. C’était bien manquer d’hérésies à leur reprocher que d’en être réduit là. Car qui a jamais ouï parler d’une hérésie que l’on ne puisse exprimer ? Aussi on vous a facilement répondu, en vous représentant que, si Jansénius n’a point d’erreurs, il n’est pas juste de le condamner ; et que, s’il en a, vous deviez les déclarer, afin que l’on sût au moins ce que c’est que l’on condamne. Vous ne l’aviez néanmoins jamais voulu faire ; mais vous aviez essayé de fortifier votre prétention par des décrets qui ne faisaient rien pour vous, puisqu’on n’y explique en aucune sorte le sens de Jansénius, qu’on dit avoir été condamné dans ces cinq propositions. Or ce n’était pas là le moyen de terminer vos disputes. Si vous conveniez de part et d’autre du véritable sens de Jansénius, et que vous ne fussiez plus en différend que de savoir si ce sens est hérétique ou non, alors les jugements qui déclareraient que ce sens est hérétique toucheraient ce qui serait véritablement en question.

Voir Provinciale XVII, 16. « Et, pour expliquer cela par un exemple, je prendrai la diversité de sentiments qui fut entre saint Basile et saint Athanase touchant les écrits de saint Denis d’Alexandrie, dans lesquels saint Basile, croyant trouver le sens d’Arius contre l’égalité du Père et du Fils, il les condamna comme hérétiques : mais saint Athanase, au contraire y croyant trouver le véritable sens de l’Église, il les soutint comme catholiques. Pensez-vous donc, mon Père, que saint Basile, qui tenait ces écrits pour ariens, eût droit de traiter saint Athanase d’hérétique, parce qu’il les défendait? Et quel sujet en eût-il eu, puisque ce n’était pas l’Arianisme qu’il défendait, mais la vérité de la foi qu’il pensait y être? Si ces deux saints fussent convenus du véritable sens de ces écrits, et qu’ils y eussent tous deux reconnu cette hérésie sans doute saint Athanase n’eût pu les approuver sans hérésie : mais, comme ils étaient en différend touchant ce sens, saint Athanase était catholique en les soutenant, quand même il les eût mal entendus; puisque ce n’eût été qu’une erreur de fait, et qu’il ne défendait dans cette doctrine que la foi catholique qu’il y supposait.

17. Je vous en dis de même, mon Père. Si vous conveniez du sens de Jansénius, et que vos adversaires fussent d’accord avec vous qu’il tient, par exemple, qu’on ne peut résister à la grâce, ceux qui refuseraient de le condamner seraient hérétiques. Mais lorsque vous disputez de son sens, et qu’ils croient que, selon sa doctrine, on peut résister à la grâce, vous n’avez aucun sujet de les traiter d’hérétiques, quelque hérésie que vous lui attribuez vous-mêmes, puisqu’ils condamnent le sens que vous y supposez, et que vous n’oseriez condamner le sens qu’ils y supposent. Si vous voulez donc les convaincre, montrez que le sens qu’ils attribuent à Jansénius est hérétique ; car alors ils le seront eux-mêmes. Mais comment le pourriez-vous faire, puisqu’il est constant, selon votre propre aveu, que celui qu’ils lui donnent n’est point condamné ? »

SHIOKAWA Tetsuya, « L’enjeu des XVIIe et XVIIIe Provinciales », in Cahiers de l’Association Internationale des Etudes Françaises, n°40, Les Belles-Lettres, 1988, p. 219-232 ; Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Duel avec le P. Annat : p. 206. Double orientation de la réponse de Pascal, dogmatique et ecclésiologique : p. 207.

XVIII, 1. Mais la grande dispute étant de savoir quel est ce sens de Jansénius, les uns disant qu’ils n’y voient que le sens de saint Augustin et de saint Thomas ; et les autres, qu’ils y en voient un qui est hérétique, et qu’ils n’expriment point ; il est clair qu’une Constitution qui ne dit pas un mot touchant ce différend, et qui ne fait que condamner en général le sens de Jansénius sans l’expliquer, ne décide rien de ce qui est en dispute.

SHIOKAWA Tetsuya, « L’enjeu des XVIIe et XVIIIe Provinciales », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Duel avec le P. Annat : p. 206. Double orientation de la réponse de Pascal, dogmatique et ecclésiologique : p. 207.

Le sens de Jansénius

Voir dans Provinciale XVII, sur Le fait de Jansénius.

ARNAULD Antoine, Œuvres, XIX, p. XXVII. A partir de 1654, selon Nicole, “toute l’hérésie du jansénisme a consisté (...) dans ce mot mystérieux de sens de Jansénius, qu’on n’a jamais expliqué, et qu’on prétendait même inexplicable”. C’est une “quintessence d’hérésie, dont le sens n’était su que des jésuites, et dont ils se réservaient l’explication en temps opportun”. Le sens de Jansénius est un fantôme inventé par les jésuites, selon Nicole : p. XXVII.

ANNAT François, Réponse à la plainte..., in Réponses, éd. de 1658, p. 440. On entend par sens de Jansénius celui qu’il a exprimé dans son livre; c’est le sens qu’entend le pape.

ARNAULD Antoine, De la signature, p. 21. Idée de M.... Replacé dans le contexte, le sens de Jansénius n’est pas hérétique ; mais ses paroles forment d’elles-mêmes le sens condamné; et elles sont donc de Jansénius. Selon Arnauld, on ne peut invoquer cette distinction.
La thèse de Barcos sur le sens de Jansénius : voir les premières pages du Ms. 140 de la Bibliothèque du Patrimoine de Clermont, f°2 : Jansénius est incapable d’erreur parce qu’il n’écrit qu’en historien, et qu’un historien ne peut se faire imputer une opinion d’un autre qu’il rapporte; voir OC I, éd J. Mesnard, p. 1041, la thèse de Barcos et la réfutation d’Arnauld. Le texte de Nicole est publié dans OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1209 sq.

Sens de Jansénius et équivoque d’erreur : voir ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, La logique ou l’art de penser, I, VII (éd. de 1664), éd. D. Descotes, Paris, Champion, 2014, p. 149-156. Sens d’un auteur, doctrine d’un auteur sur un tel sujet : quoique Aristote ait un sens unique sur un tel sujet, il est néanmoins entendu différemment selon les interprètes, ce qui rend l’expression le sentiment d’Aristote équivoque par erreur : ils signifient dans la bouche de chacun ce qu’il a conçu être le sentiment de ce philosophe. Une telle expression est connotative expressément ou dans le sens : il faut y distinguer le sujet qui y est directement mais confusément exprimé, et la forme ou le mode qui est distinctement mais indirectement exprimé : sentiment d’Aristote signifie confusément quelque opinion, distinctement la relation de cette pensée à Aristote auquel on l’attribue.

L’équivoque arrive parce que l’esprit au lieu de ce sujet confus y substitue souvent un sujet distinct et déterminé auquel on attribue la forme et le mode : quand on parle de véritable religion, sans joindre à cette formule l’idée distincte d’aucune religion particulière, elle n’est pas équivoque; mais elle le devient si on la lie à un culte particulier et distinctement connu. “Il en est de même de ces mots, sentiment d’un tel philosophe sur une telle matière. Car demeurant dans leur idée générale, ils signifient simplement et en général la doctrine que ce philosophe a enseignée sur cette matière, comme ce qu’a enseigné Aristote sur la nature de notre âme : id quod sensit talis scriptor; et cet id, c’est-à-dire cette doctrine, demeurant dans son idée confuse sans être appliquée à une idée distincte, ces mots ne sont nullement équivoques; mais lorsqu’au lieu de cet id confus, de cette doctrine confusément conçue, l’esprit substitue une doctrine distincte, et un sujet distinct, alors selon les différentes idées distinctes qu’on y pourra substituer, ce terme deviendra équivoque. Ainsi l’opinion d’Aristote touchant la nature de notre âme, est un mot équivoque dans la bouche de Pomponace, qui prétend qu’il l’a crue mortelle, et dans celle de plusieurs autres interprètes de ce philosophes, qui prétendent au contraire qu’il l’a crue immortelle, aussi bien que ses maîtres Platon et Socrate.”

PARIENTE Jean-Claude, L’analyse du langage..., p. 204 sq. et p. 208 sq. Sur la proposition le sens de Jansénius est hérétique. Il faut admettre qu’elle a valeur référentielle : p. 208. Résolution de cette proposition. Elle a trois interprétations possibles :

1. selon l’idée générale,
2. dans un sens particulier clairement connu,
3. dans un sens particulier confusément connu.

La proposition a un sujet connu qui enferme dans le sens une proposition implicite; l’ensemble forme donc une proposition complexe; par conséquent, on peut nier cette proposition de deux façons : p. 209 sq.

REGUIG-NAYA Delphine, Le corps des idées. Pensées et poétiques du langage dans l’augustinisme de Port-Royal. Arnauld, Nicole, Pascal, Mme de La Fayette, Racine, Paris, Champion, 2007, p. 102 sq. Arnauld et la tentative de préciser les implications sémantiques de l’expression sens de Jansénius. La méthode d’Arnauld ressemble à celle de Pascal dans les Provinciales, et consiste à chercher à confondre les noms formels pour retrouver les noms définis, à dénoncer un terme vide pour lui faire assumer sa véritable fonction de désignation : p. 104 sq. Arnauld propose plusieurs hypothèses de formulation qui motive la désignation du nom janséniste, et donne sa signification ; puis il analyse chacune de ces hypothèses, montrant par exemple que quand on parle de secte du jansénisme, il faut d’abord avoir établi l’existence de cette secte ; mais comme tous les ecclésiastiques de France condamnent les cinq propositions dans leur véritable sens, il est impossible d’abolir une secte qui n’existe pas ; la persécution n’a donc pas d’objet réel. Autre manière de dénoncer la fraude : si on appelle jansénistes ceux qui ne croient pas qu’il soit de foi que les cinq propositions soient dans le livre de Jansénius, ou que le sens conamné dans ces propositions et que le pape a entendu sous le nom de sens de Jansénius soit véritablement de cet auteur, ce qui est une quesiton de fait, en ce sens toute la terre est pleine de jansénistes, tous les théologiens de France, les évêques catholiques, les universités de l’Europe, et toutes les personnes raisonnables : p. 105. Passage de la Logique qui aborde le problème du sens d’Aristote : p. 107.

Le vrai sens de Jansénius n’est pas le sens des propositions prises en elles-mêmes, au sens propre

NICOLE, Disquisitio 2, in Wendrock, p. 533 sq. ; voir p. 534 : Fatendum est igitur propositionem in se spectatam et in proprio et rigoroso sensu, ut loquentur Romani Consultores, non unam, sed multas haereses complecti.
ARNAULD Antoine, De la signature du Formulaire, 6 juin 1661, p. 21. Idée de M…. : Selon Arnauld, on ne peut jouer sur cette distinction, que replacé dans son contexte, le sens de Jansénius n’est pas hérétique; mais que les paroles forment d’elles-mêmes le sens condamné, et sont dans Jansénius..

XVIII, 2. C’est pourquoi l’on vous a dit cent fois que votre différend n’étant que sur ce fait, vous ne le finiriez jamais qu’en déclarant ce que vous entendez par le sens de Jansénius. Mais comme vous vous étiez toujours opiniâtrés à le refuser, je vous ai enfin poussé dans la dernière Lettre, où j’ai fait entendre que ce n’est pas sans mystère que vous aviez entrepris de faire condamner ce sens sans l’expliquer, et que votre dessein était de faire retomber un jour cette condamnation indéterminée sur la doctrine de la grâce efficace, en montrant que ce n’est autre chose que celle de Jansénius, ce qui ne vous serait pas difficile. Cela vous a mis dans la nécessité de répondre ; car, si vous vous fussiez encore obstinés après cela à ne point expliquer ce sens, il eût paru aux moins éclairés que vous n’en vouliez en effet qu’à la grâce efficace ; ce qui eût été la dernière confusion pour vous, dans la vénération qu’a l’Église pour une doctrine si sainte.

Vous ne le finiriez jamais : finir a le sens actif de clore.

XVIII, 3. Vous avez donc été obligé de vous déclarer ; et c’est ce que vous venez de faire en répondant à ma Lettre, où je vous avais représenté que si Jansénius avait, sur ces cinq propositions, quelque autre sens que celui de la grâce efficace, il n’avait point de défenseurs ; mais que, s’il n’avait point d’autre sens que celui de la grâce efficace, il n’avait point d’erreurs. Vous n’avez pu désavouer cela, mon Père ; mais vous y faites une distinction en cette sorte, page 21 : Il ne suffit pas, dites-vous, pour justifier Jansénius, de dire qu’il ne tient que la grâce efficace, parce qu’on la peut tenir en deux manières : l’une hérétique, selon Calvin, qui consiste à dire que la volonté mue par la grâce n’a pas le pouvoir d’y résister ; l’autre, orthodoxe, selon les Thomistes et les Sorbonnistes, qui est fondée sur des principes établis par les Conciles, qui est que la grâce efficace par elle-même gouverne la volonté de telle sorte, qu’on a toujours le pouvoir d’y résister.

Provinciale XVII, 19. « Car, pour dire la chose en deux mots, ou Jansénius n’a enseigné que la grâce efficace, et en ce cas il n’a point d’erreurs; ou il a enseigné autre chose, et en ce cas il n’a point de défenseurs. Toute la question est donc de savoir si Jansénius a enseigné en effet autre chose que la grâce efficace; et, si l’on trouve que oui, vous aurez la gloire de l’avoir mieux entendu : mais ils n’auront point le malheur d’avoir erré dans la foi. »

ANNAT, Réponse à la XVIIe lettre..., in Réponses..., éd. de 1658, p. 509 sq. Voir la note de l’édition Cognet sur ce passage du P. Annat. Pascal ne cite pas littéralement le P. Annat, mais il résume sa réponse. « Et pourle point de la grâce efficace par elle-même, le bon secrétaire l’entend bien mal, et donne à connaître non seulement qu’il n’est pas docteur, mais qu’il ne mérite pas de l’être. Il prétend qque les cinq Propositions ne sont pas hérétiques au sens de Jansénius, si ce sebns revient à la doctrine de la grâce efficace par elle-même : et ne voit pas que par même moyen Calvin peut justifier sa doctrine sur ce même sujet ; disant aussi qu’il ne prétend aucutre chose, que défendre la vérité de la grâce efficace par elle même. Il faut que le sectétaire apprenne qu’il y a deux manières de défendre la grâce efficace par elle-même l’une qui est hérétique, et appuyée sut des principes hérétiques : l’autre qui esy orthodoxe, soutenue par des principes établis dans les conciles. Calvin suit la première, et en cela il est hérétique ; les docteurs catholiques thomistes, scotistes, sorbonistes, jésuites, sont d’accord de la seconde : et pour cela, nonobstant leurs disputes particuières, ils demeurent tous dans l’unité de la foi, et dans la communion de l’Église.

Pour savoir donc si la doctrine de Jansénius est à couvert par la profession qu’il fait de défendre la grâce efficace par elle-même, il faut savoir de quelle manière il la défend ; si c’est la manière de Calvin, ou celle des docteurs catholiques.

Calvin défend tellement la grâce efficace par elle-même, qu’il croit qu’elle ne nous laisse autre liberté que la liberté de contrainte ; nous assujettissant au reste à la nécessité d’agir, qui nous ôte le pouvoir d’yn résister tandis que la grâce persévère.

Les docteurs catholiques sont d’accord que la grâce efficace par elle-même gouverne tellement notre volonté, qu’elle nous laisse le pouvoir d’y résister, en sorte que ces deux choses se trouvent ensmeble, la grâce dans la volonté, et dans la même volonté sous la grâce un pouvoir suffisant pour s’empêcher d’y consentir : et ils ne doutent point que ce ne soit le véritable sens des paroles du concile de Trente, potest dissentire. Banez et Molina, et tousles docteurs catholiques qui ont les sentiments les plus éloignés, et les plus opposés sur le fait de la grâce, sont toutefous unis en ce point-là.

Ils le sont encore en cettui-ci, que lagrâce sous cette formalité d’efficace, n’est pas tellement nécessaire aux bonnes actions, qu’elle ne puisse être suffisante sans cela, et nous donner tout le pouvoir qui est requis pour faire que ce que Dieu exige de nous, et que pourtant nous ne faisons pas, nous soit véritablement possible, même lorsque nous manquons à le faire ; d’où il arrive bien souvent que par notre faute la grâce n’a pas son effet ».

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 344.

Provinciales, éd. Cognet, p. 356-357. Les références de Pascal et celles de la Disquisitio III de Nicole supposent qu’ils employaient un texte des écrits du P. Annat, La bonne foi et la Réponse à la plainte qui avaient une pagination spéciale, alors que Cognet n’a trouvé que des exemplaires de la Bonne foi avec une pagination continue.

Il ne suffit pas... : cette phrase n’est pas une citation, mais un résumé, Nicole l’emploie dans la Disquisitio III, § IV.

Que si Jansénius avait, sur ces cinq propositions, quelque autre sens que celui de la grâce efficace, il n’avait point de défenseurs ; mais que, s’il n’avait point d’autre sens que celui de la grâce efficace, il n’avait point d’erreurs : dans les deux cas, il y a un résultat nul : pas de défenseur ou pas d’erreur. Cela dépend du sens de Jansénius sur les propositions. Cela peut s’exprimer en termes de fonction :
Sens favorable à la grâce efficace Vrai Erreur : 0 Défenseurs : ?
Sens autre que la grâce efficace Faux Vérité Défenseurs : 0

XVIII, 4. On vous accorde tout cela, mon Père, et vous finissez en disant que Jansénius serait catholique, s’il défendait la grâce efficace selon les Thomistes : mais qu’il est hérétique, parce qu’il est contraire aux Thomistes et conforme à Calvin, qui nie le pouvoir de résister à la grâce. Je n’examine pas ici, mon Père, ce point de fait ; savoir, si Jansénius est en effet conforme à Calvin. Il me suffit que vous le prétendiez

Sur l’accusation de calvinisme portée contre Jansénius, voir Provinciale XVII, 9.
Ce passage, selon l’édition Cognet, ne répond littéralement à aucun passage du texte du P. Annat, où les thomistes ne sont mentionnés qu’une fois en passant.

XVIII, 4. Et que vous nous fassiez savoir aujourd’hui que, par le sens de Jansénius, vous n’avez entendu autre chose que celui de Calvin. N’était-ce donc que cela, mon Père, que vous vouliez dire ? N’était-ce que l’erreur de Calvin que vous vouliez faire condamner sous le nom du sens de Jansénius ? Que ne le déclariez-vous plus tôt ? Vous vous fussiez bien épargné de la peine ; car, sans Bulles ni Brefs, tout le monde eût condamné cette erreur avec vous. Que cet éclaircissement était nécessaire, et qu’il lève de difficultés ! Nous ne savions, mon Père, quelle erreur les Papes et les évêques avaient voulu condamner sous le nom du sens de Jansénius. Toute l’Église en était dans une peine extrême, et personne ne nous le voulait expliquer.

Noter l’ironie du passage.

XVIII, 4. Vous le faites maintenant mon Père, vous que tout votre parti considère comme le chef et le premier moteur de tous ses conseils, et qui savez le secret de toute cette conduite.

Le P. Annat est présenté comme le premier des jésuites, comme le pape est présenté comme premier dans l’Église dans le fragment Pensées diverses I, 20 (Laf. 569, Sel. 473). « Le pape est premier. Quel autre est connu de tous, quel autre est reconnu de tous, ayant pouvoir d’insinuer dans tout le corps parce qu’il tient la maîtresse branche qui s’insinue partout. Qu’il était aisé de faire dégénérer cela en tyrannie. C’est pourquoi Jésus-Christ leur a posé ce précepte : Vos autem non sic. »

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 206-207.

XVIII, 4. Vous nous l’avez donc dit, que ce sens de Jansénius n’est autre chose que le sens de Calvin condamné par le Concile. Voilà bien des doutes résolus. Nous savons maintenant que l’erreur qu’ils ont eu dessein de condamner sous ces termes du sens de Jansénius n’est autre chose que le sens de Calvin, et qu’ainsi nous demeurons dans l’obéissance à leurs décrets en condamnant avec eux ce sens de Calvin qu’ils ont voulu condamner. Nous ne sommes plus étonnés de voir que les Papes et quelques évêques aient été si zélés contre le sens de Jansénius. Comment ne l’auraient-ils pas été, mon Père, ayant créance en ceux qui disent publiquement que ce sens est le même que celui de Calvin ?

Pascal a réservé plus haut la question de la conformité de Jansénius avec Calvin. De ce fait, il peut maintenir ici la différence, en disant que c’est le seul Calvin qui est en cause.

XVIII, 5. Je vous déclare donc, mon père, que vous n’avez plus rien à reprendre en vos adversaires, parce qu’ils détestent assurément ce que vous détestez. Je suis seulement étonné de voir que vous l’ignoriez, et que vous ayez si peu de connaissance de leurs sentiments sur ce sujet, qu’ils ont tant de fois déclarés dans leurs ouvrages. Je m’assure que, si vous en étiez mieux informé, vous auriez du regret de ne vous être pas instruit avec un esprit de paix d’une doctrine si pure et si chrétienne, que la passion vous fait combattre sans la connaître.

Reprendre : reprocher.

Tout ce passage est une synthèse de la Lettre sur la possibilité des commandements, où les idées sont exposées sans leur appareil démonstratif.

L. Cognet renvoie à un dialogue que Nicole-Wendrock a inséré après la XVIIIe Provinciale dans son édition annotée.

XVIII, 5. Vous verriez, mon Père, que non seulement ils tiennent qu’on résiste effectivement à ces grâces faibles, qu’on appelle excitantes ou inefficaces, en n’exécutant pas le bien qu’elles nous inspirent

Dans le style des augustiniens, on appelle ces grâces faibles les petites grâces. Voir LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, I, Les vérités de la grâce, p. 408. Autres noms : grâce excitante, grâce prévenante, grâce initiale, grâce dispositive.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 341 sq.

LALANE Noël, Défense de la constitution, p. 5.

XVIII, 5. Mais qu’ils sont encore aussi fermes à soutenir contre Calvin le pouvoir que la volonté a de résister même à la grâce efficace et victorieuse qu’à défendre contre Molina le pouvoir de cette grâce sur la volonté, aussi jaloux de l’une de ces vérités que de l’autre.

XVIII, 5. Ils ne savent que trop que l’homme, par sa propre nature, a toujours le pouvoir de pécher et de résister à la grâce,

Voir les Écrits sur la grâce, qui tournent sur ce sujet.

Pascal écrit contre ANNAT François, Réponse à la XVIIe lettre, in Réponses, p. 510, sur le fait que la grâce laisse à la volonté le pouvoir de résister.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, I, Les vérités de la grâce, p. 402 sq.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, II, p. 67 sq. Pascal affirme le pouvoir de résister à la grâce.

Les Provinciales, éd. Cognet, p. 358, propose une comparaison avec les formules, plus tranchantes, de Barcos dans son Exposition de la foi catholique touchant la grâce et la prédestination, Mons, 1696, p. 166. “Le libre arbitre fait le bien parce qu’il le veut faire, et lors même qu’il le veut faire, il a le pouvoir de ne pas le vouloir, car, quoique la grâce qui nous est donnée nous ôte la volonté de résister, elle ne nous ôte pas néanmoins le pouvoir… Si par le mot de résister on entend arrêter l’effet de la grâce, il est certain qu’on n’y résiste jamais.”

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, II, p. 480. Dialogue sur la XVIIIe lettre et le pouvoir de résister à la grâce.

XVIII, 5. et que, depuis sa corruption, il porte un fonds malheureux de concupiscence, qui lui augmente infiniment ce pouvoir

Sur la concupiscence, voir Provinciale IV.

XVIII, 5. Mais que néanmoins, quand il plaît à Dieu de le toucher par sa miséricorde, il lui fait faire ce qu’il veut et en la manière qu’il le veut, sans que cette infaillibilité de l’opération de Dieu détruise en aucune sorte la liberté naturelle de l’homme

Pascal ne recule pas devant l’énoncé paradoxal de la doctrine de la grâce efficace, et n’atténue pas la contradiction apparente.

Voir une défense de ce passage in ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Défense des Professeurs ... de Bordeaux, p. 7 sq. Montalte défend l’idée que la volonté agit sans nécessité; les jésuites lui imputent de soutenir la thèse contraire.

Voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XXII sq. L’affaire commence en septembre 1659, au passage du roi à Bordeaux ; les jésuites tentent de faire condamner la traduction de Wendrock : p. XXIII. Ils publient les Raisons pour la condamnation des Lettres Provinciales. Voir des références bibliographiques, p. XXIII. Rapport fait en 1660 et déroulement de l’affaire : p. XXIV. Après la déclaration de la faculté, les jésuites taxent les professeurs de jansénisme. On les défend dans la Défense des professeurs en théologie..., p. XXV, en date du 14 juillet 1660. La Seconde défense est du 5 août 1660.

Chapitre III, Œuvres, XXI, p. 111 sq. “Je ne trouve plus, mes Pères, d’autre dogme exprimé particulièrement dans votre écrit, que celui dont vous accusez l’auteur des Lettres, page 18, en ces termes: Il soutient que la volonté mue par la grâce agit par nécessité, qui est le troisième proposition des condamnées. Et pour le prouver, vous citez ce passage de la Lettre 18: Potest ille quidem Deum cum voluerit relinquere; verum id qui vellet, cum voluntatem, ut ait Augustinus, secundum id quod magis delectet operari necesse sit? Nihil autem voluntatem, quam gratia efficax movet, aeque delectat, quam summum illud bonum, etc.” Mais “l’auteur de la Lettre que vous citez dans toute cette page, n’a point d’autre dessein que de prouver directement le contraire de ce que vous lui attribuez; savoir, que la volonté agit sans nécessité. Il le dit, mes Pères, en termes formels, immédiatement après mes paroles que vous citez. Dieu dispose, dit-il, de la volonté de l’homme, sans lui imposer de nécessité. Il le dit clairement dans toute la page qui précède, où il n’a point d’autre but que de prouver le pouvoir que la volonté a de résister à la grâce la plus efficace. Ils sont, dit-il, aussi fermes à soutenir, contre Calvin, le pouvoir que la volonté a de résister à la grâce efficace et victorieuse, qu’à soutneir, contre Molina, le pouvoir de cette grâce sur la volonté.

Mais parce que, selon la doctrine de tous les défenseurs de la grâce efficace, encore que la volonté, mue par cette grâce victorieuse, puisse toujours résister, elle n’y résiste jamais effectivement, il exprime cette vérité den ces paroles: Ce n’est pas que l’homme ne puisse toujours s’en éloigner, et qu’il ne s’en éloignât effectivement s’il le voulait; mais comment le voudrait-il, puisque la volonté ne se porte jamais qu’à ce qui lui plaît le plus, et que rien ne lui plaît tant alors que ce bien unique, qui comprend tous les autres biens? A quoi il ajoute ce passage de saint Augustin en italique, qui a servi de fondement à cette impudente calomnie: Quod enim nos amplius delectat, secundum id operemur necesse est.

Ainsi, mes Pères, quoiqu’un auteur soutienne que Dieu n’impose point de nécessité à la volonté de l’homme, quoiqu’il reconnaisse le pouvoiur que la volonté a de résister à la grâce, il vous suffit, pour l’accuser d’enseigner que la volonté agit par nécessité, d’avoir cité un passage de saint Augustin, où ce saint emploie le terme de necesse est. C’est donc saint Augustin qui a enseigné cette erreur, et non l’auteur des Lettres, puisque ces paroles sont de saint Augustin, et non pas de lui”.
Nécessité de la grâce : voir Provinciale II, 4.

XVIII, 5. Par les secrètes et admirables manières dont Dieu opère ce changement, que saint Augustin a si excellemment expliquées, et qui dissipent toutes les contradictions imaginaires que les ennemis de la grâce efficace se figurent entre le pouvoir souverain de la grâce sur le libre arbitre et la puissance qu’a le libre arbitre de résister à la grâce

Les contradictions imaginaires : dans la Lettre sur la possibilité des commandements, Pascal parle de contradictions apparentes chez saint Augustin ; mais ici, imaginaires enferme une idée de plus : ces contradictions sont suscitées par l’imagination de ses ennemis.

XVIII, 5. Car, selon ce grand saint, que les Papes de l’Église ont donné pour règle en cette matière, Dieu change le cœur de l’homme par une douceur céleste qu’il y répand, qui, surmontant la délectation de la chair, fait que l’homme sentant d’un côté sa mortalité et son néant, et découvrant de l’autre la grandeur et l’éternité de Dieu, conçoit du dégoût pour les délices du péché, qui le séparent du bien incorruptible. Trouvant sa plus grande joie dans le Dieu qui le charme, il s’y porte infailliblement de lui-même, par un mouvement tout libre, tout volontaire, tout amoureux ; de sorte que ce lui serait une peine et un supplice de s’en séparer. Ce n’est pas qu’il ne puisse toujours s’en éloigner, et qu’il ne s’en éloignât effectivement, s’il le voulait. Mais comment le voudrait-il, puisque la volonté ne se porte jamais qu’à ce qu’il lui plaît le plus, et que rien ne lui plaît tant alors que ce bien unique, qui comprend en soi tous les autres biens ?

ARNAULD Antoine, Défense des professeurs de la faculté de théologie de Bordeaux (14 juillet 1660.), Chapitre III, p. 8. Quoique le volonté mue par la grâce puisse toujours résister, elle n’y résiste jamais effectivement. Voir plus haut.

Une douceur céleste qu’il y répand : on dit aussi une suavité.

L’homme sentant d’un côté sa mortalité et son néant, et découvrant de l’autre la grandeur et l’éternité de Dieu, conçoit du dégoût pour les délices du péché, qui le séparent du bien incorruptible : ces expressions sont très proches de celles par lesquelles Pascal décrit l’état de l’âme dans l’Écrit sur la conversion du pécheur, OC IV, éd. J. Mesnard, p. 40 sq.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 338 sq.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, p. 76 sq.

Les Provinciales, éd. Cognet, p. 358, propose une comparaison avec les formules, plus tranchantes, de Barcos dans son Exposition de la foi catholique touchant la grâce et la prédestination, Mons, 1696, p. 166. « Le libre arbitre fait le bien parce qu’il le veut faire, et lors même qu’il le veut faire, il a le pouvoir de ne pas le vouloir, car, quoique la grâce qui nous est donnée nous ôte la volonté de résister, elle ne nous ôte pas néanmoins le pouvoir… Si par le mot de résister on entend arrêter l’effet de la grâce, il est certain qu’on n’y résiste jamais. »

Mais comment le voudrait-il, puisque la volonté ne se porte jamais qu’à ce qu’il lui plaît le plus, et que rien ne lui plaît tant alors que ce bien unique, qui comprend en soi tous les autres biens : voir la manière dont Pascal s’explique sur ce point dans la Lettre sur la possibilité des commandements, Mouvement final, 6, Rédaction inégalement élaborée, OC III, p. 693-707, § 36. « Car qu’y a-t-il de plus clair que cette proposition, que l’on fait toujours ce qui délecte le plus? Puisque ce n’est autre chose que de dire que l’on fait toujours ce qui plaît le mieux, c’est-à-dire que l’on veut toujours ce qui plaît, c’est-à-dire qu’on veut toujours ce que l’on veut, et que dans l’état où est aujourd’hui notre âme réduite, il est inconcevable qu’elle veuille autre chose que ce qu’il lui plaît vouloir, c’est-à-dire ce qui la délecte le plus. Et qu’on ne prétende pas subtiliser en disant que la volonté, pour marquer sa puissance, choisira quelquefois ce qui lui plaît le moins; car alors il lui plaira davantage de marquer sa puissance que de vouloir le bien qu’elle quitte, de sorte que, quand elle s’efforce de fuir ce qu’il lui plaît, ce n’est que pour faire ce qu’il lui plaît, étant impossible qu’elle veuille autre chose que ce qu’il lui plaît de vouloir. »

XVIII, 5. Quod enim amplius nos delectat, secundum id operemur necesse est, comme dit saint Augustin.

Voir Expositio epistol. ad Galatas, 5, n. 49; voir SELLIER, Pascal et saint Augustin, p. 331.

On trouve aussi la citation dans l’Augustinus, t. III, l. IV, Louvain, 1640, col. 412. Voir la notice de OC III, p. 599, sur l’action de la grâce sur la volonté.

ARNAULD Antoine, Défense des professeurs de la faculté de théologie de Bordeaux (14 juillet 1660.), Chapitre III, p. 8, Œuvres, XXI, p.

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Défense des professeurs en théologie de l’Université de Bordeaux contre un écrit intitulé: Lettre d’un théologien à un officier du Parlement touchant la question si le livre intitulé Ludovici Montaltii literae etc., est hérétique, 14 juillet 1660, p. 8 ; Œuvres, XXI, Chapitre III, p. 111. Imposture des jésuites sur le fait que l’auteur des Provinciales tient la troisième proposition condamnée. Or l’auteur de la Provinciale XVIII veut prouver que la volonté agit sans nécessité : p. 112. La volonté peut résister, mais elle ne résiste jamais effectivement, car quod amplius nos delectat, secundum id operemur necesse est. Le necesse est est dans saint Augustin. « Le mot de necesse est n’est pas toujours un mot odieux dans le langage de l’Église : celui même de nécessité, qui paraît plus rude, est équivoque : et comme il a un mauvais sens, qui est celui que rejette Montalte dans tout ce lieu, il en a aussi un bon, qui est celui qui est soutenu par saint Thomas, dans ce passage de la I. 2. q. 112. ar. 3. Si ex intentione Dei moventis est ut homo consequatur gratiam, infallibiliter eam consequetur, et necessario necessitate infallibilitatis, non autem ex necessitate absoluta. S. Augustin a donc pu dire qu’il est nécessaire que la volonté suive ce qui lui est le plus agréable, parce qu’elle ne manque jamais de le faire ; mais il ne s’ensuit pas de là qu’elle agisse par nécessité ; parce qu’elle suit de telle sorte la grâce même efficace, qu’elle pourrait ne la pas suivre, et qu’elle conserve, en la suivant, un véritable pouvoir de ne pas consentir à cette grâce, et de faire même le contraire de ce à quoi elle nous pousse » : p. 112-113.

ARNAULD Antoine, Seconde apologie de M. Jansénius, Livre III, XV, Œuvres, XVII, p. 307. Explication du principe on ne fait rien que par quelque amour.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, p. 76 sq.

THIROUIN Laurent et KRUMENACKER Yves, Les écoles de pensée religieuse à l’époque moderne, Chrétiens et Sociétés, N°5, Université Lyon II, 2006, p. 25-64. Voir p. 39 sq. Fénelon voit dans le jansénisme un travestissement de l’épicurisme. L’anthropologie augustinienne est, malgré les apparences, une pensée du plaisir, centrée sur l’idée de délectation victorieuse, delectatio victrix. La référence fondamentale est la formule de saint Augustin dans son Expositio Epistulae ad Galatas, V, 49 : « Quod enim amplius nos delectat, secundum id operemus necesse est », « Il est nécessaire que nous agissions conformément à ce qui nous charme le plus » : p. 40. Principe : toute action volontaire de l’homme, quelles que soient les formes qu’elle prenne, est la résultante d’un plaisir. On ne peut se déterminer qu’en fonction d’un bien convoité. Augustin intègre dans sa conception de l’homme la puissance du plaisir, non pas l’équivalence d tous les plaisirs, mais leur indissociable parenté : p. 44. Les griefs de Fénelon contre le jansénisme sont caricaturaux, mais l’augustinisme peut apparaître comme une pensée du plaisir, un eudémonisme : p. 46. Ce qui caractérise la délectation, c’est son caractère donné ; on ne peut se la procurer soi-même : elle installe naturellement dans la dépendance de Dieu. Voir Pascal : nul ne peut faire en sorte d’être délecté par ceci plutôt que cela ; la délectation s’empare d’un sujet sans qu’il y puisse rien : p. 46.

Voir dans les Ecrits sur la grâce, Lettre sur la possibilité des commandements, L6, § 37, OC III, éd. J. Mesnard, p. 704. « Car qu’y a-t-il de plus clair que cette proposition, que l’on fait toujours ce qui délecte le plus? Puisque ce n’est autre chose que de dire que l’on fait toujours ce qui plaît le mieux, c’est-à-dire que l’on veut toujours ce qui plaît, c’est-à-dire qu’on veut toujours ce que l’on veut, et que dans l’état où est aujourd’hui notre âme réduite, il est inconcevable qu’elle veuille autre chose que ce qu’il lui plaît vouloir, c’est-à-dire ce qui la délecte le plus. Et qu’on ne prétende pas subtiliser en disant que la volonté, pour marquer sa puissance, choisira quelquefois ce qui lui plaît le moins; car alors il lui plaira davantage de marquer sa puissance que de vouloir le bien qu’elle quitte, de sorte que, quand elle s’efforce de fuir ce qu’il lui plaît, ce n’est que pour faire ce qu’il lui plaît, étant impossible qu’elle veuille autre chose que ce qu’il lui plaît de vouloir.

37. Et c’est ce qui a fait établir à saint Augustin cette maxime, pour fondement de la manière dont la volonté agit : Quod amplius delectat, secundum id operemur necesse est. C’est une nécessité que nous opérions selon ce qui nous délecte davantage. Et c’est de là que naissent tous ces discours. »

PÉCHARMAN-PETIT Martine (dir.), Les « trois ordres » de Pascal, Revue de Métaphysique et de Morale, n°1, mars 1997, Presses Universitaires de France, Paris, 1997, p. 67-84. Voir p. 26. L’âme n’aime qu’en introduisant des préférences entre toutes les choses non substantielles, l’amour du monde plutôt que de Dieu est nécessairement amour d’une chose dans le monde plutôt que des autres : p. 26. S’il y a du préférable, en l’absence même de toute subsistance par soi des choses dans le monde, c’est selon Pascal parce que la volonté ne se porte vers un objet qu’en se prenant elle-même pour fin de cet objet : p. 26. L’ordre se réalise par la relation ad finem, par le rapport répété à une fin dont la récurrence permet de sauver ce qui serait autrement une dispersion de la volonté sur n-d’innombrables objets particuliers : p. 27. Un ordre de choses se forme de ce que, de toutes les fins possibles pour l’homme sans Dieu, un objet est pour une âme le plus aimable de tous : p. 28.

Principe : on ne fait rien que par quelque amour

OC III, p. 599. Théorie de la délectation. On ne fait rien que par quelque amour.

ARNAULD, Seconde apologie de M. Jansénius, Livre III, XV, Œuvres, XVII, p. 307. Explication du principe on ne fait rien que par quelque amour.

GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Conversion et apologétique, p. 76-77.

Nécessité

Voir Traité de la prédestination, III, La grâce impose-t-elle une nécessité?

ARNAULD Antoine, Défense des professeurs de la faculté de théologie de Bordeaux (14 juillet 1660.), Chapitre III, p. 8. Deux sens du mot nécessité, lorsqu’il est question de la grâce.

Saint THOMAS, Somme théologique, I. 2. q. 112. ar. 3. Distinction de la necessitas infallibilis et de la necessitas absoluta.

XVIII, 6. C’est ainsi que Dieu dispose de la volonté libre de l’homme sans lui imposer de nécessité ; et que le libre arbitre, qui peut toujours résister à la grâce, mais qui ne le veut pas toujours, se porte aussi librement qu’infailliblement à Dieu, lorsqu’il veut l’attirer par la douceur de ses inspirations efficaces.

Passage mis en question dans ARNAULD Antoine, Défense des professeurs de la faculté de théologie de Bordeaux (14 juillet 1660.), Chapitre III, p. 7-8. Défens de Pascal sur le point de l’absence de nécessité.

La liberté humaine

Voir Traité de la prédestination III, OC III, éd. J. Mesnard, p. 792 sq., très clair sur la nature de la liberté humaine après a péché.

Saint AUGUSTIN, Œuvres, t. 23, PÉCHARMAN-PETIT Martine (dir.), Les « trois ordres » de Pascal, Revue de Métaphysique et de Morale, n°1, mars 1997, Presses Universitaires de France, Paris, 1997, p. 67-84. p. 753 sq. Note sur La vraie liberté selon saint Augustin. “Libertas quidem periit per peccatum, sed illa quae in paradiso fuit, habendi plenam cum immortalitate justitiam”. Mais cette liberté perdue, le libre arbitre subsiste : p. 754. La liberté divine : p. 755. La vraie liberté d’Adam au paradis et des élus au ciel : p. 756. Voir De civitate Dei, XIV. Adam pouvait, à l’image de Dieu, éviter à volonté tout mal, soit moral, soit physique, la souffrance et la mort : p. 756.

Saint AUGUSTIN, De natura et gratia, LVII, Œuvres, t. 21, Bibliothèque augustinienne, p. 375 sq. La libération par l’Esprit saint. Voir p. 612 sq., la note Volonté et nécessité, nature et libre arbitre; et la note Nature intacte et nature malade, p. 613 sq.

Saint AUGUSTIN, La Cité de Dieu, I, Livre V, Bibliothèque augustinienne, p. 683 sq.

ORCIBAL Jean, La spiritualité de Saint-Cyran, p. 86 sq. Voir p. 235, sur les trois sortes de liberté : avant le péché; après le péché, dans les pécheurs; après le péché, dans les justes. La liberté des enfants d’Adam après la chute : ce n’est plus la liberté de faire le bien ou le mal, mais seulement de faire un mal ou un autre ; on peut au mieux éviter un péché pour tomber dans un autre. La liberté des enfants de Dieu : ils ont toujours le pouvoir de faire le mal, mais ils font toujours le bien pour peu que Dieu les y pousse.

PLAINEMAISON Jacques, « Qu’est-ce que le jansénisme? », Revue historique, CCLXIII-1, 1984, p. 124-125. Anéantissement en l’homme : tout est grâce. Peut-on parler de la liberté humaine? Pour saint Augustin, si la grâce fait tout, le libre arbitre fait tout aussi : Dieu n’agit pas en nous de l’extérieur, mais de l’intérieur, comme intimior intimo meo : comme la liberté consiste à faire ce qu’on veut grâce et liberté ne sont pas antinomiques, c’est quand il y a le plus de grâce qu’il y a le plus de liberté, et le moins de grâce qu’il y a le moins de liberté : p. 125.

DE LUBAC Henri, Augustinisme et théologie moderne, p. 57. Jeu de mots des jansénistes sur le mot libre, appelant libre tout ce qui peut être dit volontaire à un titre quelconque : corruption de la notion de liberté.

BOUCHILLOUX Hélène, « L’usage figuratif du protestantisme dans le discours pascalien », Port-Royal et les protestants, Chroniques de Port-Royal, n° 47, p. 99-114. Voir p. 109 sur la conception théologique de Pascal sur le libre arbitre et la grâce.

GUITTON Jean, Pascal et Leibniz. Étude sur deux types de penseurs, Aubier, Paris, 1951.

Liberté de moyen et liberté de fin

LALANE Noël, De la grâce victorieuse, p. 38-39 (3e pagination).

Libertas a necessitate, libertas a coactione

DTC, Article “Molinisme”, col. 2103. Libertas a necessitate : pouvoir agir quand toutes les conditions de l’action sont données.
Proposition de Jansénius; voir Provinciales, éd. Cognet, p. XIII, troisième proposition : “pour mériter et démériter, dans l’état de nature déchue, il n’est pas nécessaire qu’il y ait dans l’homme une liberté qui soit exempte de nécessité; c’est assez qu’il y ait une liberté qui soit exempte de contrainte”.
Pour mériter et démériter, dans l’état de nature déchue : entendre qu’on peut pécher ou au contraire ne pas pécher ; autrement dit, on n’est pas dans une situation où on est excusable.

NICOLE Pierre, Fratris Joannis Nicolai doctoris theologi parisiensis, et apud praedicatores primarii Regentis molinisticae theses, thomisticis notis expunctae, 4 avril 1656, 28 p. in-4° (BN : D 8958), p. 10-11, § XIII. Nicole distingue trois nécessités, coactionis, naturae, infallibilitatis : “priores duas gratiae nemo tribuit; tertiam omnes thomistae tribuunt”, comme le montre un passage d’Alvarez.

Voir NICOLE Pierre, Disquisitio I, in WENDROCK, Literae provinciales, p. 518.

