P 05 : Commentaires

 

Frises

 

Frise du recueil R 5452 de Clermont

Cette frise ressemble à celle de la première Première Provinciale.

La frise du recueil R1035 est identique, ainsi que celle du R 5597

 

Exemplaire de la BNF

 

PASCAL, Cinquième lettre, de Paris, ce 20 mars 1656

OC III, éd. J. Mesnard, p. 449.

Les Provinciales, éd. Cognet, p. 72, n. 2. Il s’écoule un délai relativement long entre la 4e et la 5e lettre : ce retard s’expliquerait par la période d’inquiétude angoissée que Port-Royal vit alors, et peut-être par la nécessité pour Pascal de réunir la documentation nécessaire pour traiter ce sujet nouveau.

RAPIN René, Mémoires du P. René Rapin, de la Compagnie de Jésus, sur l’Église et la Société, la Cour, la Ville et le Jansénisme, 1644-1669, II, p. 364 sq.

Rédaction de la Ve Provinciale

OC III, éd. J. Mesnard, p. 449.

Les Provinciales, éd. Cognet, Garnier, p. 72, n. 2. Il s’écoule un délai relativement long entre la 4e et la 5e lettre : ce retard s’expliquerait par la période d’inquiétude angoissée que Port-Royal vit alors, et peut-être par la nécessité pour Pascal de réunir la documentation nécessaire pour traiter ce sujet nouveau.

Pensées, Laf. 958 (éd. Luxembourg), ayant servi à la préparation de la Ve Provinciale.

Les Provinciales, éd. Cognet, p. 72, n. 2. La lettre a sans doute été écrite à Paris ; le catalogue Fouillou indique « 5e, revue à Paris par M. Nicole ».

Impression et publication de la Ve Provinciale

Les Provinciales, éd. Cognet, p. 72, n. 2. L’impression a dû être faite dans la semaine du 20 au 27 mars. D’après Rapin, Mémoires, II, p. 263, des exemplaires ont circulé dès le 28.

JOUSLIN Olivier, Pascal et le dialogue polémique, p. 351 sq. Sur le retard de publication et la stratégie de diffusion.

JOVY Ernest, Etudes pascaliennes, IX, Le Journal de M. de Saint-Gilles, p. 161 ; BAUDRY DE SAINT-GILLES D’ASSON Antoine, Journal d’un solitaire de Port-Royal, éd. Ernst et Lesaulnier, Paris, Nolin, 2008, p. 195 sq. ; texte cité dans PASCAL, Œuvres complètes, éd. Mesnard, I, p. 475. Le Jeudi 30 mars 1656, visite chez l’imprimeur Langlois « qui avait encore les formes de la cinquième lettre au Provincial et les deux premières et deux dernières pages de la première lettre Apologétique de M. Arnauld. Il s’en fit tirer devant lui de ces deux ouvrages, n’ayant trouvé aucune des feuilles qui avaient été enlevées. Il fit grand bruit là-dessus, fit signer et parapher ces feuilles et quelques autres des premières Provinciales qu’on réimprimait, par Langlois, visita chez lui partout, dressa son procès-verbal et s’en alla. Cela a mis une grande alarme chez tous nos imprimeurs, et on craint fort que M. le Chancelier ne fasse prendre Langlois. On travaille cependant à force d’argent à le sortir d’affaire. » On se décide alors à sortir la cinquième lettre, alors qu’au départ, on voulait ne la sortir qu’avec la 6e. « Cette fâcheuse surprise d’imprimeur a fait résoudre les amis de publier cette cinquième lettre au provincial qui est toute de la détestable morale des jésuites : on avait dessein de ne la publier qu’avec la sixième qui doit bientôt paraître. »

C’est cette « fâcheuse surprise d’imprimeur » qui suscite la décision de publier la cinquième Provinciale. Envoi : OC I, p. 476. Voir sur ce point GEF IV, p. 273 sq.

Les Provinciales VI, VII et VIII seront imprimées par Langlois. Les Provinciales paraissent alors presque ouvertement, et Langlois publie de nombreuses autres pièces. Des scrupules prendront Langlois lorsque Saint-Gilles lui apportera la IXe Provinciale, ce qui le conduira à faire une démarche auprès de syndic Ballard. L’ambiance changera le 23 décembre 1656 : une sentence de Dreux d’Aubray rappelle qu’il est interdit de mettre sous presse et de diffuser quelque écrit que ce soit sans privilège.

Dictionnaire de Port-Royal, art. Langlois Denis, p. 588. Camuset saisit des feuilles de la cinquième Provinciale et de la première Lettre apologétique d’Arnauld, mais Séguier se contente d’en demander la suite, sans arrêter l’impression.

Lorsqu’il sera arrêté et interrogé, le 24 juin 1657, Langlois déclarera qu’il a imprimé la cinquième Provinciale sur le manuscrit que lui avait apporté un certain Vital, c’est-à-dire Vitart. Voir le texte de l’interrogatoire dans GEF VII, p. 71 ; le texte est cité dans PICARD, La carrière de Jean Racine, p. 28, Ms de la BN Fr. 17 345, f° 9. Arrêté pour avoir imprimé cette lettre, Langlois déclare que le manuscrit lui a été apporté par un nommé Vitart, qui “a gouverné les impressions que faisaient faire ceux du Port-Royal”.

GEF IV, p. 275. Ultérieurement, la lettre a été recomposée après la première édition, probablement encore chez Langlois, et c’est alors qu’ont été ajoutées les références des casuistes.

CLEMENCET Charles, Histoire de Port-Royal, Ie part., Liv. IX, p.444.

RAPIN René, Mémoires du P. René Rapin, de la Compagnie de Jésus, sur l’Église et la Société, la Cour, la Ville et le Jansénisme, 1644-1669, publiés pour la première fois d’après le manuscrit autographe par Léon Aubineau, 3 vol., Gaume Frères et J. Duprey, Paris, 1865. Voir II, p. 364 sq.

Denis Langlois

Imprimeur. Il tient une imprimerie sur la montagne Sainte-Geneviève, rue du Puits-Certain. Il participe à l’impression des Provinciales.

MARTIN Henri-J., “Guillaume Desprez, libraire de Pascal et de Port-Royal”, Paris et Ile-de-France, II, 1950.

Dictionnaire de Port-Royal, art. Langlois Denis, p. 588. Camuset saisit des feuilles de la cinquième Provinciale et de la première Lettre apologétique d’Arnauld, mais Séguier se contente d’en demander la suite, sans arrêter l’impression. Les Provinciales VI, VII et VIII seront imprimées par Langlois. Les Provinciales paraissent alors presque ouvertement, et Langlois publie de nombreuses autres pièces. En revanche, le 23 décembre 1656, les adversaires de Port-Royal réagissent : une sentence de Dreux d’Aubray rappelle qu’il est interdit de mettre sous presse et de diffuser quelque écrit que ce soit sans privilège. La Provinciale XVIII, datée du 24 mars 1657, est imprimée par Langlois, mais n’est diffusée qu’à partir du 14 mai 1657. Le 9 juin 1657, après avoir arrêté Desprez, Camuset se présente chez Langlois, qui est en train d’imprimer la Lettre d’un avocat au Parlement. Langlois se cache, mais Camuset trouve des feuilles. Langlois est arrêté le lendemain matin ; il raconte ce qu’il sait et est libéré sans être plus inquiété.

Sujet de la Ve Provinciale

Titre de Wendrock : « Dessein des jésuites en établissant une nouvelle morale. Deux sortes de casuistes parmi eux : beaucoup de relâchés, et quelques-uns de sévères : raison de cette différence. Explication de la doctrine de la probabilité. Foule d’auteurs modernes et inconnus mis à la place des saints Pères. »

Structure de la Ve Provinciale

DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal, p. 118 sq. Rapport avec les précédentes : c’est le point de départ d’une nouvelle série : p. 119. Caractère nouveau de ces conférences, qui donne l’illusion de l’objectivité : p. 120-121. Une structure par approfondissement se substitue à la juxtaposition de chapitres groupés dans la Théologie morale des jésuites : p. 130-131. Chaque lettre est centrée sur un concept principal (V : doctrine des opinions probables ; VI : interprétation et circonstances favorables ; VII : direction d’intention) ; les exemples confirment les définitions et montrent comment elles s’appliquent dans la pratique : p. 129. Le procédé d’annonce du plan : p. 130.

Voir ce que dit J. Mesnard sur les lettres V à X : tandis que les quatre premières lettres avaient été conçues séparément, et que leur unité avait résulté de choix permettant de situer chacune d’elles dans la série amorcée, les six lettres suivantes, V à X, ont, d’entrée de jeu, constitué un ensemble, composé d’un seul mouvement, où toutefois la dernière a donné lieu à quelque hésitation. Elle n’en apparaît pas moins comme la conclusion parfaite de la série qu’elle achève, puisque c’est sur la question majeure de l’amour de Dieu qu’est saisie, à son niveau le plus profond, la différence entre jésuites et jansénistes. Aussi bien la conclusion de la lettre, dont on a vu la pro­gression savamment organisée, jusqu’à un terme dramatique où se produit la rupture avec le jésuite, sert-elle aussi de conclusion à la série de six lettres qu’elle achève.

Le problème des références

GEF IV, p. 275. Ultérieurement, la cinquième lettre a été recomposée après la première impression, probablement encore chez Langlois, et c’est alors qu’ont été ajoutées les références des casuistes.

C’est un critère de datation relative des exemplaires.

Réception de la Provinciale V

JOUSLIN Olivier, La campagne des Provinciales de Pascal, I, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007, p. 153 sq.

V, 1. Voici ce que je vous ai promis. Voici les premiers traits de la morale des bons pères jésuites, de ces hommes éminents en doctrine et en sagesse ; qui sont tous conduits par la sagesse divine, qui est plus assurée que toute la philosophie. Vous pensez peut-être que je raille : je le dis sérieusement, ou plutôt ce sont eux-mêmes qui le disent dans leur livre intitulé Imago primi saeculi. Je ne fais que copier leurs paroles aussi bien que dans la suite de cet éloge : C’est une société d’hommes, ou plutôt d’anges, qui a été prédite par Isaïe en ces paroles : Allez, anges prompts et légers. La prophétie n’en est-elle pas claire ? Ce sont des esprits d’aigles ; c’est une troupe de phénix ; un auteur ayant montré depuis peu qu’il y en a plusieurs. Ils ont changé la face de la chrétienté. Il le faut croire puisqu’ils le disent. Et vous l’allez bien voir dans la suite de ce discours, qui vous apprendra leurs maximes.

Sur les jésuites et la Compagnie de Jésus, voir le dossier sur Les jésuites.

Une troupe de phénix

Une troupe de phénix : voir l’éd. Le Guern, I, p. 1168, qui renvoie à PONTCHÂTEAU, La morale pratique des jésuites, p. 18, à propos d’un détail de l’Imago. « Au bas du pied d’une des colonnes il y a un palmier, pour montrer qu’elle fleurira comme le palmier. Et de l’autre côté un phénix, pour montrer qu’elle fleurira comme un phénix, selon l’interprétation de Tertullien qui traduit le grec des septante : Ut phoenix florebit. Mais c’est une erreur d’équivoque, qui vient de ce que le mot grec signifie phénix et palme, le mot hébreu ne signifie que palmier, et tous les traducteurs l’ayant ainsi reconnu. Mais il est à remarquer qu’ils citent Ulysse Aldroüandus, auteur célèbre qui a traité des oiseaux, à cause qu’il dit qu’il y a plusieurs phénix, Avis jam non unica, ce sont leurs termes, citant cet auteur à la marge, afin que cette Société soit une compagnie de plusieurs phénix ».

Le phénix est aussi mentionné dans les Enluminures de Le Maistre de Sacy, X : « Vos Aigles, vos Phœnix nouveaux ».

On peut consulter sur ce volatile l’article Phénix de l’Encyclopédie des symboles, Librairie générale française, 1996, p. 521 sq. Sur les origines apparemment égyptiennes, p. 521. Le phénix ne se nourrissait que de rosée, puis s’envolait pour des pays étrangers où il recueillait des herbes odorantes qu’il amassait sur l’autel d’Héliopolis pour les embraser et se réduire lui-même en cendres : p. 522. Il renaissait trois jours plus tard. Sur la symbolique alchimique, voir p. 522. Le phénix dans les légendes juives : p. 523.

Le zoologue renaissant Pierre Belon, dans ses Portraits d’oiseaux, animaux, serpents, herbes, arbres, hommes et femmes d’Arabie et d’Egypte, 1557, consacre un chapitre au phénix. Il le classe parmi les oiseaux de rapine. Dans son livre L’histoire naturelle des oiseaux, il donne aussi des renseignements substantiels. Cardan, dans le De subtilitate, Livre X, p. 337, rappelle que, comme le cygne, le phénix profère au moment de mourir un chant harmonieux.