BOURZEIS Amable, Propositiones de Gratia in Sorbonae Facultate propediem examinandae (auctore A.de Bourzeis), slnd (1649), p. 1. Pascal connaît les écrits de Bourzeis et s’est inspiré de certains d’entre eux.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, I, Les vérités de la grâce, p. 78 et n. 32.

Saint AUGUSTIN, De gratia et libero arbitrio, t. 24, Bibliothèque augustinienne, p. 782. L’erreur des jansénistes consiste à croire que la liberté au sens de libre choix (libertas a necessitate) ne subsiste plus sans la grâce du Christ, et qu’il ne nous reste que la liberté au sens d’absence de coaction (libertas a coactione), celle-ci suffisant à expliquer le mérite et le démérite.

Voir NICOLE, Disquisitio I, in WENDROCK, Literae provinciales, p. 518.

Doctrine de la liberté des molinistes

Dictionnaire de Théologie catholique, article Molinisme, col. 2096. Dix-septième règle d’orthodoxie de Loyola : « n’insistons pas tellement sur l’efficacité de la grâce, que nous fassions naître dans les esprits le poison de l’erreur qui nie la liberté ». Pour la théorie de Molina, voir col. 2103 sq.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, I, Les vérités de la grâce, p. 76. Idée moliniste de la liberté d’indifférence.

NICOLE Pierre, Disquisition I, p. 518. Indifferentiam illam molinianam, qua voluntas ita potest bonum et malum agere, ut ad utrumlibet actu et effective pro libito sese déterminet.

LALANE, De la grâce victorieuse, p. 32 (3e pagination). Ce qu’ils ont de commun avec les calvinistes.

Doctrine de la liberté chez les dominicains

Dictionnaire de Théologie catholique, article Molinisme, col. 2097. Victoria enseigne que la liberté consiste à pouvoir ne pas agir, quand on agit, et à pouvoir agir, quand on n’agit pas. L’homme coopère avec Dieu dans sa génération spirituelle, parce qu’il réalise en lui-même les dispositions qui ke préparent à recevoir la grâce sanctifiante. Voir col. 2098 : retour à un thomisme rigoureux avec Bañez : rien n’arrive sans que Dieu n’en soit cause.

XVIII, 7. Ce sont là, mon Père, les divins principes de saint Augustin et de saint Thomas, selon lesquels il est véritable que nous pouvons résister à la grâce, contre l’opinion de Calvin ; et que néanmoins, comme dit le pape Clément VIII, dans son écrit adressé à la Congrégation De auxiliis : Dieu forme en nous le mouvement de notre volonté, et dispose efficacement de notre cœur, par l’empire que sa majété suprême a sur les volontés des hommes, aussi bien que sur le reste des créatures qui sont sous le ciel, selon saint Augustin.

Le pape Clément VIII

LEVILLAIN Philippe (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, Paris, Fayard, 1994, p. 380 sq. Ippolito Aldobrandini, né le 24 février 1536, mort à Rome en 1605.
L’écrit du pape Clément VIII : voir Les Provinciales, éd. Cognet, p. 360, n. 1. Écrit daté du 9 juillet 1603 (BJB 1564). Il ne fut discuté qu’après la mort de son auteur, le 20 septembre 1605, et reconnu comme contenant la doctrine formelle de saint Augustin. Il a été publié pour la première fois par Arnauld à la suite de sa Seconde apologie pour M. Jansénius de 1645, Œuvres, XVII, p. 639 sq. Lalane le republia en 1662 (BJB 3138); il indique qu’Arnauld en possédait un exemplaire signé.

XVIII, 7. Dieu forme en nous le mouvement de notre volonté, et dispose efficacement de notre cœur, par l’empire que sa majété suprême a sur les volontés des hommes, aussi bien que sur le reste des créatures qui sont sous le ciel, selon saint Augustin.

Selon Les Provinciales, éd. Cognet, p. 360, n. 1, le texte de Pascal n’est pas une citation, mais un résumé des § 5-6, p. 649 et 653.

XVIII, 8. C’est encore selon ces principes que nous agissons de nous-mêmes ; ce qui fait que nous avons des mérites qui sont véritablement nôtres, contre l’erreur de Calvin, et que néanmoins, Dieu étant le premier principe de nos actions et faisant en nous ce qui lui est agréable, comme dit saint Paul, nos mérites sont des dons de Dieu, comme dit le Concile de Trente.

C’est le thème du Traité de la prédestination. Voir Traité de la prédestination, 2, Début du Traité : rédaction élaborée, OC III, éd. J. Mesnard, p. 781-791, qui explique comment l’entend Pascal :

« 1. Il est constant qu’il y a plusieurs des hommes damnés et plusieurs sauvés. Il est constant encore que ceux qui sont sauvés ont voulu l’être et que Dieu aussi l’a voulu; car si Dieu ne l’eût pas voulu, ils ne l’eussent pas été, et s’ils ne l’eussent pas aussi voulu eux-mêmes, ils ne l’eussent pas été. Celui qui nous a faits sans nous ne peut pas nous sauver sans nous.

2. Il est aussi véritable que ceux qui sont damnés ont bien voulu faire les péchés qui ont mérité leur damnation, et que Dieu aussi a bien voulu les condamner.

3. Il est donc évident que la volonté de Dieu et celle de l’homme concourent au salut et à la damnation de ceux qui sont sauvés ou damnés.

4. Et il n’y a point de question en toutes ces choses.

5. Si donc on demande pourquoi les hommes sont sauvés ou damnés, on peut en un sens dire que c’est parce que Dieu le veut et en un sens dire que c’est parce que les hommes le veulent.

6. Mais il est question de savoir laquelle de ces deux volontés, savoir de la volonté de Dieu ou de la volonté de l’homme, est la maîtresse, la dominante, la source, le principe et la cause de l’autre.

7. Il est question de savoir si la volonté de l’homme est la cause de la volonté de Dieu, ou la volonté de Dieu la cause de la volonté de l’homme.

8. Et celle qui sera dominante et maîtresse de l’autre sera considérée comme unique en quelque sorte : non pas qu’elle le soit, mais parce qu’elle enferme le concours de la volonté suivante. Et l’action sera rapportée à cette volonté première et non à l’autre. Ce n’est pas qu’elle ne puisse être aussi en un sens rapportée à la volonté suivante : mais elle l’est proprement à la volonté maîtresse, comme à son principe. Car la volonté suivante est telle qu’on peut dire en un sens que l’action provient d’elle, puisqu’elle y concourt, et en un sens qu’elle n’en provient pas, parce qu’elle n’en est pas l’origine; mais la volonté primitive est telle qu’on peut bien dire d’elle que l’action en provient, mais on ne peut en aucune sorte dire d’elle que l’action n’en provient pas.

9. C’est ainsi que saint Paul dit : Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi [Gal. II, 20]. Certainement le premier mot qu’il a dit : Je vis, n’est pas faux, car il était vivant, et non seulement de la vie corporelle (dont il ne s’agit pas en cet endroit) mais de la vie spirituelle, car il était en grâce, et il dit ailleurs lui-même en plusieurs endroits [Eph. II, 5] : Nous étions morts, et nous sommes vivifiés, etc. Mais encore qu’il soit très vrai qu’il fût vivant, il le désavoue incontinent, en disant : Je ne suis pas vivant, “Non ego vivo”. L’apôtre n’est point menteur; il est donc vrai qu’il est vivant, puisqu’il dit : Je suis vivant. Il est donc aussi véritable qu’il n’est pas vivant, puisqu’il dit : “Jam non ego”, je ne suis pas vivant. Et ces deux vérités subsistent ensemble, parce que sa vie, quoiqu’elle lui soit propre, ne vient pas originellement de lui. Il n’est vivant que par Jésus-Christ, la vie de Jésus-Christ est la source de sa vie.

10. Ainsi il est vrai en un sens qu’il est vivant, puisqu’il a la vie ; il est vrai aussi en un sens qu’il n’est pas vivant, puisqu’il ne l’est que de la vie d’un autre. Mais il est vrai que Jésus-Christ est vivant et on ne peut pas dire qu’il ne l’est pas.

11. C’est ainsi que Jésus-Christ dit lui-même (Jésus-Christ ne veut pas être principe, et vous le voulez être) : Ce n’est pas moi qui fais les œuvres, mais le Père qui est en moi, et néanmoins il dit ailleurs : Les œuvres que j’ai faites [Jean, XIV, 10, 12]. Jésus-Christ n’est point menteur, et son humilité n’a point fait tort à sa vérité. On peut donc dire, puisqu’il l’a dit, qu’il a fait des œuvres et qu’il ne les a pas faites; mais il est constant que la divinité les a faites en lui, et on ne peut pas dire qu’elle ne les a point faites.

12. Ainsi le Prophète dit : O Seigneur, vous avez fait en nous toutes nos œuvres [Is. XXVI, 12]. Donc ces œuvres sont de Dieu, puisqu’il les a faites, et ces œuvres sont de nous, puisqu’elles sont nôtres.

13. Ainsi saint Paul dit : J’ai travaillé, non pas moi, mais la grâce de Jésus-Christ qui est avec moi [I Cor. XV, 10]. Comment est-ce qu’il a travaillé, et qu’il n’a pas travaillé, mais que c’est la grâce qui était avec lui qui a travaillé, sinon parce que son travail peut être dit sien, puisque sa volonté y a concouru; et peut n’être pas dit sien, puisque sa volonté n’a pas été la source de ses propres désirs? mais la grâce de Dieu a été celle dont on peut dire qu’elle a travaillé, car elle a préparé sa volonté, car elle a opéré en lui le vouloir et l’action, et l’on ne peut pas dire d’elle qu’elle n’a pas travaillé, puisqu’elle a été l’origine et la source de son travail.

14. C’est ainsi qu’il dit ailleurs [Rom. VII, 20] : Non ego, sed quod inhabitat in me peccatum, en parlant des mouvements indélibérés de sa volonté.

15. Il y a un nombre d’exemples dans les Écritures de ces manières de discours qui nous font voir que, quand deux volontés concourent à un effet, si l’une est dominante, maîtresse, et cause infaillible de l’autre, l’action peut être attribuée et ôtée à la volonté suivante et peut être attribuée à la dominante, mais ne peut pas ne lui pas être attribuée. »

Faisant en nous ce qui lui est agréable, comme dit saint Paul

Epître aux Hébreux, 13, 21.

Nos mérites sont des dons de Dieu, comme dit le Concile de Trente.

Session 6, ch. XVI, De fructu justificationis, hoc est, de merito bonorum operum, deque ipsius meriti ratione, Voir Conciliorum œcumenicorum decreta, p. 677 ; Denzinger 810 : “… ut eorum velit esse merita, quae sunt ipsius, dona”. Référence marginale à Coelestinus I, Ep. Ad episcopos Galliae, c. 12.
Voir GEF VII, p. 22.

XVIII, 9. C’est par là qu’est détruite cette impiété de Luther, condamnée par le même Concile, que nous ne coopérons en aucune sorte à notre salut, non plus que des choses inanimées

Session 6, canon 4. Voir Conciliorum œcumenicorum decreta, p. Denzinger 814. “Si quis dixerit, liberum hominis arbitrium a deo motum et excitatum nihil cooperari assentiendo Deo excitanti atque vocanti, quo ad obtinendam justificationis gratiam se disponat ac praeparet, neque posse dissentire, si velit, sed velut inenime quoddam nihil omnino agere mereque passive se habere, anathema sit.”

Le partie du Traité de la prédestination, Rédaction plus élaborée de la partie centrale, OC III, p.792 sq., dont la partie consacrée aux calvinistes porte précisément contre cette thèse protétante.

« 24. Calvin n’a aucune conformité avec saint Augustin, et en diffère en toutes choses depuis le commencement jusqu’à la fin.

25. Il prétend que Dieu, ayant créé Adam et tous les hommes en lui, n’a pas eu, en les créant, une volonté conditionnelle pour les sauver. Que la fin qu’il s’est proposée en créant la plus noble de ses créatures n’a pas été ambiguë, mais qu’il en a créé les uns dans la volonté absolue de les damner, les autres dans la volonté absolue de les sauver. Que Dieu l’a ainsi décrété pour sa gloire. Que partant ce décret est juste quoiqu’il ne nous paraisse pas comment, puisque tout ce qui lui donne de la gloire est juste, étant juste qu’il ait toute gloire.

26. Que néanmoins Dieu ne pouvant pas par sa justice les damner sans péché, il n’a pas permis, mais décrété et ordonné le péché d’Adam. Qu’Adam ayant péché nécessairement par le décret de Dieu, il a été digne de la mort éternelle. Qu’il a perdu son libre arbitre. Qu’il n’a plus eu aucune flexibilité au bien, même avec la grâce efficacissime.

27. Que le péché d’Adam s’est communiqué à toute sa pôtérité, non pas naturellement, comme le vice d’une semence au fruit qu’elle produit, mais par un décret de Dieu, par lequel tous les hommes naissent coupables du péché de leur premier père, sans libre arbitre, sans flexibilité aucune au bien, même avec la grâce efficace, et dignes de mort éternelle.

28. Que tous les hommes étant coupables, Dieu en a disposé comme maître. Qu’il n’a voulu sauver que ceux qu’il avait créés pour les sauver. Qu’il a voulu damner ceux qu’il avait créés pour les damner. Que pour cet effet Jésus-Christ s’est incarné pour mériter le salut de ceux qui avaient été choisis dans la masse encore innocente avant la prévision du péché.

29. Que Dieu donne à ceux-là, et à ceux-là seulement, la grâce de Jésus-Christ, laquelle ils ne perdent jamais depuis qu’ils l’ont reçue, qui porte leur volonté au bien (non pas qui fait que la volonté s’y porte, mais qui l’y porte malgré sa répugnance) comme une pierre, comme une scie, comme une matière morte en son action et sans capacité aucune de se mouvoir avec la grâce et d’y coopérer, parce que le libre arbitre est perdu et mort entièrement.

30. De sorte que la grâce opère seule; et quoiqu’elle demeure et opère jusqu’à la mort de bonnes œuvres, ce n’est point le libre arbitre qui les fait et qui s’y porte par son choix; au contraire, pendant que la grâce opère en lui ces bonnes œuvres, il mérite la mort éternelle. Que Jésus-Christ mérite seul, et que, n’y ayant aucun mérite des justes, les mérites de Jésus-Christ leur sont seulement imputés, appliqués et ainsi sauvés.

31. Ainsi ceux à qui cette grâce est une fois donnée, sont infailliblement sauvés, non par leurs bonnes œuvres ou bonne volonté, car ils n’en ont aucune, mais par les mérites de Jésus-Christ qui leur sont appliqués.
Et ceux à qui cette grâce n’est point donnée sont infailliblement damnés pour les péchés qu’ils commettent par l’ordre et décret de Dieu qui les y incline pour sa gloire.

32. De sorte que les hommes sont sauvés ou damnés, suivant qu’il a plu à Dieu de les choisir dans Adam au point de leur création, et qu’il a plu à Dieu de les incliner ou au bien ou au mal pour sa gloire.

Tous les hommes étant également innocents de leur part, lorsque Dieu les a discernés. »

XVIII, 9. Et c’est par là qu’est encore détruite l’impiété de l’école de Molina, qui ne veut pas reconnaître que c’est la force de la grâce même qui fait que nous coopérons avec elle dans l’œuvre de notre salut : par où il ruine ce principe de foi établi par saint Paul, que c’est Dieu qui forme en nous et la volonté et l’action.

10. Et c’est enfin par ce moyen que s’accordent tous ces passages de l’Ecriture, qui semblent les plus opposés : Convertissez-vous à Dieu : Seigneur, convertissez-nous à vous. Rejetez vos iniquités hors de vous : c’est Dieu qui ôte les iniquités de son peuple. Faites des œuvres dignes de pénitence : Seigneur, vous avez fait en nous toutes nos oeuvres. Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau : Je vous donnerai un esprit nouveau, et je créerai en vous un cœur nouveau, etc.

Convertissez-vous à Dieu : Osée, XIV, 2.
Seigneur, convertissez-nous à vous : Psaume 84, 5.
Rejetez vos iniquités hors de vous : Ezéchiel, 18, 31.
C’est Dieu qui ôte les iniquités de son peuple : Nombres, 14, 18; Exode, 34, 7.
Faites des œuvres dignes de pénitence : Matthieu, 3, 8.
Seigneur, vous avez fait en nous toutes nos œuvres : Isaïe, 26, 12.
Faites-vous un cœur nouveau et un esprit nouveau : Ezéchiel, 18, 31.
Je vous donnerai un esprit nouveau, et je créerai en vous un cœur nouveau : 36, 26.

Voir SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 340, n. 17. Ce passage semble provenir directement de la Bible, mais il s’inspire en fait du De gratia et libero arbitrio de saint Augustin, 15, n. 31, Œuvres, Bibliothèque augustinienne, t. 24, p. 158 sq. « Ne autem putetur, nihil ibi facere ipsos homines per liberum arbitrium, ideo in Psalmo dicitur : Nolite obdurare corda vestra. Et per ipsum Ezechielem : Projicite a vobis omnes impietates vestras, quas impie egistis in me, et facite vobis cor novum et spiritum novum, et facite omnia mandata mea. Utquid moriemini, domus Israel, dicit Dominus? Quia nolo mortem morientis, dicit Adonai Dominus, et convertimini et vivetis. Meminerimus eum dicere : et convertimini et vivetis cui dicitur : Converte nos, Deus. Meminerimus eum dicere : Projicite a vobis omnes impietates vestras : cum ipse jusitificet impium. Meminerimus ipsum dicere : Facite vobis cor novum et spiritum novum, qui dicit : dabo vobis cor novum, et spiritum novum dabo in vobis. » Pascal a enrichi le texte augustinien d’oppositions plus nettes ; voir t. 24, p. 159. Les textes sont cités de la liturgie du Carême; la Provinciale aurait donc été écrite en période quadragésimale (mars 1657). Voir là-dessus SELLIER Philippe, Pascal et la liturgie, p. 61 sq. Ces citations évoquent toutes le Carême : péché, conversion, pénitence, changement du cœur.

XVIII, 11. L’unique moyen d’accorder ces contrariétés apparentes qui attribuent nos bonnes actions tantôt à Dieu et tantôt à nous, est de reconnaître que, comme dit saint Augustin nos actions sont nôtres, à cause du libre arbitre qui les produit ; et qu’elles sont aussi de Dieu, à cause de sa grâce qui fait que notre [libre] arbitre les produit. Et que, comme il dit ailleurs, Dieu nous fait faire ce qu’il lui plaît, en nous faisant vouloir ce que nous pourrions ne vouloir pas : A Deo factum est ut vellent quod et nolle potuissent.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 340.

Le souci d’accorder des contrariétés apparentes est visible dans les Écrits sur la grâce. Voir la Lettre sur la possibilité des commandements, 4, § 5 et suivants, OC III, p. 679. Sur les expressions qui pourraient faire accuser saint Augustin de contradiction : Lettre, 4, §7, OC III, p. 679 sq. Mais saint Augustin ne se contredit pas vraiment : ibid., § 11 et suivants, p. 681 sq. Voir aussi le Traité de la prédestination.

Nos actions sont nôtres, à cause du libre arbitre qui les produit ; et qu’elles sont aussi de Dieu, à cause de sa grâce qui fait que notre [libre] arbitre les produit

La note de Cognet, p. 361, indique que cette phrase ne semble pas être à proprement parler une citation de saint Augustin; Nicole ne met pas d’italiques et retraduit le texte de Pascal. Cognet pense que ce dernier s’est sans doute inspiré d’un passage du De gratia et libero arbitrio, XVII, § 32 : “certum est nos facere cum facimus sed ille facit ut faciamus”.

Voir cependant SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 340, n. 18, qui corrige Cognet : c’est bien une citation augustinienne, tirée des Rétractations, I, 23, t. 21, p. 414-415. « Utrumque ergo nostrum est propter arbitrium voluntatis, et utrumque tamen datum estt per “Spiritum fidei” et caritatis. Neque enim sola caritas, sed sicut scriptum est, “Caritas cum fide a Deo Patre et Domino nostro Iesu Christo ». Et quod paulo post dixi : “Nostrum est enim credere et velle, illius autem dare credentibus et volentibus facultatem bene operandi per Spiritum sanctum, per quem caritas diffunditur in cordubus nostris”, verum est quidem, sed eadem regula et utrumque ipsius est, quia ipse praeparat voluntatem; et utrumque nostrum, quia non fit nisi volentibus nobis.”

Voir PASCAL, Traité de la prédestination, 2, Début du Traité, rédaction élaborée, OC III, p. 781-791 1. « Il est constant qu’il y a plusieurs des hommes damnés et plusieurs sauvés. Il est constant encore que ceux qui sont sauvés ont voulu l’être et que Dieu aussi l’a voulu; car si Dieu ne l’eût pas voulu, ils ne l’eussent pas été, et s’ils ne l’eussent pas aussi voulu eux-mêmes, ils ne l’eussent pas été. Celui qui nous a faits sans nous ne peut pas nous sauver sans nous. 2. Il est aussi véritable que ceux qui sont damnés ont bien voulu faire les péchés qui ont mérité leur damnation, et que Dieu aussi a bien voulu les condamner. 3. Il est donc évident que la volonté de Dieu et celle de l’homme concourent au salut et à la damnation de ceux qui sont sauvés ou damnés. 4. Et il n’y a point de question en toutes ces choses. 5. Si donc on demande pourquoi les hommes sont sauvés ou damnés, on peut en un sens dire que c’est parce que Dieu le veut et en un sens dire que c’est parce que les hommes le veulent. 6. Mais il est question de savoir laquelle de ces deux volontés, savoir de la volonté de Dieu ou de la volonté de l’homme, est la maîtresse, la dominante, la source, le principe et la cause de l’autre. 7. Il est question de savoir si la volonté de l’homme est la cause de la volonté de Dieu, ou la volonté de Dieu la cause de la volonté de l’homme. 8. Et celle qui sera dominante et maîtresse de l’autre sera considérée comme unique en quelque sorte : non pas qu’elle le soit, mais parce qu’elle enferme le concours de la volonté suivante. Et l’action sera rapportée à cette volonté première et non à l’autre. Ce n’est pas qu’elle ne puisse être aussi en un sens rapportée à la volonté suivante : mais elle l’est proprement à la volonté maîtresse, comme à son principe. Car la volonté suivante est telle qu’on peut dire en un sens que l’action provient d’elle, puisqu’elle y concourt, et en un sens qu’elle n’en provient pas, parce qu’elle n’en est pas l’origine; mais la volonté primitive est telle qu’on peut bien dire d’elle que l’action en provient, mais on ne peut en aucune sorte dire d’elle que l’action n’en provient pas. 9. C’est ainsi que saint Paul dit : Je vis, non pas moi, mais Jésus-Christ vit en moi [Gal. II, 20]. Certainement le premier mot qu’il a dit : Je vis, n’est pas faux, car il était vivant, et non seulement de la vie corporelle (dont il ne s’agit pas en cet endroit) mais de la vie spirituelle, car il était en grâce, et il dit ailleurs lui-même en plusieurs endroits [Eph. II, 5] : Nous étions morts, et nous sommes vivifiés, etc. Mais encore qu’il soit très vrai qu’il fût vivant, il le désavoue incontinent, en disant : Je ne suis pas vivant, “Non ego vivo”. L’apôtre n’est point menteur; il est donc vrai qu’il est vivant, puisqu’il dit : Je suis vivant. Il est donc aussi véritable qu’il n’est pas vivant, puisqu’il dit : “Jam non ego”, je ne suis pas vivant. Et ces deux vérités subsistent ensemble, parce que sa vie, quoiqu’elle lui soit propre, ne vient pas originellement de lui. Il n’est vivant que par Jésus-Christ, la vie de Jésus-Christ est la source de sa vie. 10. Ainsi il est vrai en un sens qu’il est vivant, puisqu’il a la vie; il est vrai aussi en un sens qu’il n’est pas vivant, puisqu’il ne l’est que de la vie d’un autre. Mais il est vrai que Jésus-Christ est vivant et on ne peut pas dire qu’il ne l’est pas. 11. C’est ainsi que Jésus-Christ dit lui-même (Jésus-Christ ne veut pas être principe, et vous le voulez être) : Ce n’est pas moi qui fais les œuvres, mais le Père qui est en moi, et néanmoins il dit ailleurs : Les œuvres que j’ai faites [Jean, XIV, 10, 12]. Jésus-Christ n’est point menteur, et son humilité n’a point fait tort à sa vérité. On peut donc dire, puisqu’il l’a dit, qu’il a fait des œuvres et qu’il ne les a pas faites; mais il est constant que la divinité les a faites en lui, et on ne peut pas dire qu’elle ne les a point faites. 12. Ainsi le Prophète dit : O Seigneur, vous avez fait en nous toutes nos œuvres [Is. XXVI, 12]. Donc ces œuvres sont de Dieu, puisqu’il les a faites, et ces œuvres sont de nous, puisqu’elles sont nôtres. 13. Ainsi saint Paul dit : J’ai travaillé, non pas moi, mais la grâce de Jésus-Christ qui est avec moi [I Cor. XV, 10]. Comment est-ce qu’il a travaillé, et qu’il n’a pas travaillé, mais que c’est la grâce qui était avec lui qui a travaillé, sinon parce que son travail peut être dit sien, puisque sa volonté y a concouru; et peut n’être pas dit sien, puisque sa volonté n’a pas été la source de ses propres désirs? mais la grâce de Dieu a été celle dont on peut dire qu’elle a travaillé, car elle a préparé sa volonté, car elle a opéré en lui le vouloir et l’action, et l’on ne peut pas dire d’elle qu’elle n’a pas travaillé, puisqu’elle a été l’origine et la source de son travail. 14. C’est ainsi qu’il dit ailleurs [Rom. VII, 20] : Non ego, sed quod inhabitat in me peccatum, en parlant des mouvements indélibérés de sa volonté. 15. Il y a un nombre d’exemples dans les Écritures de ces manières de discours qui nous font voir que, quand deux volontés concourent à un effet, si l’une est dominante, maîtresse, et cause infaillible de l’autre, l’action peut être attribuée et ôtée à la volonté suivante et peut être attribuée à la dominante, mais ne peut pas ne lui pas être attribuée. 16. Nous considérons donc la volonté dominante comme unique, quoiqu’elle ne le soit pas, parce qu’elle est l’unique à qui l’on puisse tout ensemble attribuer l’action et à qui on ne puisse la refuser. »

A Deo factum est ut vellent quod et nolle potuissent

Voir SELLIER, Pascal et saint Augustin, p. 340, n. 18. Renvoie à Opus imperf., II, 154. Pour que se réalisent les promesses divines à Abraham, « praeparata est Gentium voluntas a Domino; et ut vellent, quod et nolle potuissent, ab illo factum est; qui ea quae promisit potens est facere ».

Cognet donne pour référence Contra secundam Juliani responsionem, l. II, § CLIV.

L’édition Cognet, p. 361, omet le et devant nolle. GEF VII, p. 32 donne « quod et nolle potuissent ». Le et est aussi dans la citation de Disquisitiones duae ad preaesentes ecclesiae tumultus sedandos opportunae, donnée dans GEF VI, p. 335.

Ce texte a été utilisé par Nicole parmi les citations mises en exergue à ses Disquisitiones Pauli Irenaei. Voir GEF VI, p. 335, qui donne ne effet ce passage, avec la référence Pauli Irenaei Disquisitiones duae ad preaesentes ecclesiae tumultus sedandos opportunae, sl, 1657, 18 p. Mais on ne trouve pas cette citation dans les Disquisitions reproduites en annexes des Litterae provinciales de Wendrock.

XVIII, 12. Ainsi, mon Père, vos adversaires sont parfaitement d’accord avec les nouveaux Thomistes mêmes, puisque les Thomistes tiennent comme eux, et le pouvoir de résister à la grâce, et l’infaillibilité de l’effet de la grâce, qu’ils font profession de soutenir si hautement, selon cette maxime capitale de leur doctrine, qu’Alvarez, l’un des plus considérables d’entre eux, répète si souvent dans son livre, et qu’il exprime, Disp. 72, n. 4, en ces termes : Quand la grâce efficace meut le libre arbitre, il consent infailliblement, parce que l’effet de la grâce est de faire qu’encore qu’il puisse ne pas consentir, il consente néanmoins en effet.

Voir Wendrock, Provinciales, tr. Joncoux, II, p. 475 sq., sur l’accord des augustiniens avec les thomistes. Voir p. 481 sq., la possibilité de résister à la grâce efficace, qui est un pouvoir réel, mais que l’on ne met jamais en œuvre. La grâce efficace demeure la plus forte : p. 487. Si elle cesse, ce pouvoir peut avoir son effet.

Sur Diego Alvarez (1550?-1635), voir I, 15.

HERMANN DE FRANCESCHI Sylvio, « Les premiers jansénistes face à la doctrine thomiste », La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Paris, 2008, p. 307-322. Les jansénistes prétendent défendre le véritable thomisme. Pascal affirme leur accord, même avec les nouveaux thomistes.

Quand la grâce efficace meut le libre arbitre, il consent infailliblement, parce que l’effet de la grâce est de faire qu’encore qu’il puisse ne pas consentir, il consente néanmoins en effet.

Texte employé par Nicole dans sa Disquisitio tertia, § VIII ; voir Wendrock, Litterae provinciales, éd. 1658, p. 548 ; éd. 1679, p. 28. “Nam, ut ait Alvares disp. 72 ; num. 4. Quando motio Dei est efficax, liberum arbitrium infallibiliter consentiet. Etenim hoc operatur gratia in libero arbitrio, quod cum possit dissentire, non dissentiat; cujus ratio est quam assignat S. Thomas. 1; 2. qu. 112. art. 3. Nam intentio Dei deficere non potest. Unde si ex intentione Dei moventis est, quod homo, cujus cor movet, consentiat, et consequatur gratiam, infallibiliter eam consequetur, et necessario, necessitate infallibilitatis, non autem ex necessitate absolutâ”.

Cité dans GEF VII, p. 18.

NICOLE, F. Nicolaï molinisticae theses, p; 6, § VII sq. et p. 7, § X. C’est une erreur de dire que la volonté en dissentiment peut empêcher l’effet de la grâce efficace, selon les thomistes mêmes.

XVIII, 12. Dont il donne pour raison celle-ci de saint Thomas, son Maître ; Que la volonté de Dieu ne peut manquer d’être accomplie ; et qu’ainsi, quand il veut qu’un homme consente à la grâce, il consent infailliblement, et même nécessairement, non pas d’une nécessité absolue, mais d’une nécessité d’infaillibilité.

Texte employé par Nicole dans sa Disquisitio tertia, § VIII ; voir Wendrock, Litterae provinciales, éd. 1658, p. 548; éd. 1679, p. 28. « Nam, ut ait Alvares disp. 72 ; num. 4. Quando motio Dei est efficax, liberum arbitrium infallibiliter consentiet. Etenim hoc operatur gratia in libero arbitrio, quod cum possit dissentire, non dissentiat; cujus ratio est quam assignat S. Thomas. 1; 2. qu. 112. art. 3. Nam intentio Dei deficere non potest. Unde si ex intentione Dei moventis est, quod homo, cujus cor movet, consentiat, et consequatur gratiam, infallibiliter eam consequetur, et necessario, necessitate infallibilitatis, non autem ex necessitate absolutâ. »

Texte cité dans GEF VII, p. 18.

XVIII, 12. En quoi la grâce ne blesse pas le pouvoir qu’on a de résister si on le veut ; puisqu’elle fait seulement qu’on ne veut pas y résister, comme votre Père Petau le reconnaît en ces termes, to. I, p. 602 : La grâce de Jésus-Christ fait qu’on persévère infailliblement dans la piété, quoique non par nécessité : car on peut n’y pas consentir si on le veut, comme dit le Concile ; mais cette même grâce fait que l’on ne le veut pas.

Texte emprunté par Pascal à Nicole, Disquisitio tertia, § VIII; voir Wendrock, Litterae provinciales, éd. 1658, p. 548; éd. 1679, p. 28. « Jam si quaeras quo pacto Concilii Tridentini locum accipiamus, non alium interpretem adhibebimus, quam illum Societatis vestrae coryphaeum, Dionisium Petavium. Audi si placet illum loquentem tom. I, l. 9. c. 7. p. 602. et nos sodali tuo succinentes amplectere. Illud quod per Christi merita tribuitur donum, non solum dat posse si velint, sed etiam velle quod possunt; et est tale ut eo dato non nisi perseverantes sint, id est, ut certo et quod in scholis dicitur, infallibiliter perseverent, tametsi libere gratiae illi donique consentiant, non necessario; sed ita ut dissentire possint si velint, quod Tridentina sciscit Synodus, quamvis ut non dissentire velint, eodem illo perseverantiae doni perficitur. »

Le texte original est dans les Theologica dogmata de Petau, Paris, 1644, l. IV, ch. VII, § 6, dans l’édition originale, t. I, p. 602; dans l’éd. Vivès, 1865, t. II, p. 37.

Arnauld utilise ce passage dans son Cas proposé…, 20 mars 1657, Œuvres, XXI, p. 11.Il utilise aussi le passage du P. Petau dans la Nouvelle défense de la traduction du Nouveau Testament de Mons, Œuvres, VII, p. 595.

Texte cité dans GEF VII, p. 18.

XVIII, 13. C’est là, mon Père, la doctrine constante de saint Augustin, de saint Prosper, des Pères qui les ont suivis, des Conciles, de saint Thomas, de tous les Thomistes en général. C’est aussi celle de vos adversaires, quoique vous ne l’ayez pas pensé ; et c’est enfin celle que vous venez d’approuver vous-même en ces termes : La doctrine de la grâce efficace, qui reconnaît qu’on a le pouvoir d’y résister, est orthodoxe, appuyée sur les Conciles, et soutenue par les Thomistes et les Sorbonnistes.

Pascal résume le passage du P. Annat, Réponse à la XVIIe lettre, mentionné plus haut. Voir Réponses, p. 509, et GEF VII, p. 7 : “Il faut que le Secrétaire apprenne qu’il y a deux manières de défendre la grâce efficace par elle-même : l’une qui est hérétique, et appuyée sur des principes hérétiques : l’autre qui est orthodoxe, soutenue par des principes établis dans les Conciles. Calvin suit la première, et en cela il est hérétique. Les docteurs catholiques thomistes, scotistes, sorbonistes, jésuites, sont d’accord sur la seconde, et pour cela, nonobstant leurs disputes particulières, ils demeurent tous dans l’unité de la foi, et dans la communion de l’Église”.

XVIII, 13. Dites la vérité, mon Père : si vous eussiez su que vos adversaires tiennent effectivement cette doctrine, peut-être que l’intérêt de votre Compagnie vous eût empêché d’y donner cette approbation publique : mais, vous étant imaginé qu’ils y étaient opposés, ce même intérêt de votre Compagnie vous a porté à autoriser des sentiments que vous croyiez contraires aux leurs ; et par cette méprise, voulant ruiner leurs principes, vous les avez vous-même parfaitement établis. De sorte qu’on voit aujourd’hui, par une espèce de prodige, les défenseurs de la grâce efficace justifiés par les défenseurs de Molina : tant la conduite de Dieu est admirable pour faire concourir toutes choses à la gloire de sa vérité.

Voir la conclusion de la XIIe Provinciale, où Pascal écrit que Dieu conduit les actions des violents en faveur des bons.

XVIII, 14. Que tout le monde apprenne donc, par votre propre déclaration, que cette vérité de la grâce efficace, nécessaire à toutes les actions de piété, qui est si chère à l’Église, et qui est le prix du sang de son Sauveur, est si constamment catholique, qu’il n’y a pas un catholique, jusques aux Jésuites mêmes, qui ne la reconnaisse pour orthodoxe. Et l’on saura en même temps, par votre propre confession, qu’il n’y a pas le moindre soupçon d’erreur dans ceux que vous en avez tant accusés, car, quand vous leur en imputiez de cachées sans les vouloir découvrir, il leur était aussi difficile de s’en défendre qu’il vous était facile de les en accuser de cette sorte ; mais maintenant que vous venez de déclarer que cette erreur qui vous oblige à les combattre est celle de Calvin, que vous pensiez qu’ils soutinssent, il n’y a personne qui ne voie clairement qu’ils sont exempts de toute erreur, puisqu’ils sont si contraires à la seule que vous leur imposez, et qu’ils protestent, par leurs discours, par leurs livres, et par tout ce qu’ils peuvent produire pour témoigner leurs sentiments, qu’ils condamnent cette hérésie de tout leur cœur, et de la même manière que font les Thomistes, que vous reconnaissez sans difficulté pour catholiques, et qui n’ont jamais été suspects de ne le pas être.

XVIII, 15. Que direz-vous donc maintenant contre eux, mon Père ? Qu’encore qu’ils ne suivent pas le sens de Calvin, ils sont néanmoins hérétiques, parce qu’ils ne veulent pas reconnaître que le sens de Jansénius est le même que celui de Calvin ? Oseriez-vous dire que ce soit là une matière d’hérésie ? Et n’est-ce pas une pure question de fait qui n’en peut former ? C’en serait bien une de dire qu’on n’a pas le pouvoir de résister à la grâce efficace ; mais en est-ce une de douter si Jansénius le soutient ? Est-ce une vérité révélée ? Est-ce un article de foi qu’il faille croire sur peine de damnation ? Et n’est-ce pas malgré vous un point de fait pour lequel il serait ridicule de prétendre qu’il y eût des hérétiques dans l’Église ?

Laf. 957, Sel. 792. « Vous êtes bien ridicules de tant faire de bruit pour les propositions. Ce n’est rien, il faut qu’on l’entende. »

SHIOKAWA Tetsuya, « L’enjeu des XVIIe et XVIIIe Provinciales », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Duel avec le P. Annat : p. 206. Double orientation de la réponse de Pascal, dogmatique et ecclésiologique : p. 207. Le problème de la « matière d’hérésie » que le P. Annat veut mettre dans le refus des jansénistes d’identifier le sens de Jansénius et celui des cinq propositions : p. 207.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la 18e Provinciale », in La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Bibliothèque Mazarine, 2008, p. 65 sq.

XVIII, 16. Ne leur donnez donc plus ce nom, mon Père, mais quelque autre qui soit proportionné à la nature de votre différend. Dites que ce sont des ignorants et des stupides, et qu’ils entendent mal Jansénius ; ce seront des reproches assortis à votre dispute ; mais de les appeler hérétiques, cela n’y a nul rapport. Et comme c’est la seule injure dont je les veux défendre, je ne me mettrai pas beaucoup en peine de montrer qu’ils entendent bien Jansénius. Tout ce que je vous en dirai est qu’il me semble, mon Père, qu’en le jugeant par vos propres règles, il est difficile qu’il ne passe pour catholique, car voici ce que vous établissez pour l’examiner.

XVIII, 17. Pour savoir, dites-vous, si Jansénius est à couvert, il faut savoir s’il défend la grâce efficace à la manière de Calvin, qui nie qu’on ait le pouvoir d’y résister ; car alors il serait hérétique : ou à la manière des Thomistes, qui l’admettent, car alors il serait Catholique.

Emprunt au P. Annat, mais c’est un résumé et non une citation.

XVIII, 17. Voyez donc, mon Père, s’il tient qu’on a le pouvoir de résister, quand il dit, dans des traités entiers, et entre autres, au t. 3, l. 8, c. 20, qu’on a toujours le pouvoir de résister à la grâce, selon le Concile : Que le libre arbitre peut toujours agir et n’agir pas, vouloir et ne vouloir pas, consentir et ne consentir pas, faire le bien et le mal, que l’homme en cette vie a toujours ces deux libertés, que vous appelez [de contrariété et]de contradiction.

Phrase qui est un centon de formules prélevées dans l’Augustinus.

D’après GEF VII, p. 36, elle est composée de fragments empruntés au chapitre XX; voir la Disquisitio tertia de Nicole) et au chapitre IX (voir Arnauld, Cas proposé). Voir GEF VII, p. 17-18, les passages du Cas proposé.

Cognet, p. 365, indique que l’origine est en fait dans le t. III, l. VIII, ch. XIX, éd. de Paris, 1641, p. 371 A, chapitre qui est marqué IX par erreur d’impression, qu’Arnauld a reprise dans la citation qu’il fait dans le Cas proposé par un docteur touchant la signature de la constitution dernière du pape Alexandre VII, 17 mars 1657, Œuvres, XXI, p. 12.

La suite provient du chapitre XX, p. 372 A. Nicole l’utilise dans sa Disquisitio tertia, § 20, in Wendrock, Litterae provinciales, éd. 1658, p. 560-561, mais Pascal cite la fin du paragraphe, que Nicole omet. Voir GEF VII, p. 18 sq., pour les passages de la Disquisitio tertia.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 174, pour la référence à Laf. 728 qui donne la référence de Jansénius, t. III, l. VIII, ch. 20, donnée éd. Cognet, p. 365.

Laf. 728, Sel. 609. “Miracles, saint Thomas, t. III, I. VIII, ch. 20.”

Liberté de contrariété et liberté de contradiction

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, Les vérités de la grâce, I, p. 75 sq.

Ces deux libertés,que vous appelez [de contrariété et]de contradiction : Dans l’édition de 1659, une erreur typographique a fait, selon Cognet, omettre les mots entre crochets, qui sont indispensables au sens. Jansénius écrit indifferentiam contradictionis atque contrarietatis…

XVIII, 17. Voyez de même s’il n’est pas contraire à l’erreur de Calvin, telle que vous même la représentez, lui qui montre, dans tout le chap. 21, que l’Église a condamné cet hérétique, qui soutient que la grâce n’agit pas sur le libre arbitre en la manière qu’on l’a cru si longtemps dans l’Église, en sorte qu’il soit ensuite au pouvoir du libre arbitre de consentir ou de ne consentir pas, au lieu que, selon saint Augustin et le Concile, on a toujours le pouvoir de ne consentir pas, si on le Peul, et que, selon saint Prosper, Dieu donne à ses élus mêmes la volonté de persévérer, en sorte qu’il ne leur ôte pas la puissance de vouloir le contraire.

Voir éd. Cognet, p. 365, n. 3. Autre centon d’expressions tirées de Jansénius, ch. XXI, p. 375 et 376. Des fragments du même chapitre sont cités par Arnauld dans son Cas proposé par un docteur; il a également utilisé ce passage de Jansénius en 1654, dans une feuille où il mettait les cinq propositions en regard des textes contraires de Jansénius; voir Œuvres, XIX, p. 229.

Nicole utilise ce passage dans Disquisitio tertia, § XIX, in Wendrock, Litterae provinciales, éd. 1658, p. 559-560.

XVIII, 17. Et enfin jugez s’il n’est pas d’accord avec les Thomistes, lorsqu’il déclare, c. 4, que tout ce que les Thomistes ont écrit pour accorder l’efficacité de la grâce avec le pouvoir d’y résister est si conforme à son sens, qu’on n’a qu’à voir leurs livres pour y apprendre ses sentiments : Quod ipsi dixerunt, dictum puta.

Voir éd. Cognet, p. 365, n. 4 et p. 366, n. 1. Renvoi à Jansénius, que Pascal résume. Dans le Tomus III de l’Augustinus, éd. 1641, caput IV, Conciliatio gratiae Christi Augustinus docuit, cum libero arbitio, juxta principia scholasticorum, Liber octavus, De gratia Christi salvatoris, p. 352 col. B, Jansénius ne nomme pas les thomistes et parle seulement des défenseurs de la prédétermination physique, qui physicam tuentur praedeterminationem. Voir au début du chapitre, col. A : « physicae praedeterminationis defensores ».

Quod ipsi dixerunt, dictum puta : Provinciales, éd. Cognet, p. 366, signale que ces mots latins ne sont pas littéralement dans Jansénius, qui écrit : Quicquid... protulerunt, pro hac sententia dictum puta, mais sans donner de référence. Voir la même page que ci-dessus, col. A. Le passage complet est le suivant : « Quapropter quicquid physicae praedeterminationis defensores pro sua sentetnia protulerunt, ut liberum arbitrium sub ea salvum esse persuadeant ; quicquid etiam ad dissolvenda oppugnantium argumenta, telaque repercutienda moliti sunt, pro haec sententia dictuml puta ».