Phénix brûlant dans les flammes, gravure de 1559

L’Imago primi saeculi Societatis Jesu (1640)

L’autosatisfaction de la compagnie de Jésus s’exprime surtout dans l’Imago primi Saeculi Societatis Jesu, Anvers 1640 in folio, 952 p. : voir l’étude de FUMAROLI Marc in L’Ecole du silence. Œuvre collective des jésuites sous la direction du P. Jean Bolland, ce livre est destiné à célébrer le premier centenaire de la société ; c’est un modèle de style asianiste jésuite des années 1600-1640, entièrement rédigé dans une optique de la louange de tout dans la société et de la société, par hyperbolisation constante des idées et des faits à la gloire de la compagnie (à quoi s’opposent directement les Provinciales comme style atticiste parisien). Cette publication a choqué beaucoup de monde dans les milieux gallicans ; elle a suscité des protestations : Lemaître de Sacy, Les Enluminures, 1644 ; Pontchâteau et Arnauld, dans La morale pratique... (Œuvres, XXXII, p.45 sq. : l’Imago comme preuve de l’orgueil collectif des jésuites) ; Barbier d’Aucour, Onguent pour la brûlure, tous reviennent sur l’accusation de délire d’amour-propre de la Compagnie de Jésus, qui se substitue à Dieu dans l’adoration des fidèles. Marc Fumaroli a tenté un renversement de perspective : ce que la Compagnie dit qu’elle fait après s’être humiliée devant Dieu, ne se portant gloire qu’après cette humiliation, les ennemis des jésuites y voient une ruse de l’amour-propre collectif, mais l’esprit de corps qu’on reproche à la société n’est pas l’égoïsme d’un corps profane, mais le sentiment collectif de la Société de ne pas être séparée du corps mystique du Christ engendre non pas une pure et simple vanité mondaine : c’est une dimension nécessaire de la vie en Christ. Le livre veut être une histoire nécessaire pour donner aux nouvelles générations de jésuites les exempla des anciennes générations pour faire mieux corps : de là une rhétorique de fête collective, avec chants, emblèmes, carmina, fête à laquelle les doctes aussi sont conviés.

GEF V, p. 250, n. 1, avec observation sur les références erronées. Pascal tire probablement ses citations d’Arnauld, Seconde apologie pour l’Université (1651) et Remontrance aux p. jésuites (1651), encore que ces textes ne donnent pas tous les passages.

PONTCHÂTEAU Sébastien-Joseph, Morale pratique des jésuites, in ARNAULD Antoine, Œuvres, XXXII, p. 45, référence à l’Imago.

MAYNARD Abbé, Les Provinciales et leur réfutation, I, p. 215-217.

FUMAROLI Marc, L’école du silence. Le sentiment des images au XVIIe siècle, Flammarion, Paris, 1998.

LOYOLA Ignace de, Écrits, Desclée de Brouwer, Paris, 1991, p. 516. La Compagnie comme corps universel : p. 428. Fondement sur le désir universel du bien : p. 428. Ce qu’elle comprend : p. 516. Diverses manières d’entendre le terme : tous ceux qui vivent dans l’obéissance du préposé général ; avec profès et coadjuteurs formés, les étudiants ; profès et coadjuteurs formés ; au sens le plus approprié, les seuls profès : p. 516.

L’autosatisfaction et l’arrogance des jésuites

Les Provinciales, éd. Cognet, p. 81, n.1.

Lettre de Guy Patin à Spon du 26 décembre 1656, GEF VI, p. 306. Sortie de la Provinciale XVI : « Je ne sais si les jésuites pourront bien se taire, combien qu’ils aient très mauvais jeu ; mais ces carabins sont si glorieux, que lors même qu’ils ont tort, ils veulent triompher de tout le monde ». Carabin : « chevau-léger armé d’une petite arme à feu qui tire avec un rouet. Ces cavaliers qui disaient autrefois des compagnies séparées, et quelquefois des régiments, servaient à la garde des officiers généraux, à se saisir des passages, à charger les premières troupes que l’ennemi faisait avancer, et à les harceler dans leurs postes ; souvent aussi ils ne faisaient que lâcher leur coup, et ils se retiraient. Il n’y en a plus guère que parmi les gardes du corps. On appelle figurément un carabin celui qui entre en quelque compagnie sans s’y arrêter longtemps, qui ne fait que tirer son coup et s’en va » (Furetière).

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 99. Sur la raison de cet orgueil, qui est que les jésuites croient que leurs fantasques décisions sont des articles de foi : p.316.

LE MAISTRE DE SACY, Enluminures, X, p. 41 sq. Sacy a résumé cela en vers :

« Qu’on lise cette altière IMAGE,
Où vous mêmes rendez hommage
A cette Idole de grandeur
Dont le temple est dans votre cœur :
On vous verra dans vos louanges
Vous dépeindre comme des Anges,[1]
Et les vains les plus effrontés
Rougiront de vos vanités.
, les sciences exilées[2]
,[3] vos Phœnix nouveaux,[4]
En sont les illustres flambeaux.
L’Église en ses mœurs affaiblie
Par votre zèle est rétablie[5]
Et possède en vous ce trésor
Qui lui ramène un siècle d’or.
Parmi vous ce sont tous miracles :[6]
Autant d’hommes, autant d’oracles.
Si l’Église a quatre Docteurs,
Elle en a cent en vos Auteurs.
Vous éclairez toute la terre :
Vous estes des foudres de guerre :
Non moins puissants ni moins hardis
Que le grand Samson fut jadis.
Vous naissez tous le casque en teste :
Dans la plus horrible tempête
Vos intrépides champions
Sont plus fermes que des lions. »

PONTCHATEAU Sébastien-Joseph, Morale pratique des jésuites, p. 45. Voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXXII, p. 45.

PINTHEREAU François, Naissance du jansénisme, p. 37. Manifestations d’autosatisfaction des jésuites.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 40 sq. Discussion de la thèse de l’orgueil des jésuites et critique des raisonnements de Pascal à ce sujet.

Les jésuites comme pharisiens de la loi nouvelle : voir le Deuxième écrit des curés de Paris, § 16. « Que l’insolence a de hardiesse, quand elle est flattée par l’impunité ; et que la témérité fait en peu de temps d’étranges progrès, quand elle ne rencontre rien qui réprime sa violence ! Ces casuistes, après avoir troublé la paix de l’Église par leurs horribles doctrines, qui vont à la destruction de la doctrine de Jésus-Christ, comme disent Nosseigneurs les évêques, accusent maintenant ceux qui veulent rétablir la doctrine de Jésus-Christ, de troubler la paix de l’Église. Après avoir semé le désordre de toutes parts, par la publication de leur détestable morale, ils traitent de perturbateurs du repos public ceux qui ne se rendent pas complaisants à leurs desseins, et qui ne peuvent souffrir que ces pharisiens de la loi nouvelle, comme ils se sont appelés eux-mêmes, établissent leurs traditions humaines sur la ruine des traditions divines ».

L’innocence persécutée, édition critique établie par Marie-Françoise Baverel-Croissant, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002, p. 73 sq.

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, Éditions de l’Université de Sherbrooke, Sherbrooke, 1982. Cet ouvrage fournit un recueil assez complet des attaques qui ont été portées contre la Compagnie de Jésus à la charnière des XVIe et XVIIe siècles. Voir une synthèse sur la Compagnie, p. 38 sq.

Journée d’étude de la Société d’étude du XVIIe siècle : Les jésuites dans l’Europe savant, XVIIe siècle, octobre 2007, n°237, Paris, P. U. F., 2007.

La revue L’Erasmo a consacré son numéro de juillet-septembre 2006 à Lo splendore dei gesuiti. Voir notamment l’article de SELLIER Philippe, « Le fer rouge de Pascal. Triste page des casuistes », L’Erasmo, 31, juillet-septembre 2006, p. 11-19.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 169 sq. La politique des jésuites.

Pascal et les jésuites

GRETILLAT Auguste, “Pascal et les jésuites”, in Etudes et mélanges, Neuchâtel, sd (1900 ?), p. 1-45.

LASSERRE P, “Pascal et les jésuites”, in Mes routes, Paris, 1924, p. 3-37.

LASSERRE P, “Pascal et les jésuites”, Mercure de France, XLVI, 1903, p. 641-661.

SCHNICKER-PEDERSEN Gunnar, Pascals kamp med Jesuiternes, Copenhague, 1927.

VIJNMALEN T. C., Pascal als bestridjer des Jezuiten en verdediger des Christendoms, Utrecht, 1865.

SUNDBY Thor, B. Pascal, sein Kampf gegen die Jesuiten und seine Verteidigung des Christentums, Oppeln, 1885, 90 p.

BERGGREN J. E., Om Pascal och B. Pascal moral-teologiska strid med Jesuiternes, Upsala, 1890.

Pourquoi s’en prendre aux jésuites ?

Les jésuites ne sont pas les seuls à avoir des casuistes corrompus ; Pascal le sait, et il ne dit pas le contraire. Voir DANIEL Gabriel, Entretiens, p. 60 sq., référence à la Quaestio facti de 1659 ; ANNAT François, La bonne foi des jansénistes, p. 20 ; RAPIN René, Mémoires, III, p. 363 ; MAYNARD, Les Provinciales, p. 205 ; GEF IV, p. XLII. Tactique des jésuites : se rattacher à un enseignement ancien, montrer qu’ils ne sont ni les seuls ni les premiers. Sur les casuistes dans les autres ordres, voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, I, p. 933. Mais ils sont les défenseurs essentiels du laxisme : voir Provinciales, éd. Cognet, p. LII. Le molinisme s’incarne pour Pascal dans la Compagnie : p. XLIV.

Antécédents des Provinciales sur la morale des jésuites

ARNAULD Antoine, Théologie morale des jésuites, extraite fidèlement de leurs livres, contre la morale chrétienne en général, sl, 1643, 45 p. in-12. Voir GEF V, p. 164-165 ; et sur les rapports avec les Provinciales, p. 56-57 et 115 ; COGNET Louis, Le jansénisme, p. 46 ; ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 171 sq. ; SAINTE-BEUVE, Port-Royal, éd. Leroy, Pléiade, t. 2, p. 123.

Attaque sur la théologie morale

THOMAS DU FOSSÉ Pierre, Mémoires sur MM. de Port-Royal, ch. XVII, p 152 sq.

MESNARD Jean, « Pascal et le problème moral », in La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 358-359. La critique de la morale des jésuites chez Pascal. Pascal n’attaque pas la casuistique en elle-même. Il ne s’en prend même pas au probabilisme considéré en lui-même. Il émet des réserves sur la définition des auteurs graves, et il s’oppose à la conception de la morale chrétienne qui se réduit à une pure construction rationnelle, ce qui fait de la morale des jésuites une morale proche des profanes. Pascal reproche aussi à leur conception de la morale d’aboutir à un légalisme où la matière de l’acte importe plus que l’intention qui l’anime : p. 359.

L’innocence persécutée, édition critique établie par Marie-Françoise Baverel-Croissant, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002, p. 68 sq.

Plaidoyers pro domo des jésuites

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 314 sq. Ces plaidoyers en faveur des jésuites se retournent en accusations : p. 315.

V, 2. J’ai voulu m’en instruire de bonne sorte. Je ne me suis pas fié à ce que notre ami m’en avait appris. J’ai voulu les voir eux-mêmes. Mais j’ai trouvé qu’il ne m’avait rien dit que de vrai. Je pense qu’il ne ment jamais. Vous le verrez par le récit de ces conférences.

Notre ami : entendre l’ami janséniste des précédentes lettres.

Conférence : entretien que deux ou plusieurs personnes ont ensemble sur quelque affaire sérieuse.

V, 3. Dans celle que j’eus avec lui, il me dit de si étranges choses que j’avais peine à le croire ; mais il me les montra dans les livres de ces Pères : de sorte qu’il ne me resta à dire pour leur défense sinon que c’étaient les sentiments de quelques particuliers, qu’il n’était pas juste d’imputer au Corps. Et en effet je l’assurai que j’en connaissais qui sont aussi sévères que ceux qu’il me citait, sont relâchés. Ce fut sur cela qu’il me découvrit l’esprit de la Société qui n’est pas connu de tout le monde, et vous serez peut-être bien aise de l’apprendre. Voici ce qu’il me dit.

Plaisantes : le mot sera remplacé par étranges dans les impressions suivantes.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 178 sq.

Probabilisme et laxisme

MESNARD Jean, Pascal, coll. Connaissance des lettres, 5e éd., Paris, Hatier, p. 102-103.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 199 sq. Contre l’idée que le probabilisme soit une source de laxisme.

L’esprit de la Société et la politique des jésuites

PLAINEMAISON Jacques, « Pascal et la « politique » des jésuites : étude de la forme « politique » dans les Provinciales », in Blaise Pascal polémiste, p. 125-135.

SUTTO Claude, « Le Père Louis Richeome et le nouvel esprit politique des jésuites français (XVIe-XVIIe) », in DEMERSON G. et G., DOMPNIER B., et REGOND A., Les jésuites parmi les hommes aux XVIe et XVIIe siècles, Clermont-Ferrand, Faculté des lettres, 1987, p.175-184. Les ouvrages de défense des jésuites publiés à partir de 1594, qui présentent et justifient la politique de la Compagnie, en l’adaptant à la situation du royaume de France, viennent à un moment de crise : la Compagnie est exilée du ressort du Parlement de Paris après l’attentat de Chastel : p. 176. L’action du P. Richeome dans ce contexte : p. 177 sq. Il répond aux ouvrages d’Arnauld l’Avocat et de Pasquier contre la réputation de la Compagnie : p. 178. Richeome nie que la Compagnie ait exercé une action politique propre ou qui ait servi ses intérêts ; elle n’aurait été guidée que par la défense de la religion : p. 179. Les jésuites qui se seraient (un peu trop) compromis avec la Ligue ne l’auraient fait qu’à titre individuel.

FERREYROLLES Gérard, Pascal et la raison du politique, Paris, Presses Universitaires de France, 1984, voir surtout le chap. II, L’anomie jésuite, p. 51 sq., entièrement consacré à la politique des jésuites.>

FERREYROLLES Gérard, Blaise Pascal. Les Provinciales, p. 75 sq. La politique des jésuites : p. 78 sq.

ADAM Antoine, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, II, L’époque de Pascal, Domat, Paris, 1951, p. 260.

THUAU Étienne, Raison d’Etat et politique à l’époque de Richelieu, p. 201 sq. Les jésuites en butte à l’hostilité des politiques, bons Français et gallicans.

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 107. Intervention directe des jésuites dans la politique étrangère des Etats, notamment dans la politique étrangère. Ils agissent plutôt par le contrôle des hommes que par l’administration générale. Ils ont un réseau diplomatique parallèle et occulte : p. 107. Ils remuent selon leur conscience les Etats et châtient les rois : p. 131. Aucun prince n’est assuré dans les Etats où ils se trouvent : p. 231. Le vœu qu’ils font au Pape est un danger pour les couronnes : p. 319 sq. Sur le rôle attribué aux jésuites dans les guerres de Religion, voir p. 108 ; ces guerres leur ont servi à s’agrandir : p. 364 ; sur le rapport des jésuites avec la Ligue : p. 351 sq. Les jésuites constituent un petit séminaire des guerres de religion : p.357.

PATIN Gui, lettre à Charles Spon du 1er octobre 1656 : “Iuls tiennent par d’autres principes. Ils sont bien à la Cour, où ils servent de maquereaux politiques, et encore mieux à Rome, où ils font venir l’eau au moulin, et où le Pape est leur marotte. Les jansénistes feront bien de se défendre jusqu’au bout, car ils ont affaire avec gens qui ne pardonnent jamais, et qui sont aussi méchants et cruels, que glorieux et insupportables”.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, I, p. 43 sq. Le P. Daniel impute malicieusement à Pascal d’avoir dit que les jésuites sont coupables d’une conspiration contre la religion ; que les jésuites ont concerté entre eux le renversement de la religion. Pascal dit précisément le contraire, et que le but des jésuites serait d’établir les maximes sévères de l’Église, mais qu’ils sont forcés au relâchement pour attirer le peuple : p. 48.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 169 sq. Défense des jésuites sur le sujet de leur politique.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 178 sq.

Le machiavélisme des jésuites

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 87. Voir p. 218 sq., sur le machiavélisme d’Ignace de Loyola. Machiavélisme présent dans le vœu simple des jésuites : p. 274 sq.

V, 4. Vous pensez beaucoup faire en leur faveur, de montrer qu’ils ont de leurs Pères aussi conformes aux maximes Évangéliques que les autres y sont contraires ; et vous concluez de là que ces opinions larges n’appartiennent pas à toute la Société. Je le sais bien : Car si cela était, ils n’en souffriraient pas qui y fussent si contraires. Mais puisqu’ils en ont aussi qui sont dans une doctrine si licencieuse, concluez-en de même que l’esprit de la Société n’est pas celui de la sévérité Chrétienne. Car, si cela était ils n’en souffriraient pas qui y fussent si opposés. Et quoi lui répondis-je, quel peut donc être le dessein du Corps entier ? C’est sans doute qu’ils n’en ont aucun d’arrêté et que chacun a la liberté de dire à l’aventure ce qu’il pense.

Ils n’en souffriraient pas... : entendre des Pères, et non des opinions, comme le montre la phrase suivante, où opposés est au masculin.

Voir dans PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, I, p. 67, la lettre de Vitelleschi du 4 janvier 1617, contre la multiplication des opinions probables et le relâchement de la morale dans la société de Jésus.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 178 sq.

V, 4. Un si grand corps ne subsisterait pas dans une conduite téméraire, et sans une âme qui le gouverne et qui règle tous ses mouvements.

FERREYROLLES Gérard, Pascal et la raison du politique, p. 90 sq. Les jésuites composent un corps que gouverne une logique. Mais leur logique est celle de l’autodestruction, du mal : p. 91.

PIROT Georges, Apologie pour les casuistes, p. 59 sq. (éd. contrefaite, p. 68 sq.). Réponse à la « VIe objection. Les casuistes ont corrompu toute le morale, à la faveur des opinions probables »

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 176 sq. Défense des jésuites sur le sujet de leur politique et de leur esprit de corps.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 178 sq.

Intégration des membres à la compagnie de Jésus

LOYOLA Ignace de, Écrits, p. 389. Probation, admission, mission. La probation est le premier temps de l’incorporation : p. 389. Les quatre catégories de personnes reçues dans la Compagnie : p. 398. Années de probation : p. 399. Les questions relatives aux cas d’exclusion : p. 401 sq. Séparation de l’Église, infamie, excommunication, homicide ou péchés très graves, profession dans une congrégation, mariage consommé, maladie obscurcissant le jugement : p. 401-402. Le questionnaire de sélection, individuel, familial, économique, médical, etc. ; sur les motifs pour entrer dans la compagnie : p. 403 sq. Les avertissements donnés aux candidats : p. 406. L’exigence de pauvreté : p. 406. Rupture avec les proches selon la chair : p. 408. Six expériences nécessaires avant d’entrer : p. 409. Exercices, pèlerinages, hôpitaux, enseignement : p. 409 sq. Deux ans d’épreuves : p. 410. Nécessité de rapporter des attestations sur ces épreuves : p. 411. Communion fréquente : p. 412. Il faut que les supérieurs aient une entière connaissance de leurs inférieurs ; compte de conscience et confession générale : p. 414 sq. Examen spécifique des gens instruits : p. 417 sq. Les Constitutions : p. 431 sq. Admission à la probation : p. 431 sq. Les qualités qui donnent la possibilité d’être reçu : p. 432 sq. Critère d’admission : l’utilité à la Compagnie : p. 434 et note b. Intelligence, mémoire, volonté, don de parler : p. 434. Insuffisance des dons extérieurs, richesse et notoriété : p. 435. Ce qui empêche d’être reçu dan la Compagnie : p. 436. Le renvoi de ceux qui ont été admis et n’ont pas donné satisfaction : p. 444 sq. Critère de convenance aux fins de l’ordre ; causes pour lesquelles il faut renvoyer : p. 446 sq. La manière de renvoyer : p. 450 sq. Précautions à prendre pour le renvoi : p. 451. Le devoir d’orientation en cas de renvoi : p. 451. Le renvoi considéré comme un don charitable : p./ 451. Règles de conduite de la Compagnie à l’égard de ceux qu’elle a renvoyés : p. 452. Démarches à faire pour faire revenir : p. 452 sq. Conservation et progrès de ceux qui sont en probation : p. 455. Avancement dans les vertus de l’âme : p. 455 sq. Permission de rencontrer les proches ou de leur écrire : p ; 456. Conduite et attitude en groupe : p. 457. Réfection et conservation du corps : p. 457 et 466 sq. La formation dans les lettres et dans les moyens d’aider le prochain dans la Compagnie : p. 470. L’admission ou incorporation dans la Compagnie ; à quel moment faire l’admission : p ; 515. Qualités de ceux qui doivent être admis : p ; 517 sq. Compétence pour admettre : p. 517-518. Texte de la profession : p. 518 sq. La vie personnelle de ceux qui ont été incorporés à la Compagnie : p ; 526 sq. Les occupations et ce dont on ne doit pas s’occuper ; abandon de l’obligation des messes perpétuelles : p. 537 sq. Des affaires séculières et des soucis étrangers à la profession : p. 539. Les Constitutions n’obligent pas sous peine de péché : p. 541.

Discipline des jésuites et devoir de soumission aux supérieurs

LOYOLA Ignace de, Écrits, p. 414 sq. Devoir d’ouverture au supérieur, motivé par l’intérêt de l’ordre : p. 414. Voir p. 462. Unité de sentiments. Devoir d’obéissance pour ceux qui sont admis dans la Compagnie : voir p. 463, et p. 526 sq., sur le devoir d’obéissance pour ceux qui sont admis dans la Compagnie, qui est en rapport avec l’obéissance que l’on doit à la volonté divine. Obéissance aveugle qui renonce à toute opinion personnelle ; ne rien demander pour soi, et se persuader que ce que veut le supérieur est le meilleur pour soi : p. 528-529. Comme un corps mort ou un bâton entre les mains du supérieur : p. 528. Nécessité de la promptitude dans l’obéissance : p. 527.

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 100 ; voir p. 133, et p. 304 sq. Critique de l’obéissance aveugle chez les jésuites. De l’anabaptisme qui se trouve dans le vœu d’obéissance des jésuites : p. 319 sq. Idée du corps mort : p. 320.

PASCAL, Sixième écrit des curés de Paris, éd. Cognet, Les Provinciales, éd. Garnier, p. 443 sq. : “C’est un principe des plus fermes de la conduite de ces pères de défendre en corps les sentiments de leurs docteurs particuliers”. L’union des jésuites est directement liée à la doctrine des opinions probables : voir p. 454, où il est remarqué que Caramuel défend le p. Lamy parce que sa proposition est probable. Voir aussi p. 448 : “Et en effet, si cette Société était partagée, on en verrait au moins quelques-uns se déclarer contre ces erreurs : mais il faut que la corruption y soit bien universelle, puisqu’il n’en est sorti aucun écrit pour les condamner, et qu’il en a tant paru pour les soutenir. Il n’y a point d’exemple dans l’Église d’un pareil consentement de tout un corps à l’erreur.” Voir p. 449 : “ Car ce n’est point une chose secrète : elle est publique, ils en font gloire et affectent de faire connaître à tout le monde qu’ils font profession de défendre tous ensemble les sentiments de chacun d’eux. Ils espèrent par là se rendre redoutables et hors d’atteinte en faisant sentir que qui en attaque un, les attaque tous.”

La question ne se pose pas seulement dans la vie civile, mais aussi dans les sciences ; voir ROMANO Antonella, La contre-réforme mathématique, p. 111. La commission créée par le p. Acquaviva en 1583 pour l’élaboration d’un programme d’enseignement mathématique, et sur le delectus opinionum. Très tôt dans l’histoire de la compagnie la question de la liberté d’opinion a été posée pour les professeurs de théologie et de philosophie ; dès le généralat de F. de Borgia, cette question a fait l’objet d’un texte normatif et engendré une vive réflexion qui a été reprise dans le cadre de la rédaction de la Ratio studiorum : p. 111.

Unité de pensée et esprit de corps des jésuites

LOYOLA Ignace de, Écrits, p. 462. Avoir les mêmes sentiments et dire les mêmes choses. Il ne faut pas admettre de doctrines différentes, ni de nouveautés. Il faut rechercher la concorde, l’unité de vues à l’intérieur de la Compagnie. La diversité est source de discorde : p. 462-463. Voir p. 559, les Constitutions : ce qui aidé à unir avec leur tête et entre eux ceux qui ont été répartis. Ce qui peut aider à unir les cœurs : p. 559. L’obéissance comme moyen d’union : p. 560. Soumission au provincial : p. 561. Exclusion de ceux qui créent des divisions : p. 562. “Plus les inférieurs dépendront des supérieurs, mieux se conserveront l’amour, l’obéissance et l’union entre eux” : p. 563-564. Lien par l’amour de Dieu : p. 564. Utilité de l’uniformité et de la correspondance entre supérieurs et inférieurs : p. 565. Transmission à tous des nouvelles de toute la société : p. 565. Il faut conserver non seulement le corps, mais l’esprit de la compagnie : p. 598. Union des membres entre eux et avec les supérieurs : p. 61.

PASQUIER Étienne, Le catéchisme des jésuites, éd. Sutto, p. 98 sq. Conformité de chaque jésuite à la compagnie.

Voir le Sixième écrit des curés de Paris où l’on fait voir, par la dernière pièce des jésuites, que leur société entière est résolue de ne point condamner l’Apologie ; et ou l’on montre par plusieurs exemples, que c’est un principe des plus fermes de la conduite de ces pères de défendre en corps les sentiments de leurs docteurs particuliers (24 juillet 1658), éd. Cognet, Les Provinciales, éd. Garnier, p. 443 sq. “C’est un principe des plus fermes de la conduite de ces pères de défendre en corps les sentiments de leurs docteurs particuliers”. L’union des jésuites est directement liée à la doctrine des opinions probables : voir p. 454, où il est remarqué que Caramuel défend le p. Lamy parce que sa proposition est probable. Voir aussi p. 448 : “Et en effet, si cette Société était partagée, on en verrait au moins quelques-uns se déclarer contre ces erreurs : mais il faut que la corruption y soit bien universelle, puisqu’il n’en est sorti aucun écrit pour les condamner, et qu’il en a tant paru pour les soutenir. Il n’y a point d’exemple dans l’Église d’un pareil consentement de tout un corps à l’erreur.” Voir p. 449 : “ Car ce n’est point une chose secrète : elle est publique, ils en font gloire et affectent de faire connaître à tout le monde qu’ils font profession de défendre tous ensemble les sentiments de chacun d’eux. Ils espèrent par là se rendre redoutables et hors d’atteinte en faisant sentir que qui en attaque un, les attaque tous.”

Pensées, Laf. 982, Sel. 770. « Nous avons fait l’uniformité de la diversité, car nous sommes tous uniformes, en ce que nous sommes tous devenus uniformes. »

DESCARTES, Œuvres, II, éd. Alquié, lettre à Huygens du 9 mars 1638 : « Je sais l’union et la correspondance qui est entre ceux de cet ordre, et le témoignage d’un seul est suffisant pour me faire espérer que je les aurai tous de mon côté ». Un jésuite demande à Descartes sa physique et sa métaphysique « avec grande instance ».

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Quatrième écrit des curés de Paris. Où ils montrent combien est vaine la prétention des jésuites qui pensent que le nombre de leurs casuistes doit donner de l’autorité à leurs méchantes maximes, et empêcher qu’on ne les condamne, 28 mai 1657. Qui en attaque un les attaque tous.

ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte. Les jansénistes du XVIIe siècle, Fayard, Paris, 1968, p. 99. Sur le Petrus Aurelius de Saint-Cyan, qui défend la hiérarchie des évêques contre les entreprises des réguliers ; il vise les jésuites, dénonce leur orgueil. Il leur reproche de ne jamais donner tort à un homme de leur parti.