Arnauld cite le texte dans ARNAULD Antoine, Cas proposé par un docteur touchant la signature de la Constitution dernière du Pape Alexandre VII et du Formulaire en l’Assemblée Générale du Clergé, le 17 mars 1657, slnd, 42, p. 12 (Texte contemporain de la Provinciale XVIII, écrit le 20 mars 1657 et complété ensuite).

XVIII, 18. Voilà comme il parle sur tous ces chefs, et c’est sur quoi je m’imagine qu’il croit le pouvoir de résister à la grâce ; qu’il est contraire à Calvin, et conforme aux Thomistes, parce qu’il le dit, et qu’ainsi il est catholique selon vous. Que si vous avez quelque voie pour connaître le sens d’un auteur autrement que par ses expressions, et que, sans rapporter aucun de ses passages, vous vouliez soutenir, contre toutes ses paroles, qu’il nie le pouvoir de résister, et qu’il est pour Calvin contre les Thomistes, n’ayez pas peur, mon Père, que je vous accuse d’hérésie pour cela : je dirai seulement qu’il semble que vous entendez mal Jansénius ; mais nous n’en serons pas moins enfants de la même Église.

Nous n’en serons pas moins enfants de la même Église : conclusion qui s’oppose implicitement à l’attitude des jésuites dans des épisodes comme le vœu de Caen. Voir Provinciale XI.

Dans les Écrits sur la grâce et les Écrits des curés de Paris, Pascal prend soin de distinguer les jésuites et des molinistes des calvinistes : ils n’ont pas effectué le schisme, de sorte qu’ils appartiennent à la même Église malgré leurs différends. Le fait que l’on ne comprenne pas un texte ne rend pas hérétique ; c’est seulement l’effet d’un manque d’intelligence, au sens classique, c’est-à-dire de compréhension.

XVIII, 19. D’où vient donc, mon Père, que vous agissez dans ce différend d’une manière si passionnée, et que vous traitez comme vos plus cruels ennemis, et comme les plus dangereux hérétiques, ceux que vous ne pouvez accuser d’aucune erreur, ni d’autre chose, sinon qu’ils n’entendent pas Jansénius comme vous ? Car de quoi disputez-vous, sinon du sens de cet auteur ? Vous voulez qu’ils le condamnent, mais ils vous demandent ce que vous entendez par là. Vous dites que vous entendez l’erreur de Calvin ; ils répondent qu’ils la condamnent : et ainsi, si vous n’en voulez pas aux syllabes, mais à la chose qu’elles signifient, vous devez être satisfait. S’ils refusent de dire qu’ils condamnent le sens de Jansénius, c’est parce qu’ils croient que c’est celui de saint Thomas. Et ainsi, ce mot est bien équivoque entre vous. Dans votre bouche il signifie le sens de Calvin ; dans la leur, c’est le sens de saint Thomas ; de sorte que ces différentes idées que vous avez d’un même terme, causant toutes vos divisions, si j’étais maître de vos disputes, je vous interdirais le mot de Jansénius de part et d’autre. Et ainsi, en n’exprimant que ce que vous entendez par là, on verrait que vous ne demandez autre chose que la condamnation du sens de Calvin, à quoi ils consentent ; et qu’ils ne demandent autre chose que la défense du sens de saint Augustin et de saint Thomas, en quoi vous êtes tous d’accord.

REGUIG-NAYA Delphine, Le corps des idées. Pensées et poétiques du langage dans l’augustinisme de Port-Royal. Arnauld, Nicole, Pascal, Mme de La Fayette, Racine, Paris, Champion, 2007, p. 114 sq. Les jésuites ne veulent pas, dans le débat, dépasser le niveau sonore des discours jansénistes ; ils refusent de faire l’effort de compréhension qui mène de l’excitation du signe au contenu intellectuel qu’il évoque.

Les mots de sens de Jansénius sont équivoques

ARNAULD Antoine, De la signature, p. 21. Idée de M.... Replacé dans le contexte, le sens de Jansénius n’est pas hérétique; mais ses paroles forment d’elles-mêmes le sens condamné ; et elles sont donc de Jansénius. Selon Arnauld, on ne peut invoquer cette distinction.

Thèse de Barcos sur le sens de Jansénius : voir Ms. 140, f°2 : Jansénius est incapable d’erreur parce qu’il n’écrit qu’en historien; voir OC I, p. 1041, la thèse de Barcos et la réfutation d’Arnauld.

Sens de Jansénius et équivoque d’erreur : voir ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, La Logique, I, VII, éd. D. Descotes, Paris, Champion, p. 149 sq. Sur l’expressionn sens d’un auteur, doctrine d’un auteur sur un tel sujet : quoique Aristote ait un sens unique sur un tel sujet, il est néanmoins entendu différemment selon les interprètes, ce qui rend l’expression le sentiment d’Aristote équivoque par erreur : ils signifient dans la bouche de chacun ce qu’il a conçu être le sentiment de ce philosophe. Une telle expression est connotative expressément ou dans le sens : il faut y distinguer le sujet qui y est directement mais confusément exprimé, et la forme ou le mode qui est distinctement mais indirectement exprimé : sentiment d’Aristote signifie confusément quelque opinion, et distinctement la relation de cette pensée à Aristote auquel on l’attribue.

L’équivoque arrive parce que l’esprit au lieu de ce sujet confus y substitue souvent un sujet distinct et déterminé auquel on attribue la forme et le mode : quand on parle de véritable religion, sans joindre à cette formule l’idée distincte d’aucune religion particulière, elle n’est pas équivoque ; mais elle le devient si on la lie à un culte particulier et distinctement connu. “Il en est de même de ces mots, sentiment d’un tel philosophe sur une telle matière. Car demeurant dans leur idée générale, ils signifient simplement et en général la doctrine que ce philosophe a enseignée sur cette matière, comme ce qu’a enseigné Aristote sur la nature de notre âme : id quod sensit talis scriptor; et cet id, c’est-à-dire cette doctrine, demeurant dans son idée confuse sans être appliquée à une idée distincte, ces mots ne sont nullement équivoques; mais lorsqu’au lieu de cet id confus, de cette doctrine confusément conçue, l’esprit substitue une doctrine distincte, et un sujet distinct, alors selon les différentes idées distinctes qu’on y pourra substituer, ce terme deviendra équivoque. Ainsi l’opinion d’Aristote touchant la nature de notre âme, est un mot équivoque dans la bouche de Pomponace, qui prétend qu’il l’a crue mortelle, et dans celle de plusieurs autres interprètes de ce philosophe, qui prétendent au contraire qu’il l’a crue immortelle, aussi bien que ses maîtres Platon et Socrate.”

Il semble bien que Pascal soit une des sources de cette idée d’équivoque d’erreur.

20. Je vous déclare donc, mon Père, que, pour moi, je les tiendrai toujours pour catholiques, soit qu’ils condamnent Jansénius, s’ils y trouvent des erreurs, soit qu’ils ne le condamnent point, quand ils n’y trouvent que ce que vous-même déclarez être catholique ; et que je leur parlerai comme saint Jérôme à Jean, évêque de Jérusalem, accusé de tenir huit propositions d’Origène. Ou condamnez Origène, disait ce saint, si vous reconnaissez qu’il a tenu ces erreurs, ou bien niez qu’il les ait tenues : Aut nega hoc dixisse eum qui arguitur ; aut, si locutus est talia, eum damna qui dixerit.

Voir Provinciale XVII.

Aut nega hoc dixisse eum qui arguitur ; aut, si locutus est talia, eum damna qui dixerit : texte utilisé dans ARNAULD Antoine, Seconde lettre, p. 141, p. 152 sq. ; Œuvres, XIX, p. 471 ; voir GEF VI, p. 327 sq. C’est un extrait du Livre contre Jean, évêque de Jérusalem, § 8. La Seconde lettre contient de longues pages, p. 152 sq., sur la contestation entre saint Jérôme et Jean évêque de Jérusalem, alléguée par les ennemis d’Arnauld. Le passage d’Arnauld est cité dans GEF VII, p. 15-16. L’anecdote a été alléguée dans la Deuxième lettre d’un abbé à M. Arnauld (19 avril 1655), p. 14. Arnauld reprend l’histoire, et montre qu’on ne peut en tirer quoi que ce soit qui permette de déclarer les jansénistes hérétiques. Pascal n’en retient qu’une formule qui pose le problème sous forme d’alternative.

XVIII, 21. Voilà, mon Père, comment agissent ceux qui n’en veulent qu’aux erreurs, et non pas aux personnes, au lieu que vous, qui en voulez aux personnes plus qu’aux erreurs, vous trouvez que ce n’est rien de condamner les erreurs, si on ne condamne les personnes à qui vous les voulez imputer.

XVIII, 22. Que votre procédé est violent, mon Père, mais qu’il est peu capable de réussir ! Je vous l’ai dit ailleurs, et je vous le redis encore, la violence et la vérité ne peuvent rien l’une sur l’autre.

Rappel de la conclusion de la XIIe Provinciale, 21, sur la violence opposée à la vérité.

XVIII, 22. Jamais vos accusations ne furent plus outrageuses, et jamais l’innocence de vos adversaires ne fut plus connue : jamais la grâce efficace ne fut plus artificieusement attaquée, et jamais nous ne l’avons vue si affermie. Vous employez les derniers efforts pour faire croire que vos disputes sont sur des points de foi, et jamais on ne connut mieux que toute votre dispute n’est que sur un point de fait. Enfin vous remuez toutes choses pour faire croire que ce point de fait est véritable, et jamais on ne fut plus disposé à en douter. Et la raison en est facile : c’est, mon père, que vous ne prenez pas les voies naturelles pour faire croire un point de fait, qui sont de convaincre les sens, et de montrer dans un livre les mots que l’on dit y être. Mais vous allez chercher des moyens si éloignés de cette simplicité, que cela frappe nécessairement les plus stupides.

XVIII, 22. Que ne preniez-vous la même voie que j’ai tenue dans mes lettres pour découvrir tant de mauvaises maximes de vos auteurs, qui est de citer fidèlement les lieux d’où elles sont tirées ?

Rappel rapide des Provinciales XIII à XIV.

XVIII, 22. C’est ainsi qu’ont fait les Curés de Paris ; et cela ne manque jamais de persuader le monde.

Allusion à la campagne entamée par les curés de Paris contre les casuistes, pour lesquels Pascal écrira plusieurs textes. Les textes composés à l’occasion par Pascal sont fournis dans l’édition des Provinciales par L. Cognet. Voir p. LXV-LXX un résumé de cette campagne.
Voir également l’Introduction de GEF VII, p. 259-277 sq.

XVIII, 22. Mais qu’auriez-vous dit, et qu’aurait-on pensé, lorsqu’ils vous reprochèrent, par exemple, cette proposition du P. Lamy : Qu’un religieux peut tuer celui qui menace de publier des calomnies contre lui ou contre sa communauté, quand il ne s’en peut défendre autrement, s’ils n’avaient point cité le lieu où elle est en propres termes ; que, quelque demande qu’on leur en eût faite, ils se fussent toujours obstinés à le refuser ; et qu’au lieu de cela, ils eussent été à Rome obtenir une Bulle qui ordonnât à tout le monde de le reconnaître ? N’aurait-on pas jugé sans doute qu’ils auraient surpris le Pape, et qu’ils n’auraient eu recours à ce moyen extraordinaire que manque des moyens naturels que les vérités de fait mettent en main à tous ceux qui les soutiennent ? Aussi ils n’ont fait que marquer que le Père Lamy enseigne cette doctrine au to. 5, disp. 36, n. 118, p. 544 de l’édition de Douai ; et ainsi tous ceux qui l’ont voulu voir l’ont trouvée, et personne n’en a pu douter. Voilà une manière bien facile et bien prompte de vider les questions de fait où l’on a raison.

Qu’un religieux peut tuer celui qui menace de publier des calomnies contre lui ou contre sa communauté, quand il ne s’en peut défendre autrement : voir Provinciales, éd. Cognet, p. 368. Proposition dénoncée dans la Provinciale VII : « VII, 21. Et même selon notre célèbre P. l’Amy, il est permis aux Prêtres et aux Religieux de prévenir ceux qui les veulent noircir par des médisances, en les tuant pour les en empêcher. Mais c’est toujours en dirigeant bien l’intention. Voici ses termes t. 5. disp. 36. n. 118. « Il est permis à un Ecclésiastique, ou à un Religieux de tuer un calomniateur, qui menace de publier des crimes scandaleux de sa Communauté, ou de lui-même, quand il n’y a que ce seul moyen de l’en empêcher, comme s’il est prêt à répandre ses médisances si on ne le tue promptement. Car en ce cas, comme il serait permis à ce Religieux de tuer celui qui lui voudrait ôter la vie ; il lui est permis aussi de tuer celui, qui lui veut ôter l’honneur, ou celui de sa Communauté, de la même sorte qu’aux gens du monde. » » Elle est reprise dans les extraits joints à l’Avis des curés de Paris du 13 septembre 1656, sous le n°VII, où il est spécifié que ce texte ne se trouve que dans l’édition de Douai.

Pascal tire le texte du p. Francisco Amico, De jure et justitia, t. V, Disputatio 36, sect 7, An licitum sit in defensionem propria honoris agressorem occidere?, éd. d’Anvers, 1650, p. 410-412. N. B. : Les références de GEF V, p. 73, se rapportent à l’édition de 1642 pour la Proposition : “an licitum sit in defensionem proprii honoris aggressorem occidere?” :

Exemple évoqué dans Provinciale VII, 20, éd. Cognet, p. 129 sq. ; dans Provinciale XIII, 15, éd. Cognet, p. 247 ; dans Provinciale XIV, 10, éd. Cognet, p. 260 ; et repris dans Provinciale XVIII, 22, éd. Cognet, p. 368.

GEF VIII, p. 40, n. 1. Récit de l’affaire.

Sur le P. Francesco Amico, ou Lamy, voir la note de l’éd. Cognet, p. 129. Jésuite italien, auteur d’un Cursus theologiae, Douai 1642, dont le volume De justitia et jure a d’abord été mis à l’Index. Il ne faut évidemment pas le confondre avec le P. Bernard Lamy, de l’Oratoire, auteur de La rhétorique ou l’art de parler et des Entretiens sur les sciences.

L’histoire du P. Lamy est rapportée par WENDROCK, Litterae Provinciales, p. 351 sq. ; Provinciales, tr. Joncoux, II, p. 263 sq. dans la note à la XIIIe Provinciale, § 2 et 3. La proposition, dénoncée par le Conseil souverain de Brabant, fut censurée par la Faculté de Louvain, le 6 septembre 1649 ; le 8 octobre, elle en censura deux autres, proches de celle-ci, portant sur l’homicide : voir GEF V, p. 74. La censure du 8 octobre est reproduite dans WENDROCK, Litterae Provinciales, p. 354 ; Provinciales, tr. Joncoux, II, p. 269 sq. Voir aussi PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, II, p. 196. Proposition condamnée par Alexandre VII ; voir p. 197 des renseignements complémentaires.

Sixième écrit des curés de Paris, 14. Ils en usèrent de la même sorte sur la condamnation que la Faculté de Louvain fit de cette proposition, qu’il est permis à un religieux de tuer ceux qui sont prêts à médire ou de lui, ou de sa communauté, s’il n’y a que ce moyen de l’éviter. Ce fut ce que le P. Lamy, Jésuite, osa avancer dans la théologie qu’il composa selon la méthode présente de l’École de la Société de Jésus : Juxta scolasticam hujus temporis Societatis methodum. Car au lieu que ces Pères devaient être portés non seulement par piété, mais encore par prudence, à supprimer cette doctrine, et à en prévenir la censure, bien loin d’agir de la sorte, ils résistèrent de toutes leurs forces et à la Faculté qui la censura comme pernicieuse à tout le genre humain, et au Conseil souverain de Brabant, qui l’y avait déférée. Il n’y eut point de voie qu’ils ne tentassent. Ils écrivirent incontinent de tous côtés pour avoir des approbateurs, et les opposer à cette Faculté. Ce qui rendit cette question célèbre par toute l’Europe, comme dit Caramuel, Fund. 55, page 542, où il rapporte cette lettre, que leur Père Zergol lui en écrivit en ces termes : Cette doctrine, dit ce Jésuite, a été censurée bien rudement, et on a même défendu de la publier. Ainsi j’ai été prié de m’adresser aux savants et aux illustres de ma connaissance. J’écris donc à plusieurs docteurs, afin que s’il s’en trouve beaucoup qui approuvent ce sentiment, ce juge sévère qui n’a pu être éclairé par la solidité des raisons, le soit par la multitude des docteurs. Mais je me suis voulu d’abord approcher de la lumière du grand Caramuel, espérant que si ce flambeau des esprits approuve cette doctrine, ses adversaires seront couverts de confusion, rubore suffundendos, d’avoir osé condamner une opinion dont le grand Caramuel aura embrassé la protection.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, Paris, Didot 1851, p. 340. Note sur la maxime du P. Lamy.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 142. Accusation par l’université de Paris auprès du parlement de Paris contre le P. Airault, professeur de cas de conscience au collège de Clermont en janvier 1644 : on lui reproche d’avoir enseigné que l’on peut prévenir un accusateur malveillant, y compris par un assassinat. Il faut tuer non pas ouvertement, mais clandestinement et en cachette : p. 142. On lui reproche aussi des opinions favorables au régicide.

XVIII, 23. D’où vient donc, mon Père, que vous n’en usez pas de la sorte ? Vous avez dit, dans vos Cavilli, que les cinq propositions sont dans Jansénius mot à mot, toutes, en propres termes, totidem verbis. On vous a dit que non. Qu’y avait-il à faire là-dessus, sinon ou de citer la page, si vous les aviez vues en effet, ou de confesser que vous vous étiez trompé ? Mais vous ne faites ni l’un ni l’autre, et, au lieu de cela, voyant bien que tous les endroits de Jansénius, que vous alléguez quelquefois pour éblouir le monde, ne sont point les propositions condamnées, individuelles et singulières que vous vous étiez engagé de faire voir dans son livre, vous nous présentez des Constitutions qui déclarent qu’elles en sont extraites, sans marquer le lieu.

SCHMITZ DU MOULIN, Blaise Pascal, Van Gorcum, Assen, 1982, p. 70 sq., sur ce passage.

Totidem verbis : Cognet donne iisdem verbis. Sur le totidem verbis, voir XVII, 12.

XVIII, 24. Je sais, mon Père, le respect que les Chrétiens doivent au Saint-Siège, et vos adversaires témoignent assez d’être très résolus à ne s’en départir jamais. Mais ne vous imaginez pas que ce fût en manquer que de représenter au Pape, avec toute la soumission que des enfants doivent à leur père, et les membres à leur chef, qu’on peut l’avoir surpris en ce point de fait ; qu’il ne l’a point fait examiner depuis son pontificat, et que son prédécesseur Innocent X avait fait seulement examiner si les propositions étaient hérétiques, mais non pas si elles étaient de Jansénius.

XVIII, 24. Ce qui a fait dire au Commissaire du Saint-Office, l’un des principaux examinateurs, qu’elles ne pouvaient être censurées au sens d’aucun auteur : non sunt qualificabiles in sensu proferentis ; parce qu’elles leur avaient été présentées pour être examinées en elles-mêmes, et sans considérer de quel auteur elles pouvaient être : in abstracto, et ut praescindunt ab omni proferente

Le commissaire du Saint-Office, l’un des principaux examinateurs : il s’agit du p. Vincent De Pretis, dominicain. Voir l’avis du p. V. De Pretis presque parfaitement transcrit dans WENDROCK, Litterae Provinciales, éd. de 1658, p. 583.

CEYSSENS Lucien, “Les cinq propositions de Jansénius à Rome”, p. 477.

SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, VIII, t. 2, p. 98. Remarques de l’abbé Dumas sur ce passage : il suffit de lire la Constitution d’Innocent X pour voir qu’il pensait à Jansénius en condamnant les propositions. Et le cardinal Chigi, futur Alexandre VII avait coopéré à l’examen et à la condamnation.
Sur les consulteurs, voir Provinciale XVII, 18. « C’est ce qui paraît parfaitement par les Avis des Consulteurs auxquels le Pape les donna à examiner. J’ai ces Avis entre mes mains, aussi bien que plusieurs personnes dans Paris, et entre autres M. l’évêque de Montpellier, qui les apporta de Rome. On y voit que leurs opinions furent partagées, et que les principaux d’entre eux, comme le Maître du sacré Palais, le commissaire du saint Office, le Général des Augustins, et d’autres, croyant que ces propositions pouvaient être prises au sens de la grâce efficace, furent d’avis qu’elles ne devaient point être censurées; au lieu que les autres, demeurant d’accord qu’elles n’eussent pas dû être condamnées si elles eussent eu ce sens, estimèrent qu’elles le devaient être, parce que, selon ce qu’ils déclarent, leur sens propre et naturel en était très éloigné. Et c’est pourquoi le Pape les condamna, et tout le monde s’est rendu à son jugement. »

QUANTIN Jean-Louis, "De la rigueur au rigorisme. Les Avvertenze ai confessori de Charles Borromée dans la France du XVIIe siècle", Mélanges de l'Ecole française de Rome, t. 114, n°2, 2002, p. 195 sq

XVIII, 24. … comme il se voit dans leurs suffrages nouvellement imprimés

Leurs suffrages nouvellement imprimés : Cognet note que cette phrase indique que les Tredecim theologorum vota ont dû paraître vers la mi-mars 1657. Ces suffrages sont donnés dans l’édition latine de Wendrock, 1658 p. 577 sq.

XVIII, 24. … que plus de soixante docteurs, et un grand nombre d’autres personnes habiles et pieuses ont lu ce livre exactement sans les y avoir jamais vues, et qu’ils y en ont trouvé de contraires

Plus de soixante docteurs : il s’agit des 71 docteurs qui, en 1655, avaient défendu la proposition d’Arnauld disant qu’il n’avait pu trouver les cinq propositions dans l’Augustinus.

Voir Provinciale I, 7. « Quelques-uns même, passant plus avant, ont déclaré que, quelque recherche qu’ils en aient faite, ils ne les y ont jamais trouvées, et que même ils y en ont trouvé de toutes contraires. Ils ont demandé ensuite avec instance que, s’il y avait quelque docteur qui les y eût vues, il voulût les montrer : que c’était une chose si facile qu’elle ne pouvait être refusée, puisque c’était un moyen sûr de les réduire tous, et M. Arnauld même; mais on le leur a toujours refusé. »

XVIII, 24. que ceux qui ont donné cette impression au Pape pourraient bien avoir abusé de la créance qu’il a en eux, étant intéressés, comme ils le sont, à décrier cet auteur, qui a convaincu Molina de plus de cinquante erreurs

Allusion à l’appendice de l’Augustinus intitulé Erroris massiliensium, et opinionis quorundam recentiorum perallelon et statera, éd. 1641, p. 459 sq., qui attaque les jésuites, spécialement Molina, Lessius et Vasquez. Ces pages ont été réimprimées à part en un petit volume in-12, Louvain, 1647 (BJB 2436).

XVIII, 24. … que ce qui rend la chose plus croyable, est qu’ils ont cette maxime, l’une des plus autorisées de leur théologie, qu’ils peuvent calomnier sans crime ceux dont ils se croient injustement attaqués

Allusion à la XVe Provinciale.

DESCOTES Dominique, “La calomnie dans les Provinciales”, Courrier du Centre International Blaise Pascal, n° 18, 1996, p. 14-21.
ROMEO Maria Vita, « Calunnia e menzogna nelle Lettere Provinviali », in ROMEO Maria Vita (dir.), Le « Provinciali » oggi. Atti delle giornate Pascal 2007, Catane, C. U. E. C. M., 2009, p. 217-235.

XVIII, 24. … et qu’ainsi leur témoignage étant si suspect, et le témoignage des autres étant si considérable, on a quelque sujet de supplier sa Sainteté, avec toute l’humilité possible, de faire examiner ce fait en présence des docteurs de l’un et de l’autre parti, afin d’en pouvoir former une décision solennelle et régulière.

XVIII, 24. Qu’on assemble des juges habiles, disait saint Basile sur un semblable sujet, Ep. 75 ; que chacun y soit libre ; qu’on examine mes écrits, qu’on voie s’il y a des erreurs contre la foi ; qu’on lise les objections et les réponses, afin que ce soit un jugement rendu avec connaissance de cause et dans les formes, et non pas une diffamation sans examen.

GEF VII, p. 15. Extrait du texte de la Seconde lettre d’Arnauld avec la citation de saint Basile.

Saint Basile, Lettre 204, anciennement 75, § 4-5. Tiré d’ARNAULD Antoine, Seconde lettre..., II, IV, p. 130. Pascal bouleverse l’ordre de la citation, bien plus longue chez

Arnauld, et recompose un texte plus serré; il supprime un long passage sur la possibilité de mal interpréter les textes, comme on goûte ou on voit parfois mal. Le changement d’ordre des formules vise à accentuer l’orientation de la demande : d’une certaine manière, Pascal prend une formule pour développer chaque mot d’une phrase qui serait :

il faut que des juges habiles et libres examinent mes écrits in extenso pour en donner un jugement équitable

L’ordre de saint Basile serait plutôt : “qu’on examine mes écrits et on verra que les griefs portés contre moi viennent de l’ignorance de mes accusateurs”.

XVIII, 25. Ne prétendez pas, mon Père, de faire passer pour peu soumis au Saint-Siège ceux qui en useraient de la sorte. Les Papes sont bien éloignés de traiter les Chrétiens avec cet empire que l’on voudrait exercer sous leur nom.

XVIII, 25. L’Église, dit le pape saint Grégoire, In Job., lib. 8, c. I, qui a été formée dans l’école d’humilité, ne commande pas avec autorité, mais persuade par raison ce qu’elle enseigne à ses enfants qu’elle croit engagés dans quelque erreur : recta quae errantibus dicit, non quasi ex auctoritate proecipit, sed ex ratione persuadet.

Provinciales, éd. Cognet, p. 370, n. 3. Erreur de référence; il faut lire c. 2, § 3.

GEF VII, p. 21. Extrait de saint Grégoire, Moralia in expositionem beati Job, Lib. 8, c. 2. 3. “Quia vero sancta Ecclesia ex magisterio humilitatis instituta, recta quae errantibus dicit, non quasi ex auctoritate praecipit, sed ex ratione persuadet…”

Pascal s’inspire d’un passage de la Seconde lettre à un duc et pair d’Arnauld, Seconde partie, p. 148 sq. “Ce que le Cardinal Bellarmin a encore estably en un autre endroit lors qu’il écrit : Que c’est une maxime constante parmi tous les catholiques, que le Pape même comme Pape avec l’assemblée de ses Conseillers, ou même avec un Concile général, peut errer dans les controverses particulières de fait, qui dépendent principalement de l’information et des témoignages des hommes.

Et c’est avec sujet que ces cardinaux, qui ont été très affectionnés au saint Siège, ont eu un soin particulier d’autoriser cette utile et salutaire maxime : parce qu’ils ont fort bien jugé, qu’elle est tres-nécessaire en plusieurs rencontres pour mettre à couvert l’honneur des Papes et des Conciles, et pour empescher que les hérétiques ne se prévalent des surprises, qui peuvent arriver dans le fait, et en ce qui regarde les personnes, pour ébranler l’autorité infaillible de l’Église en ce qui regarde le droit, c’est à dire la foi et la doctrine catholique.

Mais si cela peut avoir lieu, Monseigneur, c’est principalement lors qu’il s’agit d’un fait, dont il est parlé dans quelque décret de Pape, sans que le Pape tesmoigne dans ce décret, que ce point de fait qui regarde la personne d’un auteur particulier et catholique, ait été examiné avec soin et avec toutes les formes canoniques, que les Papes ont accoutumé d’observer en ces rencontres. Car c’est alors que les Papes mêmes tesmoignent, qu’ils peuvent avoir été surpris, et que ne parlant des choses que selon qu’elles leur ont été exposées, ils veulent toujours (p. 149) qu’on entende leurs récrits selon cette clause ordinaire, laquelle ils expriment souvent et qui est toujours sousentenduë, Si ita est, s’il est ainsi. Si preces veritate nitantur ; Si ce qu’on a exposé par la supplique est conforme à la vérité.

Ils en ont même fait une loi insérée dans le droit canonique, comme il paraît par une décrétale, où le Pape Alexandre III écrivant à l’Archevêque de Rauenne use de ces termes : Si quelque fois nous envoyons à votre fraternité des ordres ou des décrets qui choquent vos sentiments, vous ne devez pas vous en mettre en peine, et lors que vous aurez considéré la qualité de l’affaire, pour laquelle nous vous écrivons, ou vous accomplirez avec respect notre mandement, ou vous nous écrirez la raison, pourquoi vous croyez ne le pouvoir faire. Car nous ne trouverons point mauvais, que vous n’exécutiez pas un décret, qu’on aura tiré de nous par surprise, ou par artifice.
Et le Pape Innocent III dans le I. livre de ses lettres imprimées avec ses œuvres tesmoigne : Qu’il veut marcher sur les pas de ses prédécesseurs, qui ont toujours déclaré, que les jugements du souverain Pontife peuvent estre corrigez et changez en mieux quand il se trouve qu’on l’a surpris en quelque chose.”

LE GUERN Michel, « Histoire hypothétique de la Logique de Port-Royal », in Le rayonnement de Port-Royal, p. 164. Le duc de Luynes a montré à Pascal le manuscrit de sa traduction de saint Grégoire. La citation en est peut-être tirée. Le même texte se trouve dans les Réflexions d’un docteur de Sorbonne, voir Œuvres de Pascal, éd. Le Guern, I, p. 974-975. La traduction de Luynes sera publiée en 1669, Les morales de saint Grégoire, pape, sur le livre de Job, traduites en français par le sieur de Laval, Paris, Pierre le Petit, 1666-1669; voir t. 1, p. 546.

XVIII, 25. Et bien loin de tenir à déshonneur de réformer un jugement où on les aurait surpris, ils en font gloire au contraire, comme le témoigne saint Bernard, Ep. 180. Le Siège Apostolique, dit-il, a cela de recommandable, qu’il ne se pique pas d’honneur, et se porte volontiers à révoquer ce qu’on en a tiré par surprise ; aussi est-il bien juste que personne ne profite de l’injustice, et principalement devant le Saint Siège.

Saint Bernard, lettre 180. Texte cité par Hermant dans sa Seconde apologie pour l’Université de Paris, 6 octobre 1643, Ie partie, ch. XV, n°3, § 1, p. 139.

Texte repris dans ARNAULD Antoine, Seconde lettre..., p. 149, à la suite immédiate du précédent. Pascal abrège le texte d’Arnauld, qui est fidèle au latin ; mais il ajoute une formule qui n’est ni dans Arnauld, ni dans saint Bernard : « qu’il ne se pique pas d’honneur » : « Et c’est ce que le grand S. Bernard avait remarqué longtemps avant ce savant Pape, lors qu’écrivant au Pape Innocent II. il relève avec éloge la justice et la modération de l’Église Romaine, qui la porte à reformer ses jugements dans les points de fait lors qu’on l’informe de la vérité qui lui avait été cachée. Le Siège Apostolique, dit ce grand Saint, a cela de propre et de recommandable dans sa conduite, qu’il ne fait point de difficulté de révoquer ce qu’il reconnoist qu’on a tiré de lui par surprise et par tromperie, et non pas obtenu par raison et selon la vérité. Aussi est-ce une chose pleine de justice et de louange, que personne ne puisse profiter de la fausseté, principalement à Rome et devant le saint et supresme Siège. »

SHIOKAWA Tetsuya, « L’enjeu des XVIIe et XVIIIe Provinciales », in Cahiers de l’Association Internationale des Etudes Françaises, n°40, Les Belles-Lettres, 1988, p. 219-232 ; Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Duel avec le P. Annat : p. 206. Double orientation de la réponse de Pascal, dogmatique et ecclésiologique : p. 207. Le problème de la faillibilité du pape dabs les quyestions de fait est en cause dans ce texte : p. 208. L’argumentation de Pascal repose sur une liste de papes trompés sur des points de fait dans leurs décisions solennelles ainsi que des témoignages de certains papes, de docteurs de l’Église, qui reconnaissent la faillibilité pontificale dans les questions de fait et ont recommandé de faire des procès en révision. Il invoque aussi lma règle de droit canonique qui permet de suspendre les bulles et les décrets quand on pense que les papes ont été trompés : p. 208. Ensuite, le texte passe au plan théorique qui repose sur la distinction des trois principes de connaissance, sens, raison et foi : p. 208.

XVIII. 26. Voilà, mon Père, les vrais sentiments qu’il faut inspirer aux papes, puisque tous les théologiens demeurent d’accord qu’ils peuvent être surpris, et que cette qualité suprême est si éloignée de les en garantir, qu’elle les y expose au contraire davantage, à cause du grand nombre des soins qui les partagent.

Dictionnaire de Port-Royal, p. 845. Sur le p. Quarré.` GEF VII, p. 12-13.

QUARRÉ le P. Hugues, Réponse d'un ecclésiastique de Louvain à l'avis qui lui a été donné sur le sujet de la bulle prétendue du Pape Urbain VIII, contre le livre de M. Jansénius, 3e éd., Louvain, 1650 (Bibliothèque Mazarine : 61 298, pièce 2). La pièce est parue en 1649. Paule Jansen, in « La bibliothèque de Pascal », Revue historique, oct.-déc. 1952 signale qu’il existe à la Bibliothèque Mazarine un exemplaire de cet ouvrage annoté par Pascal et utilisé pour la Provinciale XVIII. Voir Provinciales, éd. Cognet, p. 371, n. 2. Voir dans OC I, éd. J. Mesnard, p. 283, la situation de la note manuscrite de Pascal en question, Recueil de pièces sur la grâce et les cinq propositions (J3). La note de Pascal est aujourd’hui signalée par MESNARD Jean, Textes inédits, p. 29. La note de Pascal est la suivante : « Ainsi les jésuites ou font embrasser les erreurs ou font jurer qu'on les a embrassées, et font tomber ou dans l'erreur ou dans le parjure, et pourrissent ou l'esprit ou le cœur. » Voir dans l’éd. Sellier, n° 813.

JOUSLIN Olivier, « Rien ne nous plaît que le combat ». La campagne des Provinciales de Pascal. Étude d’un dialogue polémique, I, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 626-627.
P. Jansen et les éditions récentes présentent le texte de la note sans la partie que Pascal en a barré. Voici la disposition de l’imprimé avec les notes manuscrites de Pascal à droite :

[p. 25]

Il est vray que plusieurs jurent avec des restrictions men-  
tales, & sans intention de jurer : mais si cela les rend moins  
criminels, Dieu en sera juge ; les autres (chose horrible &  
pourtant tres-veritable) jurent avec une mauvaise con-  
science, & avec l’intention, d’aller aussi tost à un Confes- Serment
seur pour s’en faire absoudre : & plusieurs jurent par maxime Signature,
politique, disant qu’il faut vivre, & s’accommoder au temps :  
ainsi tout estant consideré, on voit à l’œil que c’est un piege  
pour perdre les consciences : D’où l’on peut juger combien Ainsy les
ce bon Pere à sujet de dire parlant de ce Serment, Qu’il faut jesuites ou
obeïr, & faire comme tant d’autres Ecclesiastiques, dont ils ont le nom font changer
& le Catalogue : Mon Pere, mon Pere, ne vous vantez pas trop la componction
de ce nombre d’Ecclesiastiques, qui pour n’estre pas demis font ambrasser
des dignitez & des offices qu’ils possedent, ou pour y estre les erreurs,
advancez, jurent & signent un Serment si dangereux : pour ou font jurer
moy j’ay tousjours creu, qu’un moindre nombre d’Eccle- qu’on les a amb[rassées]
siastiques, qui pour ne se departir de vos sentimens, aban- et font ou bien
donneroient leurs biens ou leurs honneurs, donneroient ????? temps tomb[er]
plus de credit & d’appuy à vostre cause qu’un plus grand ou dans l’erre[ur]
nombre d’autres, qui par lascheté ou par interest cedent à ou dans le
la violence qu’on leur fait, pour accepter une Bulle que vous parjure
desadvoüez vous mesmes par vos actions ; & en effet au lieu et pourrissent
que vous vous contentez d’un Catalogue de Confesseurs, ou lesprit ou
vous auriez la gloire & l’honneur d’avoir des Martyrs, pour le cœur
en faire un Martyrologe.  

 

Voir le commentaire de CLÉMENCET, Histoire littéraire de Port-Royal, p. 162 sq. « Le p. Quarré, après avoir témoigné son respect et son obéissance pour le saint-siège, qu’il tenait infaillible, montre que la bulle d’Urbain VIII appuyait la censure du livre de Jansénius sur deux faits qui étant manifestement faux, il était constant que non seulement le pape avait pu être trompé, mais qu’il l’avait été réellement par les impostures de ceux qui lui avaient suggéré ces faussetés. Il prouve donc 1. Que Jansénius, en écrivant sur la grâce sans la permission du saint-siège, n’a rien fait contre les décrets de Paul V et d’Urbain VIII, qui défendent d’écrire sur cette matière, parce que ces décrets n’ont jamais été connus à Louvain ; et que d’ailleurs, ils n’ont été reçus ni observés en aucun endroit, comme on le voit dans les écrits publiés sur la grâce, même par les jésuites, depuis ces décrets ; 2. Il est encore faux que Jansénius ait enseigné aucune proposition condamnées par Pie V, n’y en ayant aucune dans son livre qu’avec les distinctions et les explications que les jésuites mêmes ont données.

Notre théologien fait voir ensuite que les intentions du pape n’ont point été suivies par celui qui a dressé cette bulle. En, effet, le pape déclara aux députés de Louvain, dans l’audience qu’il leur donna le 26 novembre 1643, qu’il n’avait voulu que renouveler les bulles de Pie V et de Grégoire XIII, et qu’il avait défendu très expressément de nommer aucun auteur. Mais malgré cette défense, Jansénius s’y trouve nommé plusieurs fois. Après cela il examine le formulaire fabriqué par les jésuites, dont l’internonce et l’archiduc exigeaient la signature de tous ceux qui devaient être promus à quelque bénéfice ou dignité ecclésiastique. Il montre que l’on ne peut signer un tel formulaire, sans faire un mensonge et un faux serment. De plus, le p. Quarré soutient, qu’encore que le livre de Jansénius fût défendu, cette défense ne pouvait passer pour une censure de sa doctrine, puisqu’elle avait été faite sans qu’on l’eût examinée, et sur les fausses accusations du docteur Skinkelius, qui avait écrit à Rome qu’à Louvain, l’on foulait aux pieds les bulles de Pie V et de Grégoire XIII.

Enfin, l’auteur termine sa réponse, en montrant quelle est la doctrine de la société, quelles sont les fourberies, les violences et les artifices dont ils se sont servis pour la soutenir et la répandre ; soit en remplissant le monde de libelles pleins d’impostures et de calomnies contre ceux qui ne suivent pas leurs erreurs, ou qui s’y opposent ; soit en sollicitant les puissances et le conseil de sa majesté catholique, d’exclure de toutes les charges ecclésiastiques, et même d’envoyer aux galères tous ceux qui refuseraient de souscrire ce formulaire, et d’abjurer par cette souscription la doctrine de saint Augustin ».

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 208, sur la faillibilité des papes sur les questions de fait.

Les jésuites ont trompé le pape

Voir XVII, 27.

XVIII, 26. C’est ce que dit le même saint Grégoire à des personnes qui s’étonnaient de ce qu’un autre Pape s’était laissé tromper. Pourquoi admirez-vous, dit-il l. I, Dial., que nous soyons trompés, nous qui sommes des hommes ? N’avez-vous pas vu que David, ce roi qui avait l’esprit de prophétie, ayant donné créance aux impostures de Siba, rendit un jugement injuste contre le fils de Jonathas ? Qui trouvera donc étrange que des imposteurs nous surprennent quelquefois, nous qui ne sommes point Prophètes ? La foule des affaires nous accable ; et notre esprit, qui, étant partagé en tant de choses, s’applique moins à chacune en particulier, en est plus aisément trompé en une.

Provinciales, éd. Cognet, p. 371, n. 3. Dialogues, l. 1, c. 4, Texte emprunté à la Réponse d’un ecclésiastique de Louvain à l’avis qui lui a été donné sur le sujet de la bulle prétendue du pape Urbain VIII contre le livre de M. Jansénius, du P. Hugues Quarré, 3e éd., Louvain, 1650, p. 10.

GEF VII, p. 20, extrait des Dialogi, éd. de 1705. Lib. 1. c. 4. p. 271. “Quid miraris, Petre, quia fallimur qui homines sunt ? An mente excidit, quod David, qui prophetiae spiritum habere consueverat, contra innocentem Jonathae filium sentientiam dedit, cum verba pueri mentientis audivit ? Quod tamen quia per David factum est, et occulto Dei judicio justum fuerit, non videmus. Quid ergo mirum si ore mentientium aliquando in aliud ducimur, qui prophetae non sumus ? Multum vero est, quod uniuscujusque Praesulis mentem curarum densitas devastat. Cumque animus dividitur ad multa, sit minor ad singula ; tantoque ei in una qualibet re subripitur, quando latius in multis occupatur”.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la 18e Provinciale », in La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Bibliothèque Mazarine, 2008, p. 65 sq. Sur le problème de la faillibilité des papes, Pascal apporte dans la deuxième partie de la lettre des arguments historiques et théoriques. Sur le plan historique, il allègue des exemples de papes trompés sur des points de fait. Sur le plan théorique, Pascal invoque les trois principes de la connaissance, les sens, la raison et la foi : p. 66.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 208, sur la faillibilité des papes sur les questions de fait.

XVIII, 26. En vérité, mon Père, je crois que les Papes savent mieux que vous s’ils peuvent être surpris ou non. Ils nous déclarent eux-mêmes que les Papes et que les plus grands Rois sont plus exposés à être trompés que les personnes qui ont moins d’occupations importantes. Il les en faut croire, et il est bien aisé de s’imaginer par quelle voie on arrive à les surprendre.

XVIII, 26. Saint Bernard en fait la description dans la lettre qu’il écrivit à Innocent II, en cette sorte : Ce n’est pas une chose étonnante, ni nouvelle, que l’esprit de l’homme puisse tromper et être trompé. Des religieux sont venus à nous dans un esprit de mensonge et d’illusion. Ils vous ont parlé contre un évêque qu’ils haïssent, et dont la vie a été exemplaire. Ces personnes mordent comme des chiens, et veulent faire passer le bien pour le mal. Cependant, très-saint Père, vous vous mettez en colère contre votre fils. Pourquoi avez-vous donné un sujet de joie à ses adversaires ? Ne croyez pas à tout esprit, mais éprouvez si les esprits sont de Dieu. J’espère que, quand vous aurez connu la vérité, tout ce qui a été fondé sur un faux rapport sera dissipé. Je prie l’esprit de vérité de vous donner la grâce de séparer la lumière des ténèbres, et de réprouver le mal pour favoriser le bien.

Saint BERNARD, Epist. 327 ad papam Innocentium pro Alviso Atrebatensi episcopo (éd. 1620), p. 1642. Extrait du texte.

Provinciales, éd. Cognet, p. 372. Texte emprunté à la Réponse d’un ecclésiastique de Louvain à l’avis qui lui a été donné sur le sujet de la bulle prétendue du pape Urbain VIII contre le livre de M. Jansénius, du P. Hugues Quarré, 3e éd., Louvain, 1650, p. 8.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 208.

XVIII, 26. Vous voyez donc, mon Père, que le degré éminent où sont les Papes ne les exempte pas de surprise, et qu’il ne fait autre chose que rendre leurs surprises plus dangereuses et plus importantes.

Le pape peut se tromper

GRES-GAYER Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, p. 159 sq. Discussions lors de l’affaire Arnauld en Sorbonne. Thèse des partisans d’Arnauld : l’Église peut se tromper sur les faits ; c’est affermir son autorité que d’empêcher une censure peu convaincante : p. 162. Principe : non potest dari infallibilis regula facti : p. 162.
SHIOKAWA Tetsuya, « L’enjeu des XVIIe et XVIIIe Provinciales », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Duel avec le P. Annat : p. 206. Double orientation de la réponse de Pascal, dogmatique et ecclésiologique : p. 207. L’argumentation de Pascal invoque la règle de droit canonique qui permet de suspendre les bulles et les décrets quand on pense que les papes ont été trompés : p. 208. Ensuite, le texte passe au plan théorique qui repose sur la distinction des trois principes de connaissance, sens, raison et foi : p. 208.