PONTCHÂTEAU Sébastien Joseph, Morale pratique des jésuites, Préface, in ARNAULD Antoine, Œuvres , XXXII, p. 7. “Il serait même très aisé de prouver que la plupart des maximes de sa morale (sc. la Compagnie) ne sont fondées que sur le libertinage de ses particuliers, qu’elle entreprend de justifier. Si un d’entre eux séduit une de ses pénitentes, et se sert d’une fausse révélation pour couvrir du nom de mariage ses impuretés et ses sacrilèges, un autre de la Société, pour justifier ce crime, ne manque pas d’enseigner qu’un religieux profès peut se marier sur une révélation probable. Si les uns publient des calomnies contre les personnes les plus innocentes, parce qu’ils s’imaginent qu’ils font quelque préjudice à la Société, les autres enseignent qu’un religieux peut non seulement perdre de réputation, mais tuer même ceux qu’il prévoit pouvoir nuire à la gloire de sa communauté. Enfin, si quelques uns sont assez malheureux pour inspirer aux sujets des meilleurs princes des desseins contre leur vie, et contre la tranquillité de leurs Etats, les autres font des volumes entiers pour justifier ces assassins et ces meurtriers, et toute la Société même en fait des saints et des martyrs, principalement s’ils sont de ses enfants ; Ne peut-on donc pas dire avec vérité que les particuliers de la Société ne commettent point de désordres qu’on ne puisse très justement lui imputer ?”

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXX, p. V. La Compagnie de Jésus défend le P. Brisacier contre toutes les condamnations. Voir p. XIV : le P. Brisacier contre Du Four, abbé d’Aulney et curé de Saint-Maclou, au nom de sa Société.

WANEGFFELEN Thierry, Une difficile fidélité, p. 207. Sur l’honneur de corps dont les jésuites se font une idole selon Port-Royal.

Nouvelle histoire de l’Église, III, p. 161-162. Chaque jésuite est fonction de son ordre, et l’ordre est fonction de l’Église. Ni division, ni individualisme, ni culte de la personnalité. Engagement dirigé et désintéressé.

JOUSLIN Olivier, La campagne des Provinciales de Pascal, I, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2007. Théorie du complot.

Contre la thèse de l’unité et de l’esprit de corps des jésuites

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 22-42. L’idée de l’unité des jésuites est associée à l’idée que la compagnie est dirigée par une politique.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 176 sq. Défense des jésuites sur le sujet de leur politique et de leur esprit de corps. Voir p. 170 et p. 176 sq. Sur l’esprit de corps des jésuites. Sur l’autorisation d’imprimer : p. 210 sq.

Responsabilité collective des jésuites dans les méfaits de la Société

L’Historia jesuitica, Hoc est de origine, regulis, constitutionibus, privilegiis, incrementis, progressus et propagatione ordinis jesuitarum de Rodolpho Hospinianus, Zurich, Wolphium, 1619, va beaucoup plus loin que Pascal dans le passage intitulé, Causae primariae parricidiorum aliorumque nefariorum facinorum etc. jesuitarum, qui commence p. 244 v°. On trouve p. 246 un développement qui correspond à la note de Pascal : « Hinc vident reges et principes, veneficia, parricidia et incendia jesuitarum non a propriis singulorum motibus, ut delicta maleficorum, procedere, sicuti isti hoc fraudium et scelerum suorum imperitis persuadere conantur : sed ab unanimi totius progeniei suae decreto : et ab ipsius Superioris voluntate ac judicio, cui motus animi proprios et cogitationes aperire debent, sic ut unius criminis omnes rei sint : Pontifex autem, velut caput omnium, praecipue ».

Persistance des jésuites dans leurs erreurs dans la théologie morale et la casuistique

PASCAL, Sixième écrit des curés de Paris, § 2-3, éd. Cognet, Les Provinciales, Garnier, p. 444-445. « Un de nos principaux souhaits a été que les jésuites mêmes renonçassent à leurs erreurs, afin qu’étant supprimées dans leur source, on n’eût plus à en craindre les funestes ruisseaux qui se répandent dans tout le christianisme. C’était le moyen d’en purger l’Église le plus prompt et le plus sûr ; et plût à Dieu qu’il eût été le plus facile ! Mais bien loin de l’être en effet, nous y avons trouvé des difficultés invincibles ; et il nous a été plus aisé d’exciter tous les pasteurs, et de remuer toutes les puissances de l’Église, que de porter ces Pères à renoncer à la moindre des erreurs où ils se trouvent engagés. § 3. Leur dernier écrit nous en ôte toute espérance. Ils y parlent en leur propre nom, et de la part de tout le corps. Ils l’ont intitulé : Sentiments des jésuites etc., et l’ont produit pour montrer ce qu’on devait attendre d’eux. Or nous n’y voyons aucune marque de retour, ni qu’ils aient fait un seul pas vers la vérité. Nous les y trouvons toujours disposés à se servir de ces maximes, dont nous demandons la suppression, et nous n’y trouvons en effet que de véritables sentiments de jésuites. L’on y remarque la même résolution à demeurer dans ces méchantes opinions, quoiqu’ils en parlent avec un peu plus de timidité, se trouvant embrassés dans la manière de s’exprimer. » Voir aussi § 18, à propos du soutien que les jésuites apportent à l’Apologie pour les casuistes : « Nous avons voulu faire paraître cette étrange liaison qui est entre eux par plusieurs exemples, afin qu’on voie que ce qu’ils font aujourd’hui pour l’Apologie, n’est pas un emportement particulier où ils se soient laissé aller par légèreté ; mais l’effet d’une conduite constante et bien méditée, qu’ils gardent régulièrement en toutes rencontres ; et qu’ainsi c’est en suivant l’esprit général qui les anime, que le P. de Lingendes, qui a eu la principale direction de la défense de l’Apologie, a fait tant de démarches pour la soutenir et en Sorbonne, et ailleurs ; et qu’en sollicitant Messieurs les Vicaires généraux pour éviter la censure de ce livre, et leur présentant une déclaration captieuse qui fut rejetée, il ne feignit pas de leur dire tout haut ce qu’il a dit en tant d’autres lieux, qu’ils étaient fâchés du bruit que ce livre causait ; mais que maintenant ils étaient engagés, et que puisque ce livre avait été fait pour la défense de leurs casuistes, ils étaient obligés de le soutenir. »

Endurcissement des jésuites

PASCAL, Sixième écrit des curés de Paris, § 22, éd. Cognet, p. 456 : « Mais les jésuites sont si aveuglés en leurs erreurs, qu’ils les prennent pour des vérités, et qu’ils s’imaginent ne pouvoir souffrir pour une meilleure cause. C’est l’extrême degré d’endurcissement. Le premier est de publier des maximes détestables. Le second de déclarer, qu’on ne veut point les condamner, lors même que tout le monde les condamne. Et le dernier, de vouloir faire passer pour saints et pour compagnons des martyrs, ceux qui souffrent la confusion publique pour s’obstiner à les défendre. Les jésuites sont aujourd’hui arrivés à cet état. Nous ne croyons pas qu’on puisse avoir des sentiments de piété dans le cœur, sans avoir une sainte indignation contre une disposition si criminelle et si dangereuse. »

Volonté de puissance des jésuites

ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p.99. Le Petrus Aurelius de Saint-Cyan défend la hiérarchie des évêques contre les entreprises des réguliers ; il vise les jésuites, dénonce leur orgueil et leur volonté de puissance, leur culte de la force et de l’argent. Il leur reproche de ne jamais donner tort à un homme de leur parti.

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 95 et p. 98 sq. Puissance et fondements de la puissance des jésuites.

Violence des jésuites

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 102. Emploi systématique de la politique du coup de force.

DESCOTES Dominique, « Jésuites violents et poissons volants », Courrier du Centre International Blaise Pascal, 34, Clermont-Ferrand, 2012, p. 28-36. Affaire de l’abbaye de Voltigerod.

Laf. 909, Sel. 451. « Gens sans paroles, sans foi, sans honneur, sans vérité, doubles de cœur, doubles de langue et semblables, comme il vous fut reproché autrefois, à cet animal amphibie de la fable, qui se tenait dans un état ambigu entre les poissons et les oiseaux.

Le Port-Royal vaut bien Voltigerod ».

Rancune, esprit vindicatif des jésuites

L’innocence persécutée, édition critique établie par Marie-Françoise Baverel-Croissant, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002, p. 85.

Rapacité des jésuites

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, ed. C. Sutto, p.103. Enrichissement des jésuites par confiscation des biens des novices. Comment les jésuites s’enrichissent de la dépouille de leurs novices : p. 248. Qui confisque les corps confisque les biens : p. 249. Les constitutions : p. 249. Renoncer à tous les biens temporels : p. 250. Ce que cela cache : p. 251 sq. Technique de détournement par la secte : p. 252. Voir p. 284-285 sur la même question. Voir p. 292 pour les manœuvres qui rapportent.

ARNAULD Antoine l’Avocat, Plaidoyé de M. Antoine Arnauld avocat en Parlement et ci-devant procureur général de la défunte Reine mère des Rois pour l’Université de Paris demanderesse contre les jésuites défendeurs, des 12 et 13 juillet 1594, A Paris, par Mamert Patisson, Imprimeur du Roi, 1594. Article des jésuites : « sans attendre aucun an de probation, ils reçoivent ceux qui se présentent à faire leurs vœux, après lesquels encore que simples, celui qui a dit le mot est irrévocablement obligé à leur Général ; et néanmoins le Général le peut chasser, quand il lui plaît, jusqu’à ce qu’ils soit profès : ce qui n’advient quelque fois que vingt-cinq à trente ans après ». « Afin qu’ayant tenu un homme quelquefois vingt-cinq ans avec eux, s’il lui vient des successions, ils les prennent : et que s’il ne lui vient rien, ils le puissent chasser, s’il n’entreprend d’exécuter tout ce qu’ils voudront » : p. 53.

ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 99. Sur le Petrus Aurelius de Saint-Cyan, qui dénonce l’orgueil et le culte de l’argent des jésuites.

V, 4. Outre qu’ils ont un ordre particulier de ne rien imprimer sans l’aveu de leurs Supérieurs.

Sur ce thème majeur des Provinciales, voir Provinciale IX, 5, qui précise la nature, le sens et les limites de cet ordre : “il y a un ordre dans notre Société, par lequel il est défendu à toutes sortes de libraires d’imprimer aucun ouvrage de nos Pères sans l’approbation des théologiens de notre Compagnie, et sans la permission de nos supérieurs. C’est un règlement fait par Henri III le 10 mai 1583, et confirmé par Henri IV, le 20 décembre 1603, et par Louis XIII, le 14 février 1612 : de sorte que tout notre corps est responsable des livres de chacun de nos Pères. Cela est particulier à notre Compagnie ; et de là vient qu’il ne sort aucun ouvrage de chez nous qui n’ait l’esprit de la Société”. Voir ce passage de la neuvième lettre.

V, 4. Mais quoi, lui dis-je, comment les mêmes supérieurs peuvent-ils consentir à des maximes si différentes ? C’est ce qu’il faut vous apprendre, me répliqua-t-il.

LOYOLA Ignace de, Écrits, Constitutions : insistance sur la nécessité, pour les supérieurs, de connaître parfaitement les subalternes : p. 414. Voir p. 572 sq. Élection du général : il doit y avoir un préposé général unique et nommé à vie ; voir p. 578, note, sur la notion de préposé général. Justification de l’élection à vie : p. 579 sq. Les qualités que doit avoir le préposé général : piété et union à Dieu, exemple de vertus, libre des passions, rectitude, sévérité, bénignité, magnanimité, force d’âme, intelligence et jugement, vigilance et énergie, qualités relatives au corps et aux choses extérieures : p. 581 sq. Sur le pouvoir du général sur la compagnie : p. 582. Il a tout pouvoir en vue de l’édification, peut envoyer qui il veut où il veut : p. 582. Il surveille l’observation des constitutions : p. 583. Son pouvoir sur les missions : p. 584. Il distribue les fonctions de prédicateur, de professeur, de confesseur : p. 584. Ce qui l’aidera à bien remplir sa fonction : p. 592 sq. Nécessité pour les supérieurs de connaître parfaitement les subalternes : p. 414.

Sur la soumission des jésuites à leurs supérieurs, voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, Pléiade, t. 2, p. 144 sq. Règles de saint Ignace. Voir p. 146, la note. Le corps mort et le bâton.

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 101. Deux consciences : celle des supérieurs et celle qui est propre à chacun. Les jésuites trompent le Pape : p ; 102. Dans le vœu simple : p. 283 sq. Tromper le roi : p. 343. jésuites et sophistes : p. 157. Le jésuite n’est autre que le sophiste de la religion catholique. Observations de Paul III sur la fraude pie de Loyola : p. 185. Tromperie dans le vœu simple des jésuites : p. 283 sq. Sur le peu de foi qu’il faut accorder à la parole des jésuites : p. 438 sq. Exemples de mensonges : p. 439 sq.

FERREYROLLES Gérard, Pascal et la raison du politique, p. 86. Nature particulière de l’hypocrisie jésuite : ne voulant tromper Dieu qu’avec sa bénédiction, le servir en se servant de lui, ils trichent avec ce qu’ils croient et sont hypocrites envers eux-mêmes ; alors que les machiavéliens se servent de Dieu comme d’une idole ou d’un épouvantail, ce qui n’est pas à proprement parler de la é : ils sont sincères avec eux-mêmes et hypocrites avec les autres.

Duplicité des jésuites

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 101. Deux consciences : celle des supérieurs et celle qui est propre à chacun. Les jésuites trompent le Pape : p ; 102. dans le vœu simple : p. 283 sq. Tromper le roi : p. 343. jésuites et sophistes : p. 157. Le jésuite n’est autre que le sophiste de la religion catholique. Observations de Paul III sur la fraude pie de Loyola : p. 185. Tromperie dans le vœu simple des jésuites : p. 283 sq. Sur le peu de foi qu’il faut accorder à la parole des jésuites : p. 438 sq. Exemples de mensonges : p. 439 sq.

Voir l’analyse de FERREYROLLES Gérard, Pascal et la raison du politique, p. 86, sur la nature particulière de l’hypocrisie jésuite, par contraste avec celle des machiavéliens.