XVIII, 26. C’est ce que saint Bernard représente au Pape Eugène, De Consid., l. 2, c. ult. : Il y a un autre défaut si général, que je n’ai vu personne des grands du monde qui l’évite. C’est, saint Père, la trop grande crédulité d’où naissent tant de désordres ; car c’est de là que viennent les persécutions violentes contre les innocents, les préjugés injustes contre les absents, et les colères terribles pour des choses de néant, pro nihilo. Voilà, saint Père, un mal universel, duquel, si vous êtes exempt, je dirai que vous êtes le seul qui ayez cet avantage entre tous vos confrères.

La trop grande crédulité... : Pascal doit trouver dans cette formule l’idée qu’il attache au mot de superstition, comme excès de docilité. Voir la liasse Soumission et usage de la raison dans les Pensées.

Soumission 22 (Laf. 187, Sel. [219)] . « Ce n’est pas une chose rare qu’il faille reprendre le monde de trop de docilité. C’est un vice naturel comme l’incrédulité et aussi pernicieux. Superstition. »

De la considération, l. II, ch. XIV. Texte qui se trouve dans les Réflexions sur un décret de l’Inquisition d’Arnauld, 1651, p. 5, et Œuvres, XVII, p. 700.

Voir un extrait du texte d’Arnauld dans GEF VII, p. 14-15. “Pour faire voir comme ce saint croyait que les souverains Pontifes sont souvent exposés à cette surprise, ou par leurs officiers, ou par les faux rapports qu’on leuur fait contre les absents, voici comme il parle encore sur ce sujet au même pape. Il y a encore un autre défaut, dont si vous êtes exempt, vous serez l’unique entre tous ceux que j’ai connus… Est item vitium, cujus si te immunem sentis, inter omnes quos novi ex his qui cathedras ascenderunt, sedebis me judice solitarius : quia veraciter singulariterque levasti te supra te, juxta Prophetam. Facilitas credulitatis haec est, cujus callidissimae vulpeculae, magnorum neminem comperi satis cavisse versutias. Inde eis ipsis pro nihilo irae multae, inde innocentium frequens addictio, inde praejudicia in absentes : Bernard. De Consid. Lib. L; 2. c. ult.”

Infaillibilité du pape et de l’Église

Pour apprécier la portée de la pensée de Pascal sur l’infaillibilité pontificale, il est utile de s’informer des positions de ses adversaires.

Voir Provinciale XVII, § 21, éd. Cognet, p. 343 sq.

LEVILLAIN Philippe, Dictionnaire historique de la papauté, p. 865 sq. Le magistère de l’Église (les actes d’enseignement dogmatique ou moral des membres de la hiérarchie, c’est-à-dire des évêques) est dit infaillible quand il engage l’autorité magistérielle au plus haut degré. L’erreur n’est pas alors possible, car l’Esprit saint assiste efficacement la proclamation de la vérité. Le magistère est dit simplement authentique quand l’autorité n’est pas exercée au degré le plus élevé. Le terme d’infaillibilité appliqué au pontife romain, n’apparaît pour la première fois que dans un traité de Guido Terrena sur une controverse entre des frères mineurs et Jean XXII (1316-1334).

L’on parle d’infaillibilité

de l’Église dans son ensemble (concile Vatican I),
de la hiérarchie, ou infaillibilité in docendo,
des fidèles unis à leurs pasteurs ou infaillibilité in credendo.

L’infaillibilité est souvent évoquée à tort à propos du pape seul. Or le don d’infaillibilité a été révélé comme une prérogative perpétuelle de l’Église du Christ. C’est d’abord elle qui est infaillible ; mais il n’y a pas deux infaillibilités, mais une seule, celle de l’Église dont le pontife romain est la tête. Son fondement est celle du Christ, qui est “ la Vérité ”. A son départ, le Christ annonce aux apôtres l’envoi du Saint Esprit qi leur enseignera toute la Vérité (Jean, 14, 17 et Jean 16, 13). Pierre a reçu la mission particulière d’affermir ses frères dans la foi. L’infaillibilité doctrinale est attestée par saint Irénée. Parlant de l’Église, il mentionne son “ autorité éminente ” et déclare que “ par elle, la tradition venant des apôtres est conservée ” (Adversus haereses, III, III, 2). Dès les premiers temps de l’Église, l’autorité doctrinale du pape est reconnue. A partir du Ve siècle, les interventions des pontifes romains et les déclarations des écrivains eccléiastiques se multiplient. Voir la lettre de saint Léon le Grand à Flavien, évêque de Constantinople, 449 ; le formulaire de foi imposé aux évêques d’Orient par Hosmisdas ; la lettre Ad augustons imperatores de saint Agathon à propos du monothélisme, etc. Innocent III (mort en 1216) avantson pontificat déclare l’impossibilité pour le siège apostolique de tomber dans l’erreur (traité De sacro altaris mysterio) ; Thomas d’Aquin précise que tout ce qui appartient à la foi est l’objet de l’infaillibilité (Contra errorem graecorum, XXXII ; Quodlib. IX, q. VII a 16). Au début du XVe siècle les thèses gallicanes se développent : Pierre d’Ailly, chancelier de l’Université de Paris, soutient, après la déposition de Jean XXIII en 1417, que “ le concile général peut en bien des cas juger et condamner le pape, e qu’on peut en bien des cas appeler du pape au concile, c’est-à-dire dans les cas quimenacent l’Église de destruction ” (Tractatus de Ecclesiae, Concilii generalis, Romani Pontificis et Cardinalium auctoritate) ; Gerson, qui lui succède, affirme que seule l’Église universelle ou un concile général qui la représente suffisamment n’est juge infaillible dans les causes de la foi. Défendent l’infaillibilité du pape Thomas Netter, Torquemada. La doctrine de l’infaillibilité du pape connaît un développement important du début du XVIe siècle jusqu’à sa proclamation par le concile Vatican I. Robert Bellarmin, De romano pontifice, IV, III, montre à partir de Luc, 22, 32, que le pape a le don de l’indéfectibilité pour affermir ses frères dans la foi. Suarez, De fide, tr. I, disp. V, sect. VIII, n. 4, en fait une vérité de foi catholique. Les universités catholiques soutiennent presque toutes cette thèse. L’anti-infaillibilisme surgit en France avc le Libellus d’Edmond Richer (De ecclesiastica et politica potÉtate, 1611), pour qui “ c’est au concile général que reviennent toutes les controverses, comme au dernier et infaillible tribunal ”. Cajetan réfute l’affirmation de la dépendance du magistère pontifical par rapport au concile. Le gallicanisme se manifest de nouveau à l’occasion du conflit qui oppose Louis XIV au Saint-Siège, d’aord dans la déclaration de la faculté de théologie de Sorbonne en 1663, où il est sit que “ ce n’est pas la doctrine de la faculté que le pape soit au-dessus du concile général ”, ni que le pape soit infaillible lorsque n’intervient aucun consentement de l’Église. Le gallicanisme s’atténue avec le temps.

BOULENGER A., Manuel d’apologétique, Vitte, Paris-Lyon, 1923, p. 344 sq. Concept de l’infaillibilité. L’infaillibilité concédée par Jésus-Christ à son Église quand elle explique la parole de Dieu est la préservation de toute erreur doctrinale, garantie par l’assistance spéciale de l’Esprit Saint. Il ne s’agit pas d’une inerrance de fait, mais de droit, de sorte que toute doctrine proposée par ce magistère infaillible doit être crue comme véritable; mais ce privilège ne fait pas découvrir à l’Église des vérités nouvelles : il lui garantit seulement que, par l’assistance divine, elle ne peut errer sur les questions de foi et de morale. Il ne faut pas confondre l’infaillibilité avec

l’inspiration qui pousse les écrivains sacrés à écrire tous ce que et rien que ce que Dieu veut,
la révélation qui implique la manifestation d’une vérité ignorée auparavant.

Infaillibilité du collège apostolique et du corps épiscopal : BOULENGER A., Manuel d’apologétique, p. 350. Différence entre les Apôtres et les évêques : les Apôtres pouvaient prêcher en docteurs infaillibles; les évêques ne peuvent être considérés comme infaillibles qu’en corps.
Infaillibilité du pape : BOULENGER A., Manuel d’apologétique, p. 350 sq. Arguments tirés de l’Evangile : p. 350-351. Argument historique, selon lequel l’infaillibilité du pape a toujours été l’objet de la croyance de l’Église : p. 351. Sentiment des Pères et des conciles : p. 351 sq. Les papes n’ont jamais erré sur les questions de foi et de morale : p. 352.

Sur les positions des jésuites : voir RAPIN, Mémoires, éd. Aubineau, III, p. 140 sq.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 275 sq. Théorie des jésuites : le pape seul fait la loi, il détient seul le privilège de l’infaillibilité. Le pape, selon eux, “juge seul sans... examen ni jugement précédent des évêques, sans être astreint à aucune forme, par une inspiration immédiate, sans que les évêques aient aucune liberté dans l’acceptation” (lettre de Lalane à Arnauld, Œuvres , I, p. 454). “Infaillibilité d’enthousiasme qui rapproche le pape des prophètes ; il s’élève jusqu’au trône de Dieu, en faisant de sa parole une parole divine : p. 276-277.

Voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. LIV sq. Thèses des jésuites du 12 décembre 1661, et polémique qui s’ensuit sur l’infaillibilité. Réponses venues de Port-Royal ; les tentatives discrètes des jésuites pour répandre ce dogme ; ils passent à l’attaque ouverte fin 1661, pour donner couleur aux accusations d’hérésie qu’ils lancent contre les jansénistes. Idée que le pape est infaillible comme Jésus-Christ, dans la décision des faits non révélés : p. LV. L’offensive concertée des jésuites en 1661 : p. LVI. Les réactions inquiètes des ennemis des jansénistes eux-mêmes.

D’AVRIGNY le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 344 sq. Idée de l’infaillibilité de l’Église sur les faits dogmatiques. Pour répondre aux prétextes jansénistes tirés de la distinction du fait et du droit, les évêques décident que “ l’Église juge des questions de fait qui sont inséparables des matières de foi ou des mœurs générales de l’Église, qui sont fondées sur les saintes Ecritures, dont l’interprétation dépend de la Tradition Catholique qui se vérifie par le témoignage des Pères dans la suite des siècles, qu’elle en juge (…) avec la même autorité infaillible qu’elle juge de la foi ” : p. 345.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, II, p. 27 sq. Autorité du Concile œcuménique selon Port-Royal. La rareté des conciles est une marque déplorable de mauvais fonctionnement de l’Église. Le pape conduit le concile comme un président préside une assemblée, rien de plus. Le concile seul est infaillible : p. 27.

TAVARD, La tradition au XVIIe siècle, p. 100. Le 12 décembre 1661 est soutenue au Collège de Clermont une thèse soutenant que Jésus-Christ a légué à Pierre et à ses successeurs la même infaillibilité qu’il avait lui-même. “C’est pourquoi, depuis les Constitutions d’Innocent X et d’Alexandre VII, on peut croire de foi divine que le livre qui a pour titre l’Augustin de Jansénius est hérétique, et que les cinq propositions tirées de ce livre sont de Jansénius et condamnées en ce sens”. Réplique d’Arnauld dans La nouvelle hérésie des Jésuites, 1er janvier 1662. Voir sur cette affaire ARNAULD, Œuvres, XXI, p. LIV sq. Sur l’infaillibilité pontificale, voir le dossier Provinciale XVIII. Thèses des jésuites sous forme de feu groupé. Réaction chez les évêques, au Parlement, etc : p. LVI. Manœuvres du P. Annat : p. LVI sq. Interventions de Le Tellier et Marca : p. LVII. Réactions des évêques : p. LIX-LX. Réactions des curés de Paris : p. LXI. Arnauld et La nouvelle hérésie des jésuites : p. LXI. Problèmes d’attribution : p. LXII. Manœuvres du P. Annat : p. LXIII. Il rédige une Expositio theseos, sans y mettre son nom; Arnauld répond par Les illusions des jésuites, p. LXIV. Suites de cette affaire : p. LXV.

ARNAULD Antoine, Réplique ou réfutation de la réponse à un écrit touchant la véritable intelligence des mots de sens de Jansénius dans la constitution du pape, OC IV, éd. J. Mesanrd, p. 1296 sq. Le pape n’est pas infaillible sur le droit, et il l’est encore moins sur le fait ; il est encore plus facile qu’il se trompe en disant qu’un dogme est de Jansénius qu’en disant que ce dogme est hérétique.

ARNAULD Antoine, Les desseins des jésuites représentés à messeigneurs les prélats de l’Assemlée, tenue le 2 octobre 1663, Article IX, in Œuvres, p. 209 sq. « Le principal but de la cour de Rome, dans l’affaire des cinq propositions, a été de ménager une occasion favorable pour faire reconnaître l’infaillibilité du pape » : p. 209. Histoire des tentatives des papes pour imposer leur autorité : p. 209 sq. « Si on considère attentivement la conduite d’Innocent X, il sera aisé de voir que son dessein a été de mettre le pape en possession d’une nouvelle espèce d’infaillibilité, non seulement sans concile général, sans concile d’évêques, sans le collège des cardinaux consultés, ou simplement écoutés ; mais aussi sans nécessité de s’instruire autrement que par l’inspiration du Saint Esprit ; de sorte qu’on a peut appeler avec raison, une infaillibilité de révélation » : p. 211. Innocent X n’est pas théologien, mais juriste, et il cherche à se faire passer pour inspiré.

MISONO Keisuke, Ecrire contre le jansénisme : Léonard de Marandé polémiste vulgarisateur, Paris, Champion, 2012. Marandé distingue l’infaillibilité divine, l’infaillibilité naturelle et l’infaillibilité morale. La dernière se subdivise en infaillibilité morale ecclésiastique et en infaillibilité morale humaine purement et simplement. La première se dit généralement lorsque l’Église, par l’autorité qu’elle a reçue de Jésus, nous propose quelque chose à croire qui regarde notre salut et le bien commun des fidèles, quoique cette chose ne soit pas en elle-même une chose de foi divine, par exemple pour le fait qu’un concile était convoqué légitimement ; la seconde est appliquée aux faits historiques du passé. La différence réside en ce que la seconde ne se fonde que sur le témoignage public et l’aveu des hommes, alors que la première est appuyée aussi sur l’assistance du saint-Esprit.

Le pape n’est pas infaillible sur les questions de fait

DRAPPIER Guy, Règles très importantes tirées de deux passages, l’un du concile de Florence, et l’autre de Glaber, rapportés par Mgr de Marca, archevêque de Toulouse, et des anciens papes, pour servir d’éclaircissement à l’examen du livre du P. Bagot intitulé Défense du droit épiscopal, etc., slnd, p. 88. Exemple de raisonnement sophistique, par les opinions probables, qui permet de faire croire que le pape est infaillible sur les questions de fait.

Le pape est-il supérieur à l’Église?

RAPP Francis, L’Église et la vie religieuse en occident à la fin du Moyen-Âge, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1971, p. 74 sq. Un essor du conciliarisme marque l’époque du Grand Schisme d’Occident. Réflexions sur la notion d’autorité : on distingue la potestas habitualis, indissociable de l’être qui le possède, savoir la congregatio fidelium, et la potestas actualis, détenue par le pape, qui peut en être privé, car elle dépend de la foncntion qu’il remplit : p. 75. Question qui en découle : dans quels cas la délégation de pouvoir doit-elle être, sinon reprise, du moins suspendue ? On conclut que l’assemblée conciliaire a le droit de juger le chef de la chrétienté dès qu’il nuit au bien commun qu’il a mission de fortifier. Autre point de discussion : le pape convoque normalement le synode oecuménique : que se passe-t-il s’il refuse de le faire ?

RAPP Francis, L’Église et la vie religieuse en occident à la fin du Moyen-Âge, Nouvelle Clio, Paris, P. U. F., 1971, p. 79 sq. Le concile de Constance et le retour à l’unité. Il porte sur les trois causes d’inquiétude des fidèles : l’union, la réforme et la défense de la foi. Le 6 avril 1415 est publié le décret Haec sancta synodus, qui proclamait que le concile, représentant l’Église universelle, tenait du Christ son pouvoir et que le pape lui-même lui devait obéissance ; ce sont des thèses conciliaristes radicales : p. 79. Les trois papes démissionnèrent pour deux d’entre eux, et le dernier fut déposé : p. 80. Odon Colonna fut élu et prit le nom de Martin V : p. 80.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, II, 2e éd., Paris, Champion, 2012, p. 32 sq. Autorité du Concile œcuménique selon Port-Royal. La rareté des conciles, marque déplorable de mauvais fonctionnement de l’Église. Le pape conduit le concile comme un président préside une assemblée, rien de plus. Le concile seul est infaillible : p. 34 sq. le concile seul est infaillible. Refuser les abus de pouvoir est l’un des traits de Port-Royal : p. 35.

NICOLE, Examen..., Ms. 140, f°7, v°, § 2, OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1223. L’idée que le pape est supérieur au concile est une erreur ; mais elle est compatible avec la communion de l’Église, et ne provoque pas l’exclusion.

Le pape est le juge souverain au regard des tribunaux de l’Église

ARNAULD Antoine, Réponse à quelques raisons par lesquelles on prétend montrer que ceux qui sont persuadés que les cinq propositions ne sont pas dans Jansénius doivent néanmoins signer la nouvelle bulle d’Alexandre VII, qui déclare qu’elles y sont, Œuvres, XXI, p. 52 sq. Il est douteux que le pape soit l’autorité pour laquelle il n’y a pas d’appel.

Limites de l’autorité du Saint-Siège et dans l’Église

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La Morale, II, p. 321 sq. Par les canons, règles de l’Église relatives à la discipline, aux mœurs, aux sacrements, et déterminées par les conciles généraux. L’autorité des évêques : p. 323. L’autorité des conciles : p. 325. Limites de l’autorité dans l’Église : p. 360 sq. Les droits des fidèles. Il n’y a pas d’autorité illimitée dans l’Église ; « un supérieur n’est pas supérieur en toutes choses, et ne peut pas commander tout ce qui lui plaît », ARNAULD, Apologie pour les religieuses de Port-Royal, Œuvres, XXIII, p. 224. Voir les fragments de Pascal sur la tyrannie. L’autorité est limitée par les droits de ceux qui y sont soumis : p. 363. Les droits des fidèles : p. 364 sq.

Faut-il obéir au pape, qu’il ait tort ou raison ?

ARNAULD Antoine, Réponse à quelques raisons par lesquelles on prétend montrer que ceux qui sont persuadés que les V propositions ne sont pas dans Jansénius, doivent néanmoins signer la bulle d’Alexandre VII, qui déclare qu’elles y sont, Œuvres XXI, p. 47 sq. Voir p. 48 sq., l’origien de la règle d’obéissance et les discussions auxquelles elle a donné lieu. La règle formulée par un commissaire de Martin V, sententiae nostrae etiamsi essent injusta, sunt tenendae et timendae : p. 48. Réfutation par Gerson.

Infaillibilité personnelle du pape

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Défense des Professeurs... de Bordeaux, p.13 sq. Thèses qu’Arnauld et Nicole prêtent aux jésuites : l’Église est infaillible sur les questions de fait aussi bien que de droit. Thèses qu’Arnauld et Nicole prêtent aux jésuites : l’Église est infaillible sur les questions de fait aussi bien que de droit. Il y a une différence entre les Écritures canoniques, objet de foi par elles-mêmes et considérées comme témoignage immédiat de l’autorité divine, et définitions des conciles, qui ne sont regardées que comme nous faisant connaître ce qui est contenu dans la Parole de Dieu. L’infaillibilité de l’Église consiste à ne pouvoir dire que vrai, quand elle dit que quelque chose a été ou n’a pas été révélé par Dieu dans l’Ecriture ou la tradition, grâce à l’assistance de l’Esprit Saint, mais sans proposer aucun article de foi nouvellement révélé. C’est une opinion erronée de soutenir que le pape est infaillible dans la décision des faits non révélés, comme le sens d’un auteur. Il ne s’agit pas des faits révélés et contenus dans l’Ecriture, qui font l’objet d’une foi divine, mais seulement des faits qui ne sont pas contenus dans la Parole de Dieu, écrite ou non écrite. La question n’est pas de savoir si le pape s’est trompé sur la question de fait, mais s’il est possible qu’il se soit trompé : p. 14. L’opinion de l’infaillibilité du pape est dangereuse; les jésuites veulent l’introduire dans l’Église, mais elle renverse la foi : seule la révélation originelle peut être objet de foi divine. Ce qui n’y est pas contenu ne peut être objet de la foi catholique : p. 17. Il ne s’agit pas des faits révélés et contenus dans l’Ecriture, qui font l’objet d’une foi divine, mais seulement des faits qui ne sont pas contenus dans la Parole de Dieu, écrite ou non écrite. La question du texte n’est pas de savoir si le pape s’est trompé sur la question de fait, mais s’il est possible qu’il s’y trompe. Voir là-dessus p. 15-17, sur l’affaire Honorius. Les dangers de l’opinion de l’infaillibilité du pape que les jésuites veulent introduire dans l’Église. Cela renverse la foi : seule la révélation originelle peut être objet de foi divine. Ce qui n’y est pas contenu ne peut être objet de la foi catholique. Critique de la tentative faite par les jésuites contre Jansénius : p. 19. Différence entre Ecritures canoniques, objet de foi par elles-mêmes et considérées comme témoignage immédiat de l’autorité divine, et définitions des conciles, qui ne sont regardées que comme nous faisant connaître ce qui est contenu dans la parole de Dieu.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 275 sq. Théorie des jésuites : le pape fait seul la loi, il détiennt seul le privilège de l’infaillibilité. “Le pape”, selon eux, “juge seul sans examen ni jugement précédent des évêques : séns être astreint à aucune forme, par une inspiration immédiate, sans que les évêques aient auxcune liberté dans l’acceptation” (lettre de lalane à Arnauld, in Œuvres, I, p; 454). Infaillibilité d’enthousiasme qui les fait ressembler aux prophètes. Ils l’élèvent jusqu’au trône de Dieu, en faisant de sa parole une parole divvine : p. 276-277. L’infaillitbilité dans l’Église : p. 335 sq. C’est dans le corps de l’Église qu’est contenue l’autorité. Voir ci-dessous.

Port-Royal pense tout autrement.

DOMAT Jean, Raisons qui empêchent que je ne me rende à l’écrit intitulé « Si on a droit de supposer… », Ms. 140, f° 28, v° ; OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1266, pose en principe : “Supposant comme nous en sommes d’accord que le pape n’est pas infaillible...”

LE MAITRE Antoine, Lettre d’un avocat au parlement, in Provinciales, éd. Cognet, p. 397 sq. Le pape n’est pas infaillible ; seul le concile l’est ; le pape a donc le droit d’interdire d’écrire, de prêcher ce qui est contraire à ses décisions ; mais c’est un abus de vouloir obliger à croire ce qu’il a décidé seul. On peut appeler au concile universel des décisions injustes des papes. Voir GEF VII, p. 189, Mémoire d’Arnauld.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 356 sq. Caractère invraisemblable de l’infaillibilité personnelle du pape. Elle signifie que le pape est inspiré par l’esprit Saint de telle manière que, même sans le consentement de l’Église et du concile, sans avoir besoin de la hiérarchie ecclésiastique, le pape a le privilège de ne pas se tromper. Mais cela suppose un “perpétuel miracle” : p. 356.

GRES-GAYER Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, p. 159 sq. Discussions lors de l’affaire Arnauld en Sorbonne. Thèse des partisans d’Arnauld : l’Église peut se tromper sur les faits ; c’est affermir son autorité que d’empêcher une censure peu convaincante : p. 162. Principe : non potest dari infallibilis regula facti : p. 162. Les papes sont faillibles : p. 163.

C’est l’Église comme corps qui est infaillible (mais non en tout)

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 335 sq. C’est dans le corps de l’épiscopat que l’autorité est contenue : à lui seul appartient l’infaillibilité promise par la Christ à son Église, c’est-à-dire aux conciles généraux ou œcuméniques, qui représentent l’Église : p. 337. Témoignages de la supériorité des conciles dans la tradition de l’Église; exemple du pape Honorius : p. 343-344. Preuve par les conciles de Constance et de Bâle : p. 345 sq. Preuve par les conciles œcuméniques présidés et approuvés par les papes : p. 352 sq.
NICOLE Pierre, Examen…, Ms. 140, f°7 v°, § 2 ; OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1223. L’idée que le pape est supérieur au concile est une erreur ; mais elle est compatible avec la communion de l’Église et ne provoque pas l’exclusion.
SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, II, p. 27 sq. Autorité du Concile œcuménique selon Port-Royal. La rareté des conciles, marque déplorable de mauvais fonctionnement de l’Église. Le pape conduit le concile comme un président préside une assemblée, rien de plus. Le concile seul est infaillible : p. 27.

L’Église n’est infaillible que sur les questions de foi et non sur les questions de fait

RAPIN, Mémoires, III, p. 22. Mise au point sur la question de l’infaillibilité pontificale sur les faits non révélés, selon les ennemis de Port-Royal.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 388 sq. L’infaillibilité de l’Église est limitée aux articles de foi. Lorsque l’Église parle sans s’appuyer sur la parole de Dieu, elle n’est qu’une assemblée qui ne peut prescrire aux autres de soumettre leur jugement. “La raison d’un homme purement homme n’a point de droit sur la mienne. Nous n’avons l’un et l’autre que Dieu pour maître, et il est tout à fait ridicule de vouloir que je l’en croie sur les choses que je puis voir par ma propre lumière”,

ARNAULD, Examen du Traité de l’essence des corps, Œuvres, XXXVIII, p. 93.

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, De l’hérésie et du schisme…, 1661, p. 4.

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Défense des Professeurs... de Bordeaux, p. 13. Thèses qu’Arnauld et Nicole prêtent aux jésuites : l’Église est infaillible sur les questions de fait aussi bien que de droit. Il y a une différence entre les Ecritures canoniques, objet de foi par elles-mêmes et considérées comme témoignage immédiat de l’autorité divine, et définitions des conciles, qui ne sont regardées que comme nous faisant connaître ce qui est contenu dans la Parole de Dieu. L’infaillibilité de l’Église consiste à ne pouvoir dire que vrai, quand elle dit que quelque chose a été ou n’a pas été révélé par Dieu dans l’Ecriture ou la tradition, grâce à l’assistance de l’Esprit Saint, mais sans proposer aucun article de foi nouvellement révélé. C’est une opinion erronée de soutenir que le pape est infaillible dans la décision des faits non révélés, comme le sens d’un auteur. Il ne s’agit pas des faits révélés et contenus dans l’Ecriture, qui font l’objet d’une foi divine, mais seulement des faits qui ne sont pas contenus dans la Parole de Dieu, écrite ou non écrite. La question du texte n’est pas de savoir si le pape s’est trompé sur la question de fait, mais s’il est possible qu’il s’y trompe. Voir là-dessus p. 15-17, sur l’affaire Honorius. Les dangers de l’opinion de l’infaillibilité du pape que les jésuites veulent introduire dans l’Église. Cela renverse la foi : seule la révélation originelle peut être objet de foi divine. Ce qui n’y est pas contenu ne peut être objet de la foi catholique. Critique de la tentative faite par les jésuites contre Jansénius : p. 19. Différence entre Ecritures canoniques, objet de foi par elles-mêmes et considérées comme témoignage immédiat de l’autorité divine, et définitions des conciles, qui ne sont regardées que comme nous faisant connaître ce qui est contenu dans la parole de Dieu.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 391 sq. L’hérésie de l’infaillibilité du pape sur les faits n’a été soutenue que par les jésuites, en 1661, dans leurs thèses.

ARNAULD, La nouvelle hérésie des jésuites, Œuvres, XXI.

ARNAULD, Œuvres, XXI, p. LIV sq. Thèses des jésuites du 12 décembre 166, et réponses venues de Port-Royal. Les tentatives d’abord discrètes des jésuites pour répandre ce dogme ; ils passent à l’offensive ouverte fin 1661, pour donner couleur aux accusations d’hérésie qu’ils lancent contre les jansénistes. Idée que le pape est infaillible comme Jésus-Christ, dans la décision des faits non révélés : p. LV. Offensive de 1661 : p. LVI. Réactions inquiètes des ennemis des jansénistes eux-mêmes.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 390. Pour qu’une vérité soit objet de foi, elle doit avoir été révélée par Dieu; l’Église par ses définitions dogmatiques ne fait que découvrir ce qui est dans l’Ecriture et la tradition.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, II, p. 27 sq. Autorité du Concile oecuménique selon Port-Royal. La rareté des conciles, marque déplorable de mauvais fonctionnement de l’Église. Le pape conduit le concile comme un président préside une assemblée, rien de plus. Le concile seul est infaillible : p. 27. Le concile n’est pas infaillible sur les questions de fait; sa seule véritable fonction est de prendre position sur des propositions univoques et de définir ce que croit déjà tout le corps ecclésial : p. 27.

ARNAULD Antoine, Le fantôme du jansénisme, 1686, Chapitre XIII : p. 119 sq. Qu’on ne peut prendre pour une vérité incontestable que l’Église est infaillible dans la décision des faits non révélés, que par un renversement d’esprit ou une ignorance prodigieuse.

Gerson sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 123.
Bellarmin sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 124.
Baronius sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 125.
Palavicin sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 128.
Coeffeteau sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 128.
L’évêque de Vence sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 129.
L’évêque de Commenges sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 130.
Du Val sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 130.
Stapleton sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 131.
Petau sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 131.
Sirmond sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 132.
La Sorbonne sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 132.
Gravina sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 133.
Tannerus sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 134.
L’Inquisition sur la faillibilité de l’Église dans les questions de fait : p. 135.
ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Défense des professeurs en théologie de l’Université de Bordeaux contre un écrit intitulé : Lettre d’un théologien à un officier du Parlement touchant la question si le livre intitulé Ludovici Montaltii literae etc., est hérétique, 1660, Œuvres, XXI, Chapitre VI, p. 119. C’est une opinion téméraire et erronée de dire que le pape est infaillible sur les faits particuliers non révélés, et que ces faits sont l’objet d’une foi divine. Il ne s’agit pas des faits révélés et contenus dans l’Écriture et la tradition, qui font l’objet d’une foi divine.

Le cas particulier des faits révélés et contenus dans l’Écriture et la tradition

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Défense des professeurs en théologie de l’Université de Bordeaux contre un écrit intitulé: Lettre d’un théologien à un officier du Parlement touchant la question si le livre intitulé Ludovici Montaltii literae etc., est hérétique, 1660, chapitre VI, p. 14, Œuvres, XXI, Chapitre VI, p. 119. C’est une opinion téméraire et erronée de dire que le pape est infaillible sur les faits particuliers non révélés, et que ces faits sont l’objet d’une foi divine. Il ne s’agit pas des faits révélés et contenus dans l’Écriture et la tradition, qui font l’objet d’une foi divine.

La mort du Christ fait l’objet d’une foi divine.

Arnauld indique qu’il est de foi, en ce sens, que la docrine attribuée à Hyménée et à Alexandre était hérétique, mais aussi qu’ils l’avaient enseignée : p. 14.

XVIII, 27. Je m’imagine, mon Père, que cela commence à vous persuader que les Papes sont exposés à être surpris. Mais, pour vous le montrer parfaitement, je vous ferai seulement ressouvenir des exemples que vous-même rapportez dans votre livre, de Papes et d’Empereurs, que des hérétiques ont surpris effectivement.

Exemples allégués par ANNAT François, Réponse à la plainte que font les jansénistes…, in Réponses…, éd. de 1658, p. 455 sq.

XVIII, 27. Car vous dites qu’Apollinaire surprit le pape Damase…

Damase

Saint Damase Ier, pape de 366 à décembre 384, voir LEVILLAIN Philippe, Dictionnaire historique de la papauté, p. 535 sq.

Exemple allégué par ANNAT, Réponse à la plainte que font les jansénistes…, in Réponses…, éd. de 1658, p. 455. “Saint Hierosme nous apprend que l’hérésiarque Arius fit semblant de se rétracter, et signa la règle de la foi qui avait été dressée au concile de Nicée. Saint Grégoire de Nazianze nous apprend qu’Apollinaris en fit autant, et que par des propositions à double entente, il surprit même le pape Damase, auquel il témoignait être soumis, comme font aujourd’hui les jansénistes aux décisions du pape Innocent” : p. 455. Suit l’exemple des lettres de saint Léon à Flavian, qui révèlent qu’Eutiches eut recours à de semblables fourberies à l’égard du pape Léon.

Apollinaire le jeune fut évêque de Laodicée. Il donna naissance à la secte des apollinaristes, qui soutenait que, dans l’incarnation de Jésus-Christ, le Verbe ne s’était pas uni à une âme humaine, mais directement à un corps. Cette opinion fut condamnée dès 362 dans un synode réuni à Alexandrie, puis dans les synodes romains convoqués par Damase en 374, 375, 380, et enfin au deuxième concile de Constantinople en 381. L’apollinarisme fut, après le mort de son fondateur, absorbé dans d’autres sectes, notamment les monophysites.

MARAVAL Pierre, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, Paris, Presses Universitaires de France, 1997. Apollinaire fait revenir vers 350 le problème de l’être même du Verbe, le Fils, constitué d’un élément divin et d’un élément humain. Comment en lui ce qui vient de Dieu et ce qui vient de l’homme s’unissent-ils pour faire un seul Seigneur ?, p. 350. Sa condamnation n’apporta pas de solution complète, et le conflit se partagea en deux écoles, à Antioche et à Alexandrie. Sur la condamanation d’Apollinaire, voir p. 351 sq. Plusieurs conciles condamenent ensuite explicitement les apollinaristes.

Le concile d’Éphèse, 449

MARAVAL Pierre, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, Nouvelle Clio, Paris, Presses Universitaires de France, 3e éd., 2005, p. 367 sq.

Le concile de Chalcédoine, 451

MARAVAL Pierre, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, Nouvelle Clio, Paris, Presses Universitaires de France, 3e éd., 2005, p. 369 sq. Le concile de Chalcédoine en 451. Décisions de ce concile : p. 372-373. « Suivant donc l’enseignement des saints Pères, nous enseignons tous unanimement que nous confessons un seul et même Seigneur Jésus-Christ, le même parfait en divinité, le même parfait en humanité,n le même vraiment Dieu et vraiment homme composé d’une âme raisonnable et d’un corps, consubstantiel au Père selon la divinité, et le même, consubstantiel à nous selon l’humanité, en tout semblable à nous sauf le péchgé, avant les siècles d’une part engendré du Père selon la divinité, aux derniers jours d’autre part le même, à cause de nous et pour notre salut, engendre de la Vierge Marie mère de Dieu (theotokos) selon l’humanité, un seul et le même Christ, Fils, Seigneur, Monogène, reconnu comme étant en deux natures (en duo physei) sans confusion, sans changement, sans division, sans séparation, la différence des natures n’étant nullement supprimée à cause de l’union, la propriété des natures étant boien plutôt sauvegardée et concourant à la formation d’une seule personne et d’une seule hypostase, un seul et même Christ ne se fractionnant ni ne se divisant en deux personnes, mais étant un seul et même Fils monogène, Dieu, Verbe, notre Seigneur Jésus-Christ, selon que de longtemps les prophètes l’ont annoncé et que Jésus-Christ lui-même nous a enseignés et que le symbole des Pères nous a transmis » : p. 373.

XVIII, 27. … de même que Célestius surprit Zozime.

Encyclopédie saint Augustin, Paris, Cerf, 2005, p. 210 sq.

Saint AUGUSTIN, La crise pélagienne, I, Œuvres de saint Augustin, t. 21, Bibliothèque augustinienne, p. 81 et note p. 588. Sur l’agitation de Célestius à Carthage, voir p. 588. Voir p. 592, sur les écrits de Célestius. Les Testimonia de Célestius : p. 592 sq. Anonymat ordinaire dans les écrits pélagiens : p. 592. Voir p. 593 sq. Habileté logique qui permet de présenter le péché comme évitable, contingent (facultatif) et accidentel. Cela remonte à Pélage : p. 594. Méthode qui consiste à amener l’interlocuteur à des conclusions inadmissibles : p. 594.

LEVILLAIN Philippe, Dictionnaire historique de la papauté, p. 1743 sq.

MARAVAL Pierre, Le christianisme de Constantin à la conquête arabe, Nouvelle Clio, Paris, Presses Universitaires de France, 3e éd., 2005, p. 376. Célestius affirme qu’Adam, en péchant, n’a porté de tort qu’à lui-même, et non au genre humain ; la mort est donc naturelle, ce n’est pas un effet du péché ; les petits enfants naissent dans l’état d’Adam avant le péché ; les hommes ot été sans péché avant le venue du Christ. Le concile de Carthage (411) l’excommunie ; Célestius quitte l’Afrique et en 416 il est à Ephèse, où il est reçu dans le clergé : p. 378.

Exemple allégué par ANNAT, Réponse à la plainte que font les jansénistes…, in Réponses…, p. 456. “Saint Augustin nous apprend que Pélagius trompa le Concile de Palestine, et obtint des évêques l’approbation de sa doctrine, sur le faux semblant de souscrire sincèrement aux propositions qui lui furent présentées. Saint Augustin nous assure encore que lui-même faillit à être surpris par les deux lettres qu’il reçut de Pelagius et de Celestius, et qu’il fut sur le point de leur toucher la main, pour dire qu’ils étaient d’accord” : p. 456.

C’est donc Pascal qui ajoute le nom de Zosime.

Le pape Zosime

LEVILLAIN Philippe, Dictionnaire historique de la papauté, p. 1743 sq. D’origine grecque, fils d’un certain Abramius, il succède à Innocent Ier, mort le 12 mars 417. Il pratique une politique autoritaire, génératrice de graves conflits dans l’Église. Zosime accepte de réviser les condamnations portées en janvier 417, sur plainte de l’Église d’Afrique, par le pape Innocent Ier contre Pélage et son disciple Célestius, excommuniés en raison de leur doctrine sur le péché originel, le baptême et la rédemption. Zosime, avant le 21 septembre 417, fait comparaître Célestius devant un tribunal romain qui le déclare justifié des accusations portées contre lui ; il accepte également de réexaminer la cause de Pélage, qui avait fait appel de sa condamnation ; après lecture de la lettre de ce dernier, Zosime le déclare d’une foi irréprochable ; il adresse aux évêques africains deux lettres leur notifiant les décisions pontificales et blâmant leur légèreté dans l’action qu’ils ont menée contre les pélagiens. Dans la première, antérieure au 21 septembre 417, le pape convoque à Rome le diacre Paulin de Milan, prié de faire sous deux mois la preuve de ses accusations contre Célestius. Dans la seconde, il invite les détracteurs de Pélage à s’incliner devant la sentence pontificale. Ces décisions favorisent la diffusion des idées pélagiennes à Rome, mais se heurtent à une vigoureuse résistance en Afrique : dès novembre 417, le diacre Paulin déclare qu’il ne déférera pas à la convocation romaine ; les évêques africains réunis à Carthage adressent au pape ne lettre dans laquelle ils l’accusent de cautionner les idées de Célestius et contestent le jugement rendu ; ils se tournent d’autre part vers la cour de Ravenne. Le pape fait alors marche arrière : le 21 mars 418, il adresse aux évêques africains une lettre dans laquelle, tout en rappelant l’autorité pontificale, qui ne doit pas souffrir d’attente, il accepte de revoir le cas de Célestius. Cela ne suffit pas : le 30 avril 418, Zosime est désavoué par l’empereur Honorius qui, prononçant sur le fond, notifie par un récrit la condamnation des erreurs de Pélage et de Célestius, déclare ces derniers proscrits et ordonne des poursuites contre leurs partisans. Le 1e mai 418, un concile africain réuni à Carthage, fort de plus de 200 évêques, condamne encore Pélage et Célestius et réclame au pape le maintien des sentences qui portent contre eux depuis Innocent Ier. Le pape capitule : il convoque Célestius à comparaître devant le synode plénier, mais Célestius fait défaut ; le pape le déclare alors, en même temps que Pélage, excommunié in absentia jusqu’à résipiscence. Avant septembre 418, Zosime confirme solennellement la condamnation dans une epistula tractoria adressée à toutes les Églises, notamment à celle de Constantinople. Le pape s’y prononce sur l’existence du péché originel, la nécessité du baptême des petits enfants et la nécessité de la grâce divine pour faire le bien. Zosime doit aussi s’occuper des affaires africaines : il charge Augustin d’Hippone et ses collègues de régler les problèmes posés par l’évêque donatiste Emeritus de Césarée : p. 1744.

ARNAULD Antoine, Apologie pour les religieuses de Port-Royal, IVe partie, De la souscription des faits, Chapitre XVIII, Œuvres, XXIII, p. 658 sq. Sur la condamnation de Céleste par le pape Zosime.

XVIII, 27. Vous dites encore qu’un nommé Athanase trompa l’empereur Héraclius, et le porta à persécuter les Catholiques…

Exemple allégué par ANNAT, Réponse à la plainte que font les jansénistes…, in Réponses…, p. 456. “L’histoire ecclésiastique remarque les mêmes tromperies des chefs des Monothélites. Athanase le patriarche des jacobites, fit accroire à l’empereur Héraclie qu’il était soumis au concile de Chalcédoine, et l’ayant adressé à Cyrus, et Sergius, qui étaient dans la même intelligence, sous couleur de ramener tous les hérétiques de l’Orient à la foi catholique, il engagea insensiblement cet empereur dans l’erreur, et le fit protecteur des Monothélites”.

Il semble que ce soit sous l’influence du patriarche de Constantinople Sergius (610-638), que Héraclius (575-641) se jeta dans l’hérésie monothélite.

Athanase ne peut être l’évêque de Naples en 877, mort en 900, qui détrôna son frère Sergius et se fit proclamer à sa place, et qui, excommunié par le pape, se ligua avec les Sarrazins et partagea leurs déprédations.

XVIII, 27. … et qu’enfin Sergius obtint d’Honorius ce décret qui fut brûlé au Concile, en faisant, dites-vous, le bon valet auprès de ce Pape.

Faire le bon valet : faire le complaisant, l’empressé (Dictionnaire de l’Académie).

Exemple allégué par ANNAT, Réponse à la plainte que font les jansénistes…, in Réponses…, p. 456 sq. “Sergius fit le bon valet à l’endroit du pape Honorius, et par des apparences de soumission, d’une bonne intention de défendre la foi catholique, tira de lui l’approbation qui a donné sujet, quoique non assez raisonnable, au soupçon qu’on a eu du depuis qu’il avait été favorable à ces hérétiques” : p. 456-457.

Sergius : Serge de Constantinople. Voir Provinciale XVII, sur l’affaire Honorius.

Voir Provinciale XVII, 25. « Vous voyez donc, mon Père, que, quand l’Église condamne des écrits, elle y suppose une erreur qu’elle y condamne ; et alors il est de foi que cette erreur est condamnée, mais qu’il n’est pas de foi que ces écrits contiennent en effet l’erreur que l’Église y suppose. Je crois que cela est assez prouvé; et ainsi je finirai ces exemples par celui du Pape Honorius, dont l’histoire est si connue. On sait qu’au commencement du septième siècle, l’Église étant troublée par l’hérésie des Monothélites, ce Pape, pour terminer le différend, fit un décret qui semblait favoriser ces hérétiques, de sorte que plusieurs en furent scandalisés. Cela se passa néanmoins avec peu de bruit sous son Pontificat : mais, cinquante ans après, l’Église étant assemblée dans le sixième Concile Général, où le Pape Agathon présidait par ses légats, ce décret y fut déféré ; et après avoir élu lu et examiné, il fut condamné comme contenant l’hérésie des Monothélites, et brûlé en cette qualité en pleine assemblée, avec les autres écrits de ces hérétiques. Et cette décision fut reçue avec tant de respect et d’uniformité dans toute l’Église, qu’elle fut confirmée ensuite par deux autres Conciles Généraux, et même par les Papes Léon II et Adrien II, qui vivait deux cents ans après, sans que personne ait troublé ce consentement si universel et si paisible durant sept ou huit siècles. Cependant quelques auteurs de ces derniers temps, et entre autres le Cardinal Bellarmin, n’ont pas cru se rendre hérétiques pour avoir soutenu, contre tant de Papes et de Conciles, que les écrits d’Honorius sont exempts de l’erreur qu’ils avaient déclaré y être : Parce, dit-il, que, des Conciles Généraux pouvant errer dans les questions de fait, on peut dire en toute assurance que le VI. Concile s’est trompé en ce fait-là, et que, n’ayant pas bien entendu le sens des lettres d’Honorius, il a mis à tort ce Pape au nombre des hérétiques. »

XVIII, 28. Il est donc constant par vous-même que ceux, mon Père, qui en usent ainsi auprès des Rois et des Papes, les engagent quelquefois artificieusement à persécuter ceux qui défendent la vérité de la foi en pensant persécuter des hérésies.

Ceux qui défendent : mots ajoutés à la main sur les exemplaires du tirage original, selon Provinciales, éd. Cognet, p. 373, n. 2.

XVIII, 28. Et de là vient que les Papes, qui n’ont rien tant en horreur que ces surprises, ont fait d’une lettre d’Alexandre III une loi ecclésiastique, insérée dans le droit canonique, pour permettre de suspendre l’exécution de leurs Bulles et de leurs Décrets quand on croit qu’ils ont été trompés. Si quelquefois, dit ce Pape à l’archevêque de Ravenne, nous envoyons à votre fraternité des décrets qui choquent vos sentiments, ne vous en inquiétez pas. Car ou vous les exécuterez avec révérence, ou vous nous manderez, la raison que vous croyez avoir de ne le pas faire, Parce que nous trouverons bon que vous n’exécutiez pas un décret qu’on aurait tiré de nous par surprise et par artifice.

Nicole donne la référence : cap. V extr. De Rescriptis. Voir Réponse…, p. 10. Pascal emprunte ce texte à l’écrit du P. Quarré, qui l’introduit par une formule semblable. Arnauld avait utilisé cette formule avant lui dans la Seconde Lettre, 2e p. ch. VI, Œuvres, XIX, p. 463, où l’on retrouve mot pour mot la traduction de l’oratorien flamand.
ARNAULD Antoine, Lettre d’un ecclésiastique à un de ses amis, sur le jugement qu’on doit faire de ceux qui ne croient pas que les cinq Propositions soient dans le livre de Jansénius, 28 août 1657, § IV, p. 11. « C’est ce qu’Alexandre troisième ordonne expressément à l’archevêque de Ravenne en ces termes : Si quelquefois nous vous envoyons quelquefois des décrets qui soient contraires à vos sentiments, que cela ne vous trouble pas, car ou vous les exécuterez avec révérence, ou vous nous manderez, la raison que vous croyez avoir de ne le pas faire, parce que nous trouverons bon que vous n’exécutiez pas un décret qu’on aurait tiré de nous par surprise et par artifice. Cette parole parut si digne de la modération du Vicaire de Jésus-Christ, que ses successeurs en ont fait une loi ecclésiastique insérée dans le droit canonique. Et en cela, Monsieur, les papes n’ont fait que suivre l’équité naturelle qu’ils auraient sans doute violée, s’ils avaient usurpé dans l’Église une domination aussi inouïue, et aussi inutile que serait celle d’exiger de tous les fidèles la croyance intérieure dans les points de fait, même contre l’évidence de leur sens et de leur raison. »

Le pape Alexandre III

LEVILLAIN Philippe, Dictionnaire historique de la papauté, p. 64 sq. Rolando Bandinelli, né à Sienne vers 1105, mort le 30 août 1181. Réflexion originale d’Alexandre III sur les rapports du pouvoir spirituel et du pouvoir politique. Le spirituel l’emporte par sa nature et sa finalité sur le temporel ; au nom de sa mission conférée par la succession de Pierre, le pape peut intervenir dans les entreprises du pouvoir temporel quand elles mettent en question la liberté et la foi. L’idée est large : la liberté de l’Italie devient une cause spirituelle, parce qu’elle est garante de la liberté du Saint-Siège, et par là de celle de l’Église universelle. Mais contrairement aux grégoriens extrémistes, il estime que l’Église n’a pas, de par son autorité spirituelle, à prendre des sanctions politiques au nom de la défense des mêmes principes : il excommunie Frédéric, mais il ne le dépose pas, comme l’avait fait Grégoire VII avec Henri IV. Le pape considère ne pas avoir à s’occuper du domaine que Dieu a accordé à l’empereur et aux rois, si ce n’est pour des raisons spirituelles et avec des armes spirituelles. Sa doctrine repose sur la distinction des offices, le politique et le religieux, et sur leur nécessaire coopération. Elle met en valeur la notion d’auctoritas, de pleine souveraineté s’exerçant en fonction d’une indiscutable nécessité et ayant droit de le faire parce que les autres pouvoirs n’ont qu’une potestas.

Dans les entreprises qui relèvent de sa mission, il se présente comme le seul chef de l’Église, qu’il dirige avec le consistoire des cardinaux. La Curie traite un volume d’affaires grandissant, notamment pour éclaircir les affaires du droit ; elle répond par les décrétales. Avec 470 décrétales, Alexandre III est un des principaux législateurs de l’Église médiévale après Innocent III. La réglementation qu’il édicte clarifie les procédures de l’appel judiciaire d’une cour ecclésiastique à l’autre, réaffirme l’élection des évêques, détermine les modes d’intervention des pouvoirs laïques. Tout cela renforce l’autorité pontificale en l’introduisant dans tout le fonctionnement du clergé.

XVIII, 28. C’est ainsi qu’agissent les Papes qui ne cherchent qu’à éclaircir les différends des Chrétiens, et non pas à suivre la passion de ceux qui veulent y jeter le trouble. Ils n’usent pas de domination, comme disent saint Pierre et saint Paul après Jésus-Christ ; mais l’esprit qui paraît en toute leur conduite est celui de paix et de vérité.

Domination implique l’idée de tyrannie.

XVIII, 28. Ce qui fait qu’ils mettent ordinairement dans leurs lettres cette clause, qui est sous-entendue en toutes : Si ita est ; si preces veritate nitantur : Si la chose est comme on nous la fait entendre, si les faits sont véritables. D’où il se voit que, puisque les Papes ne donnent de force à leurs Bulles qu’à mesure qu’elles sont appuyées sur des faits véritables, ce ne sont pas les Bulles seules qui prouvent la vérité des faits ; mais qu’au contraire, selon les Canonistes mêmes, c’est la vérité des faits qui rend les Bulles recevables.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 208, sur la faillibilité des papes sur les questions de fait. La vérité des faits rend les bulles recevables : p. 208.
MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 944-945.

XVIII, 29. D’où apprendrons-nous donc la vérité des faits ? Ce sera des yeux, mon Père, qui en sont les légitimes juges, comme la raison l’est des choses naturelles et intelligibles, et la foi des choses surnaturelles et révélées.

DROZ Edouard, Étude sur le scepticisme de Pascal, Paris, Alcan, 1886, p. 187 sq.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 208 : Pascal passe du problème de l’infaillibilité des papes à celui des principes qui fondent la connaissance, sens, raison et foi.

SHIOKAWA Tetsuya, “La connaissance par l’autorité selon Pascal”, Etudes de langue et littérature françaises, n°30, 1977, p. 1-14. Voir p. 7.

SHIOKAWA Tetsuya, « Justus ex fide vivit et fides ex auditu: foi et preuves dans l’apologétique pascalienne », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 133-151. Voir p. 139 sq.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945.

Cette déclaration ne signifie pas que les deux domaines des sciences naturelles et de l’exégèse biblique soient absolument coupés l’un de l’autre. Voir ce qu’en dit Galilée dans sa lettre à Christinne de Lorraine.

Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 178-179. « Dans les disputes de questions naturelles, on ne devrait pas commencer par les citations des autorités de l’Écriture sainte, mais par les expériences des sens et par les démonstrations nécessaires ». En revanche, « quand nous avons acquis la certitude de certaines conclusions naturelles, nous devons les utiliser comme moyens très appropriés à l’exposition véridique de ces Écritures et à l’investigation des significations qui y sont nécessairement contenues » : p. 179.

XVIII, 29. Car, puisque vous m’y obligez, mon Père, je vous dirai que, selon les sentiments de deux des plus grands Docteurs de l’Église, saint Augustin et saint Thomas, ces trois principes de nos connaissances, les sens, la raison et la foi, ont chacun leurs objets séparés, et leur certitude dans cette étendue. Et, comme Dieu a voulu se servir de l’entremise des sens pour donner entrée à la foi, fides ex auditu, tant s’en faut que la foi détruise la certitude des sens, que ce serait au contraire détruire la foi que de vouloir révoquer en doute le rapport fidèle des sens.

Et la foi : voir Provinciales, éd. Cognet, p. 374, n. 2; ces trois mots manquent dans le 1er tirage de l’édition originale.

Fides ex auditu : Epître aux Romains, 10, 17.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, Paris, Colin, 1970, p. 526 sq. La foi et la raison selon saint Augustin : p. 527 sq.

Passage à rapprocher de la Vie de Pascal, sur le principe inculqué par Etienne à son fils, “que tout ce qui est objet de la foi ne le saurait être de la raison”.

Laf. 185, Sel. 216. « La foi dit bien ce que les sens ne disent pas, mais non pas le contraire de ce qu’ils voient, elle est au dessus et non pas contre. »

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, II, p. 18 sq. Passage de Pereira sur le texte où saint Augustin dit que comme le vrai consonne toujours avec le vrai, la vérité des lettres sacrées en peut être contraire aux vraies raison et expériences des sciences humaines. Pereira ajoute qu’en revanche, lorsque les savants enseignent quelque chose qui s’oppose aux lettres sacrées, ils ne doivent pas être crus.

Cette déclaration ne signifie pas que les deux domaines des sciences naturelles et de l’exégèse biblique soient absolument coupés l’un de l’autre. Voir ce qu’en dit Galilée dans sa lettre à Christine de Lorraine.

Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 178-179. « Dans les disputes de questions naturelles, on ne devrait pas commencer par les citations des autorités de l’Écriture sainte, mais par les expériences des sens et par les démonstrations nécessaires ». En revanche, « quand nus avons acquis la certitude de certaines conclusions naturelles, nous devons les utiliser comme moyens très appropriés à l’exposition véridique de ces Écritures et à l’investigation des significations qui y sont nécessairement contenues » : p. 179.

Doctrine de la double vérité

GRANT Edward, La physique au Moyen Age, Paris, P. U. F., 1995, p. 34. Doctrine selon laquelle une proposition philosophique peut être vraie dans le domaine naturel et sa contradictoire également vraie dans le domaine de la foi. Tempier contre la double vérité : p. 35 sq. Article 90 : Quod naturalis philosophus debet negare simpliciter mundi novitatem, quia innititur causis naturalibus, et rationibus naturalibus. Fidelis autem potest negare mundi aeternitatem, quia innititur causis supernaturalibus.
Thomas d’Aquin et la controverse sur l’Éternité du monde, éd. C. Michon (dir.), p. 161 sq. Boèce de Dacie et la double vérité. L’accusation de double vérité lancée contre Boèce par saint Thomas d’Aquin : p. 163. Siger de Brabant, selon Thomas, De unitate intellectus, § 119, dit que pa la raison il conclut la nécessité que l’intellect est numériquement un, mais qu’il tient fermement le contraire par la foi. « Il pense donc que la foi porte sur des affirmations dont on peut conclure le contraire en toute nécessité ; or puisqu’en toute nécessit »é seule peut être conclu le vrai nécessaire dont l’opposé est le faux impossible, il s’ensuit, selon son propre dire, que la foi porte sur du faux impossible, hypothèse que Dieu lui-même ne pourrait réaliser et que l’oreille d’un fidèle ne peut écouter ». Idée qu’une proposition peut être vraie selon la philosophie et fausse selon la foi : p. 164.

Thomas d’Aquin et la controverse sur l’Éternité du monde, éd. C. Michon (dir.), p. 161 sq. Boèce de Dacie et la double vérité : p. 1645 sq. Boèce oppose les choses qui ont une ratio, une justification, telles qu’il ne soit pas philosophique de vouloir y croire sans justification, et les choses qui n’on pas de justification qui nous soit accessible, et ne peuvent être connues que par la loi, de sorte qu’il est hérétique de ne pas vouloir y croire, et stupide de vouloir y chercher des raisons : p. 166. L’objectif d’affermir la foi réclame de renoncer à chercher des démonstrations là où la démonstration n’est pas possible. Second objectif : conserver la position des philosophes autant que peut conclure leur raison, car les philosophes ne contredisent pas la foi chrétienne, ils ne s’appuient que sur des arguments rationnels, ce que fournit la science, tandis que la foi s’appuie aussi sur les miracles et n’est foi qu’en tant qu’elle ne repose pas sur l’argumentation rationnelle : p. 167. Troisième objectif : montrer la compatibilité de la foi et de la raison. Exemple sur la résurrection des morts : p. 167. L’éloge de la philosophie par Boèce se fait au détriment de la théologie, accusée implicitement d’user de raisonnements dialectiques et sophistiques : p. 169. Stratégie de Boèce dans la question de l’étenrité du monde : p. 170 sq. Il montre que ni dans la physique, ni dans les mathématiques, ni dans la métaphysique, on ne peut prouver la nouveauté du monde. Il poursuit en disant que le philosophe ne peut établir ni le commencement ni l’éternité du monde : il faut suspendre le jugement. Cela semble assez proche du thomisme : il n’y a pas de conflit entre raison et foi. Pourtant une chose est de dire que le physicien ne peut pas prouver que le monde est nouveau, et une autre est de dire qu’il doit nier cette nouveauté. Boèce poursuit : certaines vérités révélées, contrairement aux vérités mathématiques qui ne s’opposent pas à la science du physicien, démolissent sa science, comme la résurrection des morts ou la nouveauté du monde, le physicien doit les refuser, c’est-à-dire les tenir pour fausses. Boèce prend soin de dire que le refus par le physicien de la nouveauté du monde signifie seulement que le monde n’est pas nouveau par des principes naturels : l’attribution de la fausseté est donc relative aux principes d’après lesquels on l’établit : p. 172-173. Le chrétien est donc censé dire vrai absolument, et le physicien dire vrai relativement. Cette position est acceptable si elle signifie que les conclusions découlent des principes posés en axiomes. Des conséquences fausses peuvent découler justement de principes faux. Mais toute la question est alors de savoir si le physicien peut aller plus loin et déclarer que la proposition de la foi est fausse : p. 174. Mais une phrase relativement vraie est une phrase où l’on n’a pas précisé les limites d’application du prédicat ; le fait-on, elle ne peut plus être vraie de façon relative, elle est vraie ou fausse. Si le physicien de Boèce soutient des vérités relatives, c’est parce qu’il n’a pas précisé les limites d’application de ses principes. S’il peut concevoir ces limites, alors sa négation de la création ex tempore doit être comprise par lui-même comme relative, et fausse dans l’absolu ; si non, il ne peut pas accepter celle-ci comme vraie : p. 175.

THOMAS D’AQUIN, Contre Averroès, éd. De Libera, p. 49 sq. Siger de Brabant et saint Thomas d’Aquin sur la double vérité. Principe : « par la raison je conclus de nécessité que l’intellect est numériquement un, mais je tiens fermement le contraire par la foi » : p. 50. Penser que la foi porte sur des affirmations dont on peut conclure le contraire en toute nécessité ; « or puisqu’en toute nécessité seul peut être conclu le vrai nécessaire dont le contraire est le faux impossible, ; il s’ensuit, selon son propre dire, que la foi porte sur du faux impossible, hypothèse que Dieu lui-même ne pourrait réaliser et que l’oreille d’un fidèle ne peut supporter » : p. 50. Aucun texte de Siger de Brabant ne revendique expressément l’existence de deux vérités contraires : p. 51. La doctrine de la double vérité est un piège logique tendu par saint Thomas à des auteurs qui se contentent d’affirmer que si ce que la philosophie donne pour vrai était faux aux yeux de la foi, il faudrait, pour ce motif même, le rejeter; il répond que son adversaire demande de pouvoir penser p comme philosophe et non-p comme chrétien ; Thomas répond que ce n’est pas ce qu’il fait : en posant le caractère démonstratif de la preuve, il pose du même coup l’impossibilité de la conclusion contraire : p. 53. Comment la doctrine de la double vérité naît dans le contexte du monopsychisme, à propos de la soumission de Dieu au principe de contradiction : p. 54. Siger dit seulement que les philosophes ont une conception de la vérité que la foi dément : p. 55. Réponse de l’Anonime de Van Steenberghen : p. 55 sq. La double vérité, au départ simple argument, deviendra sous la plume de Tempier une doctrine caractéristique de l’averroïsme : p. 57.

MESNARD Jean, « Pascal et la doctrine de la double vérité », in Averroes (1126-1198) oder der Triumph des Rationalismus, Heidelberg, C. Winter, 2002, p. 333-344. La double vérité chez Averroès : p. 334. Différence de la manière dont l’entend Pascal : p. 334. L’idée de double vérité suppose une conception du savoir où la vérité rationnelle s’idenntifie à la philosophie d’Aristote, interprétée par elle-même, sans souci de la faire acorder avec les dogmes, du christianisme comme de l’islam : p. 335. Question de l’éternité du monde, incompatible avec l’idée de création et celle de la fin du monde : p. 335. Question de l’immortalité de l’âme individuelle, opposée à la doctrine de la mort de l’âme avec le corps (Alexandre d’Aphrodise) et avec celle de l’immortalité de la seule âme universelle (Averroès). La doctrine de la double vérité permet de tenir les deux bouts de la chaîne.

XVIII, 29. C’est pourquoi saint Thomas remarque expressément que Dieu a voulu que les accidents sensibles subsistassent dans l’Eucharistie, afin que les sens, qui ne jugent que de ces accidents, ne fussent pas trompés : Ut sensus a deceptione reddantur immunes.

GEF VII, p. 21, extrait de saint THOMAS, Officium de festo corporis Christi, Opusculum LVII, Opera omnia, Anvers, 1612, t. XVII, 2e part., p. 40. « Lectio III : Manducatur itaque a fidelibus, sed minime laceratur, quinimo diviso sacro integer sub qualibet divisionis particula perseverat. Accidentia autem subjecta in eodem subsistunt, ut fides locum habeat, dum visibile invisibiliter sumitur aliena specie occultatum, et sensus a deceptione reddantur immunes, qui de accidentibus judicant sibi notis. » Cet opuscule de saint Thomas devait être familier à Pascal, puisqu’il le lisait, comme on le lit encore, dans l’office du Saint-Sacrement, au bréviaire romain et parisien, à la 2e leçon du 2e nocturne.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945.

SHIOKAWA Tetsuya, « Justus ex fide vivit et fides ex auditu: foi et preuves dans l’apologétique pascalienne », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 133-151. Voir p. 139 sq.

XVIII, 30. Concluons donc de là que, quelque proposition qu’on nous présente à examiner, il en faut d’abord reconnaître la nature, pour voir auquel de ces trois principes nous devons nous en rapporter. S’il s’agit d’une chose surnaturelle, nous n’en jugerons ni par les sens, ni par la raison, mais par l’Écriture et par les décisions de l’Église. S’il s’agit d’une proposition non révélée et proportionnée à la raison naturelle, elle en sera le premier juge. Et s’il s’agit enfin d’un point de fait, nous en croirons les sens, auxquels il appartient naturellement d’en connaître.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945. Voir t. IV-V, p. 444, note 2.

KOLAKOWSKI Leszek, Dieu ne nous doit rien, Brève remarque sur la religion de Pascal et l’esprit du jansénisme, Paris, Albin Michel, 1997, p. 202 sq.

SHIOKAWA Tetsuya, “Justus ex fide vivit et fides ex auditu : deux aspects de la foi dans l’apologétique pascalienne”, in MEURILLON Christian (dir.), Pascal, l’exercice de l’esprit, Revue des sciences Humaines, 244, 1996, p.159-178. Voir p. 168 sur ce passage.

SHIOKAWA Tetsuya, « Justus ex fide vivit et fides ex auditu : foi et preuves dans l’apologétique pascalienne », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 133-151. Voir p. 141 sq.

Pour reconnaître la nature d’une question, il faut savoir par quel principe il faut en juger

Tout ce passage doit être lié à la liasse Soumission et usage de la raison dans les Pensées et à la Préface au traité du vide.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 208.

PRIGENT Jean, “La réflexion pascalienne sur les principes”, Mélanges de littérature française offerts à M. René Pintard, Strasbourg, Centre de Philologie et de littérature romanes, Klincksieck, Paris, 1975, p. 117-128. Voir p. 119.

Voir la Préface au traité du vide, où Pascal distingue les sciences selon les principes dont elles dépensent. Ici, c’est le cas des questions qui est envisagé : pour les résoudre, il faut savoir à quelle science elles appartiennent, ce qui donne les principes à partir desquels il faut raisonner.

RUSSO François, “Lettre de Galilée à Christine de Lorraine Grande-Duchesse de Toscane (1615)”, Revue d’histoire des sciences, t. XVII, n°4, oct.-déc. 1964, p. 331-367. Voir le texte in Galilée entre le pouvoir et le savoir, p. 171 sq. Cette lettre a été écrite en 1615, à la veille de la condamnation par le Saint-Office de l’ouvrage de Copernic (5 mars 1616) : p. 331. En 1613, dans une lettre au P. Castelli, il avait donné ses idées sur l’opposition du système de Copernic avec l’Écriture. Attaqué en chaire par le P. Caccini, dominicain (Avent 1614) : p. 334. Galilée écrit le 16 février 1615 à Mgr. Pietro Dini une lettre sur les problèmes de l’interprétation de l’Ecriture ; voir sur cette lettre REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 19 sq. Il écrit en 1615 une lettre sans doute primitivement destinée au P. Castelli, puis à la Grande Duchesse de Lorraine, en raison de sa bienveillance pour ses idées : p. 335. La première impression est de 1636, mais de nombreuses copies ont circulé. Les thèses principales en sont que Copernic n’a pas traité de théologie : p. 341 sq.; son ouvrage ne concerne pas les questions religieuses; il repose sur des observations et des démonstrations assurées. Les contradictions qu’on prétend voir entre l’Écriture et la doctrine de Copernic proviennent de ce qu’on interprète à tort des passages de l’Écriture au sens littéral, alors qu’il y a un sens caché. L’Écriture est rédigée pour être comprise par le vulgaire, non pour les savants, et ne peut présenter des raisonnements abstraits et subtils : p. 355. Elle ne ment pas lorsque son vrai sens a été saisi, mais ce sens caché est différent du littéral : p. 343. Il invoque les règle de saint Augustin, De Genesi ad litteram, I, 21 : montrer que les découvertes de la sciences ne sont pas contraires aux livres sacrés : p. 351. « Il appartient au commentateur de s’efforcer de pénétrer le vrai sens des passages de l’Ecriture, qui sera indubitablement en concordance avec les conclusions naturelles dont le sens manifeste et la démonstration nécessaire auront d’abord été établis comme sûrs et certains » : p. 346. Problème des contradictions de l’Ecriture avec le donné scientifique : p. 353 sq. Si l’Écriture dit que le soleil se déplace et que la Terre est immobile, c’est que les formules géocentriques sont mieux adaptées à la mentalité naïve que les héliocentriques : p. 356 sq. D’autre part il ne faut pas chercher dans l’Écriture un enseignement sur les choses naturelles : la Bible a pour objet le salut éternel et la règle des mœurs. Il ne faut pas y chercher un enseignement astronomique. Elle ne vise pas à enseigner les sciences naturelles : le Saint Esprit enseigne comment on va au ciel, non comment va le ciel : p. 344-346. La théologie est reine des sciences par la sublimité de son objet, non parce qu’elle démontrerait de façon excellente tout ce qu’enseignent les autres sciences : p. 349 sq. Les théologiens ne sauraient donc déclarer fausses les affirmations fondées sur des observations sûres et des démonstrations ; elle ne peut décider des questions naturelles sans l’aide de la science. D’autre part, il ne faut pas faire intervenir à tout propos dans discussions sur les problèmes naturels des textes de l’Écriture pour appuyer des affirmations portant sur les choses naturelles : p. 343. Le progrès des sciences conduit souvent à les reconnaître fausses, et on cause du dommage à l’Ecriture et à l’Église, surtout auprès des incroyants. Galilée tire du De Genesi ad litteram pour la plus grande part : p. 337 sq. Règles d’interprétation de saint Augustin : p. 363 sq.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 526 sq. Autorité et raison. Voir p. 530, sur soumission et usage de la raison.

SCHMITZ DU MOULIN, Blaise Pascal, p. 71 sq.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 391 sq. Les questions de physique et de science naturelle n’étant pas de foi, l’Écriture, lorsqu’elle en parle, se conforme aux manières ordinaires de parler, sans dessein de fournir des réponses nouvelles. Voir p. 412 sq., sur la loi et la raison. La foi, même divine, ne doit pas être contraire à la raison.

REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 128 sq. L’affaire du De republica ecclesiastica de De Dominis, qui dénonce l’autorité des conciles quand ils prétendent affirmer de fide des dogmes contraires à la raison et absents de la Bible.

JULLIEN Vincent, “Silences cosmologiques”, XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256. Texte repris dans Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185.

SHIOKAWA Tetsuya, “La connaissance par l’autorité selon Pascal”, Etudes de langue et littérature françaises, n°30, 1977, p. 1-14. Voir p. 8.

SHIOKAWA Tetsuya, “De fides ex auditu à Justus ex fide vivit. Foi et preuves dans l’apologétique pascalienne”, in SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 133-151.

REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 19. Sur la lettre de Galilée au P. Castelli du 21 décembre 1613 ; voir le texte dans GALILÉE, Dialogues et lettres choisies, éd. Michel, p. 384-391. Sur la nécessité d’éclairer l’herméneutique biblique par les raisons naturelles : p. 19.

REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 19 sq. Sur la lettre de Galilée au P. Dini du 21 mai 1611; texte in GALILÉE, Dialogues et lettres choisies, éd. Michel, p. 368 sq.

REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 49. Discussions à propos de la doctrine de Copernic ; nécessité d’intervenir pour le Saint Office, dès que l’on prétend lier l’interprétation biblique aux théories naturelles : p. 49. Si on admettait la possibilité d’interpréter l’Ecriture par de nouvelles raisons naturelles, on courrait le risque que cette réforme s’étende à des points fondamentaux de la foi : p. 50.

Cette déclaration ne signifie pas que les deux domaines des sciences naturelles et de l’exégèse biblique soient absolument coupés l’un de l’autre. Voir ce qu’en dit Galilée dans sa lettre à Christinne de Lorraine.

Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 1798-179. « Dans les disputes de questions naturelles, on ne devrait pas commencer par les citations des autorités de l’Écriture sainte, mais par les expériences des sens et par les démonstrations nécessaires ». En revanche, « quand nus avons acquis la certitude de certaines conclusions naturelles, nous devons les utiliser comme moyens très appropriés à l’exposition véridique de ces Écritures et à l’investigation des significations qui y sont nécessairement contenues » : p. 179.

On trouverait un mouvement de pensée analogue chez Pascal, dans la règle de soumission et d’usage de la raison. On doit se soumettre à l’autorité de l’Écriture, mais ensuite, on peut user de son raisonnement.

Contre l’abus d’autorité de la théologie et des théologien

Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 186 sq. Par quelle prééminence la théologie mérite-t-elle le titre de reine des sciences ? Le sujet dont elle s’occupe dépasse en dignité tous les autres, qui sont matière des autres sciences. Mais ses ministres ne doivent pas s’arroger l’autorité de décréter dans les professions qu’ils n’exercent ni n’étudient : p. 187.

XVIII, 31. Cette règle est si générale que, selon saint Augustin et saint Thomas, quand l’Écriture même nous présente quelque passage, dont le premier sens littéral se trouve contraire à ce que les sens ou la raison reconnaissent avec certitude, il ne faut pas entreprendre de les désavouer en cette rencontre pour les soumettre à l’autorité de ce sens apparent de l’Ecriture ; mais il faut interpréter l’Ecriture, et y chercher un autre sens qui s’accorde avec cette vérité sensible ; parce que la parole de Dieu étant infaillible dans les faits mêmes, et le rapport des sens et de la raison agissant dans leur étendue étant certain aussi, il faut que ces deux vérités s’accordent ; et comme l’Ecriture se peut interpréter en différentes manières, au lieu que le rapport des sens est unique, on doit, en ces matières, prendre pour la véritable interprétation de l’Ecriture celle qui convient au rapport fidèle des sens.

GEYMONAT Ludovico, Galilée, Points, Seuil, Paris, 1992, p. 93 sq. Problème du sens des mots, qui fait que’il existe des contradictions évidentes entre la thèse de Copernic et certains passages très clairs de la Bible. Un savant et un catholique doit être capable d’admettre que les thèses coperniciennes et les paroles bibliques sont également vraies : p. 94. Il faut montrer que c’est possible. Galilée refuse le compromis de Tycho Brahé aussi bien que la doctrine de la double vérité » d’Averroès : p. 94. Il faut admettre l’existence de deux langages radicalement différents : le langage commun avec toutes ses imprécisions, et le langage scientifique, marqué par la riguer et l’exactitude. Dieu connaissait les deux langages et savait en dictant les Écritures, que pour se faire entendre du peuple il fallait employer le langage ordinaire : p. 94-95. C’est pourquoi il dit que le soleil tourne autour de la terre. La vérité est une, mais il y a deux langages pour l’exprimer : p. 95. La nature ne se souciant pas de ce que ses raisons cachées soient ou non connues des hommes, les phénomènes naturels n’ont en aucune façon à être mis en doute parce que des passages de l’Écriture semblent dire le contraire : p. 95-96.

Galilée corrigera ces idées en distinguant deux domaines ; le domaine de l’éthique religieuse, et celui des connaissances naturelles : p. 96. Le premier dépasse le raisonnement humain, et dépend de l’Esprit saint, qui emploie le langage commun dans une matière qui touche toutes les personnes. Pour le second, Dieu a donné à l’homme des moyens de trouver la vérité avec une rigueur scientifique : p. 96.

Galilée n’a pas vu une difficulté que les théologiens ont sentie : pourquoi, sinon les sens, du moins la raison naturelle ne seraient-ils pas capables de faire appliquer également la rigueur scientifique aux questions de morale ?: p. 97.Les théologiens ont raison d’émettre des objections sur ce poiçnt. Le raisonnement scientifique n’a aucune raison de s’appuyer sur une autre autorité étrangère : p. 98.

Réponse de Bellarmin à la consutlation de Foscarini : Galilée et Fooscarini devraient présenter leurs idées comme des hypothèses et non de façon catégorique. Le concile interdit de donner aux Ecritures un sens différent de celui sur lequel s’accordent les Pères de l’Église : or tous sont d’accord pour entendre à la lettre que le soleil est dans le ciels et tourne autour de la terre : p. 107. Une chose est de dire qu’à supposer que le sileil soit au centre et que la terre tourne autour, et que le soleil est réellement au centre et que la terre tourne autour de lui : p. 108.

Rapports historiques de la science et de la religion chrétienne

TATON René (dir.), Histoire générale des sciences, I, La science antique et médiévale (des origines à 1450), Paris, Presses Universitaires de France, 1966, p. 417 sq. La fin de la science antique. Influence du christianisme dans la décadence de la science antique : p. 418. Les premiers chrétiens manifestent à l’égard des sciences une réserve qui va de l’indifférence à l’hostilité. Mais à partir du IIe siècle, ce mérpis systématique se rencontre plus rarement et ne survit que dans des milieux turbulents comme à Alexandrie. Mais la majorité des Pères reconnaît la valeur de la science grecque et les données de la science païenne, à la double condition qu’elles ne contredisent pas les Écritures et qu’elles ne divertissent pas le croyant de la préparation de son salut : p. 418-419. Il y a eu des reculs, comme chez saint Augustin sur les antipodes ; mais sauf exception, il n’y a pas eu chez les chrétiens d’opposition systématiqe à la science ; Cassiodore, Bède le Vénérable et Isidore de Séville témoignent au contraire que plsuieurs grands clercs manifestaient de l’intérêt pour les sciences : p. 419. Les Barbares portent le coup de grâce aux sciences en même temps qu’à l’empire d’occident.

Il ne peut pas y avoir de désaccord entre la science et la foi

C’est une conséquence du principe d’habileté. Du fait que l’auteur de l’Écriture est Dieu, ou un prophète inspiré par Dieu, qui ne peut se tromper ni tromper l’homme, il est certain que l’Écriture ne peut contenir rien de faux, même du point de vue de la science. Autrement dit, même lorsque l’Écriture s’exprime en termes apparemment contraires à la vérité, elle ne le fait pas réellement.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, II, p. 412 sq., sur la foi et la raison. La foi, même divine, ne doit pas être contraire à la raison.
De là vient le principe formulé par Etienne Pascal, que son fils a toujours tenu en mémoire : voir Vie de Pascal, § 23, OC I, p. 578, « tout ce qui est l’objet de la foi ne saurait l’être de la raison, et beaucoup moins y être soumis ».

Saint AUGUSTIN, La Genèse au sens littéral, Bibliothèque augustinienne, 48, p. 578. Augustin esquisse les traits d’une théorie des rapports de la science et de la foi. Dans le cas de thèses scientifiques établies par des arguments certains, la tâche de l’exégète est de montrer qu’elles ne contredisent en rien l’Écriture ; dans le cas opposé d’une affirmation claire de la foi, il lui faut montrer, si c’est possible, la fausseté des opinions scientifiques contraires, ou du moins laisser voir que ces opinions scientifiques sont erronées. Une opposition entre deux certitudes est inconcevale. La vraie philosophie ne peut pas entrer en conflit avec l’interprétation vraie des Écritures. Saint Thomas ajoutera cette précision que la tâche du théologien, face à des énoncés philosophiques contraires à la foi, est de montrer soit leur fausseté, soit l’incertitude des arguments qui les fondent. Voir Contra Gentiles, I, 7. Si un énoncé, par ailleurs non contraire à la foi, est contredit par un raisonnement certain, il faut y voir l’effet de l’ignorance humaine et non l’expression authentique de l’Écriture : voir De doctrina christiana, II, XVIII, 28-XL, 61.

Les idées d’Augustin ont été connues de Galilée, qui citait les textes du De Genesi ad litteram dans sa lettre à Christine de Lorraine : p. 578.

MESNARD Jean, « Pascal et la doctrine de la double vérité », in Averroes (1126-1198) oder der Triumph des Rationalismus, Heidelberg, C. Winter, 2002, p. 336 sq.

SHIOKAWA Tetsuya, Pascal et les miracles, p. 53. Fidélité du rapport des sens.

Introduction critique à l’Ancien Testament, I, p. 63. Encyclique Providentissimus de Léon XIII. Selon Baronius, “l’Ecriture nous apprend comment on va au ciel, et non comment va le ciel”. Saint Thomas, Ia Q. 70, art. 1, sol. 3 : Moïse “a parlé d’après les apparences sensibles”, et selon “l’estimation du public, comme c’est la coutume dans l’Ecriture”. Léon XIII reprend la doctrine traditionnelle : les auteurs se servent des locutions et images de leur temps sans se préoccuper d’en corriger les inexactitudes scientifiques. La Bible ne fait pas de science, la science ne fait pas de théologie : p. 63. Là où les deux domaines se recoupent (miracles bibliques, unité de l’espèce humaine), il n’y a pas d’opposition à craindre, pourvu que la Bible soit comprise selon son langage propre et que la science ne force pas le sens de ses contestations positives en construisant des systèmes commandés par des postulats philosophiques hostiles à la Révélation. Lorsque les écrivains bibliques parlent de la voûte des cieux, etc., c’est une manière de s’exprimer pour parler d’autre chose que de la constitution du globe. Pas d’histoire naturelle, mais une définition théologique de l’homme dans l’univers organisé.

LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 69. Lettre de Galilée à Castelli du 21 décembre 1613. C’est agir prudemment quede ne permettre à personnne de brandir les passages de l’Écriture et de les obliger d’une certaine façon à soutenir pour vraies certaines conclusions naturelles, desquelles un jour le sens et les raisons démonstratives et nécessaires pourraient nous manifester le contraire.

NAMER Emile, L’affaire Galilée, p. 89 sq. Lettre de Galilée à Castelli du 21 décembre 1613. L’Ecriture ne peut mentir ni errer, mais il n’en va pas de même de ses commentateurs, qui peuvent en particulier se tromper en voulant s’en tenir au sens littéral, “parce qu’alors surgiraient diverses contradictions, de graves hérésies et même des blasphèmes, qui nous conduiraient à attribuer à Dieu des pieds, des mains, des yeux, non moins que des affections corporelles et humaines, telles que la colère, le repentir, la haine et parfois l’oubli des choses passées ou l’ignorance des événements futurs. Dans l’Ecriture sainte se trouvent des propositions qui, prises au sens nu des paroles, n’ont pas un aspect véridique : néanmoins elles sont utilisées parce qu’elles s’accommodent davantage à l’incapacité du vulgaire. S’il en est ainsi, il est nécessaire, pour le petit nombre de ceux qui méritent d’être séparés de la plèbe, que les sages commentateurs exposent les significations réelles de certaines propositions et expliquent les raisins pour lesquelles elles ont été exprimées d’une façon particulière. Il s’ensuit donc que l’Ecriture sainte, en plusieurs passages, mérite et même exige des exposés qui se distinguent de la signification superficielle, et donc que dans tout débat sur des questions naturelles on ne devrait l’alléguer qu’en dernier recours.” “Si donc l’Ecriture, pour s’adapter à l’entendement de la multitude, doit s’exprimer dans un langage qui, par la signification littérale, s’éloigne de la vérité absolue, et si, au contraire, la nature inexorable et immuable, peu soucieuse que ses raisons cachées et sa manière d’opérer soient ou ne soient pas accessibles à la compréhension des hommes, ne transgresse jamais les lois qui lui ont été imposées, il s’ensuit que les effets naturels, qui résultent des expériences sensibles ou des démonstrations nécessaires, ne doivent en aucun cas être révoqués en doute, sous prétexte que tel passage de l’Ecriture aurait une signification contraire, car la parole de l’Ecriture n’est pas liée à des obligations aussi sévères que les effets de la nature…” : p. 91.

REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 49. Discussions à propos de la doctrine de Copernic ; nécessité d’intervenir pour le Saint Office, dès que l’on prétend lier l’interprétation biblique aux théories naturelles p. 49. Si on admettait la possibilité d’interpréter l’Ecriture par de nouvelles raisons naturelles, on courrait le risque que cette réforme s’étende à des points fondamentaux de la foi : p. 50.

REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 128 sq. Affaire du De republica ecclesiastica de De Dominis, qui a dénoncé l’autorité des Conciles quand ils prétendent affirmer de fide des dogmes contraires à la raison et absents de la Bible.

CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. LV. Programme de Campanella, sur la non contradiction entre l’Ecriture et les vérités mises à jour par une authentique science de la nature juxta propria principia. Sur l’idée que l’Ecriture est assez souple pour s’adapter aux vérités à mesure qu’e l’homme les découvre : p. LXXXIV. Théorie de l’interprétation du texte sacré chez Campanella : p. CIII sq. Les écrivains des premiers siècles ont dû constater lorsqu’ils ont confronté le récit de la Genèse avec les enseignements des doctrines profanes, que la vérité du discours de l’Ecriture ne se trouve pas nécessairement dans le sens immédiat des morts employés par Moïse ou par d’autres prophètes : p. CX. Les théologiens modernes ont tendance à oublier cette découverte : p. CX-CXI.

LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 67. Lettre de Galilée à Castelli du 21 décembre 1613. « La nature, étant inexorable et immuable, n’a cure que ses secrètes raisons et ses façons d’opérer soient ou non exposées à la capacité des hommes, ce pourquoi elle ne transgresse jamais les termes des lois qui lui sont imposées ; il semble que celui des effets naturels que l’expérience de nos sens nous met sous les yeux ou que les démonstrations nécessaires nous donnent pour conclure, ne doive en aucun compte être mis en doute pour des passages de l’Écriture qui auraient dans leurs paroles une apparence différente, parce que toutes les paroles de l’Écriture ne sont pas liées à des obligations aussi sévères que ne l’est chacun des effets de nature ».

NAMER, L’affaire Galilée, p. 90 et 100. Textes de Galilée tirés de l’éd. nat. V, p. 281-288 et p. 291-295 ; pour la lettre à Christine de Lorraine, voir p. 107 sq.

Mersenne et l’interprétation de l’Écriture : voir CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. CXLIX. Les passages déniant le mouvement de la terre et l’attribuant au ciel et aux astres n’ont pas été jusque là interprétés par l’Église dans un sens tel que le chrétien doive s’en tenir à la seule acception littérale.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, II, p. 391 sq. Les questions de physique et de science naturelle n’étant pas de foi, lorsque l’Ecriture en parle, elle se conforme aux manières ordinaires de parler, sans dessein de fournir des lumières nouvelles. Voir p. 412 sq., sur la foi et la raison. La foi, même divine, ne doit pas être contraire à la raison.

SCHMITZ DU MOULIN, Blaise Pascal, p. 71 sq.

SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 526 sq. et p. 530, sur la soumission et l’usage de la raison.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945. Voir t. IV-V, p. 444, notes 3 et 4. Discussion de Kepler sur les passages qui font appel à l’expérience des hommes concernant les choses naturelles et allèguent ce que l’on voit ; ils sont clairs et n’ont besoin d’aucune interprétation et chaque fois qu’on s’écarte du jugement des yeux pour les expliquer, naît aussi tôt une grande diversité parmi les interprètes : p. 262. Lorsqu’on peut le faire, dit-on, que l’on suive le sens littéral : bonne règle, mais quel juge est établi qui puisse le faire ?, p. 262. C’est l’expérience commune des hommes. « Donc qu’on écoute l’expérience plus particulière des astronomes, et du moment qu’ils ont dit que ne peut être fait dans de bonnes conditions que ce qui est dit selon le sens de la vue soit vrai et soit selon la lettre en astronomie, l’interprète de l’écirture doit alors cesser de se soucier du sens astronomique, se contentant de ce sens qui a été défini à partir des yeux et de la vue... » : p. 262. Voir commentaire in t. IV-V, p. 194.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 291 sq. Opinion de saint Augustin. Quand on oppose à une proposition démontrée par la sciennce l’autorité de l’Ecriture, comme l’Ecriture est vraie, c’est son sentiment particulier que l’on oppose à la science, et non le vrai sentiment de l’Ecriture. Mais selon de De Genesi ad literam, ce que les savants disent contre les lettres sacrées doit être réputé faux

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 263. Kepler : « la réponse aux arguments théologiques, ou bien il ne fallait pas permettre aux chrétiens d’être astronomes... ou bien une fois donnée la liberté de rechercher la vérité des choses célestes, la théologie ne se réservera aucun droit de limiter dans des bornes étroites la recherche de la vérité ou d’imposer des lois issues de la théologie à la science astronomique qui est d’un genre totalement différent ; ce serait donner une chose de la main droite et la reprendre de la main gauche (...). Cependant tout astronome qui aime le Christ aura soin de ceci : de manière que lui-même veut se servir librement de ses raisonnements en matière astronomique sans obstacle de la part de la part des théologiens, de même qu’il se contrôle pour ne pas empiéter sur les droits de la théologie et sur ce qui est matière de foi et de moeurs et pour ne pas glisser dans l’hérsie en s’avançant par ses raisons au delà des bornes de son sujet » : p. 263-264.

La parole de Dieu est infaillible dans les faits mêmes

Lettre de Galilée à Christine de Lorraine de 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 177. Les saintes Écritures ne peuvent jamais mentir, pourvu toutefois que l’on ait pénétré leur vrai sentiment.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. IV-V, p. 444. Affirmation traditionnelle de l’infaillibilité de la parole de Dieu dans les faits mêmes.

Il faut que ces deux vérités s’accordent

Il faut que les deux vérités s’accordent : voir MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. IV-V, p. 444. Ces derniers mots sont un écho du décret de la Session VIII du Concile de Latran V, que le vrai ne peut contredire le vrai.

Deux vérités ne peuvent jamais se contrarier : voir la règle formulée par GALILÉE, Lette à Benedetto Castelli du 21 décembre 1613, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 165.