Fin de la Provinciale XIII : Vae duplici corde, et ingredienti duabus viis !

Impostures des jésuites

PASQUIER Étienne, Le catéchisme des jésuites, éd. Sutto, p. 95 sq. Imposture sur leur nom : p. 153. Pour se faire donner le nom d’apôtres : p. 158 sq. Lors de la présentation de Paul III : p. 173 sq. Tromperie sur le vœu simple des jésuites : p. 283 sq.

Contradictions des jésuites

PASQUIER Étienne, Le catéchisme des jésuites, éd. Sutto, p. 93. Ces contradictions illustrent pour Pasquier le cynisme et le machiavélisme des jésuites : p. 94.

Voir la Provinciale XV, sur les variations des jésuites en fonction de leur intérêt.

V, 6. Sachez donc que leur objet n’est pas de corrompre les mœurs : ce n’est pas leur dessein : Mais ils n’ont pas aussi pour unique but celui de les réformer. Ce serait une mauvaise politique.

MAYNARD, Les Provinciales et leur réfutation, p. 170. Après avoir cité ce passage, l’abbé Maynard entreprend de montrer que Pascal a eu tort d’imputer aux jésuites d’avoir le projet de corrompre les mœurs.

VOLTAIRE, Le siècle de Louis XIV, ch. XXXVII. “On tâchait dans ces Lettres de prouver qu’ils avaient un dessein formé de corrompre les mœurs des hommes, dessein qu’aucune secte, aucune société n’a jamais eu et ne peut avoir”.

Voir l’idée exprimée sous une autre forme dans le Sixième Ecrit des Curés de Paris, éd. Cognet, p. 447 : “ Car ils n’ont jamais demandé la suppression de l’Évangile. Ils y perdraient. Ils en ont affaire pour les gens de bien. Ils s’en servent quelquefois aussi utilement que des casuistes. Mais ils perdraient aussi, si on leur ôtait l’Apologie qui leur est si souvent nécessaire. Leur théologie va uniquement à n’exclure ni l’un ni l’autre, et à se conserver un libre usage de tout. Ainsi on ne peut dire ni de l’Évangile seul, ni de l’Apologie seule, qu’ils contiennent leurs sentiments. Le dérèglement qu’on leur reproche consiste dans cet assemblage, et leur justification ne peut consister qu’à en faire la séparation, et à prononcer nettement qu’ils reçoivent l’un, et qu’ils renoncent à l’autre : de sorte qu’il n’y a rien qui les justifie moins, et qui les confonde davantage, que de ne nous répondre autre chose, lorsque tout le fort de notre accusation est qu’ils unissent par une alliance horrible Jésus-Christ avec Belial, sinon qu’ils ne renoncent pas à Jésus-Christ, sans dire en aucune manière qu’ils renoncent à Belial.”

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 169 sq. Défense des jésuites sur le sujet de leur politique.

V, 5. Voici quelle est leur pensée. Ils ont assez bonne opinion d’eux-mêmes pour croire qu’il est utile et comme nécessaire au bien de la Religion que leur crédit s’étende partout, et qu’ils gouvernent toutes les consciences.

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, éd. C. Sutto, p. 123. Ce que dit le jésuite de Pasquier : si Dieu n’avait pas envoyé saint Ignace, c’en était fait de la religion catholique.

NOUËT, Première réponse..., in Réponses, éd. de 1658, p. 9. Ceux qui sont ennemis de l’Église le sont en même temps des jésuites ; voir p. 11-12 : on croit communément qu’être du sentiment des jésuites, c’est être orthodoxe.

Sur l’idée que la fin de la compagnie se confond avec le bien de l’Église, voir les Constitutions, in LOYOLA, Écrits, p. 501 par exemple : possibilité d’ouvrir des universités, “parce qu’on estime que ce serait toujours un bien pour la compagnie en raison des fins qu’elle poursuit au service de Dieu”.

Sur les motifs des casuistes, voir Quatrième écrit des curés de Paris, in Divers écrits des Curés..., p. 120. Les jésuites veulent faire croire qu’ils rendent un service très important à l’Église, et qu’ils contribuent au salut des hommes.

WANEGFFELEN Thierry, Une difficile fidélité. Catholiques malgré le concile, XVIe-XVIIe siècles, p. 206. Pascal contre la tentative des jésuites de faire passer leur congrégation pour l’Église, et usurper l’autorité due à l’Église. Le thème du Ve Ecrit des curés de Paris. Voir p. 207, sur la ressemblance de cette erreur avec celle des protestants, qui confondent aussi leur société avec l’Église tout entière, parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne peuvent être attaqués que par des hérétiques qui se trompent complètement.

Pensées, Laf. 954, Sel. 789. La compagnie confond son sort avec celui de l’Église ; le reste en découle. “Accordez-moi ce principe et je vous prouverai tout. C’est que la société et l’Église courent même fortune. Sans ces principes on ne prouve rien.”

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 169 sq. Défense des jésuites sur le sujet de leur politique. Absurdité du système que Pascal construit sur cette idée : p. 171 sq.

C’est paradoxalement un jésuite (mais quel jésuite !), le P. Henri de Lubac, qui a le mieux expliqué en quoi consiste le danger qu’il y a à confondre son destin ou celui du groupe auquel on appartient avec le sort de l’Église ou celui de la religion même. Voir dans DE LUBAC Henri, Méditation sur l’Église, Paris, Aubier,1953 (2e éd.), le chapitre VIII, « Nos tentations à l’égard de l’Église », p. 241-271.

Ceux qui sont ennemis de l’Église le sont aussi des jésuites

Première réponse, cité in GEF V, p. 114.

V, 6. Et parce que les maximes évangéliques et sévères sont propres pour gouverner quelques sortes de personnes, ils s’en servent dans ces occasions où elles leur sont favorables. Mais comme ces mêmes maximes ne s’accordent pas au dessein de la plupart des gens, ils les laissent à l’égard de ceux-là, afin d’avoir de quoi satisfaire tout le monde.

V, 7. C’est pour cette raison qu’ayant à faire à des personnes de toutes sortes de conditions et des nations si différentes, il est nécessaire qu’ils aient des casuistes assortis à toute cette diversité.

V, 8. De ce principe vous jugez aisément que s’ils n’avaient que des casuistes relâchés, ils ruineraient leur principal dessein, qui est d’embrasser tout le monde, puisque ceux qui sont véritablement pieux cherchent une conduite plus sûre. Mais comme il n’y en a pas beaucoup de cette sorte, ils n’ont pas besoin de beaucoup de directeurs sévères pour les conduire. Ils en ont peu pour peu ; au lieu que la foule des casuistes relâchés s’offre à la foule de ceux qui cherchent le relâchement.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 178 sq.

V, 9. C’est par cette conduite obligeante et accommodante, comme l’appelle le père Petau, qu’ils tendent les bras à tout le monde. Car s’il se présente à eux quelqu’un qui soit tout résolu de rendre des biens mal acquis, ne craignez pas qu’ils l’en détournent. Ils loueront au contraire et confirmeront une si sainte résolution : Mais qu’il en vienne un autre qui veuille avoir l’absolution sans restituer, la chose sera bien difficile, s’ils n’en fournissent des moyens dont ils se rendront les garants.

V, 10. Par là ils conservent tous leurs amis, et se défendent contre tous leurs ennemis. Car si on leur reproche leur extrême relâchement, ils produisent incontinent au public leurs directeurs austères, et quelques livres qu’ils ont faits de la rigueur de la loi chrétienne ; et les simples, et ceux qui n’approfondissent pas plus avant les choses, se contentent de ces preuves.

Texte de 1659 : « avec quelques livres qu’ils ont faits ».

KOLAKOWSKI Leszek, Dieu ne nous doit rien, Brève remarque sur la religion de Pascal et l’esprit du jansénisme, Paris, Albin Michel, 1997, p. 82. La clientèle des jésuites ne se compose ni d’athées ni de libertins, mais plutôt de la noblesse engagée dans des occupations mondaines séculières, d’une moralité questionnable, mais qui tenait à croire qu’il existe une méthode de salut éternel moins rigoureuse et fatigante que ne le disent les augustiniens. La dévotion facile est un moyen de les retenir dans l’Église.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales de Louis de Montalte; contre la dernière réponse des P.P. Jésuites intitulée: Entretiens de Cléandre et d'Eudoxe, Henri Van Rhin, Rouen, 1697 ; voir I, p. 68. Selon l’auteur, c’est par politique que les supérieurs des jésuites approuvent que la plupart des jésuites se prononcent pour la morale relâchée, mais que d’autres se montrent sévères. Explication de cette attitude : p. 69. Le but de s’accommoder à ceux qui ne veulent pas des maximes relâchées justifie la permission d’avoir des directeurs sévères : p. 69. Cela permet d’exhiber des docteurs sévères quand on reproche à la société ses docteurs laxistes : p. 70. Mais on met moins de zèle à publier les maximes sévères que les laxistes : p. 70. C’est d’ailleurs ce que fait le p. Daniel lui-même.

DONETZKOFF Denis, Saint-Cyran épistolier, Thèse, p. 39. Casuistique chez Saint-Cyran dans L’Apologie pour La Rocheposay. Morale alléchante qui donne aux gentilshommes le moyen de paraître vaillants, s’ils sont tant soit peu raisonnables, et de conserver leur honneur sans appeler en duel ceux qui les ont offensés ; et aux gens d’Église de s’accommoder honnêtement de bénéfices sans commettre une exécrable simonie : p. 39. Sans usure ni mauvais trafic : p. 40.

Pensées, Laf. 973, Sel. 698. « Ce sont les effets des péchés des peuples et des jésuites : les grands ont souhaité d’être flattés ; les jésuites ont souhaité d’être aimés des grands. Ils ont tous été dignes d’être abandonnés à l’esprit du mensonge, les uns pour tromper, les autres pour être trompés. Ils ont été avares, ambitieux, voluptueux : Coacervabunt sibi magistros. Dignes disciples de tels maîtres, digni sunt, ils ont cherché des flatteurs et en ont trouvé. »

Pensées, Laf. 954, Sel. 789. « (...) Le monde veut naturellement une religion, mais douce (...). On ne vit pas longtemps dans l’impiété ouverte, ni naturellement dans les grandes austérités. Une religion accommodée est propre à durer. On les cherche par libertinage. »

Voir l’idée exprimée sous une autre forme dans le Sixième écrit des Curés de Paris, éd. Cognet, p. 446-447 : § 5. « Voilà leur caractère. Par là ils demeurent en pouvoir de contenter tout le monde. Ils diront à ceux qui seront scandalisés de ces maximes, qu’ils ont raison, et qu’aussi ils ont déclaré dans leurs SENTIMENTS, qu’ils ne voulaient point approuver ces opinions. Et ils diront à ceux qui voudront vivre selon ces maximes, qu’ils le peuvent, et qu’aussi ils ont déclaré dans leurs SENTIMENTS, qu’ils ne condamnent point ces opinions. Et ainsi ils produiront leurs SENTIMENTS équivoques pour satisfaire toutes sortes d’inclinations selon leur méthode ordinaire. » Voir aussi § 7 : « Car ils n’ont jamais demandé la suppression de l’Évangile. Ils y perdraient. Ils en ont affaire pour les gens de bien. Ils s’en servent quelquefois aussi utilement que des casuistes. Mais ils perdraient aussi, si on leur ôtait l’Apologie qui leur est si souvent nécessaire. Leur théologie va uniquement à n’exclure ni l’un ni l’autre, et à se conserver un libre usage de tout. Ainsi on ne peut dire ni de l’Évangile seul, ni de l’Apologie seule, qu’ils contiennent leurs sentiments. Le dérèglement qu’on leur reproche consiste dans cet assemblage, et leur justification ne peut consister qu’à en faire la séparation, et à prononcer nettement qu’ils reçoivent l’un, et qu’ils renoncent à l’autre : de sorte qu’il n’y a rien qui les justifie moins, et qui les confonde davantage, que de ne nous répondre autre chose, lorsque tout le fort de notre accusation est qu’ils unissent par une alliance horrible Jésus-Christ avec Belial, sinon qu’ils ne renoncent pas à Jésus-Christ, sans dire en aucune manière qu’ils renoncent à Belial. »

PASCAL, Les Provinciales, XIII, éd. Cognet, p. 252-253. Comment cette variété confond les jésuites. Application de la maxime que la probabilité d’un sentiment n’empêche pas la probabilité du sentiment contraire.

Principe fondamental : l’existence de casuistes sévères ne plaide pas en faveur des jésuites, et confirme au contraire l’idée que la compagnie suit une politique qui vise à s’attacher le plus de monde possible. Les réponses des jésuites comme quoi tous les casuistes ne sont pas relâchés, mais qu’il en est qui tiennent des maximes sévères sont ainsi par avance neutralisées. Voir ci-dessous, V, 9. Mais ce n’est pas seulement une manœuvre polémique de la part de Pascal : comme il le dit dans le premier Ecrit des curés de Paris, ce qu’il reproche aux jésuites, c’est moins de proposer des maximes relâchées que de corrompre les lois.

NICOLE Pierre, De la connaissance de soi-même, II, ch. X. Qu’on se sert souvent des confesseurs pour s’autoriser dans ses passions. Pour beaucoup un directeur est un « censeur charitable des petits défauts » et un « approbateur des passions auxquelles on ne veut pas renoncer ». On ne voudrait pas d’un directeur qui ne fît aucun reproche, ni d’un qui touchât aux passions chéries. Il doit servir l’amour propre par de petits reproches.

Sur les directeurs indulgents, voir JOVY Ernest, Etudes pascaliennes, IX, Le Journal de M. de Saint-Gilles, p. 21 sq. jésuites, mauvais directeurs. Les jésuites, confesseurs des princes : p. 23 sq. Voir p. 40, sur le jésuite confesseur du prince Casilir, qui entretenait une courtisane, tout en communiant régulièrement. « M. Bartet dit un jour qu’il s’étonnait de ce que ce Prince étant ainsi débauché, et entretenant à gage une courtisane, il ne laissait pas de lui donner réglément les sacrements tous les 15 jours. Ce jésuite répondit que cela retenait toujours quelque peu ce Prince, et qu’il avait de bons désirs. Laquelle conduite n’était pas tant un défaut particulier en ce jésuite, que c’est l’esprit et la conduite de toute la Société dont la morale, si relâchée et si corrompue, est ce qui les rend bienvenus et tout puissants dans les maisons des princes et des grands de ce monde » : p. 40.

Ce sont les maximes indulgentes qui assurent le succès des opinions probables : voir Factum pour les curés de Paris, éd. Cognet, p. 407. « Ces opinions accommodantes ne commencèrent pas par cet excès, mais par des choses moins grossières, et qu’on proposait seulement comme des doutes. Elles se fortifièrent peu à peu par le nombre des sectateurs, dont les maximes relâchées ne manquent jamais... »

Sur les directeurs sévères, voir PETITDIDIER Mathieu, Apologie des lettres provinciales, I, p. 84 sq., qui soutient qu’ils ne sont sévères qu’en apparence, et qu’ils sont au fond aussi laxistes que les autres. Les théologiens jésuites les plus sévères qui le sont effectivement sur certains points, ne sont sévères qu’en apparence, sur la théorie ; mais sur la pratique ils sont aussi relâchés que les autres. Divers exemples de cette sévérité apparente. “En même temps qu’ils croient une chose illicite et mauvaise, ils ne laissent pas, en s’accommodant au sentiment des autres, de la déclarer bonne et licite” : p. 89. “Mais il n’est même pas nécessaire suivant les règles de la probabilité que ceux qui tiennent pour la sévérité en quelque occasion déclarent que le contraire de ce qu’ils avancent ne laisse pas d’être probable, afin qu’il ne le soit, et qu’ils soient censés l’exempter de péché ; il suffit, ou qu’ils citent des auteurs graves pour le sentiment contraire à celui qu’ils embrassent, sans noter leur opinion, ou quand même ils n’en citeraient point, que l’on sache qu’il y en a qui le soutiennent” : p. 89-90. “Vous avez donc beau nous dire que vous avez des théologiens sévères : outre qu’ils n’y en a que très peu qui le soient, ce peu même ne l’est qu’en apparence, et tant que ces théologiens ne renonceront pas à la probabilité, comme à une doctrine corrompue et empoisonnée, ils ne seront sévères que dans la spéculation, et ils exempteront toujours de péché dans la pratique ceux qu’ils semblent condamner et qu’ils déclarent coupables de grand péché” : p. 90-91. Dès qu’un théologien tient pour la probabilité, on ne peut le considérer que comme laxiste : p. 91.

Sur les inconvénients de la politique qui consiste à tendre les bras à tout le monde, voir FERREYROLLES Gérard, Blaise Pascal. Les Provinciales, p. 79 sq. Vouloir contenter tout le monde est le meilleur moyen de mécontenter tout le monde.

RAPIN René, Mémoires du P. René Rapin, de la Compagnie de Jésus, sur l’Église et la Société, la Cour, la Ville et le Jansénisme, 1644-1669, II, p. 366.

La casuistique en général

BAUDIN Emile, La Philosophie de Pascal, La Baconnière, Neuchâtel, 1946-1947, 4 vol. (1. Pascal et Descartes ; 2. Pascal, les libertins et les jansénistes (2 vol.) ; 3. Pascal et la casuistique).

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005.

BOARINI Serge (dir.), La casuistique classique : genèse, formes, devenir, Publications de l’université de Saint-Etienne, 2009.

MESNARD Jean, “Perspectives contemporaines sur la casuistique”, FORCE Pierre et MORGAN David (dir.), De la morale à l’économie politique. Dialogue franco-américain sur les moralistes français. Actes du colloque de Columbia University (New York), 14-16 octobre 1994, Op. cit., n° 6, Université de Pau, 1996, p. 107-116.

TOULMIN Stephen et JONSEN Albert R., The abuse of casuistry. A history of moral reasoning, Los Angeles-London, University of California Press, 1988.

CARIOU Pierre, Les idéalités casuistiques. Aux origines de la psychanalyse, Presses Universitaires de France, Paris, 1992.

CARIOU Pierre, Pascal et la casuistique, Presses Universitaires de France, Paris, 1993.

ALCOVER Madeleine, « La casuistique du père Tout à tous et les Provinciales », in Studies on Voltaire and the XVIIIe century, vol. LXXXI, Banbury, Voltaire Foundation, p. 127-132.

Qui sont les casuistes ?

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005, p. 62 sq. Les jésuites sont en nombre dominant : p. 65 sq.

Les casuistes jésuites

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005, p. 65 sq. Importance de l’étude des cas de conscience dans la formation des jésuites : p. 65. Rédaction par le p. Polanco du Directorium breve ad confessarii ac confitentis munus tecte obeundum, Louvain, 1554 : p. 65. En 1556, le P. Lainez oblige tous les collèges de jésuites à avoir un professeur attitré de casuistique. Cours de cas de conscience ouverts à tous les étudiants et à un large public clérical : p. 66. Essor de la casuistique chez les jésuites : p. 67 sq.

Pourquoi des casuistes ?

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 204. Les casuistes sont des jurisconsultes ; ils “sont à l’Évangile ce que les autres sont à la législation ou à la science médicale”. Interprètes de la loi nécessaires aux confesseurs, qui n’ont pas toujours le temps de méditer à fond les textes : p. 205.

CARIOU Pierre, Les idéalités casuistiques, p. 1. Un cas de conscience consiste d’abord à formuler verbalement le cas. Problème de saisir la difficulté de manière à en permettre le traitement rhétorique. La difficulté énoncée devient objet de délibération : p. 2. Exemple de Sainte-Beuve : p. 4 sq. Dans la casuistique, l’intériorité des consciences est inopérante ; la situation n’est pas laissée à son appréciation. Le cas de conscience est sans profondeur chronologique : il est caractérisé par une absence de genèse : la difficulté à résoudre n’a pas derrière elle la longue durée d’un destin : p. 13. Le cas de conscience a sa structure entière et explicite dans les livres, dans le savoir du casuiste ; ce savoir est donné d’avance, les circonstances concrètes de la faute sont seulement là pour s’y intégrer : p. 14. Fécondité inépuisable du vécu comme origine des cas de conscience : p. 19 sq. Procédure de formalisation des cas de conscience et leur réduction à des significations universelles. Le cas de conscience n’ait d’une difficulté pratique, du rapport douteux d’un individu à la morale et à la discipline de l’Église : p. 20. L’approche de l’individuel est une approche juridique ; le problème est de savoir en quoi les prescriptions du droit, surtout ecclésiastique, sont des structurez pour une analyse des conduites individuelles : p. 20-21. Qu’atteignent-elles du vécu ? Le droit du casuiste est essentiellement normatif ; en quoi l’application de normes au savoir constitue-t-elle une opération de savoir ? p. 21. Le cas de conscience n’a pas pour lieu la conscience du sujet, mais le droit ecclésiastique, la théologie morale ; la logique du droit prime la chronologie du cas. l’individuel dans le cas n’est pas un indicible résiduel irréductible, mais le lieu de la rencontre de la loi avec la personne : p. 22. La résolution des cas de conscience ne renvoie pas à une spiritualité de l’intériorité ; le savoir sur l’individuel humain ne sort pas accru de la lecture d’un traité de casuiste : p. 285. Formuler un cas de conscience, l’énoncer, en délibérer, le résoudre, c’est donner occasion à des interférences entre des systèmes de normes variées, entre des pouvoirs différents et antagonistes : p. 22. La part de la subjectivité dans la formulation du cas est nulle : p. 25. Ce qui y est indiqué, ce sont les relations économiques, la division technique et sociale du travail. Le cas de conscience est définit tout entier comme situation, nœud, réseau, système de relations : p. 25. L’individuel est absent des cas de conscience, en tant que même fragmenté dans le réseau de circonstances le plus compliqué, il ne se laisse pas appréhender dans ce qu’il a d’accidentel : p. 38. Dans un cas de conscience, on vise la connaissance du singulier, mais en privilégiant l’uniformité des principes ; on propose à des conduites individuelles des normes, mais à la manière d’une transcendance autoritaire ; on y ouvre le champ d’une pratique organisée par le discours, mais cette pratique ne dit rien de celui qui la traduira dans sa conduite : p. 40. Une relation privilégiée est celle qui unit les relations précédentes avec l’autorité du confesseur : p. 25. L’estimation fait appel à une suite de concepts de la théologie morale, qui interviennent pour exprimer des oppositions comme pécher-absoudre, véniel-mortel, obéissance-autorité.

GRES-GAYER Jacques M., “Rigoristes et idéalistes, les casuistes de Sorbonne”, in COTTRET Bernard, COTTRET Monique et MICHEL Marie-José, Jansénisme et puritanisme, Paris, Nolin, 2002, p. 138-149.

Pour qui écrivent les casuistes ?

MAYNARD, Les Provinciales et leur réfutation, p. 206. Les casuistes n’écrivent que pour les confesseurs, et non pour le monde.

C’est une contre-vérité : voir la Somme des péchés du P. Bauny. Il n’est pas exact que leurs livres étaient tous écrits en latin, et que ce sont leurs ennemis qui les ont traduits en langue vulgaire (voir p. 206).

La casuistique n’est qu’une forme de l’art des jurisconsultes

MAYNARD, Les Provinciales..., p. 204 sq.

DUCHÊNE Roger, L’imposture littéraire..., 2e éd., p. 145.

Les publications des traités de casuistique

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005, p. 25 sq.

Rhétorique de la casuistique

CARIOU Pierre, Les idéalités casuistique, p. 32 sq. La nomination consiste à imposer des titres au disparate initial des cas pour les organiser et les distribuer selon leurs matières : p. 34. Caractère de catalogue à consulter, recommandable par la netteté et la sûreté : p. 36. Utilité de donner la possibilité de trouver rapidement sous leurs titres les différentes espèces qui appartiennent à la même matière : p. 36. Utilité de mettre au jour la liaison des différentes résolutions : p. 37. Argumentations parallèles de cas différents appartenant à une même matière : p. 37. L’individuel absent des cas de conscience : p. 38. Mise en ordre en rapport avec les sacrements de l’Église : p. 39. Identifier un cas de conscience en le rapportant à un titre et le résoudre, ce sont deux opérations distinctes. Les titres délimitent le champ d’application de la rhétorique des cas : p. 60. L’ensemble des titres forme une grille : p. 61. Voir p. 62-72, la liste des cas et des domaines. Voir p. 309, figures de rhétorique.

BOARINI Serge, La casuistique classique : genèse, formes, devenir, Publications de l’Université de Saint-Etienne, 2009.

BOARINI Serge, « Herméneutique du cas : dire le cas », in BOARINI Serge (dir.), La casuistique classique : genèse, formes, devenir, Presses Universitaires de Saint-Etienne, 2009, p. 147-171.

Direction de conscience, directeur de conscience

BLUCHE François (dir.), Dictionnaire du grand siècle, p. 482. Article Direction spirituelle. Aide apportée par une personne éprouvée à une autre personne qui veut progresser dans la vie spirituelle. La direction de conscience est une affaire difficile ; elle n’est pas seulement le fait des prêtres.

FRANCOIS DE SALES, Introduction à la vie dévote, éd. Pléiade, p. 38 sq.

PASCAL, Œuvres complètes, éd. Mesnard, III, p. 1015 sq. Pascal directeur de conscience.

MESNARD Jean, Pascal et les Roannez, I, p. 497-546. Thèse de la pression morale chez Pascal directeur. Solidité de la vocation de Melle de Roannez : p. 1017-1018. Pascal directeur : p. 1022 sq.

DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal, p. 124. Pascal commet un contresens volontaire en confondant le directeur casuiste, dont la besogne est de stricte jurisprudence (savoir ce qui est absous et fixer la pénitence) et le confesseur ; selon Duchêne, ce sont les jansénistes qui ont des directeurs qui imposent à leurs fidèles des décisions autoritaires. Voir p. 135. Au XVIIe siècle, les directeurs ne sont pas les confesseurs : l’exposé de Pascal repose sur une erreur de principe.

En fait, ce n’est pas du tout un contresens volontaire, c’est un reproche précis que Pascal adresse aux jésuites, qui est de confondre deux fonctions différentes, et de faire jouer aux casuistes le rôle de directeurs de conscience. Que les casuistes écrivent en latin des ouvrages de spéculation que personne ne lit, cela ne lui paraît sans doute pas inacceptable. Mais lorsque le P. Bauny et Escobar composent des manuels pour les confesseurs et pour les fidèles, accessibles et propres à l’application immédiate, il voit dans ce procédé un abus inacceptable. Duchêne répond ici un peut comme le P. Nouët, en supposant ce qui est en cause.

Ce que Pascal reproche aux casuistes

Voir Pensées, Laf. 729, Sel. 611. « Casuistes.

Une aumône considérable, une pénitence raisonnable.

Encore qu’on ne puisse assigner le juste, on voit bien ce qui ne l’est pas. Les casuistes sont plaisants de croire pouvoir interpréter cela comme ils font.

Gens qui s’accoutument à mal parler et à mal penser.

Leur grand nombre loin de marquer leur perfection marque le contraire.

L’humilité d’un seul fait l’orgueil de plusieurs.”

MESNARD Jean, Pascal, p. 102. La casuistique doit s’appuyer, non pas sur la raison corrompue, mais sur l’Écriture, les canons et les Pères ; la raison ne doit pas être ici le principe, elle n’a droit qu’à l’interprétation, autrement dit elle ne peut que tirer des conséquences. Voir Provinciale X, éd. Cognet, p. 90.