Il ne faut pas faire violence à l’Écriture par des interprétations naturelles contestables

Lettre de Galilée à Benedetto Castelli du 21 décembre 1613, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 166. Galilée soutient que l’on agirait prudemment si l’on ne permettait à personne d’utiliser les passages de l’Écriture pour les enrôler et les contraindre d’une certaine façon à soutenir pour vraies des conclusions naturelles sont une fois ou l’autre le sens et les raisons démonstratives et nécessaires pourraient nous montrer de façon manifeste le contraire.

Celui qui oppose l’autorité de l’Écriture aux preuves certaines agit par l’esprit propre

Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 181. Passage de saint Augustin, Epistola septima ad Marcellium, cité par Galilée.

Le rapport des sens et de la raison agissant dans leur étendue étant certain... ; le rapport des sens est unique

Pensées, Laf. 99, Sel. 132. Il n’y a pas de grosse contradiction dans les sens, lorsqu’il est question de quelque chose de facilement observable (exemple du boîteux).
Laf. 701, Sel. 579. “Quand on veut reprendre avec utilité et montrer à un autre qu’il se trompe il faut observer par quel côté il envisage la chose, car elle est vraie ordinairement de ce côté-là et lui avouer cette vérité, mais lui découvrir le côté par où elle est fausse. Il se contente de cela car il voit qu’il ne se trompait pas et qu’il y manquait seulement à voir tous les côtés. Or on ne se fâche pas de ne pas tout voir, mais on ne veut pas être trompé, et peut-être cela vient de ce que naturellement l’homme ne peut tout voir, et de ce que naturellement il ne se peut tromper dans le côté qu’il envisage, comme les appréhensions des sens sont toujours vraies.”
Sur l’origine épicurienne de ce principe de la véracité des sens, et les problèmes qu’il pose, voir CANTO-SPERBER Monique (dir.), Philosophie grecque, Paris, Presses Universitaires de France, 1998, p. 482 sq.

ÉPICURE, Lettres et maximes, éd. Marcel Conche, Paris, Presses Universitaires de France, 1987, p. 25 sq. Les sensations nous révèlent l’être et le vrai ; l’objet qui lais en nous sa représentation, son image, est réellement tel qu’il nous apparaît, de sorte qu’il y a identité entre l’être et l’apparaître. Il n’y a pas d’erreur des sens : p. 27. Comparaison de la position d’Epicure avec celle des Pyrrhoniens : p. 28 sq. Les conséquences qui en découlent dans la doctrine épicurienne : p. 30.
Sur cette doctrine d’Epicure, voir RODIS-LEWIS, Epicure, p. 92-93.

CICÉRON, Académiques I, Les Stoïciens, Pléiade, p. 197. Il y a une très grande vérité dans les sens, à condition qu’ils soient sains et qu’on écarte tout ce qui les empêche d’agir. Sur la fausseté des sens, voir p. 223 : selon Epicure, si une fois une seule sensation a été mensongère, dans notre vie, il ne faut se fier à aucune : p. 223. Pour lui, les sens ne mentent jamais : p. 225.

Saint AUGUSTIN, De vera religione, XXXIII, n. 62, p ; 115. Les yeux mêmes ne trompent pas ; ils ne peuvent transmettre à l’âme que leur impression. Idée de la rame brisée : c’est l’homme qui est mauvais juge, par le milieu changeant, la vision doit aussi changer. « L’œil a donc raison : il n’est pas fait pour autre chose que pour voir. C’est l’âme qui a tort » : p. 115.

Voir SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 45, n. 27, qui compare la confiance ritique que Pascal accorde aux données des sens avec la position d’Augustin.
Le même principe se retrouve au XVIIe siècle, notamment chez Gassendi, qui prolonge la tradition épicurienne.

PINTARD, Le libertinage érudit..., p. 479. Gassendi sur la crédibilité des sens. Les sens ne trompent pas ; on se trompe dans le jugement à propos des données des sens. Les sens ne renseignement que sur l’aspect extérieur des choses, et non sur leur nature. Voir Opera III, p. 102, 192 et 208-209.

HAMOU Philippe, La mutation du visible. Essai sur la portée épistémologique des instruments d’optique au XVIIe siècle, p. 144. Gassendi et l’apparence vraie. Gassendi admet avec Epicure que “les sens sont toujours vrais” : p. 145. Non en tant que les apparences livreraient l”’essence des choses, mais en ce que, traitées comme apparences, elles ne peuvent jamais nous tromper et sont toujours telles qu’elles paraissent. Voir Disquisitio..., tr. Rochot, p. 540 : “nous ne pouvons pas douter que les choses nous apparaissent comme elles nous apparaissent”.

POPKIN Richard, Histoire du scepticisme d’Erasme à Spinoza, Paris, PUF, 1995, p. 168 sq. Pierre Chanet en faveur d’une certitude fondamentale fondée sur les sens. Si les conditions indiquées par Aristote dans le De anima sont remplies, les sens, quoiqu’ils puissent tromper parfois, sont incapables de faire erreur. L’erreur ne peut arriver que s’il y a quelque chose d’anormal dans l’organe : p. 169. Yves de Paris sur les sens : p. 170.

Cette idée est reprise par les mécanistes.

ROBERVAL Gilles Personne de, Les principes du devoir et des connaissances humaines, éd. Gabbey, in Mariotte savant et philosophe († 1684), Paris, Vrin, 1986, p. 229 sq. Les qualités sensibles nous paraissent suivant le rapport qu’elles ont à nous et à nos sens. Voir p. 230-231, les propositions qui assurent une qualité sensible sont dite propositions sensibles.

AUGER Léon, Roberval, p. 135 sq. Les sens ne renseignent pas sur la nature intime des choses, mais seulement sur sa production. Voir p. 140. En « parfaite disposition », si on ouvre les yeux, ce qui nous paraît alors est véritablement. Prouver sensiblement une chose : p. 141. Les qualités naturelles sont perçues par le rapport qu’elles ont avec nos sens : p. 142. La relativité du rapport des sens : p ; 142. Le goût amer du vin, selon son rapport à nos sens. Pourtant, quand notre disposition estt saine, le témoignage des sens est véritable : p. 140. D’où la règle du jugement des qualités par la plupart des hommes et par les plus tempérés, p. 143. Les propositions qui assurent une qualité sensible, par exemple je sens du chaud, sont certaines à ceux qui, par leurs sens bien disposés, reconnaissent ces qualités ; d’autant que tous les sentiments sont des effets, et que tout effet a sa cause, il faut que les qualités qui nous paraissent soient en soi et absolument telles que nous les sentons, ou du moins qu’elles soiennt telles à notre égard. Les propositions qui assurent une substance sont tenues pour certaines par ceux qui, ayant les sens bien disposés, et non empêchés, reconnaissent tous les signes de cette substance. Inversement lorsqu’il ne paraît aucun signe d’une substance naturelle sensible, la proposition qui nie la présence de cette substance est certaine : p. 144-145.

MARIOTTE, Essai de logique, I, XIII, éd. Picolet, p. 19. “De quelque façon que les choses qui tombent sous nos sens nous paraissent, il est vrai qu’elles nous paraissent de cette sorte”.

Pascal a abordé le problème sous un angle original, lors des controverses sur le vide.

OC II, p. 529 sq., et p. 567 sq. Le vide ne frappe aucun sens ; on ne peut affirmer son existence : p. 529-530. La perception d’un effet permet de conclure à l’existence réelle de sa cause ; mais là où on ne voit rien, c’est qu’il n’y a rien : p. 567.

Certains philosophes tendent à résuire la valeur du témoignage des sens à une fonction d’excitation de la pensée intellectuelle.

MICHEL, Cosmologie de G. Bruno, p. 66-67. Même corrigé, le donné sensible est selon Bruno insuffisant. Une expérience mal contrôlée par la raison risque de servir de base à une théorie fausse, par exemple l’immobilité de la Terre. Les sens servent à stimuler la raison, à indiquer, à témoigner en partie, non totalement. La vérité procède des sens, mais ne réside pas en eux.

MERSENNE Marin, L’impiété des déistes, II, p. 300 sq., éd. Descotes, Paris, Champion, 2005, p. 600 sq. Théorie de l’office des sens. La connaissance des sens est faible, mais « la vérité est dans l’objet non seulement sensible, mais inntelligible ».

LENOBLE Robert, Mersenne ou la naissance du mécanisme, p. 316 sq. Théorie de la perception par les sens.

Comment les sens peuvent-ils tromper ?

AUGER Léon, Roberval, p. 142.

GASSENDI Pierre, Exercitationes..., p. 388. Origine des erreurs des sens selon Aristote :

Quand un sens usurpe une fonction d’un autre, Métaphysique, IV, 5 ;
Parce que la distance entre le sens et l’objet n’est pas prise ;
Lorsque le milieu intermédiaire est gâté ;
Lorsque l’organe est malade.

Mise en cause de ces démonstrations : p. 390. Comment peut-on appréhender qu’aucuen des conditions nécessaires à un bon témoignage ne sont pas réunies ?

Impossibilité d’une vérification faite après coup ; impossibilité d’une vérification faite par les autres sens.

LENOBLE Robert, Mersenne ou la naissance du mécanisme, p. 317 sq. Principe du sens comme interaction.

Pensées, Laf. 199, Sel. 230. Les sens trompent, mais aux extrêmes ; voir SELLIER, Pascal et saint Augustin, p. 45, n. 27.

MICHEL, Cosmologie de G. Bruno, p. 66. Insuffisance due à la faible portée ou à la médiocre acuuité des sens, incapables de bien discerner les éléments derniers de la matière comme l’infiniment grand. L’infini ne peut pas être objet de connaissance sensible.

Mise en cause et critique des sens

Laf. 41, Sel. 75.
Laf. 199, Sel. 230.

CICÉRON, Académiques I, Les Stoïciens, Pléiade, p. 197 et p. 223.

GASSENDI Pierre, Exercitationes paradioxicae adversus aristoteleos, p. 388. Origine des erreurs des sens selon Aristote :

Quand un sens usurpe une fonction d’un autre, Métaphysique, IV, 5 ;
Parce que la distance entre le sens et l’objet n’est pas prise ;
Lorsque le milieu intermédiaire est gâté ;
Lorsque l’organe est malade.

Mise en cause de ces démonstrations : p. 390. Comment peut-on appréhender qu’aucuen des conditions nécessaires à un bon témoignage ne sont pas réunies ? Impossibilité d’une vérification faite après coup ; impossibilité d’une vérification faite par les autres sens.

MERSENNE Marin, Harmonie universelle, De la voix, éd. CNRS, t. 2, p. 81 sq. Comparaison de la manière dont les différents sens se trompent.

XVIII, 31. Il faut, dit saint Thomas, I p., q. 68, a. I, observer deux choses, selon saint Augustin : l’une, que l’Ecriture a toujours un sens véritable ; l’autre que, comme elle peut recevoir plusieurs sens, quand on en trouve un que la raison convainc certainement de fausseté, il ne faut pas s’obstiner à dire que c’en soit le sens naturel, mais en chercher un autre qui s’y accorde.

Texte cité dans GEF VII, p. 21-22. Référence exacte ; Pascal traduit très largement.

Saint THOMAS, Somme théologique, Ia, q. 68. a. 1. Rép. « Saint Augustin enseigne qu’il y a deux règles à observer dans ces questions : 1. Tenir indéfectiblement que l’Ecriture sainte est vraie. 2. Quand l’Ecriture peut être expliquée de plusieurs manières, personne ne doit donner à l’une des interprétations une adhésion tellement absolue, que, dans le cas où il serait établi par raison certaine que cela est faux, on ait la présomption d’affirmer que tel est le sens de l’Ecriture : de peur que la sainte Ecriture n’en vienne à être tournée en ridicule par les infidèles, et qu’ainsi le chemin de la foi ne leur soit fermé. »

Il faut que les deux vérités s’accordent : voir MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. IV-V, p. 444. Voir t. III, p. 945. Référence de saint Thomas.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . I, p. 73 sq. L’Église et Galilée d’accord sur l’égalité des deux sources de savoir : p. 74.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. VI, p. 367. Textes faisant allusion au concile de Latran V, Session VIII de 1513, qui contient la proposition que le vrai dans l’Ecriture ne peut contredire le vrai dans l’ordre philosophique.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. VI, p. 24 sq. Saint Augustin dans le De Genesi ad litteram. Fermeture de toute possibilité que l’Ecriture contienne une véritable erreur : p. 24-25.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . VI, p. 8 sq. Opinion de Pereira : lorsque la science contenue dans l’Ecriture semble s’opposer à des expériences manifestes et à des raisons de la philosophie ou des autres disciplines, il faut diligemment éviter et fuir à tout prix de dire quoi que ce soit qui s’y oppose : p. 9. Référence implicite au Concile de Latran V, selon quoi le vrai, dans l’Ecriture, consonne toujours avec le vrai dans la philosophie : p. 9. Riccioli : l’Ecriture soit être prise au sens littéral chaque fois qu’un tel sens ne répugne pas à quelque proposition certaine et évidente par la lumière naturelle : p. 9. La difficulté d’appliquer le principe dans le cas de la théorie de Copernic, d’après les déclarations de Bellarmin : p. 10.

Il semble qu’il faut distinguer plusieurs degrés.

Premier degré : il faut toujours prendre l’Ecriture au sens littéral, sauf lorsqu’une certitude rationnelle s’y oppose.

Second degré : lorsqu’il y a une opposition entre le sens littéral de l’Ecriture et une certitude de la raison et des sens, il ne faut pas défendre la vérité littérale du sens littéral. Ce principe ne signifie pas qu’on doit automatiquement se rabattre sur ce que disent la raison et les sens.

Troisième degré : lorsqu’il y a une telle opposition, il faut admettre la vérité de ce qe disent la raison et les sens.

Quatrième degré : lorsque c’est le cas, il faut trouver une conciliation entre le sens de l’Ecriture et les données rationnelles et sensorielles.

Cinquième degré : qu’arrive-t-il lorsqu’on ne parvient pas à trouver une telle conciliation ? Cela peut prendre deux formes :

ou bien le sens conciliateur est condamné par l’Église, p. 11,
ou bien on ne trouve pas de sens conciliateur.

L’Ecriture et sa place dans le savoir

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . VI, p. 11 sq. Un savoir philosophique serait contenu dans l’Ecriture, savoir qui aurait priorité sur la science et la philosophie des anciens : p. 12. Les hypothèses de Ptolémée seraient extraites des Ecritures « en leur vérité » : p. 13. Clavius : « les premiers découvreurs de l’astronomie ont été les ancêtres et les propagateurs du genre humain », savoir Adam, Noé, Abraham : p. 13. Contribution de Josèphe à cette idée : p. 13 sq. Hevelius et Cassini disent même que les Chinois ont été instruits de la science astronomique par les Hébreux : p. 14.

L’Écriture a toujours un sens véritable

Saint THOMAS, Somme théologique, Ia, q. 68. a. 1. Rép. « Saint Augustin enseigne qu’il y a deux règles à observer dans ces questions : 1. Tenir indéfectiblement que l’Ecriture sainte est vraie. »

LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 67. Lettre de Galilée à Castelli duu 21 décembre 1613. Les saintes Écritures ne peuvent jamais ni mentir, ni se tromper, (...) leurs décrets sont d’une absolue et inviolable vérité. »

XVIII, 32. C’est ce qu’il explique par l’exemple du passage de la Genèse, où il est écrit que Dieu créa deux grands luminaires, le soleil et la lune, et aussi les étoiles ; par où l’Ecriture semble dire que la lune est plus grande que toutes les étoiles : mais parce qu’il est constant, par des démonstrations indubitables, que cela est faux, on ne doit pas, dit ce saint, s’opiniâtrer à défendre ce sens littéral, mais il faut en chercher un autre conforme à cette vérité de fait ; comme en disant : Que le mot de grand luminaire ne marque que la grandeur de la lumière de la lune à notre égard, et non pas la grandeur de son corps en lui-même.

Genèse, I, 16, tr. Le Maître de Sacy, p. 23-24. Commentaire : « Le soleil et la lune sont appellés les deux grands corps de lumière, quoiqu’il y ait plusieurs étoiles plus grandes que la lune, parce que Moïse parle aux hommes d’une manière humaine, et que nous voyons que la lune nous éclaire sans comparaison davantage durant la nuit que toutes les étoiles ensemble ; qu’elle nous sert alors pour nous conduire comme le soleil nous éclaire durant le jour ; et qu’étant beaucoup plus proche de nous que les étoiles, elle nous paroît plus grande qu’aucune d’elles, et qu’elle agit plus puissamment sur tous les corps inferieurs, et d’une manière beaucoup plus sensible. »

Saint AUGUSTIN, La Genèse au sens littéral, II, XIII, 26 sq., Bibliothèque augustinienne, 48, p. 187 sq. Création des grands luminaires. Qu’ils servent de signes : II, XIV, 28, p. 191 sq. E,n quel sens les astres sont signes : p. 193 sq. Voir p. 607, sur la grandeur des astres.
Saint THOMAS, Somme théologique, Ie partie, q. 70, art. 1 : « Comme le dit Chrysostome, si l’on appelle le soleil et la lune les deux grands luminaires, ce n’est pas à cause de leur volume, mais c’est en raison de leur efficacité et de leur vertu; car bien que les autres étoiles soient d’un volume plus considérable que la lune, cependant les effets de la lune sont plus sensibles sur la terre; et même elle paraît plus grande selon les sens. »

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . I, p. 151 sq. Ampleur due à une coïncidence fortuite : les diamètres apparents du Soleil et de la Lune sont très voisins, parce que si le Soleil est 400 fois plus éloigné de la Terre, son diamètre est 400 fois plus grand que celui de la Lune : p. 151.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 944-945. Voir t. IV-V, p. 444-445, note 6. Remarques sur la citation de saint Thomas. Renvoi à la Question 70, article 1, 5e objection. Les termes C’est ce qu’il explique... semblent supposer que Pascal continue tout au long de l’alinéa à citer l’article 1. Mais la Question 68 est tout entière consacrée à la seule création du firmament au second jour et ne contient aucune citation de Genèse I, 6. Il faut aller à la Question 70, où Thomas parle des deux grands luminaires à partir de la réponse de saint Jean Chrysostome. Mais la réponse en question n’a pas la netteté du sens littéral dégagé par Pascal entièrement dans la ligne du terme luminaire. Ces lignes sont donc bien de Pascal lui-même ; comme en disant indique nettement que c’est lui qui parle. Il est remarquable que Pascal manifeste ici un rapport à l’Ecriture entièrement traditionnel : celle-ci parle en vérité des faits naturels, qui peuvent être soumis au jugement des sens.

Saint AUGUSTIN, De Genesi ad litteram, I, ch. XIII, Bibliothèque augustinienne, t. 48, p. 187 sq., analyse de ce passage de la Genèse. La discussion mentionnée par Pascal se trouve en XVI, 34, p. 204-205. “Et melius credimus esse ea ceteris majora luminaria, quae sancta Scriptura ita commendat : et fecit Deus duo magna luminaria quae tamen non sunt aequalia. Nam consequenter dicit, cum ea ceteris praeposuerit, inter se ipsa differre. Ait enim : luminare majus in inchoationem diei et luminare minus in inchoationem noctis. Certe enim vel hoc concedent oculis nostris, ut ea manifestum sit amplius ceteris lucere super terram nec diem clarere nisi luce solis nec noctem tot stellis adparentibus ita lucere, si luna desit, quemadmodum praesentia illius inlustratur”.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 258. Kepler, sur la cause de la grandeur du soleil ; par quel moyen la grandeur du globe terrestre a-t-elle été ajustée à celle du globe du soleil ?, p. 258. Le soleil premier corps du monde dans l’ordre de la création, au moins comme ordre archétypal : p. 258.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 313. Riber sur le fait que les luminaires sont dits grands non pas tant selon leur apparence que par rapport à leur efficace et lumière.

CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. CXLIX et p. 110.

MERSENNE Marin, Questions inouïes, XLV, éd. Pessel, p. 423 sq.

MERSENNE Marin, Quaestiones in Genesim, col. 1005-1006, Problema LXX, Quomodo Sol et Luna luminatium magnorum nomine insignita sunt ?

LENOBLE Robert, Mersenne, p. 455. Il y a sans doute des astres plus gros que le Soleil ; la Bible parle de luminare majus, mais cela peut s’entendre par rapport à nous ; voir L’Optique et la catoptrique, p. 17, “les plus savants suspendent leur jugement sur ce sujet, à raison que plusieurs étoiles leur semblent du moins aussi grandes, et aussi lumineuses” : p. 455-456.

LENOBLE Robert, Mersenne ou la naissance du mécanisme, p. 455 sq. Voir Quaestiones in Genesim, col. 270. Le volume du soleil est 140 fois plus gros que la Terre (le vrai nombre est 1 310 157). La Bible parle de Luminare majus : cela peut s’entendre par rapport à nous ; les plus savants suspendent leur jugement sur ce sujet, car plusieurs étoiles semblent au moins aussi grandes et aussi lumineuses; elles nous paraissent plus petites parce qu’elles sont plus éloignées. Voir L’Optique et la catoptrique, p. 17.

CHARLES-DAUBERT Françoise, Les libertins érudits en France au XVIIe siècle, 60 sq. Les grands luminaires dans la pensée des libertins. Les théologiens défendent l’idée de la création telle que la Genèse la rapporte, avec les conséquences qui s’imposent. Réponse de La Mothe le Vayer et de Cyrano de Bergerac : p. 61. La Bible comme récit poétique et fabuleux : p. 62. Blot : “je ne suis pas si sot de croire à la Genèse”, p. 62. En matière d’astronomie, la Bible enseigne des faussetés : p. 63. Voir Le Vayer, Dialogue sur le sujet de la Divinité.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 322. Origanus sur la manière dont le Soleil et la Lune « se montrent » comme de grands luminaires ; il remarque que Sirius est plus grand que le Soleil ; cette affirmation est contraire aux calculs de Maurolico, Clavius, Fernel et Tycho, mais elle devient plus ou moins commune au long du XVIIe siècle, voir t. IV-V, p. 214.

CAMPANELLA Tommaso, Apologie de Galilée, éd. Lerner, p. 114. “Dieu est dit avoir fait un grand luminaire avec la lune; mais qui déclare, comme Chrysostome, qu’elle n’est grande que relativement à nous, ne contredit pas pour cela la création divine ni ne dissimule la vérité, et Epicure et Lucrèce, qui veulent que les astres soient grands comme ils le paraissent, ne parleraient pas mieux que lui. Dirons-nous donc que la lune est véritablement un grand luminaire, acceptant ainsi l’interprétation d’Epicure l’impie qui n’est pas astronome, pour refuser celle de Chrysostome qui s’appuie sur l’astronomie, de telle sorte que nous nous trouvions d’accord avec ce qui apparaît au vulgaire?” : p. 114.

HÉRIGONE Pierre, Cursus mathematicus, V, Théorie des planètes, Lib. II, p. 628-629.

XVIII, 33. Que si on voulait en user autrement, ce ne serait pas rendre l’Ecriture vénérable, mais ce serait au contraire l’exposer au mépris des infidèles ; parce, comme dit saint Augustin, que, quand ils auraient connu que nous croyons dans l’Ecriture des choses qu’ils savent certainement être fausses, ils se riraient de notre crédulité dans les autres choses qui sont plus cachées, comme la résurrection des morts et la vie éternelle. Et ainsi, ajoute saint Thomas, ce serait leur rendre notre religion méprisable, et même leur en fermer l’entrée.

Le texte de saint Augustin est tiré du De Genesi ad litteram, l. 1, ch. 19, § 39, Bibliothèque augustinienne, t. 48, p. 136. “Turpe est autem nimis et perniciosum ac maxime cavendum, ut christianum de his rebus quasi secundum christianas litteras loquentem ita delirare (quilibet infidelis) audiat, ut, quemadmodum dicitur, toto caelo errare conspiciens risum tenere vix possit. Et non tam molestum est, quod errans homo deridetur, sed quod auctores nostri ab eis, qui foris sunt, talia sensisse creduntur et cum magno eorum exitio, de quorum salute satagimus, tamquam indocti reprehenduntur atque respuuntur. Cum enim quemquam de numero christianorum in ea re quam optime norunt errare, comprehenderint et vanam sententiam suam de nostris libris adserere, quo pacto illis libris credituri sunt de resurrectione mortuorum et de spe vitae aeternae, regnoque caelorum, quando de his rebus, quas jam experiri vel indubitatis numeris percipere potuerunt, fallaciter putaverint esse conscriptos ?”

Saint AUGUSTIN, La Genèse au sens littéral, I, XIX, 39, Bibliothèque augustinienne, 48, p. 137 sq. « Il arrive assez souvent en effet que, sur la terre, le ciel, les éléments de ce monde, sur le mouvement et la révolution des astres ou encore sur leur grandeur et leur distance, sur les éclipses du soleil et de la lune, sur le cycle des années et des saisons, sur la nature des animaux, des plantes, des pierres et autres choses semblables, un homme même non chrétien ait des connaissances telles qu’il les tienne pour indubitablement établies par la raison et l’expérience. Il est extrêmement choquant et dommageable – et c’est une attitude dont il faut se garder à tout prix – qu’il entende un chrétien tenir sur de tels sujets des propos délirants en ayant l’air de s’appuyer sur les Écritures. En le voyant se tromper, comme on dit, de toute la distance du ciel à la terre, l’incroyant pourra difficilement se retenir de rire. Ce qui est fâcheux, ce n’est pas tellement qu’un homme qui divague prête à rire, mais c’est que, aux eux des gens qui ne partagent pas notre foi, nos écrivains passent pour avoir professé de telles opinions et, au plus grand dam de ceux dont le salut nous tient à cœur, soient considérés comme des ignares dont il faut critiquer et réfuter les dires. Car lorsque, en des matières qui leur sont parfaitement connues, des incroyants surprennent un chrétien en flagrant délit d’erreur et le voient tenir des propos inconsistants en se réclamant de nos saints livres, comment pourront-ils croire ce que disent ces livres sur la résurrection des morts, de l’espérance de la vie éternelle et du royaume des cieux, s’ils pensent que ces écrits renferment nombre d’erreurs sur des choses qu’on peut dès maintenant connaître par expérience ou prouver par des raisons indubitables ? On ne peut assez dire quelle source d’ennuis et de tristesse sont, pour leurs frères plus sages, ces chrétiens téméraires et présomptueux, lorsque, se voyant repris et convaincus d’erreur, à propos de leurs opinions fausses et erronées, par ceux qui ne reconnaissent pas l’autorité de nos livres saints, ils s’efforcent, pour défendre ce qu’ils avancent avec tant de légèreté téméraire et de flagrante erreur, de faire appel à ces mêmes livres saints pour étayer leurs dires ».

Ce passage d’Augustin est cité dans la Lettre à Christine de Lorraine ; voir le même argument chez Galilée, RUSSO, “La lettre de Galilée à Christine de Lorraine”, p. 337; et p. 347, l’idée qu’on compromet l’Ecriture en laissant des auteurs ignares et superficiels parsemer leurs écrits de citations mal interprétées; voir p. 359 : “leurs vaines imaginations porteraient atteinte à la majorité et à la dignité des saintes lettres”; saint Augustin se soucie de ne pas donner à rire aux incrédules; voir Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 200. Galilée cite un passage de saint Augustin qui souligne à quel point sont nuisibles les téméraires présomptueux dans ce domaine. Ils portent préjudice aux Écritures : p. 201.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. II, p. 40 sq. Passage de saint Augustin dans le De Genesi ad litteram. Si on dit des sottises sur le monde naturel, on fera mépriser les dogmes sur la résurrection des morts et la vie éternelle : p. 40.

GEYMONAT Ludovico, Galilée, Points, Seuil, Paris, 1992, p. 161 sq. Galilée rappelle à l’Église sla responsabilité qu’elle assumerait face à la culture si elle continuait à obliger les fidèles à préférer la foi aux expériences et aux raisonnements sur lesquels s’appuient les philosophes et les astronomes : p. 161.

Le même raisonnement est développé dans CAMPANELLA, De sensu rerum, Secundum assertum, p. 4-5, qui cite saint Augustin d’abord, et saint Thomas ensuite.

Voir CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. XXIV. Campanella attire l’attention du cardinal Bellarmin sur les conséquences néfastes qu’aurait, pour le rayonnement de la foi catholique auprès des réformés, une condamnation de la ratio philosophandi de Galilée. Préserver l’Ecriture de la derisio : p. CIV. Erreurs des saints et des théologiens qui ont exposé le texte sacré au ridicule en invoquant son autorité pour soutenir des doctrines qui se sont ensuite révélées fausses : p. CIV. Il y a même péril pour la foi à suivre aveuglément les enseignements d’Aristote : p. CXII. Les catholiques ne peuvent commettre l’erreur de réfuter la doctrine galiléenne, selon Campanella, sans déclencher l’irrision des Allemands qui tiennent pour le système de Copernic, sans du même coup compromettre les chances de la reconquête par Rome des terres passées à la Réforme : p. CXXI. “L’insupportable, ce n’est pas tant qu’il voie un homme se tromper, mais c’est que des gens qui sont hors de l’Église croient que nos auteurs chrétiens ont professé de semblables idées et que pour cette raison ils les critiquent comme des ignorants, pour la grande perte de ceux dont le salut nous préoccupe” : p. 72. “Pour ces raisons, si Galilée finit par triompher, ce n’est pas à une mince dérision que nos théologiens exposeront le foi romaine, auprès des hérétiques, alors qu’aujourd’hui tout le monde a adopté avidement se théorie et le télescope, en Allemagne, en France, en Angleterre, en Pologne, au Danemark, en Suède, etc.” : p. 78. Sur l’exagération de cette affirmation, voir la note p. 235-236.

Saint THOMAS, Somme théologique, Ia, q. 68. a. 1. Rép. “Saint Augustin enseigne qu’il y a deux règles à observer dans ces questions : 1. Tenir indéfectiblement que l’Ecriture sainte est vraie. 2. Quand l’Ecriture peut être expliquée de plusieurs manières, personne ne doit donner à l’une des interprétations une adhésion tellement absolue, que, dans le cas où il serait établi par raison certaine que cela est faux, on ait la présomption d’affirmer que tel est le sens de l’Ecriture : de peur que la sainte Ecriture n’en vienne à être tournée en ridicule par les infidèles, et qu’ainsi le chemin de la foi ne leur soit fermé.”

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 944-945. Voir t. IV-V, p. 444-445, note 7. Dans la citation de Thomas, Pascal substitue notre religion à l’Ecriture. Pascal résume de manière drastique la citation de saint Augustin.

L’autorité de saint Augustin est invoquée par saint Thomas, dans le passage de la Somme théologique cité plus haut.

NAMER Émile, L’affaire Galilée, p. 89 sq. Lettre de Galilée à Castelli du 21 décembre 1613. “Si donc l’Ecriture, pour s’adapter à l’entendement de la multitude, doit s’exprimer dans un langage qui, par la signification littérale, s’éloigne de la vérité absolue, et si, au contraire, la nature inexorable et immuable, peu soucieuse que ses raisons cachées et sa manière d’opérer soient ou ne soient pas accessibles à la compréhension des hommes, ne transgresse jamais les lois qui lui ont été imposées, il s’ensuit que les effets naturels, qui résultent des expériences sensibles ou des démonstrations nécessaires, ne doivent en aucun cas être révoqués en doute, sous prétexte que tel passage de l’Ecriture aurait une signification contraire, car la parole de l’Ecriture n’est pas liée à des obligations aussi sévères que les effets de la nature…” : p. 91.
Le passage est à rapprocher de Pensées, Laf. 781, où la préoccupation de faire échapper la religion au mépris des incrédules apparaît aussi, pour s’opposer aux apologistes maladroits qui emploient des arguments qu’ils ne maîtrisent pas et des preuves méprisables. « J’admire avec quelle hardiesse ces personnes entreprennent de parler de Dieu. En adressant leurs discours aux impies leur premier chapitre est de prouver la divinité par les ouvrages de la nature. Je ne m’étonnerais pas de leur entreprise s’ils adressaient leurs discours aux fidèles, car il est certain que ceux qui ont la foi vive dedans le cœur voient incontinent que tout ce qui est n’est autre chose que l’ouvrage du Dieu qu’ils adorent, mais pour ceux en qui cette lumière est éteinte et dans lesquels on a dessein de la faire revivre, ces personnes destituées de foi et de grâce, qui recherchant de toute leur lumière tout ce qu’ils voient dans la nature qui les peut mener à cette connaissance ne trouvent qu’obscurité et ténèbres, dire à ceux-là qu’ils n’ont qu’à voir la moindre des choses qui les environnent et qu’ils y verront Dieu à découvert et leur donner pour toute preuve de ce grand et important sujet le cours de la lune et des planètes et prétendre avoir achevé sa preuve avec un tel discours, c’est leur donner sujet de croire que les preuves de notre religion sont bien faibles et je vois par raison et par expérience que rien n’est plus propre à leur en faire naître le mépris. Ce n’est pas de cette sorte que l’Écriture qui connaît mieux les choses qui sont de Dieu en parle. Elle dit au contraire que Dieu est un Dieu caché et que depuis la corruption de la nature il les a laissés dans un aveuglement dont ils ne peuvent sortir que par J.-C., hors duquel toute communication avec Dieu est ôtée. Nemo novit patrem nisi filius et cui filius voluit revelare. »

JULLIEN Vincent, « Silences cosmologiques», in Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 166. Réaction de Boulliau devant la condamnation de Galilée : « de quoi se mêle le souverain pontife, d’étendre le pouvoir des clefs à des choses qui ne sont pas de la foi ? Le saint Esprit n’a jamais révélé aux hommes les fondements des sciences, il en a laissé la découverte à l’activité de l’esprit, éclairé par les lumières naturelles : pourquoi ne pas laisser les savants continuer tranquillement leur besogne ? »

Il ne faut pas que l’Église dise trop de sottises, parce que cela pourrait lui nuire dans ses relations extérieures

Mayaud pense que la condamnation par l’Église de la doctrine de Galilée a pour sens profond la crainte, conforme à ce que dit saint Augustin, que des doctrines mal avérées et désapprouvées massivement dans la communauté chrétienne, répandues en langue vernaculaire, ne jettent des doutes sur la religion parmi ceux qui ne la partagent pas. C’est en gros ce que dit Pascal. Et ce que dit Campanella dans son Apologie pour Galilée.

XVIII, 34. Et ce serait aussi, mon Père, le moyen d’en fermer l’entrée aux hérétiques, et de leur rendre l’autorité du Pape méprisable, que de refuser de tenir pour catholiques ceux qui ne croiraient pas que des paroles sont dans un livre où elles ne se trouvent point, parce qu’un Pape l’aurait déclaré par surprise. Car ce n’est que l’examen d’un livre qui peut faire savoir que des paroles y sont. Les choses de fait ne se prouvent que par les sens. Si ce que vous soutenez est véritable, montrez-le ; sinon ne sollicitez personne pour le faire croire ; ce serait inutilement. Toutes les puissances du monde ne peuvent par autorité persuader un point de fait, non plus que le changer ; car il n’y a rien qui puisse faire que ce qui est ne soit pas.

Par surprise : parce qu’il a été surpris, c’est-à-dire trompé.

Toutes les puissances du monde ne peuvent par autorité persuader un point de fait, non plus que le changer : tout ce passage résonne des idées développées par Pascal dans la Préface au Traité du vide, OC II, p. 777-785. Voir aussi MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945, et t. IV-V, p. 445, note 9 : Pascal rejoint dans sa formulation de l’impuissance de toute autorité à changer un point de fait les déclarations de Kepler et de Galilée (B93ab, 277-287 et B136b, p. 1126-1128).

Les choses de fait ne se prouvent que par les sens : voir OC II, p. 779, « Il n’en est pas de même des sujets qui tombent sous le sens ou sous le raisonnement : l’autorité y est inutile : la raison seule a lieu d’en connaître. »

XVIII, 35. C’est en vain, par exemple, que des religieux de Ratisbonne obtinrent du pape saint Léon IX un décret solennel, par lequel il déclara que le corps de saint Denis, premier évêque de Paris, qu’on tient communément être l’Aréopagite, avait été enlevé de France, et porté dans l’église de leur monastère. Cela n’empêche pas que le corps de ce saint n’ait toujours été et ne soit encore dans la célèbre abbaye qui porte son nom, dans laquelle vous auriez peine à faire recevoir cette Bulle, quoique ce Pape y témoigne avoir examiné la chose avec toute la diligence possible, diligentissime, et avec le conseil de plusieurs évêques et prélats ; de sorte qu’il oblige étroitement tous les Français, districte praecipientes, de reconnaître et de confesser qu’ils n’ont plus ces saintes reliques. Et néanmoins les Français, qui savaient la fausseté de ce fait par leurs propres veux, et qui, ayant ouvert la châsse, y trouvèrent toutes ces reliques entières, comme le témoignent les historiens de ce temps-là, crurent alors, comme on l’a toujours cru depuis, le contraire de ce que ce saint Pape leur avait enjoint de croire, sachant bien que même les saints et les prophètes sont sujets à être surpris.

D’après M. Le Guern, OC Pléiade, I, p. 1285, on commençait à distinguer Denis l’Aréopagite, le converti de saint Paul, et Denis, premier évêque de Paris. Sur Denis l’Aréopagite, voir Actes des Apôtres, XVII, 34 ; athénien converti par saint Paul, il fut le premier évêque d’Athènes.

Pour le texte cité, sans doute apocryphe, Cognet renvoie à P. L. 143, 789.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945, et t. IV-V, p. 445, note 10. La bulle de Léon IX (1049-1054) en question déclarait authentique le fait que les reliques de saint Denys, premier évêque de Paris, se trouvaient dans un monastère à Ratisbonne, alors que les Français affirmaient qu’elles étaient toujours dans l’abbaye de Saint-Denis, rès de Paris.

Léon IX, pape de 1048 à 1054

LEVILLAIN Philippe (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, p. 1025 sq. Brunon d’Egisheim ou Dabo, né en 1002, mort à Rome en 1054. Considéré comme le premier pape de la réforme grégorienne.

XVIII, 36. Ce fut aussi en vain que vous obtîntes contre Galilée ce décret de Rome, qui condamnait son opinion touchant le mouvement de la Terre. Ce ne sera pas cela qui prouvera qu’elle demeure en repos ; et si l’on avait des observations constantes qui prouvassent que c’est elle qui tourne, tous les hommes ensemble ne l’empêcheraient pas de tourner, et ne s’empêcheraient pas de tourner aussi avec elle.

SHIOKAWA Tetsuya, « La campagne de la XVIIIe Provinciale », in Entre foi et raison : l’autorité. Études pascaliennes, Paris, Champion, 2012, p. 201-214. Voir p. 209. Quel est le véritable objet de ce passage ? Il ne s’agit pas de revendiquer face au magistère de l’Église la liberté de recherche pour les savants, mais de soutenir, dans les questions de fait, la légitimité et la nécessité pour les croyants de garder une conviction fondée sur la certitude des sens et de la raiuson, même si elle est différente des décisions de l’Église. Pascal va jusqu’à soutenir le droit qu’ont les fidèles de demander au pape de revoir les décisions qu’ils sont données ex cathedra et éventuellement de réformer les jugements qu’on aurait tirés d’eux par fraude.

MESNARD Jean, « Pascal ou la maîtrise de l’esprit », Bulletin de la Société française de philosophie, n°3, 2008, p. 1-38. Voir p. 17-18. Pascal était-il au courant des théories de Galilée et de Kepler?, p. 30 sq. Il l’était certainement par le biais de l’académie parisienne de mathématiques.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 944-945. Voir t. IV-V, p. 444-445, note 11. Pascal explique clairement pourquoi il n’a pas pris position en faveur de la thèse copernicienne, faute d’une observation évidente d’un mouvement de la Terre. Il fait preuve de rigueur scientifique ; la différence entre lui et Bellarmin est qu’il semble envisager sans difficulté une telle possibilité, ce qui signifierait qu’il ne rejette pas absolument l’héliocentrisme.

Selon Mayaud, qui est lui-même jésuite, l’accusation portée contre les jésuites est ici « entièrement sans fondement » : p. 445. Voir plus bas.

GEYMONAT Ludovico, Galilée, Points, Seuil, Paris, 1992, p. 207 sq. Après le second procès, Galilée attribue à la haine des jésuites les raisons de l’acharnement de l’Église contre lui. Voir la lettre à Elia Diodati du 25 juillet 1634 : p. 207. Un jésuite aurait dit : « si Galilée avait su garder la sympathie des près de ce collège, il vivrait glorieux dans le monde et tous ses malheurs lui eussent été épargnés » : p. 207. De fait, tout porte à croire que la haine des jésuites contre Galilée a déterminé l’attitude de l’Église. Lettres confirmant cette opinion : p. 207. Le P. Scheiner a été l’un des plus acharnés.

JULLIEN Vincent, « Silences cosmologiques », in Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 166. Réaction de Boulliau devant la condamnation de Galilée : « de quoi se mêle le souverain pontife, d’étendre le pouvoir des clefs à des choses qui ne sont pas de la foi ? Le Saint Esprit n’a jamais révélé aux hommes les fondements des sciences, il en a laissé la découverte à l’activité de l’esprit, éclairé par les lumières naturelles : pourquoi ne pas laisser les savants continuer tranquillement leur besogne ? »

MESNARD Jean, « Pascal et la doctrine de la double vérité », in Averroes (1126-1198) oder der Triumph des Rationalismus, Heidelberg, C. Winter, 2002, p. 336. Position de Pascal dans l’affaire Galilée.

MESNARD Jean, « Pascal ou la maîtrise de l’esprit », Bulletin de la Société française de philosophie, n°3, 2008, p. 1-38. Voir p. 18 sur ce passage.

MESNARD Jean, « Pascal et Copernic », in Avant, avec, après Copernic. La représentation de l’univers et ses conséquences épistémologiques, XXXIe semaine de synthèse, 1-7 juin 1973, Paris, Blanchard, 1975, p. 241-249. Voir p. 243. Le problème est d’ordre strictement scientifique, l’autorité religieuse n’a pas de compétence pour décider en ce domaine ; Pascal tient la condamnation de Galilée pour nulle et non avenue. Cette attitude peut se fonder sur des considérations de droit : la juridiction du Saint-Office n’est pas reconnue en France : p. 244. Galilée ne fait, en adoptant le système de Copernic, que suivre une opinion, ce en quoi il est irréprochable du point de vue religieux : p. 245.

Le débat sur l’héliocentrisme et le géocentrisme

Le décret de Rome qui condamnait son opinion touchant le mouvement de la Terre

Le Guern considère qu’il s’agit du décret du 22 juin 1633.

SHEA William, La révolution galiléenne, Paris, Seuil, 1992, p. 264. Texte de l’abjuration : p. 264-265.

LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 147 sq. Texte de la sentence et de l’abjuration de Galilée.

JULLIEN Vincent, « Silences cosmologiques », in Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 166. Réaction de Boulliau devant la condamnation de Galilée : « de quoi se mêle le souverain pontife, d’étendre le pouvoir des clefs à des choses qui ne sont pas de la foi ? Le saint Esprit n’a jamais révélé aux hommes les fondements des sciences, il en a laissé la découverte à l’activité de l’esprit, éclairé par les lumières naturelles : pourquoi ne pas laisser les savants continuer tranquillement leur besogne ? »

Tous les hommes ensemble ne l’empêcheraient pas de tourner

Version éloquente et plaisante du Et pourtant elle tourne de Galilée.

Le procès et la condamnation de Galilée

SHEA William, La révolution galiléenne, Paris, Seuil, 1992, p. 245 sq. Galilée et l’Église.

LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988.

NAMER Émile, L’affaire Galilée, Archives, Paris, Gallimard, 1975.

La question du géocentrisme considérée du point de vue juridique

MYDORGE, Philolai, sive dissertationis de vero systemate mundi libri IV, Amsterdam, J. Blaeu, 1639. Philolaus lectori. « Quaestiones facti et juris apud Jurisconcultos opponuntur, et à se invicem distinguuntur; Jus enim finitum est, facta et eorum circumstantia infinitae sunt; facti quaestio accipienda est, ubi disceptatur quid factum sit, an non; ut accidit in iis conntroversiis quae in statu conjecturali versantur; talis est quaestio oblata in l. 34. D. de negotiis gestis : Addunt etiam doctisimi Jurisconsulti, quaestionem facti esse, ubi dubium est quid aliquid voluerit, intellexerit, quidve actum sit, in quibus semper est factum aliquid, verbis scilicet, aut signis ; et in his quaestionnibus sunt l. 8, § 13, quibus modis pignus, vel hypotheca solvitur, et l. 41 de verborum obligationibus.