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, éd. 1700, p. 106. Pascal et ses amis ne refusent pas l’idée des opinions probables dans la morale ; le nier serait téméraire et dénué de bon sens : p. 108.

On trouve dans l’édition des Provinciales de Wendrock une Dissertation théologique sur la probabilité due à Arnauld, qui développe une théorie de la probabilité diamétralement opposée à celle des casuistes, mais qui n’en conserve pas moins l’idée de la probabilité elle-même, sous une autre définition.

Port-Royal compte aussi des casuistes, tels Jean Pontas et Jacques de Sainte-Beuve.

V, 11. Ainsi ils en ont pour toutes sortes de personnes, et répondent si bien selon ce qu’on leur demande, que, quand ils se trouvent en des pays où un Dieu crucifié passe pour folie, ils suppriment le scandale de la Croix, et ne prêchent que JÉSUS-CHRIST glorieux, et non pas JÉSUS-CHRIST souffrant : comme ils ont fait dans les Indes et dans la Chine, où ils ont permis aux Chrétiens l’idolâtrie même…

Le scandale de la Croix : saint Paul, Ép. Galates, V, 11.

La stratégie d’accommodation des jésuites

NELLES Paul, « Du savant au missionnaire : la doctrine, les mœurs et l’écriture de l’histoire chez les jésuites », Journée d’étude de la Société d’étude du XVIIe siècle : Les jésuites dans l’Europe savant, XVIIe siècle, octobre 2007, n°237, Paris, Presses Universitaires de France, 2007, p. 669-689. Stratégie d’adaptation aux mœurs et à la culture des peuples chez lesquels les jésuites sont envoyés en mission. Elle repose sur le postulat selon lequel toutes les religions païennes pouvaient être détachées du cadre culturel dans lequel elles s’inséraient : p. 670. Les jésuites étudient à fond les religions indigènes jusqu’à leur noyau doctrinal, afin de distinguer les rites religieux païens des mœurs proprement civiles, et de glisser la doctrine chrétienne et le culte chrétien dans cette brèche.

Les jésuites en Chine

Pensées, Laf. 454, Sel. 694. « Je vois la religion chrétienne fondée sur une religion précédente, où voici ce que je trouve d’effectif.

Je ne parle point ici des miracles de Moïse, de J.-C. et des apôtres, parce qu’ils ne paraissent pas d’abord convaincants et que je ne veux que mettre ici en évidence tous les fondements de cette religion chrétienne qui sont indubitables, et qui ne peuvent être mis en doute par quelque personne que ce soit.

Il est certain que nous voyons en plusieurs endroits du monde, un peuple particulier séparé de tous les autres peuples du monde qui s’appelle le peuple juif.

Je vois donc des faiseurs de religions en plusieurs endroits du monde et dans tous les temps, mais ils n’ont ni la morale qui peut me plaire, ni les preuves qui peuvent m’arrêter, et qu’ainsi j’aurais refusé également, et la religion de Mahomet et celle de la Chine et celle des anciens Romains et celle des Egyptiens par cette seule raison que l’une n’ayant point plus de marques de vérité que l’autre, ni rien qui me déterminât nécessairement. La raison ne peut pencher plutôt vers l’une que vers l’autre. »

Laf. 481, Sel. 716. « Contre l’histoire de la Chine. Les histoires de Mexico, des cinq soleils, dont le dernier est il n’y a que huit cents ans ».

Laf. 822, Sel. 663. « Histoire de la Chine.

Je ne crois que les histoires dont les témoins se feraient égorger.

(Lequel est le plus croyable des deux, Moïse ou la Chine.)

Il n’est pas question de voir cela en gros ; je vous dis qu’il y a de quoi aveugler et de quoi éclairer.

Par ce mot seul je ruine tous vos raisonnements ; mais la Chine obscurcit, dites-vous. Et je réponds : la Chine obscurcit, mais il y a clarté à trouver. Cherchez-la.

Ainsi tout ce que vous dites fait à un des desseins et rien contre l’autre. Ainsi cela sert et ne nuit pas.

Il faut donc voir cela en détail. Il faut mettre papiers sur table. »

BOULENGER A., Manuel d’apologétique. Introduction à la doctrine catholique, Lyon-Paris, Vitte, 1923, p. 175 sq. Les religions de la Chine. Le taoïsme : p. 175. Le confucianisme : p. 175 sq.

GERNET Jacques, Chine et christianisme. La première confrontation, NRF , Gallimard, Paris, 1982.

ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), Paris, Julliard, 1966.

MAYEUR J.-M., PIETRI Ch. et L., VAUCHEZ A. et VENARD M. (dir.) ; Histoire du christianisme, IX, L’âge de raison (1620-1750), Paris, Desclée, 1997, p. 774 sq.

LAZARD Madeleine, « Les tribulations d’un jésuite en Chine : le Père Le Comte et la conversion », in DEMERSON G. et G., DOMPNIER B., et REGOND A. (dir .), Les jésuites parmi les hommes aux XVIe et XVIIe siècles, Clermont-Ferrand, Faculté des Lettres, 1987, p. 351-361.

Les rites chinois

DELUMEAU Jean, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, p. 148 sq. L’affaire des rites chinois naît en partie de la différence entre les philosophies de l’évangélisation des jésuites, qui voulaient décentraliser le christianisme et admettre des civilisations de l’Asie tout ce qui n’était pas incompatible avec l’Evangile, et celle des Dominicains, des Franciscains, qui refusaient les accommodements : p. 148. Elle coïncide avec les controverses entre jésuites et augustiniens, qui aggrave le conflit.

ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), Paris, Julliard, 1966.

DELUMEAU Jean et COTTRET Monique, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, Paris, Presses Universitaires de France, Paris, 1971, p. 178-183.

MAYEUR J.-M., PIETRI Ch. et L., VAUCHEZ A. et VENARD M. (dir.), Histoire du christianisme, IX, L’âge de raison (1620-1750), Paris, Desclée, 1997, p. 774 sq.

TÜCHEL Hermann, BOUMAN C. et LE BRUN Jacques, Nouvelle histoire de l’Église, 3, Réforme et contre-réforme, Paris, Seuil, 1968, p. 326 sq., sur l’adaptation en Chine. Voir p. 345 sq. sur la querelle des rites.

LAZARD Madeleine, « Les tribulations d’un jésuite en Chine : le Père Le Comte et la conversion », in DEMERSON G. et G., DOMPNIER B., et REGOND A. (dir .), Les jésuites parmi les hommes aux XVIe et XVIIe siècles, Clermont-Ferrand, Faculté des Lettres, 1987, p. 351-361. Envoyé début 1685 au royaume de Siam avec cinq autres jésuites, pour gagner, par ses qualités de mathématicien, les faveurs de l’empereur. Les six jésuites se partagent la tâche : les uns s’occupent d’observations astronomiques, de géographie, des arts mécaniques, les autres s’occupent d’astronomie, de la connaissance des simples, de l’histoire des animaux et des différentes parties de la physique. Les Nouveaux mémoires sur l’état présent de la Chine dresseront en 1696 le bilan de l’activité des missionnaires. Le projet d’envoyer des missionnaires mathématiciens revient à Colbert, qui a fait préparer « les instruments nécessaires pour un nombre considérable d’observateurs » ; Louvois a ensuite prescrit aux jésuites de recruter des sujets savants ; les missions sont mises sous l’autorité de Seignelay, ministre de la martien : p. 351-352. Le père de la Chaise dresse le plan de la mission. Le projet s’inscrit ans la continuité de l’œuvre du p. Ricci, qui avait entrepris de s’adapter aux mœurs de la Chine. Ricci, en 1595, s’était présenté en costume de lettré, non en religieux, mais en mandarin européen, à la fois savant et philosophe ; il a tenté de tenir de discours de laïc, recourant à la forme à la mode à la cour à la fin de la dynastie Ming, la conférence philosophique : p. 352. Ricci dissimule alors son véritable but, l’évangélisation des païens ; sa politique lui vaut une grande faveur auprès des milieux intellectuels chinois où l’on admire sa pratique de la langue parlée et écrite, sa science mathématique, sa connaissance des classiques, et son respect des usages du pays. Ricci fut vénéré par la suite comme une divinité bouddhique et devint le patron des horlogers de Shangaï : p. 352-353. Ricci pense aussi que le respect des Chinois pour l’ordre hiérarchique fait qu’ils se convertiraient aisément si l’empereur appelait des Pères auprès de lui, autorisait leur culte et les laissait prêcher : p. 353. En même temps, pour passer pour philosophe, Ricci proclame son hostilité au bouddhisme et son accord avec la morale de Maître Kong, Confucius, apparentée à celle des chrétiens : p. 353. La politique de Ricci lui survit, y compris lorsqu’en 1644 la dynastie mandchoue s’installe à Pékin, et que la persécution des missionnaires s’ensuit. Les confrères du p. Le Comte s’initient aux usages et cérémonies du pays, prennent le costume des lettrés, se vêtent comme les Chinois « à la tartare », revêtent des habits de soie quand ils vont visiter des personnes de qualité, « ce qui est absolument nécessaire pour conserver leur crédit et la protection des Mandarins » (II, 208). Ils mènent une vie misérable dans leur maison, les obligations mondaines épuisant tout leur revenu : p. 253. Le but de gagner l’empereur semble facilité par la bienveillance de Kangxi (1662-1723) à l’égard des jésuites : p. 354. Les mathématiques, moyen d’avancer leur crédit : les jésuites sont appelés à constituer à la cour de Pékin un « tribunal des mathématiques ; les missionnaires établissent un nouveau calendrier qui permet de « réformer leurs cadrans solaires sur les nôtres » : p. 354. Les jésuites s’attirent un grand prestige comme astronomes en prédisant les éclipses de soleil et de lune qu’ils observent en plaçant des observateurs en diverses villes de Chine ; ils contribuent à déterminer la longitude et à perfectionner la géographie : p. 354. Le p. Adam Schaal démontra la fausseté des règles des mouvements célestes établies par les anciens astronomes chinois et leur en proposa d’exactes (II, 297) : p. 354. Ils établissent des cartes. Utilité apologétique de cette activité : lorsque le p. Verbiest parle aux mandarins du mystère de la Trinité, si incompréhensible qu’ils le traitent de fable, les mandarins hésitent : « un homme aussi habile et aussi sage peut-il se tromper ? ». Conclusion de Le Comte : « tant il est vrai que l’usage des sciences humaines, bien loin d’être opposé à l’esprit de l’Evangile, sert quelquefois à) l’établir et à rendre même croyables les mystères les plus obscurs » (II, 175) : p. 355. Le p. Verbiest fournit même un canon à l’empereur lors d’une révolte, sous la menace de persécution de sa religion ; l’empereur est ravi de la réalisation. Le p. Gerbillon traduit ses leçons de mathématiques en tartare, et instruit l’empereur, qui à son tour enseigne Euclide à ses enfants : p. 355. L’espoir de convertir l’empereur Kangxi, sage lettré agnostique, qui accorde l’édit de tolérance, est déçu : p. 355. A la fin du XVIIe siècle, les jésuites, suivant le bilan du p. de la Chaise, sont conduits à modifier la politique de Ricci, en se tournant davantage vers les milieux mondains pour obtenir des conversions en nombre : p. 356. Le Comte avoue que, depuis la persécution du P. Adam, on ne compte plus de chrétiens parmi les princes et ministres d’État, mais que le peuple fait le plus grand nombre : p. 356. l’évangélisation et la mission : p. 356 sq. Le p. Le Comte prêche lui-même ; il regrette que le pape ait interdit de dire la messe en chinois, et impose le latin. Il tente de pare de tout le faste possible les cérémonies de l’Église, ce qui « attire au culte divin », mais il retire le crucifix après la messe, pour éviter toute impiété, alléguant que les païens viennent souvent visiter le églises : p. 356-357. Prédication de village en village ; importance de parler la langue du pays : p. 357. Les difficultés de la conversion des Chinois : p. 357. Athéisme, matérialisme et superstition des Chinois : p. 357. Appuis sur les analogies apparentes entre traditions chrétiennes et chinoises, dans le domaine de la religion et de la morale. Mais de la séduction par la science à la conversion, la distance est grande : le confucianisme enseigne, comme le christianisme, les vertus sociales, mais il se désintéresse de l’inconnaissable : l’empereur Kangxi s’étonne que les jésuites s’intéressent à un monde où ils ne sont pas encore et comptent pour rien celui où ils sont : p. 358. Une difficulté réside dans l’obligation pour un chrétien de restituer les biens mal acquis, obstacle presque insurmontable pour les marchands et les mandarins, car l’injustice et la tromperie sont si ordinaires dans ces deux conditions qu’on ne s’enrichit guère par une autre voie ; les gages des mandarins sont tellement insuffisants qu’ils doivent compléter leur revenu par tous les moyens. Autre problème : la multitude des femmes ; l’obligation d’y renoncer détourne les mandarins du christianisme : p. 358. La conversion des femmes est très difficile : p. 358 sq. Problème posé par le manque de miracles, que les Chinois réclament instamment : p. 359.