Quaestionem de terrae mobilitate, superiori saeculo revocatam inter homines, a viro subtilitatis Nicolao Copernico, esse facti ideo probabile est, quia in illa quaeritur, Quid factum sit, et quo ordine, loco, situ, quibusque circumstantiis corpora mundana disposita sint; quare, prudentissimos in illa errare posse, nemo est qui negare velit. Dum enim de facto aliquo jus dicitur, sequitur judicium secundum facti casum propositum. Si factum ergo perperam, aut oblique propositum, et enarratum fuerit, judexque circumventus, obliqua erit determinatio, nec directa, narrationis facti vitio, non judicis. Jus etiam omne quod factum aliquod sequitur, et circa illud versatur, atque eo posterius est, recte intelligi nequit, nisi factum, et casus, de quibus sanitum est, penitus intelligatur; et legibus, juribusque factis ita providetur, ut mutatis causis, eorumque circumstantiis, mutetur et juris declaratio.

Ut autem casus quaestionis nostra, de corporum mundanorum loco, et situ, secundum rei veritatem componieretur, factum ipsum ex sententia veterum exposuimus, circumstantias deinde ipsi cohaerentes notavimus... »

Les raisons du géocentrisme

On ne sait rien de la vie de Claude Ptolémée, si ce n’est qu’il était d’Alexandrie; il fit ses observations astronomiques entre 125 et 141 environ, et écrivit son grand œuvre, la Mathematikè suntaxis, qui constitue le point d’achèvement de la cosmologie hellénique; elle nous est parvenue par les Arabes sous le nom d’Almageste (al mégistè, parce que c’est le grand traité d’astronomie de Ptolémée).

Sur le système géocentrique de Ptolémée, voir VERDET Jean-Pierre, Une histoire de l’astronomie, Points, Paris, Seuil, 1990, p. 57 sq.; HEATH Thomas, A history of greek mathematics, II, New York, Dover, 1981, p. 273 sq. Le système de Ptolémée est géocentrique. Le livre s’ouvre sur les hypothèses fondamentales de l’astronomie : le ciel est une vaste sphère qui tourne autour d’un axe comme la révolution circulaire des étoiles toujours visibles (circumpolaires) semble le montrer. La terre est aussi une sphère. Elle occupe le centre des cieux; elle est rigoureusement immobile, et sert de point fixe auquel la position de tous les autres astres est rapportée. Si elle avait un mouvement rectiligne, elle s’éloignerait du centre. Si elle avait un mouvement de rotation, les objets qui sont à sa surface seraient projetés vers l’extérieur. Il ne peut évidemment pas y avoir de révolution de la terre autour du Soleil. La théorie des planètes de Ptolémée en fait des astres homocentriques. Mais comme on le constate sur la figure ci-dessous, elles se déplacent presque toutes non pas sur un cercle déférent, mais sur un épicycle de ce déférent. Le catalogue des étoiles de Ptolémée contient 1022 étoiles, pas une de plus, pas une de moins. Cela faisait beaucoup rire Pascal… Naturellement, le monde de Ptolémée est fini (sinon, l’idée que la terre est en son centre n’aurait évidemment aucun sens).

La théorie des planètes de Ptolémée en fait des astres homocentriques. Mais se déplacent presque toutes non pas sur un cercle déférent, mais sur un épicycle de ce déférent.

Le catalogue des étoiles de Ptolémée contient 1022 étoiles, pas une de plus, pas une de moins. Cela faisait beaucoup rire Pascal…

Naturellement, le monde de Ptolémée est fini (sinon, l’idée que la terre est en son centre n’aurait évidemment aucun sens).

SZCZECINIARZ J.-J., La terre immobile, p. 41 sq. Géocentrisme et finitude : p. 45 sq. Incompatibilité de l’infini et du mouvement de rotation : p. 47.
Campanella Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. XLII. Paolo Foscarini, auteur d’une Lettera sopra l’opinione de Pitagorici e del Copernico della mobilità della Terra e stabilità del Sole, Naples, 1615, reçoit une réponse anonyme, Judicium de epistola F. Paulo Foscarini de mobilitate terrae, qui justifie la doctrine de l’immobilité géocentrique traditionnelle en citant le Psaume 103, 5 (voir le passage, p. 14) : “ibi autem Spiritus sanctus assignat rationem immobilitatis Terrae et inquit eam esse quia fundata est super stabilitatem suam”.

GEYMONAT Ludovico, Galilée, Points, Seuil, Paris, 1992, p. 163 sq. Question posée dans la lettre de Galilée à Ingoli, savoir si la terre est vraiment au centre du monde.

rguments contre Galilée : voir CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. 14 sq. Sur le psaume : p. 104 sq. et la note p. 255.

SEIDENGART Jean, Dieu, l’univers et la sphère infinie. Penser l’infinité cosmique à l’aube de la science classique, Paris, Albin Michel, 2006, p. 446 sq.

Les textes allégués dans la querelle de l’héliocentrisme

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III. Voir p. 354, sur Fuller, l’opposition de la théorie de Copernic à l’Ecriture. Voir p. 359 sq., ce qu’en écrit Scheiner : « à cause du mouvement copernicienn de la terre, on doit bouleverser sans aucune nécessité le sens tant de beaucoup de passages de l’Écriture sacrée que de manières de parler des astronomes, alors qu’au sens propre tout cela peut très aisément être défendu. »

Josué arrête le soleil

Josué, X, 12-14. “Alors Josué parla au Seigneur, en ce jour auquel il avait livré les Amorrhéens entre les mains des enfants d’Israël, et il dit en leur présence : Soleil, arrête-toi sur Gabaon; lune, n’avance point sur la vallée d’Aïalon. 13. Et le soleil et la lune s’arrêtèrent jusqu’à ce que le peuple se fût vengé de ses ennemis. N’est-ce pas ce qui est écrit au livre des Justes? Le soleil s’arrêta donc au milieu du ciel, et ne se hâta point de se coucher durant l’espace d’un jour. 14. Jamais jour, ni devant ni après, ne fut si long que celui-là, le Seigneur obéissant alors à la voix d’un homme, et combattant pour Israël.”

LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 70. Lettre de Galilée à Castelli du 21 décembre 1613. Il faut « altérer le sens littéral des Écritures, et dire que, lorsqu’elles disent que Dieu arrêta le soleil elles devraient dire qu’il arrêta le premier mobile mais que, pour s’adapter à la capacité de ceux qui sont à grand peine aptes à entendre la naissance et le coucher du soleil, elles disent le contraire de ce qu’elles eussent dit en parlant à des hommes sensés. » Voir le texte de cette lettre de Galilée à Benedetto Castelli du 21 décembre 1613, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 167 sq. Le problème posé par le passage sur Josué : p. 167 sq. Ce passagee, selon Galilée, est incompatible avec le système du monde d’Aristote, et s’accorde très bien avec le système de Copernic : p. 168. Les deux mouvements du soleil : p. 168. Le mouvement qui engendre le jour et la nuit est accidentel au soleil, et relève en propre du premier mobile, « qui emporte avec lui le soleil et les autres planètes, et également la sphère étoilée, les contraignant à accomplir une conversion autour de la terre en vingt-quatre heures » : p. 168. Dans ce cas, pour allonger le jour, il faudrait arrêter le premier mobile et non le soleil ; bien plus si Dieu avait arrêté le mouvement du soleil, au lieu d’allonger le jour il l’aurait raccourci et rendu plus bref. « Car, le mouvement du soleil étant en sens contraire de la conversion diurne, plus le soleil irait vers l’orient, plus son cours vers l’occident serait retardé ; et le mouvenement du soleil diminuant ou s’annulant, il arriverait au couchant en un temps d’autant plus bref ». Galilée ajoute qu’il n’est pas vraisemblable que Dieu ait arrêté le seul soleil, laissant tourner les autres sphères, parce que sans aucune nécessité il aurait altéré et permuté l’ordre cosmique : p. 169. Il est plus crédible qu’il ait arrêté tout le système des sphères célestes. Le système de Copernic en revanche ne présente pas de difficulté : p. 169. « Si, selon le ssytème de Copernic, nous attribuons à la terre principalement la conversion diurne, qui ne voit que pour arrêter tout le système sans altérer du tout le reste des relations mutuelles des planètes, de façon à prolonger seulement l’espace et le temps de la clarté diurne, il a suffi que fût arrêté le soleil, comme semblent justement le dire les mots du texte sacré » : p. 169.

Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 171 sq. et p. 203 sq. Comment faut-il prendre le passage de Josué ? ce qui est rapporté des faits ne peut avoir eu lieu si l’on se place dans le système de Ptolémée, car « le mouvement du soleil s’accomplissant le long de l’écliptique dans l’ordre des signes, qui va de l’occident vers l’orient, c’est-à-dire dans le sens contraire au mouvement du premier mobile, de l’orient vers l’occident, qui ezst celui qui fait le jour et la nuit, il est bien clair que, le soleil abandonnant son propre mouvement, le jour deviendrait plus court et non plus long ». Au contraire, « la façon de l’allonger serait de hâter son mouvement ». Divers théologiens ont dit que c’est le premier mobile qui s’est arrêté : p. 203.

Interprétation copernicienne de Josué : voir Lettre de Galilée à Christine de Lorraine, 1615, in LO CHIATTO Franco et MARCONI Sergio, Galilée entre le pouvoir et le savoir, Aix-en-Provence, Alinéa, 1988, p. 205 sq. Avec la théorie de Copernic, on obtient un sens littéral ouvert et facile.

DELASSAULT Geneviève, Lemaistre de Saci et son temps, p. 222 sq. Problèmes posés par la confrontation du nouveau système avec l’Ecriture : p. 223. L’épisode de Josué : l’arrêt du soleil suppose le mouvement de l’astre. Accepter la théorie de Galilée était offrir une arme aux libertins qui ne croyaient pas à ce prodige ; voir BOUCHER, Les triomphes de la religion chrétienne, L. II, q. LIV, LV, p. 255. Quelques hypothèses tentent d’arranger les choses : Estius explique par une image l’arrêt du soleil; les interprètes hébreux prétendaient que le temps très court pour remporter une victoire qui aurait dû demander plus de temps, aurait paru par l’importance même du fait beaucoup plus long. Le soleil ne s’était pas arrêté réellement pour laisser du temps aux Hébreux (Annotationes, Josué, ch. X, V, 12, p. 105). Quelques années plus tard, Grotius, qui admet la possibilité du miracle, propose pourtant deux explications : l’arrêt du soleil est peut-être une image poétique (p. 223); ou bien par un jeu de réflexion de la lumière, les astres avaient paru s’arrêter dans le ciel après le coucher du soleil (p. 224). Réponses à ces hypothèses : p. 224-225. Le problème du mouvement rétrograde de l’ombre sur le cadran solaire d’Achaz (IV Rois, XX, 9). Sur Josué, Saci s’oppose à Estius; il rapporte des textes bibliques, Josué, X, 12 et 14, p. 164, et Eccl. XLVI, 5, qui soutiennent que la lune s’était arrêtée, qu’il n’y avait pas eu de jour plus long que celui-là, et que ce jour avait été aussi long que deux. Saci explique que Dieu exécutant ce qu’il avait inspiré à Josué de demander, avait arrêté tous les globes célestes à la fois.

CAMPANELLA Tommaso, Apologie de Galilée, éd. Lerner, p. 112 sq. Le séjour du soleil au centre du monde ne détruit pas les miracles de Josué et Ezéchias. « Il est dit en effet que le soleil s’est arrêté, et qu’il a rétrogradé par rapport à nos sens, alors qu’en réalité, c’est par un véritable miracle que la terre s’est arrêtée et qu’elle a rétrogradé, puisque l’arrêt du soleil n’est pas un miracle plus grand que l’arrêt de la terre », p. 112. « Si dans le cas de Josué et d’Ezéchias, quelqu’un déclarait qu’il n’y a pas eu miracle, mais seulement une hallucination sensorielle, il contredirait l’Écriture. Nous disons, en revanche, qu’il y a bien eu miracle, puisque l’apparence est la même, que le mouvement concerne celui qui voit ou ce qui est vu, comme l’enseigne la perspective. Les miracles sont des miracles pour nous, pas pour Dieu, pour qui rien n’est merveilleux ; et ils sont faits pour nous, pas pour Dieu, o plutôt ils sont faits pour les incrédules seulement (...). Or il est clair que le soleil a cessé de se mouvoir sur l’ordre de Dieu, dans la mesure où il est mobile pour nous » : p. 114. « Si donc il est dit, dans le livre de Josué, que Dieu a arrêté le soleil afin qu’il ne se meuve plus, celui qui explique ce résultat par l’arrêt de la rotation de la terre ne supprime pas le miracle, mais il en rend compte » : p. 114.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Ecriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion, 2005, t. 1, p. 259 sq. Exégèse de Galilée.

Passages du Livre de Job

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. I, p. 22 sq.

Job, IX, 5-7. IX : 5 Qui transtulit montes et nescierunt hii quos subvertit in furore suo 9 :6 qui commovet terram de loco suo et columnae eius concutiuntur 9 : 7 qui praecipit soli et non oritur et stellas claudit quasi sub signaculo.

Job, XXVI, 7. Qui extendit aquilonem super vacuum et adpendit terram super nihili...

Job, XXVI, 1. Columnae caeli contremescunt et pavent ad nutum eius...

Job, XXXVIII, 4-5. Ubi eras quando ponebam fundamenta terrae indica mihi si habes intellegentiam 38 :5 quis posuit mensuras eius si nosti vel quis tetendit super eam lineam?

Versets cosmologiques de la Bible : voir MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. I, p. 59 sq.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. VI, p. 29 sq. Les commentaires de Job antérieurs au XVIe siècle. Le commentaire de saint Augustin : p. 30 sq. Saint Thomas : p. 36 sq. Commentaires postérieurs à 1500 : p. 41 sq.

Versets cosmologiques de la Bible

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. I, p. 59 sq.

Le Psaume 103, verset 5

« Qui fundasti terram super stabilitatem suam non inclinabitur in saeculum saeculi », « Il a établi la terre sur ses fondements, Elle ne sera jamais ébranlée. »
CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. 14 sq.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 251. Kepler sur le fait que les théologiens pensent que le Psaume 103 « contient d’un bout à l’autre une dispute de physique, puisqu’il traite tout entier de choses physiques ». Mais Kepler poursit en disant que le Psalmiste n’est pas en train de spéculer sur les choses physiques : « il se complaît tout entier dans la grandeur de Dieu qui a fait touutes choses et il compose un hymne au Dieu créateur dans lequel il parcourt successivement le monde le monde tel qu’il apparaît aux yeux » : p. 251. Exégèse du Psaume comme commentaire de l’Hexameron de la Genèse : p. 251. Voir la note de t. IV, p. 188 : cette exégèse est propre à Kepler. Analyse du psaume par Kepler : p. 252 sq. Le psaume « n eveut pas enseignert ce qu’ignorent les hommes, mais leur remettre à l’esprit ce qu’ils négligent, à savoir la grandeur et la puissance de Dieu manifétée dans la créationn d’une masse si grande, si ferme et si stable » : p. 252. Tout ce que le psalmiste a dit du monde, il le rapporte aux créatures animées ; il ne cherche pas à chercher ce qui est inconnu, mais à célébrer ce qui est connu, et à inviter les hommes à considérer les bienfaits qui leur viennent de ces couevres des six jours : p. 253. Voir ibid., p. 263, sur la discussion de Kepler et Ingoli sur le psaume 103 ; immobilité du globe terrestre au regard des flots, au regard des animaux qui marchent sur lui ; à partir de là, on ne peut croire que l’écriture oppose l’immobilité du globe terrestre aux mouvements des astres : p. 263.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 322. Origanus sur ce passage.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 352 sq. Fuller, Miscelleanorum theologicorum. Preuve de la stabilité de la terre par le psaume 103. L’expression « sur sa base » : p. 353. Explication de l’étymologie des termes hébreux : p. 353.

L’Ecclésiaste I

Texte d’Ecclésiaste I, v.5-6. « Le soleil se lève, le soleil se couche ; il soupire après le lieu d’où il se lève de nouveau. 6 Le vent se dirige vers le midi, tourne vers le nord ; puis il tourne encore, et reprend les mêmes circuits.
CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. 14 sq.
MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 251. D’après Kepler, le texte vise non à parler d’astronomie, mais à apprendre à l’homme sa mutabilité.

Isaïe XL, 22

Isaïe, XL, 22. « C'est lui qui s'assied sur le globe de la terre, et qui voit tous les hommes qu'elle renferme comme n'étant que des sauterelles devant lui : qui a suspendu les cieux comme une toile, et qui les étend comme un pavillon qu'on dresse pour s'y retirer ».
MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. I, p. 71, et t. III, p. 322, Origanus sur ce passage.
Avant, avec, après Copernic. La représentation de l’univers et ses conséquences épistémologiques, XXXIe semaine de synthèse, 1-7 juin 1973, Paris, Blanchard, 1975.
JULLIEN Vincent, Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185.
MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Ecriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion, 2005, t. 1, p. 147 sq. Histoire du géocentirisme et du passage à l’héliocentrisme. Le géocentrisme homocentrique de Platon à Aristote : p. 153 sq. L’émergence de l’héliocentrisme et sa réception : p. 201 sq. Copernic : p. 201 sq.
Absurdité de l’hypothèse héliocentrique : voir MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Ecriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion, 2005, t. 1, p. 201-202, ce qu’en dit Copernic. Le mot reviendra chez les qualificateurs de l’Inquisition : p. 202.

Le système héliocentrique est celui que Copernic a mis au point, suivant l’hypothèse déjà pr oposée dans l’antiquité par Aristarque de Samos.

Copernic

COPERNIC Nicolas, De revolutionibus, I, XI.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 256. Résumé par Kepler de l’opinion de Copernic sur le mouvement du soleil et de la terre. Certains passages de l’Écriture ont été détournés à tort en vue d’une application astronomique. Les Pères ont parfois parlé de façon puérile de l’astronomie.

Il existe un système intermédiaire, celui de Tycho Brahé, qui maintient l’immobilité de la terre au centre du monde, mais qui fait tourner le Soleil autour de la terre, et les autres planètes autour du soleil. Voir MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Ecriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion, 2005, t. 1, p. 216 sq.

     

                        Tycho Brahé                          Stèle funéraire à Prague    

SZCZECINIARZ Jean-Jacques, La Terre immobile, Paris, Presses Universitaires de France, 2003.

BUSSON, La religion des classiques, p. 107. La génération de 1640 n’a pas dramatisé l’affaire Galilée. Voir BUSSON, La pensée religieuse..., p. 283-310. Mais d’autres ont par la suite repris l’examen “que les anathèmes de Rome n’effrayaient plus et devant qui il était imprudent d’objecter la foi à la science” : p. 108. Huygens, qui est calviniste, sait que la doctrine de Copernic est, surtout en France, souvent acceptée par des ecclésiastiques et des prêtres.

BUSSON, La religion des classiques, p. 103 sq. Débats sur l’héliocentrisme : voir p. 111, la position d’Arnauld, in Examen d’un écrit qui a pour titre : Traité de l’essence des corps, in Œuvres, XXXVIII, p. 96-100, contre Lemoine, de Vitré.

BLAY Michel, La naissance de la science classique au XVIIe siècle, Nathan, Paris, 1999.

BLAY Michel et HALLEUX Robert (dir.), La science classique. XVIe-XVIIIe siècle. Dictionnaire critique, Flammarion, Paris, 1998, 872 p

GEYMONAT Ludovico, Galilée, Points, Seuil, Paris, 1992 (rééd). Ce livre et celui de W. Shea sont largement suffisants pour déblayer le terrain.

JULLIEN Vincent, “Silences cosmologiques”, XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256, repris in JULLIEN Vincent, Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185. La révolution cosmologique n’a rien eu de traumatisant pour les esprits à l’époque classique. Une question réglée en quarante ans : p. 159 sq. La réaction de Pascal : p. 162. Ce n’est pas une attitude de prudence. Gassendi : p. 162 sq.

KOYRÉ Alexandre, Études galiléennes, Hermann, Paris, 1966.

RUSSO François, “Lettre de Galilée à Christine de Lorraine Grande-Duchesse de Toscane (1615), Revue d’histoire des sciences, t. XVII, n°4, oct.-déc. 1964, p.331-367.

MERSENNE, Cogitata physico-mathematica, Hydraulica phaenomena, p.193 sq. Magni Galilaei et nostrorum geometrarum elogium perutile.

MERSENNE, Harmonie universelle, Livre second, Des mouvements de toutes sortes de corps, p.85 sq.

MERSENNE, Questions inouïes, Q. XXXIV, éd. Pessel, p. 341 sq. Quelles raisons a-t-on pour prouver et pour persuader le mouvement de la Terre autour de son axe dans l’espace de 24 heures ? Le texte fournit des raisons vraisemblables en faveur du mouvement de la Terre ; il montre aussi que les raisons contraires ne sont pas convaincantes ; mais il ne donne aucune démonstration contraignante. Voir Q. XXXVII, p. 353 sq. : quelle raison peut-on avoir pour croire que la terre se meut autour du soleil, que l’on met au centre du monde ? Q. XLIV, p. 377 sq. : qu’y a-t-il de plus notable dans les Dialogues de Galilée sur le mouvement de la terre? Même question sur le mouvement annuel : Q. XLV, p. 423. Est-il permis d’enseigner dans les écoles que la terre est immobile ? “Plusieurs ont essayé après Aristarque et Copernic de prouver que la terre se meut chaque jour autour de son axe, et chaque année autour du soleil, mais nul ne nous a donné les raisons qui puissent contraindre les bons esprits, qui ne se rendent qu’à la démonstration lorsqu’il s’agit des choses naturelles, d’embrasser cette opinion. C’est pourquoi il faut se tenir à ce que l’Église ordonnera, ou à ce que les prélats en diront. Suit un plaidoyer en faveur de l’attitude de Galilée devant la censure.

CAMPANELLA Tommaso, Apologie de Galilée, éd. Lerner, p. LXXXV. Campanella accepte le bien fondé des découvertes télescopiques de Galilée, mais ne se rallie pas pour autant à l’hypothèse héliocentrique ; à ses yeux, ce système n’est ni démontré, ni démontrable. “Que la terre se trouve au centre du monde ou en dehors de lui, non seulement ne concerne en rien le dogme de la foi”..., p. 94. Des Pères et des scolastiques ont pensé que la terre n’est pas au centre du monde : p. 94. « L’Ecriture ne nous enseigne pas que la terre se trouve plutôt au centre qu’à la circonférence » : p. 96. « Chrysostome enseigne qu’il est incertain si la terre est mobile ou stable » : p. 96. « Je ne sais donc pas pourquoi nos théologiens d’aujourd’hui, sans démonstrations mathématiques préalables, ni expériences, et sans révélations, estiment savoir avec certitude que la terre est au centre du monde et immobile, et que l’opinion contraire est contre les Pères et les scolastiques, qu’ils n’ont pas lus » : p. 96. Voir p. 112 : la doctrine du séjour du soleil au centre ne détruit pas le miracle de Josué.

Ecclésiaste. I, 5. “Le soleil se lève et se couche, et il retourne d’où il était parti; et renaissant du même lieu, 6. Il prend son cours vers le midi, et tourne vers le nord.”
Ps. XVIII, 6. Il sort plein d’ardeur pour courir comme un géant dans sa carrière; il part de l’extrémité du ciel, 7. Et il arrive jusqu’à l’autre extrémité; et il n’y a personne qui se cache à sa chaleur.”

Ps. CIII, 6.”Qui avez fondé la terre sur sa propre fermeté, sans qu’elle puisse jamais être renversée”. Voir in Bible de Jérusalem, Ps.104 : “Tu poses la terre sur ses bases, inébranlable pour les siècles des siècles”.

Ecclésiastique, XLIII, 2. “Le soleil paraissant à son lever annonce le jour; c’est le vase admirable, l’ouvrage du Très-Haut. 3. Il brûle la terre en son midi; et qui peut supporter ses vives ardeurs? Il conserve une fournaise de feu dans ses chaleurs”.

Campanella allègue aussi Isaïe, 38, in CAMPANELLA Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. 16. Prodige réalisé par Dieu sur le cadran d’Achaz, en signe de la guérison d’Ezéchias.

Galilée le suit sur le terrain exégétique, et le 19 février 1616, la question est portée devant le Saint-Office qui examine les propositions suivantes :

1. Le soleil est le centre du monde et il est immobile : proposition qualifiée de “fausse et absurde philosophiquement, et formellement hérétique parce qu’elle contredit expressément plusieurs textes de la Sainte Ecriture suivant leur sens propre et suivant l’interprétation commune des Pères et des docteurs”;
2. La terre n’est pas le centre du monde et elle a un mouvement de rotation et de translation : censurée “fausse et absurde philosophiquement, et au moins erronée dans la foi”.

Le 24 février 1616 : censure par décret de la Congrégation de l’Index des propositions sur l’immobilité du soleil, qui laisse la voie ouverte aux hypothèses, par décision de la Congrégation des cardinaux de 1620; la condamnation touche les ouvrages de Copernic et ceux qui déclarent le soleil immobile. Voir Campanella Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. XXIII : la doctrine selon laquelle “le soleil est le centre du monde et absolument immobile de mouvement local” est jugée “formellement hérétique” : “Propositiones censurendae (...) Prima : Sol est centrum mundi, et omnino immobile motu locali. Censura : Omnes dixerunt dictam propositionem esse stultam et formaliter haereticam, quatenus contradicit expresse sententiis Sacrae Scripturae in multis locis secundum proprietatem verborum et secundum communem expositionem et sensum Sanctorum patrum et theologorum doctorum”. Mais rien n’est dit des livres de Galilée, et la Congrégation de l’Index n’a officiellement interdit aucun de ses ouvrages, suspendant en revanche donec corrigantur ceux de Copernic.

Les cardinaux Caetani et Maffeo Barberini, modérateurs dans l’affaire copernicienne : voir Campanella Tommaso, Apologia pro Galileo, Apologie de Galilée, éd. M.-P. Lerner, p. XLVIII. Caetani aurait demandé à Campanella un mémoire montrant que les Pères ne sont pas contraires à la doctrine nouvelle.

Le procès de 1633. Voir BOULENGER A., Manuel d’apologétique, p.458. Le Dialogue sur les deux plus grands systèmes du monde avait reçu l’imprimatur, à condition qu’une préface indique que le système héliocentrique était envisagé comme une hypothèse ; le texte de Galilée semble tourner en ridicule cette condition. Le 22 juin 1633, condamnation du mouvement de la terre avec interdiction des hypothèses.

BOULENGER A., Manuel d’apologétique, p. 459. Valeur juridique des décrets de 1616 et de 1633. Le décret de 1616 est de la Congrégation de l’Index, et celui de 1633 du Saint-Office; ils ont été approuvés par le Pape, mais il ne s’agit que d’une approbation dans le forme simple, commune, in forma communi, les décrets sont des décrets des congrégations, qui valent par leur autorité. La question de l’infaillibilité ne se pose pas quand il s’agit d’un décret d’une congrégation, même si elle a eu le pape pour préfet. Deux conditions manquent pour pouvoir être des définitions ex cathedra, c’est-à-dire infaillibles :

1. la censure portée contre la théorie copernicienne ne se trouve que dans les considérants qui ne sont jamais l’objet de l’infaillibilité,
2. les décrets n’ont pas été des actes pontificaux, mais des congrégations, qui ne jouissent pas du privilège de l’infaillibilité.

Sur le fait que le Saint-Office défend en l’occurrence une règle d’exégèse courante, que les textes de la sainte Ecriture doivent être pris dans leur sens obvie tant que l’interprétation contraire n’est pas imposée par des motifs démonstratifs. Or à l’époque, on interprète le texte de Josué au sens obvie, d’après le système de Ptolémée.

C’est le droit et le devoir du saint-Office de défendre ce sens tant que Galilée ne présente que des théories non démontrées, en arrêtant toute doctrine qui voudrait substituer le sens métaphorique au littéral.

Descartes et l’affaire Galilée

BAILLET Adrien, Vie de Descartes, 1693, p. 91 sq.

DUGAS René, La mécanique au XVIIe siècle, p. 126 sq. Rédaction du Monde. Le repli stratégique à l’annonce de la condamnation de Galilée : p. 129. Précautions cartésiennes : p. 132 sq. Du côté des jésuites, par le P. Noël : p. 133.

MOUY Paul, Le développement de la physique cartésienne, p. 25 sq. Sur les Principes, III, 15, Alquié III, p. 227 sq. La condamnation de Galilée et la décision de ne pas publier n’empêchent pas Descartes d’enrichir son ouvrage.

GOUHIER Henri, La pensée religieuse de Descartes, p. 84 sq. Avant de connaître le motif de la condamnation de Galilée, Descartes le devine ; il est très au courant de ces questions : p. 84. Idée que si la théorie condamnée est fausse, ce sont les principes mêmes de la philosophie cartésienne qui sont faux : p. 85. Cela explique le découragement de Descartes : p. 85. Souci de sauver non la thèse particulière du mouvement de la terre, mais la méthode et la déduction de Descartes (que celui-ci distingue bien de celles de Galilée) : p. 85-86. Il s’informe donc des circonstances de la condamnation, et s’assure qu’en cela l’autorité de l’Église n’est pas engagée : p. 86. Seulement une décision de la Congrégation des Cardinaux pour la censure des livres : p. 87. Il tient à sa tranquillité ; il ne pense qu’à s’instruire, sans souci d’éclairer le monde : p. 87. Contre mauvaise fortune bon cœur devant une décision qu’il estime devoir être temporaire : p. 87. Pas d’inquiétude religieuse ; le procès est simplement remis : p. 87.

RODIS-LEWIS Geneviève, L’œuvre de Descartes, p. 147. Réaction à l’affaire Galilée, non de crainte, mais de peur du temps perdu en vaines discussions : p. 148

ALQUIÉ Ferdinand, Descartes, coll. Connaissance des lettres, p. 57 sq. Descartes et l’affaire Galilée : ni peur ni soumission totale dans la conduite de Descartes : p. 57. Il n’a rien à redouter de l’Inquisition en Hollande. Il ne se soumet pas comme physicien : p. 58. Chrétien soumis : p. 59. La querelle ne le concerne pas tout à fait : p. 59 sq. Le mouvement de la terre selon des Principes ; c’est une question de convention de langage : p. 60. Le récit biblique est métaphorique ; on le détourne de sa fin quand on en tire des idées scientifiques : p. 60.

Voir DESCARTES, Œuvres, éd. Alquié I, Garnier, p. 483 sq. La censure des propositions sur le soleil du 24 février 1616, qui laisse la voie libre aux hypothèses (décision de la Congrégation des cardinaux de 1620). La condamnation de Galilée le 22 juin 1633 comporte l’interdiction des hypothèses : p. 484.

JULLIEN Vincent, “Silences cosmologiques”, XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256.

JULLIEN Vincent, Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185.

Lettre de Descartes au P. Mersenne de fin novembre 1633, éd. Alquié I, p. 487. Descartes cherche le livre de Galilée à Leyde. Il croit savoir qu’il a été brûlé à Rome : p. 487. Il interroge Mersenne sur l’affaire Galilée : p. 489.

Lettre de Descartes à Mersenne de février 1634, Alquié I, p. 492. Descartes s’est laissé dire que les jésuites ont aidé à la condamnation de Galilée. Exemple de Scheiner : p. 492.

Lettre de Descartes au P. Mersenne d’avril 1634, éd. Alquié I, p. 494-495. Condamnation de Galilée. Rapport avec les travaux de Descartes. Voir p. 496 sq., discussion des thèses de Galilée et de ses expériences. Défense de proposer le mouvement de la terre même comme hypothèse : p. 497.

Lettre au P. Mersenne du 14 août 1634, Alquié I, p. 499 sq.; MERSENNE, Correspondance, IV, p. 299 sq., Descartes s’intéresse à la notification et à la portée exacte de la condamnation de Galilée. Beeckman a prêté à Descartes le livre de Galilée (le Dialogo). Voir Discours, éd. Folio, p. 8-9 : Descartes n’a lu le Dialogo qu’en août 1634. Sur le prêt par Beeckman du livre de Galilée, voir MERSENNE, Correspondance, IV, p. 300, notte explicative. Notes de Beeckman sur l’ouvrage : p. 300.

Lettre de Descartes à Mersenne (?) de juin ou juillet 1635, Alquié I, p. 510.

Descartes, qui prenait explicitement appui, dans Le Monde, sur le système copernicien, apprend la condamnation de Galilée survenue le 23 juin 1633. Son ambition de totalité scientifique est interrompue en 1633, par la condamnation de Galilée (22 juin 1633). Descartes est alors à Utrecht, le Monde quasi achevé vers le 22 juillet : voir la lettre de Descartes à Mersenne de fin novembre 1633, Alq. I, p.487. Descartes cherche le livre de Galilée à Leyde ; il croit savoir qu’il a été brûlé à Rome; il interroge Mersenne sur l’affaire Galilée : lettre à Mersenne de février 1634 : il se renseigne sur la nature et la portée de la condamnation; il s’est laissé dire que les jésuites ont contribué à la condamnation de Galilée. Mais il n’a pu lire le Dialogo qu’en août 1634, prêté par Beeckman. Voir la lettre à Mersenne de fin novembre 1633, la lettre de février 1634, AT I, p. 271 et 281. “J’ai voulu entièrement supprimer le traité”...” pour rendre une entière obéissance à l’Église en ce qu’elle a défendu l’opinion du mouvement de la Terre”. Mais il doute que la décision de l’Église ait force de loi. Comment Descartes interprète l’événement pour ce qui le concerne : lettre à Mersenne de fin novembre 1633, Alq. I, p.487 sq. : “je ne me suis pu imaginer que lui, qui est Italien, et même bien voulu du pape, ainsi que je l’entends, ait pu être criminalisé pour autre chose, sinon qu’il aura sans doute voulu établir le mouvement de la terre, ... et je confesse que, s’il est faux, tous les fondements de ma philosophie le sont aussi, car il se démontre par eux évidemment et il est tellement lié avec toutes les parties de mon traité que je ne l’en saurais détacher, sans rendre le reste tout défectueux.” Et “je me suis laissé dire” que les jésuites avaient aidé à la condamnation de Galilée, et tout le livre du P. Scheiner montre assez qu’ils ne sont pas de ses amis”. Le P. Scheiner, jésuite allemand, a écrit la Rosa ursina, qui prenait le contre-pied de Galilée, se flattant de prouver que le soleil tourne autour de la Terre. Six ans après, Descartes pense toujours que le dernier mot n’est pas dit : voir la lettre à Mersenne de décembre 1640, AT III, p. 258-259 ; il demande à Mersenne d’écrire au cardinal de Baigné (Guido di Bagno) pour sonder Rome (Baigné meurt le 25 juillet 1641). Au fond Descartes est divisé entre deux sentiments : le besoin de publier la vérité du mouvement de la Terre et son obéissance intégrale à l’Église. Descartes renonce à publier : voir lettre à Mersenne de fin novembre 1633, Alq. I, p.487 sq. : « Mais comme je ne voudrais, pour rien au monde, qu’il sortît de moi un discours où il se trouvât le moindre mot qui fût désapprouvé de l’Église, aussi aimé-je mieux le supprimer que de le faire paraître estropié ». Il prend ses précautions pour ne pas laisser répandre ses écrits anciens. Il n’y a ni peur ni soumission totale chez Descartes : Galilée était en Italie, terre d’Inquisition, mais Descartes n’a rien à redouter de l’Inquisition en Hollande protétante, ni même d’ailleurs en France. Sa réaction est plutôt de crainte des discussions longues et stériles. Il est soumis en tant que chrétien, mais ne veut pas déplaire à l’Église au sein de laquelle il veut demeurer ; mais non soumis en tant que physicien. Voir lettre à Mersenne de fin novembre 1633, Alq. I, p.487 : découragement, mais pas désespoir, car il estime que la décision contre Galilée n’est que temporaire, que l’Église reviendra sur une condamnation injustifiée ; que par conséquent il faut préparer les autorités en soulignant que l’héliocentrisme n’est pas absurde, que ses travaux ont de grands résultats, des conséquences utiles et bonnes au progrès. Sachant que les jésuites ont poussé la condamnation de Galilée, il prévoit leur irritation. Ses espoirs sont que le pape n’avalisera pas la condamnation ; que le précédent du retournement de l’opinion pontificale sur la question des antipodes serve d’avertissement ; que les protétants hostiles à Galilée fassent changer les catholiques d’avis. Voir l’appréciation de Bossuet sur les craintes et précautions de Descartes, lettre du 24 mars 1701, Correspondance, éd. Urbain-Lévêque, t. XIII, p. 46 : “des précautions dont quelques unes allaient jusqu’à l’excès”. Lorsque Pascal intervient, un quart de siècle plus tard, la vérité a fait beaucoup de chemin dans les esprits ; et il n’a pas à ménager les jésuites.

BUSSON Henri, La religion des classiques, p. 112. Les cartésiens préfèrent Copernic à Tycho Brahé parce que son système est plus simple.

Lettre de Descartes au P. Mersenne du 16 octobre 1639, Alquié II, p. 142. Les huguenots haïssent Descartes comme papiste ; ceux de Rome ne l’aiment pas « comme pensant que je suis entaché de l’hérésie du mouvement de la terre ».

CHAREIX Fabien, « Quamvis hypothetice a se illam proponi simularet : le mouvement de la terre chez Galilée et Descartes », in CHAREIX Fabien, Galilée-Descartes. Entre science et philosophie, XVIIe siècle, 242, Presses Universitaires de France, janvier 2009, p. 97-111.

Les libertins et l’héliocentrisme

BUSSON Henri, La religion des classiques, p. 109. L’héliocentrisme triomphant est « à peu près le monopole des libertins » : Bayle, Guillaume Lamy qui l’a soutenu en Sorbonne ; Auzout et Huygens; Roberval et Boulliau : p. 109-110.

CYRANO DE BERGERAC, L’Autre monde. La lune, éd. Prévot, p. 362 sq. « Il est du sens commun de croire que le soleil a pris place au centre de l’Univers, puisque tous les corps qui sont dans la Nature ont besoin de ce feu radical, qui habite au cœur du royaume... » Les prêtres, ayant entendu que Cyrano prétend que la Lune est un monde, décident de le perdre : p. 395. Parodie de l’abjuration de Galilée : on oblige Cyrano à proclamer ce que les prêtres croient, se reniant par force : p. 396.

Gassendi sur l’affaire Galilée

PINTARD René, “Modernisme, humanisme, libertinage. Petite suite sur le cas Gassendi”, Revue d’Histoire littéraire de la France, janv.-mars 1948. Gassendi avait écrit à Galilée lors de sa condamnation; Peiresc lui a fait retrancher les passages les plus compromettants.

PINTARD René, Le libertinage érudit..., p. 488. Position prudente de Gassendi. Affectant la docilité, il s’arrange pour appuyer l’hypothèse proscrite.

GRENET Micheline, La passion des astres au XVIIe siècle. De l’astrologie à l’astronomie, p. 79 sq. et p. 86 sq. Gassendi astronome d’observation : p. 87. Héliocentrisme, et ralliement final à l’hypothèse de Tycho Brahé proposé à ceux qui hésitent à adopter l’hypothèse de Copernic.

JULLIEN Vincent, “Silences cosmologiques”, XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256. Texte repris dans Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185. Sur l’attitude de Gassendi, voir p. 169 sq.

Pierre Gassendi, sa vie, son œuvre, p. 96 sq. B. Rochot : Gassendi partisan du mouvement de la terre, contre Morin. Sur la condamnation de Galilée : p. 97.

Port-Royal et l’héliocentrisme

DELASSAULT Geneviève, Lemaistre de Saci et son temps, p. 225 sq. Arnauld se déclare ouvertement contre Aristote. Voir Œuvres, IV, Diff. XLIV, p. 307 : il explique à Steyaert que les planètes ne peuvent être attachées à des cieux solides, mais qu’elles se promènent dans “la matière liquide” des cieux comme des poissons dans l’eau; il est favorable à Galilée et Copernic. Saci pense autrement : il suit littéralement les données bibliques fournies par saint Augustin, qui ne s’était pas intéressé aux curiosités des savants, aux nombres, matière, forme des cieux et des astres : occupation vaine et inutile pour le salut. “Moïse instruit de la science des Egyptiens et inspiré par Dieu savait, assurait-il”, ce qu’il y a “de solide dans la connaissance du ciel et des astres”, p. 226. Voir Genèse, I, v. 17.

BUSSON Henri, La religion des classiques, p. 103 sq. Débats sur l’héliocentrisme; voir p. 111, la position d’Arnauld, in Examen d’un écrit qui a pour titre : Traité de l’essence des corps, in Œuvres , XXXVIII, p. 96-100, contre Lemoine, de Vitré.

Pascal et l’affaire Galilée

MESNARD Jean, « Pascal et Copernic », in Avant, avec, après Copernic. La représentation de l’univers et ses conséquences épistémologiques, XXXIe semaine de synthèse, 1-7 juin 1973, Paris, Blanchard, 1975, p. 241-249.

MESNARD Jean, « Science et foi selon Pascal », in La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 346-354. Voir p. 349.
MESNARD Jean, « Pascal et la doctrine de la double vérité », in Averroes (1126-1198) oder der Triumph des Rationalismus, Heidelberg, C. Winter, 2002, p. 336. Position de Pascal dans l’affaire Galilée.

ALLIX M. G., “Pascal et le système de Copernic”, Bulletin de l’Académie delphinale, 4e série, 1904, p. 267-294.

Laf. 164, Sel. 196. “Commencement. Cachot. Je trouve bon qu’on n’approfondisse pas l’opinion de Copernic. Mais ceci : Il importe à toute la vie de savoir si l’âme est mortelle ou immortelle.”

Voir la Lettre au P. Noël, OC II, p. 524. “C’est ainsi que, quand on discourt humainement du mouvement ou de la stabilité de la terre, tous les phénomènes des mouvements et rétrogradations des planètes s’ensuivent parfaitement des hypothèses de Ptolémée, de Tycho, de Copernic et de beaucoup d’autres qu’on peut faire, de toutes lesquelles une seule peut être véritable. Mais qui osera faire un si grand discernement, et qui pourra, sans danger d’erreur, soutenir l’une au préjudice des autres, ... sans se rendre ridicule?”

Dans ce passage, Pascal ne s’intéresse pas à la question de l’héliocentrisme en elle-même, mais à la question épistémologique, qui est tout à fait indépendante de la vérité des choses et de celle de l’opinion de Galilée.

On cite parfois Disproportion de l’homme pour soutenir que Pascal n’admet pas l’héliocentrisme. Ce n’est pas pertinent. Le texte est écrit du point de vue de l’observateur, et s’adapte au parler ordinaire, plutôt qu’à celui du savant, qui est en l’occurrence hors de propos.

BOUILLIER Francisque, Histoire de la philosophie cartésienne, Troisième édition, I, p. 543.

BUSSON Henri, La religion des classiques, p. 105, classe Pascal parmi les indécis.

GUSDORF Georges, La révolution galiléenne, I, p. 124 sq.

SAINTE-BEUVE, Port-Royal, éd. Pléiade, t. 2, p. 149.

LHERMET Joseph, Pascal et la Bible, p. 45. Pascal et Galilée. Seule une théologie mal comprise peut s’offusquer du progrès scientifique ; la religion a tout à perdre à s’appuyer sur une fausse science ; voir p. 53 : le cas de Galilée ; séparation de la science et de la théologie. Galilée se hasarde à donner une explication scientifique de l’affaire de Josué ; Pascal reste à l’exégèse traditionnelle.

GRENET Micheline, La passion des astres au XVIIe siècle. De l’astrologie à l’astronomie, p. 94 sq. La XVIIIe Provinciale : p. 95 sq. Les Pensées sur l’opinion de Copernic : p. 97.

Pensées, Laf. 109, une allusion au problème astronomique.

Sur l’équivalence des hypothèses de Ptolémée et Tycho, voir KOYRÉ Alexandre, La révolution astronomique, p. 46, fig. 1.

JULLIEN Vincent, “Silences cosmologiques”, XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256.

JULLIEN Vincent, Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185.

DESCOTES Dominique, Pascal. Le calcul et la théologie, Pour la science, Les génies de la science, août 2003, p. 13-14. « Que les jésuites aient obtenu un décret de Rome contre le mouvement de la Terre ne prouvera pas "qu'elle demeure en repos ; et si l'on avait des observations constantes qui prouvassent que c'est elle qui tourne, tous les hommes ensemble ne l'empêcheraient pas de tourner, et ne s'empêcheraient pas de tourner aussi avec elle." Mais peut-on en avoir ? Pour Pascal, la question est indécidable : "quand on discourt humainement du mouvement ou de la stabilité de la terre, tous les phénomènes des mouvements et rétrogradations des planètes s'ensuivent parfaitement des hypothèses de Ptolémée, de Tycho, de Copernic et de beaucoup d'autres qu'on peut faire, de toutes lesquelles une seule peut être véritable. Mais qui osera faire un si grand discernement, et qui pourra, sans danger d'erreur, soutenir l'une au préjudice des autres ?" Surtout, la question a-t-elle un sens ? Elle en aurait un dans un monde fini, où des limites serviraient de référentiel fixe qui permettrait de chercher autour de quel centre tournent les astres. Mais à partir du moment où l'espace universel est infini et homogène, il n'y a plus de point qui ait le privilège d'être une référence absolue ; ou plutôt, tout point peut servir arbitrairement de référence fixe. Par suite, si l'on admet que la nature est "une sphère infinie dont le centre est partout, la circonférence nulle part", l'alternative entre héliocentrisme et géocentrisme est purement rhétorique : on peut adopter l'hypothèse de Ptolémée ou celle de Copernic à volonté. Il ne faudrait pas pousser beaucoup Pascal pour lui faire dire que ce sont des modèles explicatifs, dont on ne saurait sans témérité déclarer que l'un est vrai et l'autre faux. En revanche l'affaire Galilée est un cas particulier du problème de l'usage tyrannique de l'autorité pontificale. Si l'Eglise est en tort, c'est parce qu'elle a voulu imposer un décret dans un domaine scientifique où elle n'a pas de compétence. Or comme la tyrannie procède par des moyens étrangers, elle manque inévitablement son but, et finit toujours par jeter celui qui la commet dans le ridicule. Invoquer l'Ecriture dans une question scientifique, ce n'est pas la rendre vénérable, mais « l'exposer au mépris des infidèles ; parce, comme dit saint Augustin, que, quand ils auraient connu que nous croyons dans l'Écriture des choses qu'ils savent certainement être fausses, ils se riraient de notre crédulité dans les autres choses qui sont plus cachées, comme la résurrection des morts et la vie éternelle »: « ce serait leur rendre notre religion méprisable, et même leur en fermer l'entrée ». Dans l'affaire Galilée, ce qui choque Pascal, c'est le danger que l'atteinte au droit de l'esprit fait courir à la foi. Du reste, il considère qu'il y a des problèmes plus urgents : « Je trouve bon qu'on n'approfondisse pas l'opinion de Copernic. Mais ceci : Il importe à toute la vie de savoir si l'âme est mortelle ou immortelle ».

Mersenne, l’héliocentrisme et l’affaire Galilée

GRENET Micheline, La passion des astres au XVIIe siècle. De l’astrologie à l’astronomie, p. 83 sq. Sympathie pour la physique de Galilée, mais une certaine réticence à l’égard de ses théories astronomiques. Il n’admet pas qu’on appelle l’héliocentrisme une hérésie. Les raisons de Galilée en faveur de l’héliocentrisme ne lui semblent pas décisives : p. 86.

JULLIEN Vincent, “Silences cosmologiques”, XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256.

JULLIEN Vincent, Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185.

LENOBLE Robert, Mersenne ou la naissance du mécanisme, p. 392. Position de Mersenne sur l’héliocentrisme ; voir p. 394 sq., p. 397, n. 5. Position par rapport à Tycho Brahé et Copernic. Comment il finit par défendre Galilée : p. 398 sq. Quoique les raisons en faveur de l’héliocentrisme ne lui semblent pas décisives : p. 399. Raisons de cette conduite : p. 405.

Rohault sur l’affaire Galilée

MOUY Paul, Le développement de la physique cartésienne, p. 25 sq. Sur les Principes, III, 15, Alquié III, p. 227 sq. Voir aussi p. 122 sq. Cosmographie de Rohault. Les trois systèmes : toute la différence qu’on trouve entre l’hypothèse de Copernic et celle de Tycho tient en ce que Copernic parle comme un homme qui dit que se carrosse se déplace sur la route, et Tycho comme si la route se déplaçait sous un carrosse immobile. Peut-on départager les trois systèmes ? p. 123. L’hypothèse de Ptolémée est trop compliquée et ne s’accorde pas avec les phases de Mercure et de Vénus ; celle de Tycho suppose des mouvements qui se contrarient ; celle de Copernic est la plus simple. Rohault décide en faveur de Copernic.

Auzoult sur l’affaire Galilée

AUZOULT Adrien, Lettre à M. l’abbé Charles..., p. 22 et p. 55 sq. Contre le P. Fabri. Comment il faut expliquer les défenses que l’Inquisition a faites autrefois de soutenir le mouvement de la Terre. Décision prise par provision, pour éviter le scandale : p. 55. Cette opinion n’est ni absurde philosophiquement, ni contraire à l’Ecriture : p. 58 sq. L’Église n’a rien décidé absolument : p. 59. Attente d’une preuve certaine : p. 60.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, II, La morale, p. 391. Abus dans l’affaire Galilée.

Roberval sur la question de Galilée

Voir AUGER Léon, Gilles Personne de Roberval, p. 105. On ne sait pas lequel des systèmes de Ptolémée, Tycho et Aristarque est le « vrai et naturel » ; « peut-être sont-ils faux tous les trois et le véritable ignoré ». Roberval prétend se rapporter au système d’Aristarque parce que c’est le plus simple, qui convient ainsi le mieux aux lois de la Nature.

ROBERVAL, Aristarchus, Préface à Brûlart de Saint-Martin. « Enfin vous demandez mon avis, et si, contre Ptolémée et Tycho, je suis partisan du seul Aristarque. Je me récuse. Il ne convient pas à un mathématicien avisé de suivre telle ou telle opinion, adopter celle-ci, rejeter celle-là, jusque la démonstration de l’une ou la réfutation de l’autre soit d’une évidence manifeste. Or nous n’en sommes pas là ; on ne peut affirmer que de ces trois systèmes des plus célèbres auteurs, l’un soit le vrai et naturel sustème du monde : peut-être sont-ils tous troius faux, et le véritable ignoré. Quoi qu’il en soit, le plus simple et le plus conforme aux lois de la nature paraît être le système d’Aristarque, en sorte que si nous ne pouvons y adhérer avec certitude, du moins nous avons des raisons sérieuses de pencher en sa faveur » (tr. Jullien).
Selon Jullien l’hésitation tient au fait que la cosmologie de Copernic, en résolvant certaines difficultés, en fait apparaître un grand nombre d’autres. Voir JULLIEN Vincent, « Gassendi, Roberval à l’académie Mersenne. Lieux et occasions de contact entre ces deux auteurs ».

JULLIEN Vincent, « Silences cosmologiques », XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256.

JULLIEN Vincent, Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 153-185.

JULLIEN Vincent, « Roberval, système du monde et autres controverses », in Philosophie naturelle et géométrie au XVIIe siècle, Paris, Champion, 2006, p. 187-209. Voir p. 190 sq., la doctrine de l’Aristarque. L’ouvrage est une défense de Galilée : tout lecteur informé sait en 1644 que se réclamer du samien équivaut à se dire copernicien et même partisan de Galilée : p. 192.

Les jésuites sur l’héliocentrisme et dans l’affaire Galilée : Quelle part ont prise les jésuites dans la condamnation de Galilée ?

NAMER Émile, L’affaire Galilée, Archives, Paris, Gallimard, 1975, p. 232 sq. L’idée que le complot contre lui est principalement organisé par les jésuites est une obsession de Galilée lui-même. Voir la lettre de Galilée à Diodati du 25 juillet 1634, où Galilée rapporte une déclaration que le P. Christophe Gremberg, jésuite mathématicien du Collège romain, aurait faite à Fulgenzio Micanzio : « Si Galilée avait su conserver l’affection des Pères de ce Collège, il mènerait en ce monde une vie glorieuse, aucune disgrâce ne l’aurait frappé et il aurait pu écrire tout à son aise sur n’importe quel sujet, et même sur le mouvement de la terre... » Galilée conclut : « Votre Seigneurie voit donc bien que ce qui a fait et fait mon malheur, ce n’est pas d’avoir professé telle ou telle opinion, mais d’avoir encouru la disgrâce des Jésuites ».
DESCARTES, Discours de la méthode, VI, AT VI, p. 60, Alquié I, p. 632-633. Descartes écrit : “je me suis laissé dire” que les jésuites avaient aidé à la condamnation de Galilée, et tout le livre du P. Scheiner montre assez qu’ils ne sont pas de ses amis”. Le P. Scheiner, jésuite allemand, a écrit la Rosa ursina, qui prenait le contre-pied de Galilée, se flattant de prouver que le soleil tourne autour de la Terre.

REDONDI Pietro, Galilée hérétique, p. 45. La déclaration du jésuite Cristophoro Grienberger : si Galilée était rété l’ami des jésuites, il n’aurait eu aucune difficulté, même s’il avait écrit sur le mouvement de la Terre. Action de Bellarmin en faveur de Galilée en 1616, lors de la condamnation de la doctrine de Copernic : p. 48. Origines de l’hostilité des jésuites envers Galilée, avec l’affaire Grassi, sous le pseudonime de Lotario Sarsi ; l’académie dei Lincei a pris part à la riposte contre Sarsi : p. 54. Réaction des jésuites contre le Saggiatore : p. 55. Galilée use du ridicule dans le Saggiatore, contre la dévotion envers le principe de l’autorité de la tradition : p. 65. Galilée a offensé l’orgueil jésuite : p. 134. Le P. Grassi et Galilée : p. 137. Réactions à la publication du Saggiatore ; riposte avec les leçons inaugurales de 1624-1625 : p. 145 sq. Leçon du P. Spinola, 5 novembre 1624 : p. 147. Menace finale de répression d’une hérésie : p. 149. Contre les adeptes de la philosophie naturelle (et non contre Copernic) : p. 150-151. Dénonciation du Saggiatore : ce que Guiducci dit du dénonciateur : p. 155-160. Le motif de la dénonciation : p. 161 sq. Le document G3, une dénonciation : p. 176-177. Date de rédaction : p. 178-179. Accusation portant sur l’atomisme, incompatible avec la doctrine de l’Eucharistie : p. 181-182. Importance de ce grief : p. 184. Identification de l’auteur anonime : le P. Grassi : p. 199-202. Piège pour identifier Sarsi : p. 203 sq. Le Ratio ponderum librae et simbellae de L. Sarsi (fin 1626) ; attaques sur l’Eucharistie : p. 214-218. Publication du Dialogo en 1632 et réception : p. 260-266. Condamnation de la doctrine des atomes : p. 269. Travail souterrain des jésuites : p. 272. Pourquoi on veut éviter de citer Galilée devant le Saint Office : p. 272-273. La commission spéciale : p. 273 sq. Retombée du procès sur le P. Grassi : p. 290. Sur le P. Ridolfi : p. 291.

BUSSON Henri, La religion des classiques, p. 106. Fabri contre l’héliocentrisme : p. 105 sq. Pour sauver le géocentrisme, il adapte Tycho Brahé : p. 106. Mais peut-être a-t-il fini par douter de sa cause, à force de se heurter aux savants (Huygens)? p. 107.

JULLIEN Vincent, « Silences cosmologiques », XVIIe siècle, n° 207, 2-2000, p. 235-256.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 944-945. Voir t. IV-V, p. 444-445, note 11. Selon Mayaud, l’accusation portée contre les jésuites est ici « entièrement sans fondement » : p. 445.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. I, p. 293. Contre l’idée que l’affaire de 1632 est due à l’inflence des jésuites. L’accusation contre les jésuites proviendrait d’un mot de

Riccardi à F. Magalotti, « les Jésuites vont le persécuter de la pire manière », en août 1632.

Evolution ultérieure de la question de l’héliocentrisme et du mouvement de la terre

Sur les thèses de Poincaré, voir AUFFRAY Jean-Paul, « E = Mc2. Le silence de Poincaré », Les Cahiers de Science et Vie, n°1, Février 2001, p. 26-40. Selon Poincaré dans La science et l’hypothèse, il est équivalent de dire la terre tourne et il est plus commode de supposer que la terre tourne. « Le repère auquel il faudrait rapporter la terre pour savoir si réellement elle tourne n’a aucune existence objective » : p. 28. Voir ibid., p. 30. Il est impossible de détecter expérimentalement le mouvement de la Terre.

Voir La science et l’hypothèse, Paris, Flammarion, 1968, p. 133. »Il est bienplus simple d’admettre que la terre tourne ». Mais « cela n’empêche pas que l’espace absolu, c’est-à-dire le repère auquel il faudrait rapporter la terre pour savoir si réellement elle tourne, n’a aucune existence objective. Dèslors, cette affirmation : « la terre tourne », n’a aucun sens, puisqu’aucune expérience ne permettra de la vérifier ».

Les raisons de Poincaré diffèrent-elles de celles de Pascal ?

XVIII, 36. Ne vous imaginez pas de même que les lettres du pape Zacharie pour l’excommunication de saint Virgile, sur ce qu’il tenait qu’il y avait des antipodes, aient anéanti ce nouveau monde

WENDROCK, Litterae Provinciales, p. 492, traduit : « quod alios sub terra homines, id est antipodas esse diceret ».

DIOGÈNE LAËRCE, Vies et doctrines des philosophes illustres, Livre VIII, 26, éd. Goulet-Cazé, p. 962. Pythagore enseigne qu’il y a des antipodes ; ce qui est pour nous en bas est pour eux en haut.

Sur les antipodes, voir les indications de Dictionnaire de théologie catholique, art. Virgile, col. 3095. Antipodes, chez les anciens, désigne toujours des hommes, et non une zone géographique.

HÉRIGONE Pierre, Cursus mathematicus, V, Théorie des planètes, Lib. II, p. 628-629.

HÉRIGONE, Cursus mathematicus, IV, De la sphère du monde, IX, p. 94. Les Perieciens sont ceux qui demeurent en un même parallèle et méridien, mais ès points opposés diamétralement du même parallèle. Ils ont en un même temps l’hiver et l’été, mais quand l’un a le jour, l’autre a la nuit, s’ils ne sont aux zones froides, car en icelles ils peuvent avoir le jour et la nuit en même temps. Ceux qui demeurent sous les pôles n’ont point de perieciens. Voir p. 95 : Les anteciens sont ceux qui demeurent sous un même demi-cercle du méridien, éloignés également de l’équateur vers divers pôles. Ils ont en même temps midi et minuit, s’ils ne sont aux zones froides, mais quand l’un a l’hiver, l’autre a l’été, s’ils ne sont en la zone torride, car en icelle ils peuvent avoir en même temps l’hiver, mais non l’été. Ceux qui demeurent sous l’équateur n’ont point d’antéciens, ni proprement ceux qui demeurent sous les pôles. Les antipodes sont ceux qui sont opposés diamétralement : ils sont sous un même méridien, et sous parallèles également éloignés de l’équateur, s’ils ne sont sous l’équateur. En tous les antipodes quand l’un a le jour l’autre a la nuit, et aussi hors la zone torride quand l’un a l’hiver l’autre a l’été.

PLATON, Timée, 62 c d. Voir sur Platon, Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715. Platon croit à la sphéricité de la terre et admet l'existence des antipodes.

CICERON, Acad. II, 123. Voir sur Cicéron, Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715.

LUCRÈCE, De natura rerum, I, 1052-1067. Lucrèce combat la doctrine des antipodes.

PLINE, C. Plinii secundi Historiae mundi libri triginta septem, Lugduni, ex officina Godefridi et Marcelli Beringorum fratrum, 1598. Ch. LXV, De antipodibus et aquae rotunditate.

PLINE L'ANCIEN, Hist. nat., II, LXIV, 161. Voir sur lui Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715. « Ici s'élève un violent débat entre la science et le vulgaire : pour la science, les hommes sont répandus tout autour de la terre et opposés par les pieds; la verticale est semblable pour tous et partout on foule pareillement la terre en son milieu. Le vulgaire demande pourquoi les hommes habitant aux antipodes ne tombent pas, comme s'il n'était pas facile de répondre qu'eux aussi peuvent s'étonner que nous ne tombions pas ».

LUCIEN, Daemonax 22. Voir le texte dans Les cyniques grecs, éd. Léonce Paquet, Livre de Poche, 1992, § 22, p. 276 : "un physicien discourait à propos des antipodes : Démonax l'invite alors à se lever, il le conduit près d'un puits et, lui montrant son image reflétée dans l'eau, il lui demande: Est-ce que ce ne sont pas là les antipodes dont tu parles?" C'est une pirouette, selon toute apparence. Voir Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, II, p. 25 sq. Texte des Divinae institutiones de Lactance sur les erreurs de certains philosophes, au sujet du soleil et de la lune. Sur les antipodes : p. 26-27. « Y a-t-il quelqu’un d’assez inepte pour croire qu’il y a des hommes dont les plantes des pieds sont au dessus de leurs têtes ? » : p. 26. Raisons qu’ont eues les philosophes de croire aux antipodes : p. 26-27. Le cours des astres leur a fait croire que le monde est sphérique, et la terre pareille à un globe : p. 27.

Voir la définition qu’en donne MAUROLICO, De sphaera liber unus, Opuscula mathematica, p. 17. “Antipodes, sive antichthones, sunt non solum Antoeci, sed etiam per diametrum oppositi. Quare conferuntur in omnibus, sicut Antoeci. Verum habent etiam eundem horizontem, sed diversa hemisphaeria, et contra positis; in axe horizontis vertices. Unde quidquid oritur his, occidit illis : et e contrario.? Item quidquid stellarum semper apparet nobis; apud nostros Antoecos, et Antipodes semper delitescit, et e contrario”.

WENDROCK, Litterae Provinciales, p. 492, traduit : « quod alios sub terra homines, id est antipodas esse diceret ».

Mersenne mentionne, dans La vérité des sciences, I, p. 26, le fait que Xénophane niait l’existence des antipodes : il y a en effet un fragment de Xénophane de Colophon, maître de Parménide, figurant dans l’anthologie Les penseurs grecs avant Socrate, éd. Voilquin, p. 65 : « La terre a pour limites, en haut, ce que nous voyons à nos pieds, du côté de l’éther ; mais les parties inférieures s’enfoncent à l’infini ».

PLATON, Timée, 62 c d. Voir sur Platon, Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715. Platon croit à la sphéricité de la terre et admet l’existence des antipodes.
CICERON, Acad. II, 123. Voir sur Cicéron, Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715.

PLINE L’ANCIEN, Hist. nat., II, LXIV, 161. Voir sur lui Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715. “Ici s’élève un violent débat entre la science et le vulgaire : pour la science, les hommes sont répandus tout autour de la terre et opposés par les pieds; la verticale est semblable pour tous et partout on foule pareillement la terre en son milieu. Le vulgaire demande pourquoi les hommes habitant aux antipodes ne tombent pas, comme s’il n’était pas facile de répondre qu’eux aussi peuvent s’étonner que nous ne tombions pas”.

LUCIEN, Daemonax 22. Voir le texte dans Les cyniques grecs, éd. Léonce Paquet, Livre de Poche, 1992, § 22, p. 276 : “un physicien discourait à propos des antipodes : Démonax l’invite alors à se lever, il le conduit près d’un puits et, lui montrant son image reflétée dans l’eau, il lui demande : Est-ce que ce ne sont pas là les antipodes dont tu parles ?” C’est une pirouette, selon toute apparence. Voir Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 715.

LACTANCE, De divinis institutionibus (Instit. div.), liv. III, chap. XXIV, De antipodibus, de caelo ac sideribus ; Lactance écrit qu l’origine de l’erreur sur les antipodes, « ce sont les théories des philosophes qui ont estimé que la terre était ronde ».

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, II, p. 25 sq. Texte des Divinae institutiones de Lactance sur les erreurs de certains philosophes, au sujet du soleil et de la lune. Sur les antipodes : p. 26-27.

Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, ch. IX, t. 36, p. 213 sq. et p. 715, n. 18. Sur les antipodes. « Quant aux fables relatives aux antipodes, c’est-à-dire à l’existence d’hommes foulant la face de la terre opposée à la nôtre, où le soleil se lève quand chez nous il se couche, nos n’avons aucune raison de les admettre. Cette affirmation ne repose sur aucune donnée historique, elle est une pure conjecture de la raison : la terre, dit-on, est suspendue à l’intérieur de la voûte céleste, et, pour le monde, le lieu d’en bas est le même que celui du milieu; d’où l’on conclut que la partie de la terre située en dessous ne peut manquer d’être habitée par des hommes. On ne remarque pas que, même en admettant que le monde a une forme sphérique et ronde, serait-ce même démontré, il ne s’ensuivrait pas que la partie inférieure de la terre ne soit pas couverte de masses d’eaux; et même si elle ne l’était pas, il n’est pas de ce seul fait nécessaire qu’elle soit habitée. Mais parce que l’Ecriture ne ment pas, elle qui fonde la confiance aux faits narrés par l’accomplissement fidèle de ses prédictions, et qu’il y aurait trop d’absurdité à soutenir que les hommes aient passé en navigant de cette partie à l’autre à travers l’immense Océan, comment, même là-bas, le genre humain aurait-il pour origine l’unique premier homme? » Voir, sur la conception du monde de saint Augustin, la note 17, p. 712-715, et la note 18, p. 715-717 sur la question des antipodes. La réponse de saint Augustin est prudente, et sa position relativement ouverte : il ne veut pas contredire les données de la science, dans la mesure où elles sont acquises; et il remarque que les rapports sur les antipodes ne sont pas dignes de créance; mais il ne veut pas non plus dépasser les acquis positifs de la science; la sphéricité de la terre l’intéresse peu (voir De Genesi ad litteram, II, IX, 20), en revanche l’existence d’autres hommes lui paraît importante, car la théorie des antipodes lui paraît surtout, suivant les idées courantes, impliquer l’existence d’autres hommes non issus d’Adam : cette existence ne lui paraît nullement prouvée; mais le fait que ces hommes ne viennent pas d’Adam lui paraît contredire l’Ecriture; c’est pour cette raison qu’il la rejette. Sur la position d’Augustin, voir Dictionnaire de théologie catholique, art. Virgile, col. 3095. Texte invoqué par CAMPANELLA, Apologie pour Galilée, éd. Lerner, p. 74, sur l’erreur de saint Augustin.

PROCOPE DE GAZA, Commentarii in Genesim, chap. I, in Procopi Gazaei (...) commentarii in Octateuchum, Tiguri, 1555, p. 19, ou Patrologie grecque, 87, col. 69-70. Selon Procope de Gaza, si les antipodes existent et sont habités, le Christ doit avoir été crucifié une seconde fois. Dans sa lettre de 1611 à Galilée, Campanella a cité cet auteur au nombre des Pères qui pourraient être invoqués pour sa défense. Voir la note de CAMPANELLA, Apologie pour Galilée, éd. Lerner, p. 232.
Sur la question au Moyen Age, voir Dictionnaire de théologie catholique, art. Virgile, col. 3096. Isidore de Séville s’aligne sur la position de saint Augustin, mais à partir d’arguments philosophico-scientifiques, ou historiques. Au début du VIIe siècle, Bède trouve contre les antipodes des arguments physiques (élévation de la température à mesure qu’on va vers le sud).

Noter que l’admission de la sphéricité de la terre n’emporte pas nécessairement celle de l’existence des antipodes ; saint Augustin l’indique, mais on voit aussi Bède faire la distinction. Voir Dictionnaire de théologie catholique, art. Virgile, col. 3096.

L’affaire de Virgile se comprend dans ce contexte. Voir Dictionnaire de théologie catholique, art. Virgile, col. 3093-3097. L’affaire date des années 748. On ne sait pas en fait quelle suite a été donnée à la dénonciation portée par saint Boniface contre Virgile de croire aux antipodes; le pape Zacharie admet que cette doctrine n’est pas orthodoxe, et dit que s’il est exact que Virgile la tient, il faut réunir un concile et le déposer de son sacerdoce, mais il n’y a pas de trace qu’un concile ait été réuni là-dessus; des apaisements ont dû être donnés, puisque, vers 755, l’élévation de Virgile à l’épiscopat n’a pas soulevé d’objection.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Ecriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion, 2005, t. 1, p. 83 sq. L’affaire Virgile : p. 91 sq. Biographie de Virgile : p. 91 sq. La thèse sur les antipodes qui lui est reprochée : p. 93. Difficultés de l’interprétation de la lettre du pape Zacharie : p. 93 sq. Discussion sur le in concilio : p. 96 sq. Il n’y a pas de trace de concile provincial où le problème aurait été abordé. Aucun document ne mentionne la destitution de Virgile ; on sait seulement qu’il a été nommé évêque en 755 et qu’il a eu une grande activité missionnaire : p. 98. Il a été canonisé en 1233. Aucun témoignage n’assure que Virgile a été à Rome pour s’expliquer : p. 98. Comparaison des éditions de la lettre 748 du pape Zacharie à Boniface : p. 108 sq.

Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 716-717. L’accusation portée contre le pape Zacharie d’avoir condamné l’évêque de Salzburg, Virgile, pour avoir admis l’existence des antipodes, n’est pas fondée ; il écrit à propose de Virgile : « s’il est bien établi qu’il a professé l’existence dessous la terre d’un autre monde avec d’autres hommes, ayant un autre soleil et une autre lune, il faut réunir un concile et l’expulser de l’Église, après l’avoir privé de l’honneur du sacerdoce ». Voir Epist. 11; Patrologie latine, XCIX, 946. Mais la sévérité de l’avis pontifical se comprend à partir du moment où la théorie des antipodes semblait porter atteinte à l’unité de l’espèce humaine : voir Dictionnaire de théologie catholique, art. Virgile, col. 3096. Elle ne comporte aucune des conditions requises pour un enseignement ex cathedra.
En fait, il semble y avoir eu une campagne sur l’affaire Virgile, qui n’a pas été très soucieuse de l’exactitude des faits. Le Dictionnaire de théologie catholique, art. Virgile, col. 3097, parle d’une « affaire Galilée en miniature ». José de Acosta a longuement insisté sur l’erreur des anciens dans son De natura novi orbis libri duo, lib. I, ch. 1-10, p. 1-29. Voir la note de CAMPANELLA, Apologie pour Galilée, éd. Lerner, p. 232, sur l’affaire Virgile de Salzbourg. En fait, Virgile devint évêque de Salzbourg en 755 ou 767, c’est-à-dire après le procès instruit contre lui à Rome en 748 : p. 233.

CAMPANELLA, Apologie pour Galilée, éd. Lerner, p. 74. « Certains pères », comme saint Augustin entre autres, « tiennent même pour hérétique ceux qui affirment l’existence des antipodes. Les navigateurs n’en ont pas moins établi que leurs affirmations étaient contraires à la vérité. C’est pourquoi, si l’existence des antipodes est vraiment contraire à l’Ecriture divine, comme ces Pères l’ont dit, ou si le paradis terrestre, ou les enfers et le Purgatoire se trouvent dans l’autre hémisphère, (...), il s’ensuit que la vérité désormais divulguée par Colomb est contraire à l’Ecriture divine ou en désaccord avec elle ». La sagesse de Colomb, fondée sur l’observation, a radicalement invalidé les enseignements des philosophes et des théologiens sur les antipodes : p. XCVII. Mersenne rapporte l’erreur et Lactance et de saint Augustin sur les antipodes, ainsi que la prétendue destitution de Virgile en 745 au motif qu’il aurait soutenu la rotondité de la terre : p. CL. « Certains Pères tiennent même pour hérétiques ceux qui affirment l’existence des antipodes. Les navigateurs n’en ont pas moins établi que leurs affirmations étaient contraires à la vérité. C’est pourquoi, si l’existence des antipodes est vraiment contraire à l’Ecriture divine, comme ces Pères l’ont dit, ou si le paradis terrestre, ou les enfers et le Purgatoire se trouvent dans l’autre hémisphère, comme Dante, Isidore et d’autres l’ont cru, il s’ensuit que la vérité désormais divulguée par Colomb est contraire à l’Ecriture divine ou en désaccord avec elle » : p. 74. Voir p. 232 la note sur les antipodes.

KEPLER, préface du Livre IV de l’Epitome de 1620, évoque la condamnation dont aurait été victime Virgile de Salzbourg après avoir été dénoncé à Rome.

NAUDÉ Gabriel, Apologie pour tous les grands personnages qui ont été faussement accusés de magie, IV, in Libertins du XVIIe siècle, éd. Prévot, I, p. 170. “Le pauvre évêque Vergilius fut excommunié et condamné comme hérétique pour s’être rendu protecteur de ce demi-monde renversé, longtemps auparavant que Christophe Colomb en eût fait la découverte”.

SIMEK Rudolf, « Sphère ou disque ? La forme de la Terre », in La science au Moyen Age, Dossier Pour la Science, 37, octobre-janvier 2003, p. 32-36. Le rejet des antipodes. Boniface, Virgile et Zacharie : p. 32. Controverse sur les antipodes : p. 35 sq. L’enseignement du Christ s’adressait à tous les hommes : pouvait-il y avoir une impossibilité qu’il ait atteint les antipodes ?

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t. III, p. 254. Kepler : saint est Augustin, qui a nié les antipodes, mais plus sainte est la vérité.

MERSENNE, La vérité des sciences, I, p. 72. « Quand les plus grands Docteurs pensent savoir quelque chose, c'est pour lors qu'ils n'entendent rien, comme nous avons expérimenté dans l'opinion de saint Augustin, qui a pensé savoir qu'il n'y avait point d'Antipodes... »

MERSENNE, Quaestiones in Genesim,1623, col. 894.

MERSENNE Marin, Harmonie universelle, Livre premier, De la nature et des propriétés du son, Proposition XXXIII, t. 1, p. 76. “Il faut seulement remarquer qu’il n’y a ni haut ni bas en ce monde à proprement et absolument parler, puisque ce qui est haut à l’égard de l’un, est bas à l’égard d’un autre : par exemple nous nous imaginons que nos Antipodes sont en bas sous nos pieds, et pensent la même chose de nous; et l’on peut dire que le centre d’un cercle, ou d’une sphère, est son plus haut lieu, et que la circonférence est le plus bas”.

BOULLIAU Ismaël, lettre à Gassendi du 21 juin 1633, in Petri Gassendi opera omnia, Lyon 1658, t. 6, p. 412 col. a.

GEF VII, p. 54. Arnauld, Première défense des professeurs de l’Université de Bordeaux, 1660, cite le texte de Zacharie, Ep. 10 ad Bonif ; mais cela ne peut servir de source pour Pascal.

BOUILLIER Francisque, Histoire de la philosophie cartésienne, Troisième édition, I, p. 543.

GEF VII, p. 54. Arnauld, dans la Première défense des professeurs en théologie de l'Université de Bordeaux, 1660, cite le texte de Zacharie, ép. 10 ad Bonif.; puis il justifie l'interprétation de Pascal, qui voyait là la condamnation de la théorie selon laquelle "il y avait sous la terre des hommes..., ce que l'on appelle des antipodes" ; mais cela ne peut servir de source.

Noter que, dans ce cas, l’idée d’antipode a complètement changé. Sous terre ne sinifie pas la même chose que de l’autre côté de la terre.

Le pape Zacharie

LEVILLAIN Philippe, Dictionnaire historique de la papauté, p. 1742 sq. Elu pape en 741, mort en mars 752. Le dernier des papes grecs.

Saint AUGUSTIN, La cité de Dieu, XVI, p. 716-717. L’accusation portée contre le pape Zacharie d’avoir condamné l’évêque de Salzburg, Virgile, pour avoir admis l’existence des antipodes, n’est pas fondée ; il écrit à propos de Virgile : “s’il est bien établi qu’il a professé l’existence dessous la terre d’un autre monde avec d’autres hommes, ayant un autre soleil et une autre lune, il faut réunir un concile et l’expulser de l’Église, après l’avoir privé de l’honneur du sacerdoce”. Voir Epist. 11; Patrologie latine, XCIX, 946.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Ecriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion, 2005, t. 1, p. 83 sq.

Lactance

L. Cecilius Firmianus Lactance, africain, né aux environs de 250 et mort après 317.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Ecriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion, 2005, t. 1, p. 83 sq. Lactance est le premier à prendre une position tranchée contre les antipodes, et en faveur d’une terre plate : p. 85. Il critique aussi l’idée d’un ciel sphérique, et des orbes.

LACTANCE, De divinis institutionibus (Instit. div.), liv. III, chap. XXIV, De antipodibus, de caelo ac sideribus; Lactance écrit que l’origine de l’erreur sur les antipodes, « ce sont les théories des philosophes qui ont estimé que la terre était ronde ».

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles, II, p. 25 sq. Texte des Divinae institutiones de Lactance sur les erreurs de certains philosophes, au sujet du soleil et de la lune. Sur les antipodes : p. 26-27.

MAYAUD Pierre-Noël, Le conflit entre l’Astronomie nouvelle et l’Écriture sainte aux XVIe et XVIIe siècles. Un moment de l’histoire des idées. Autour de l’affaire Galilée, Paris, Champion 2005, 5 vol., t . III, p. 254. Saint est Lactance, qui a nié que la terre soit ronde ; mais plus sainte est la vérité, écrit Kepler.

XVIII, 36. Et qu’encore qu’il eût déclaré que cette opinion était une erreur bien dangereuse, le roi d’Espagne ne se soit pas bien trouvé d’en avoir plutôt cru Christophe Colomb qui en venait, que le jugement de ce Pape qui n’y avait pas été ;

Christophe Colomb

CAMPANELLA, Apologie pour Galilée, éd. Lerner, p. 74 et note p. 232, sur la rapprochement des découvertes astronomiques de Galilée et celles, géographiques, de Christophe Colomb.

XVIII, 36. Et que l’Église n’en ait pas reçu un grand avantage, puisque cela a procuré la connaissance de l’Évangile à tant de peuples qui fussent péris dans leur infidélité.

Pascal touche brièvement ici le problème des missions. Quoiqu’il réprouve les méthodes d’évangélisation des jésuites, il les approuve comme effort pour révéler aux peuples païens la religion chrétienne.

CABOURDIN Guy et VIARD Georges, Lexique historique de la France d’Ancien Régime, Paris, Armand Colin, 1978, p. 217.

ARNAULD Antoine, Œuvres, I, p. 215 sq., Lettre CII, d’Arnauld au P. Le Jeune sur l’utilité des missions, 30 octobre 1660. « Mon révérend Père, Un assez long voyage que j’ai fait depuis peu a été cause que je n’ai reçu que fort tard la lettre que vous m’avez fait l’honneur de l’écrire, et je vous avoue que depuis même l’avoir reçue j’ai encore été assez longtemps sans y répondre, tant à cause que je n’avaispas l’adresse pour vous faire tenir malettre, que parcr que je me voyais fort empêcher à résoudre la difficulté que vous me proposez, par un excès d’humilité, qui vous fait chercher dans le conseil des hommes ce que l’accès que vous avez auprès de Dieu vous fera trouver en lui-même. Car d’une part si c’est l’esprit de Dieu qui vous fait entreprendre ces missions, comme il y a tout sujet de le croire, qui suis-je pour l’empêcher ? Et si je le fais, n’ai-je pas lieu d’appréhender que Dieu ne me redemande compte des âmes des pauvres qui auront manqué d’une personne qui les instruisît dans la voie du salut, et qui les y fît entrer par ses exhortations et par sa conduite ? » La suite développe ces arguments.

37. Vous voyez donc, mon Père, quelle est la nature des choses de fait, et par quels principes on en doit juger ; d’où il est aisé de conclure, sur notre sujet, que, si les cinq propositions ne sont point de Jansénius, il est impossible qu’elles en aient été extraites, et que le seul moyen d’en bien juger et d’en persuader le monde, est d’examiner ce livre en une conférence réglée, comme on vous le demande depuis si longtemps. Jusque-là vous n’avez aucun droit d’appeler vos adversaires opiniâtres : car ils seront sans blâme sur ce point de fait, comme ils sont sans erreurs sur les points de foi ; catholiques sur le droit, raisonnables sur le fait, et innocents en l’un et en l’autre.

Arnauld a demandé des conférences réglées dès 1649 dans ses Considérations sur l’entreprise de Me Nicolas Cornet, § XLIII, Œuvres, XIX, p. 39.

XVIII, 38. Qui ne s’étonnera donc, mon Père, en voyant d’un côté une justification si pleine, de voir de l’autre des accusations si violentes ? Qui penserait qu’il n’est question entre vous que d’un fait de nulle importance, qu’on veut faire croire sans le montrer ? Et qui oserait s’imaginer qu’on fît par toute l’Église tant de bruit pour rien, pro nihilo, mon Père, comme le dit saint Bernard ? Mais c’est cela même qui est le principal artifice de votre conduite, de faire croire qu’il y va de tout en une affaire qui n’est de rien ; et de donner à entendre aux personnes puissantes qui vous écoutent qu’il s’agit dans vos disputes des erreurs les plus pernicieuses de Calvin, et des principes les plus importants de la foi, afin que, dans cette persuasion, ils emploient tout leur zèle et toute leur autorité contre ceux que vous combattez, comme si le salut de la religion catholique en dépendait : au lieu que, s’ils venaient à connaître qu’il n’est question que de ce petit point de fait, ils n’en seraient nullement touchés, et ils auraient au contraire bien du regret d’avoir fait tant d’efforts pour suivre vos passions particulières en une affaire qui n’est d’aucune conséquence pour l’Église.

Pro nihilo (…) comme le dit saint Bernard

Laf. 957, Sel. 792. “ Vous êtes bien ridicules de faire tant de bruit pour les propositions. Ce n’est rien : il faut qu’on l’entende ”.

Erreurs les plus pernicieuses de Calvin

Voir le Traité de la prédestination, dans les Ecrits sur la grâce, où Pascal donne un exposé synthétique de la doctrine et des erreurs de Calvin.

XVIII, 39. Car enfin, pour prendre les choses au pis, quand même il serait véritable que Jansénius aurait tenu ces propositions, quel malheur arriverait-il de ce que quelques personnes en douteraient, pourvu qu’ils les détestent, comme ils le font publiquement ? N’est-ce pas assez qu’elles soient condamnées par tout le monde sans exception, au sens même où vous avez expliqué que vous voulez qu’on les condamne ? En seraient-elles plus censurées, quand on dirait que Jansénius les a tenues ? A quoi servirait donc d’exiger cette reconnaissance, sinon à décrier un docteur et un évêque qui est mort dans la communion de l’Église ? Je ne vois pas que ce soit là un si grand bien, qu’il faille l’acheter par tant de troubles. Quel intérêt y a l’État, le Pape, les évêques, les docteurs et toute l’Église ? Cela ne les touche en aucune sorte, mon Père, et il n’y a que votre seule Société qui recevrait véritablement quelque plaisir de cette diffamation d’un auteur qui vous a fait quelque tort. Cependant tout se remue, parce que vous faites entendre que tout est menacé. C’est la cause secrète qui donne le branle à tous ces grands mouvements, qui cesseraient aussitôt qu’on aurait su le véritable état de vos disputes. Et c’est pourquoi, comme le repos de l’Église dépend de cet éclaircissement, il était d’une extrême importance de le donner, afin que, tous vos déguisements étant découverts, il paraisse à tout le monde que vos accusations sont sans fondement, vos adversaires sans erreur, et l’Église sans hérésie.

XVIII, 40. Voilà, mon Père, le bien que j’ai eu pour objet de procurer, qui me semble si considérable pour toute la religion, que j’ai de la peine à comprendre comment ceux à qui vous donnez tant de sujet de parler, peuvent demeurer dans le silence. Quand les injures que vous leur faites ne les toucheraient pas, celles que l’Église souffre devraient, ce me semble, les porter à s’en plaindre : outre que je doute que des ecclésiastiques puissent abandonner leur réputation à la calomnie, surtout en matière de foi. Cependant ils vous laissent dire tout ce qui vous plaît ; de sorte que, sans l’occasion que vous m’en avez donnée par hasard, peut-être que rien ne se serait opposé aux impressions scandaleuses que vous semez de tous côtés. Ainsi leur patience m’étonne, et d’autant plus qu’elle ne peut m’être suspecte ni de timidité, ni d’impuissance, sachant bien qu’ils ne manquent ni de raison pour leur justification, ni de zèle pour la vérité. Je les vois néanmoins si religieux à se taire que je crains qu’il n’y ait en cela de l’excès. Pour moi, mon Père, je ne crois pas le pouvoir faire. Laissez l’Église en paix, et je vous y laisserai de bon cœur. Mais pendant que vous ne travaillerez qu’à y entretenir le trouble, ne doutez pas qu’il ne se trouve des enfants de la paix qui se croiront obligés d’employer tous leurs efforts pour y conserver la tranquillité.

Voir Provinciale XI, 17.

Les divisions de Port-Royal : voir ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 236 sq. Il y a à Port-Royal un parti du silence et un parti de l’action. Il semble qu’Arnauld, Nicole et Pascal aient été presque seuls à entrer en lutte, et qu’ils aient souffert de sentir qu’à Port-Royal même, beaucoup n’approuvaient pas leur attitude polémique.

Le parti du silence : Barcos, Lancelot, Singlin. Voir GEF VII, p. 12 et p. 57, n. 1 ; Cognet, « Le jugement de Port-Royal... », in Blaise Pascal. L’homme et l’œuvre, p. 19-20. ARNAULD, Dissertation à la manière des géomètres, p. 62 : « sitôt que l’on eût commencé à parler de morale, et à traiter les jésuites de cette manière fine qui emporte la pièce, nous n’entendîmes de toutes parts que des murmures et des plaintes des dévots et des dévotes, et même de nos meilleurs amis, qui croyaient que cette manière d’écrire n’était pas chrétienne; qu’il n’y avait pas de charité; qu’on ne devait pas mêler des railleries dans les choses saintes, et que les gens de bien en étaient scandalisés. On ne saurait dire combien M. Singlin, à qui ces gens d’honneur parlaient sans cesse, nous a tourmentés là-dessus. Mais nous tînmes bon, et l’Église s’en est bien trouvée ». Sur les craintes de la mère Angélique Arnauld à l’égard des expressions fortes des Provinciales, voir BUGNION-SECRETAN, Mère Angélique Arnauld, p. 202, sur la lettre à Antoine Lemaître du 2 avril 1656 ; et GASTELLIER Fabian, Angélique Arnauld, p. 385. Noter que Singlin est sans doute un saint homme, mais que ce n’est certainement pas le plus fûté des jansénistes.

Le parti de la bataille : voir GEF VII, p. 12, sur l’accord entre Pascal, Nicole et Arnauld dans l’action commune : GEF VI, p. 318. Noter que Pascal justifie cette attitude autant par l’intérêt général de l’Église que par celui des particuliers persécutés.

Sur la conception que Pascal se fait de la paix et de la guerre en matière de religion, voir SHIOKAWA Tetsuya, « La Guerre et la Paix selon Pascal », Pascal, Port-Royal, Orient, Occident. Actes du colloque de l’Université de Tokyo, 27-29 septembre 1988, Klincksieck, Paris, 1991, p. 319-327.

ARNAULD, Réponse à la lettre..., § XXXIV, p. 102 sq. « Que l’indifférence qu’on a pour la vérité est cause qu’on trouve à redire à la force avec laquelle on la défend ». Arnauld revient sur ce problème dans Le renversement de la morale de Jésus-Christ, I, X, p. 102 sq., où il se demande pourquoi tant de personnes sont choquées par l’emploi des termes durs.

ARNAULD, Dissertation à la manière des géomètres..., Prop. V, p. 58-59. Sur le fait que ces scrupules viennent du peu de zèle pour la vérité : p. 61-62. Sur les réactions de ces dévots dans le cas des Provinciales : p. 62.

NICOLE Pierre, De la connaissance de soi-même, II, ch. IV, éd. Thirouin, Paris, Presses Universitaires de France, 1999, p. 350-351.