Sur les rites chinois, voir l’article “Chine” du Dictionnaire du grand siècle de Bluche, et le Dictionnaire de théologie catholique, art. Rites chinois. La question qui s’est posée à l’époque où les missionnaires arrivaient en Chine portait sur l’emploi de certains termes chinois pour désigner le vrai Dieu, et sur les pratiques cultuelles et les honneurs qu’il était d’usage de rendre à Confucius et aux ancêtres en Chine : avaient-elles une valeur religieuse qui ne pouvait qu’être assimilée à de l’idolâtrie ? Les jésuites ont pensé que ce n’était pas le cas : selon Ricci, “on ne reconnaît dans ces morts aucune divinité... c’est pourquoi il n’y a en tout cela nulle trace d’idolâtrie”. Le nom autorisé pour désigner Dieu était T’ien-tchou, Seigneur du ciel : col. 2365. Mais les premiers missionnaires ont vite aperçu que ce nom était affecté à diverses idoles du bouddhisme ou du taoïsme populaire. Ces rapports ont permis l’expansion du christianisme, surtout auprès des lettrés : col. 2366. Quant aux cérémonies confucéennes, les jésuites n’ont pas permis des pratiques d’idolâtrie : col. 2367. Histoire de la controverse : col. 2369 sq. L’attaque contre les jésuites vient des dominicains et des franciscains. Le décret du 23 mars 1656 approuvé par Alexandre VII : col. 2370. La controverse sortira des milieux compétents à partir de 1670.

Lettres édifiantes et curieuses..., Garnier-Fmlammarion, p. 15, sur les orientations définies par le P. Ricci. Sur ces instructions, voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 83 sq.

Le p. Ricci

TÜCHEL Hermann, BOUMAN C. et LE BRUN Jacques, Nouvelle histoire de l’Église, 3, Réforme et contre-réforme, Paris, Seuil, 1968, p. 326 sq., sur l’adaptation en Chine. Voir p. 345 sq., sur la querelle des rites. Les ordres missionnaires espagnols prêchent à l’époque sans concession, avec un rejet catégorique du confucianisme : résultat, ils ne recueillent aucun succès : p. 346. En revanche, Le jésuite Ricci a admis des accommodements. Et les premiers pionniers jésuites de l’adaptation ont été parfois jusqu’aux frontières des concessions dogmatiques pour obtenir des conversions ; cela provoqua les premières oppositions, au sein même de la Compagnie de Jésus : dès 1629 le visiteur de la mission des jésuites en Chine interdit l’emploi des noms divins ; le général de l’ordre lève pourtant cet interdit dès l’année suivante. Ces antagonismes entre ordres missionnaires induisent les dominicains à rédiger un mémorandum à l’intention du Saint-Siège, exposant dix-sept doutes sur la légitimité de la pratique des jésuites. En 1645, au terme de longues délibérations, la congrégation De propaganda fide et le Saint-Office déclarent que les coutumes chinoises sont condamnées comme impies, et défense est faite aux jésuites de les tolérer : p. 347.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 221 sq. Mise au point de l’histoire des rites chinois, par un ennemi de Port-Royal.

DELUMEAU Jean, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, p. 148 sq. L’affaire commence lorsqu’un dominicain, Moralès, et un franciscain venus des Philippines (Diego Collado, selon Maynard, mais aussi faux cordelier des Philippines selon le même auteur), où l’on avait pratiqué la méthode de la table rase, découvrent qu’en Chine, on désignait par le même caractère Tsi la messe et les cérémonies en honneur des défunts, que les termes T’ien (le ciel) et Chang T’i (seigneur d’en haut) par lesquels Ricci avait nommé Dieu, servaient aussi à désigner l’Empereur : p. 149. Moralès soumit ses doutes au pape Innocent X, qui répondit en 1645 en condamnant le modernisme pastoral des jésuites, et en interdisant les honneurs rendus en Chine à Confucius et aux ancêtres : ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 92.

Les jésuites firent appel en lui adressant en 1654 un contre-exposé. Voir TÜCHEL Hermann, BOUMAN C. et LE BRUN Jacques, Nouvelle histoire de l’Église, 3, p. 345 sq. : Les jésuites envoient à Rome un des leurs pour faire un rapport justificatif.

En 1656, le p. Martini, jésuite, expose au Saint-Siège que les Chinois ne font pas d’offrandes à Confucius, que celui-ci n’a pas de temples, et qu’on ne lui rend que les honneurs que des disciples rendent à leurs maîtres ; “ par ce moyen la société tente d’éluder le décret d’Innocent X ” : ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 92-92. Le 23 mars 1656, Martini obtient un décret pontifical du pape Alexandre VII, qui distingue entre coutumes religieuses et coutumes civiles, et autorisant ces dernières, y compris les honneurs rendus à Confucius et le culte des ancêtres, sous réserve qu’on évite toute superstition. Le décret pontifical du pape Alexandre VII, se prépare à donner raison à la compagnie de Jésus, et à réformer le décret d’Innocent X : voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine, p. 95.

Pour la défense de l’action du p. Martini, voir DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 172.

La méthode jésuite s’imposa. Cependant le décret de 1645 n’est pas abrogé pour autant. C’est vers cette époque que les jansénistes français interviennent, voyant dans cette affaire une conséquence de la théologie morale relâchée des jésuites. Sur l’évolution ultérieure de l’affaire, à partir de 1690, voir p. 345 sq. Sur l’intervention des Jansénistes dans la querelle des rites chinois et le passage que Pascal leur consacre dans les Provinciales, voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 95 sq. Selon Cognet, p. 77, n. 7, Pascal serait le premier en France à utiliser dans une controverse les affaires de la Chine, qui y semblent à l’époque à peu près ignorées. Noter que Pascal n’est pas hostile au principe des missions ; voir là-dessus Provinciale XVIII, 36, où il remarque que l’Église a reçu un “ grand avantage ” des découvertes de Christophe Colomb, “ puisque cela a procuré la connaissance de l’Evangile à tant de peuples qui fussent péris dans leur infidélité ” (éd. Cognet, p. 378).

DELUMEAU Jean, Le catholicisme entre Luther et Voltaire, p. 148 sq. Le dominicain Navarrete, rentré en Europe, publia un Traité historique, politique, moral et religieux de la monarchie de Chine, 2 vol., 1676-1679, très hostile aux méthodes jésuites : p. 150. Pallu, vicaire apostolique au Fou-Kien, et son successeur Maigrot, persuadés par Navarrete, partirent aussi en guerre contre les jésuites ; en 1693, une lettre pastorale de Maigrot récusa catégoriquement tout accommodement avec les rites chinois et le confucianisme : p. 150. Il obtint en 1699 que la Sorbonne, conseillée par Bossuet et Noailles, condamnât le laxisme jésuite : p. 151. L’Empereur eut beau donner sa caution en affirmant que les cérémonies du confucianisme n’étaient que civiques et familiales, Rome décida en 1704 contre l’accommodement : p. 151.

Sur Navarrete, voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 100 sq. Voir GERNET Jacques, Chine et christianisme. La première confrontation, p. 302, sur le fait que selon le jésuite Le Comte, à la fin du XVIIe siècle, “ les gens de qualité e ceux qui se piquent de science ” avaient l’esprit “ surtout révolté contre la Trinité et l’Incarnation. Un Dieu passible, un Dieu mourant n’était pas moins pour eux que pour les Juifs un objet de scandale et une espèce de folie. L’existence d’un Dieu éternel, souverain, infiniment juste, infiniment puissant ne leur faisait pas tant de peine… ”, p. 302-303. Un prince mandchou écrit : “ j’étais charmé de l’ordre, de la clarté et de la solidité des raisonnements qui prouvaient un Etre souverain, créateur de toutes choses, tel enfin qu’on ne saurait rien imaginer de plus grand ni de plus parfait (…). Mais quand je vis à l’endroit où l’on enseigne que le fils de Dieu s’est fait homme, je fus surpris que des personnes d’ailleurs si éclairées eussent mêlé à tant de vérités une doctrine qui me paraissait si peu vraisemblable et qui choquait ma raison ”, p. 303. Pour le reste, les chinois sont choqués par “ un Maître du Ciel mort cloué sur un échafaudage en forme de caractère dix ”, p. 304. Que le Christ ait été condamné à mort selon les lois de son pays était pour les chinois un sujet de scandale, et le supplice infamant qu’il avait subi leur semblait incompatible avec la dignité suprême du Maître de l’Univers : p. 306. En revanche, J. Gernet estime que “ c’est à tort que les ennemis des jésuites en Europe les ont accusés de ne pas prêcher le Christ souffrant et de ne prêcher que le Christ glorieux. Les petits ouvrages destinés aux catéchumènes et néophytes ainsi que les images pieuses ne laissent aucun doute à ce sujet. Mais c’était là précisément, pour les lettrés hostiles aux missionnaires, la preuve de leur fausseté et de leur ruse. S’étant procuré des ouvrages réservés à l’édification des chrétiens et des images pieuses, Yang Guangxian accuse les Barbares de duplicité : Ricci s’est bien gardé de dire dans son livre que Jésus avait été mis à mort ignominieusement pour avoir violé les lois de son pays ” : p. 307.

D’AVRIGNY le P. (S. J.), Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 183-186 : “ 12 septembre 1645. La Congrégation de la Propagation de la Foi défend quelques cérémonies chinoises, jusqu’à ce que Sa Sainteté et le Saint Siège en ait autrement ordonné. Après la mort de Saint François Xavier, quelques religieux trouvèrent le moyen de pénétrer à la Chine, et de vaincre le mépris que les Chinois ont naturellement pour les autres nations. Le Père Mathieu Ricci jésuite entre autres travailla parmi eux avec un succès qui l’a fait regarder comme leur Apôtre. Ces peuples sont infiniment attachés à leurs usages et à leurs cérémonies ; ils en observent à l’égard de leurs parents morts et du Philosophe Confucius, que tous les lettrés regardent comme leur maître qui embarrassèrent d’abord les Missionnaires, et qui ont été depuis la source de tous les malheurs de cette Mission. Il y en a quelques unes évidemment superstitieuses, qu’on vint à bout d’interdire aux prosélytes, parce qu’elles sont plus rares, et qu’il est plus aisé de s’en dispenser ; sur les autres, les sentiments se trouvèrent fort partagés. Le Père Ricci qui à une étude profonde de la langue du Pays, avait joint un grand commerce avec les Lettrés, jugea que ces cérémonies dans leur institution primitive, et dans l’intention des personnes éclairées, étaient purement civiles et politiques, et conséquemment que la pratique en pouvait être tolérée, d’autant plus qu’elle paraissait avoir jeté de si profondes racines qu’il n’était pas possible de les arracher. La plupart des jésuites, et des autres Missionnaires en jugèrent de même ; quelques Dominicains ne furent pas de ce sentiment, et ce fut dans la vue d’obtenir un Règlement là-dessus, que le Père de Moralès passa à Rome. Il y exposa : 1. Qu’il y avait à la Chine des Temples érigés en l’honneur du Philosophe de la Nation, et qu’on y offrait deux fois l’an des sacrifices solennels dans lesquels les Gouverneurs faisaient l’office de Prêtres. 2. Que les Chinois avaient aussi des Temples dédiés à leurs ancêtres à qui ils faisaient pareillement deux fois l’année des sacrifices avec beaucoup de cérémonies. Certainement il étai assez inutile de consulter Rome, pou savoir s’il est permis aux Chrétiens de sacrifier à des morts : la chose parle d’elle-même. Le point de la question était de savoir si les pratiques chinoises sot des observances véritablement religieuses ou purement civiles, des sacrifices ou des usages politiques. C’est en cela que consistait toute la difficulté, et sur quoi les Ministres de l’Evangile étaient partagés. Le Père de Moralès supposa comme incontestable précisément ce qui était contesté, et la Congrégation lui répondit ce que tout fidèle qui sait son Catéchisme ne saurait manquer de répondre. Messieurs des Missions étrangères établis à Paris ont publié depuis, que le Décret d’Innocent X avait été rendu avec connaissance de cause ; il est cependant certain que la Congrégation de la Propagation de la Foi n’avait entendu que le Jacobin. Alexandre VII le dit expressément dans son décret de 1656, ainsi que nous le remarquerons en son lieu. Pascal (a. Let. 5) fit encore plus valoir cette année-là même ce décret d’Innocent X contre les jésuites, car il soutient qu’on leur défendit particulièrement de permettre les adorations d’Idoles sous aucun prétexte, et de cacher le mystère de la Croix aux Néophytes : cependant la défense regarde en général tous les Missionnaires, de quelque ordre et de quelque institut qu’ils soient : Omnibus et singulis Missionariis cujuscumque Ordinis, Religionis, et Instituti, ces paroles sont formelles, la Compagnie des jésuites y est nommée expressément, etiam Societatis Jesu : mais Pascal devait savoir que c’est le style de la plupart des Décrets qui regardent les Religieux, comme on le peut voir en jetant les yeux sur le Bullaire ; cependant il parle comme si la défense était personnelle aux jésuites. Je veux croire qu’il n’y a eu que de la méprise dans son fait. Il est tombé dans d’autres moins considérables, à la vérité, qui prouvent néanmoins qu’il n’était pas trop bien servi par ceux qui lui fournissaient des mémoires. Il date le Décret du 9 juillet 1646 et il dit qu’il es signé par le Cardinal Caponi ; cependant il fut porté le 12 septembre 1645 et signé par le Cardinal Ginetti ; marque évidente qu’il ne l’avait pas vu, et qu’il ne lisait les pièces que par les yeux de ceux qui le faisaient travailler ”.

Ibid. p. 333 sq. La Congrégation de l’Inquisition permet en 1654 aux Chinois convertis de pratiquer les cérémonies de la Nation à l’égard de Confucius et de leurs parents, supposé qu’ils ne puissent y manquer sans s’attirer l’hostilité de leur famille, et en protestant contre le caractère de superstition. Le P. martini obligé de passer en Europe pour instruire la congrégation du véritable état des affaires en Chine et la dispute entre les missionnaires : p. 334. Il défend les positions du P. Ricci : les prétendus sacrifices à Confucius n’ont rien d’idolâtre ; les cérémonies son des institutions de police “ et se terminent à un honneur purement civil ” : p. 334. “ L’endroit où l’on honore les défunts est pareillement une salle et non pas un temple ; (…) les Chinois n’attribuent aucune divinité aux âmes des morts, (…) ils n’espèrent rien d’eux et ne leur demandent rien, conséquemment qu’il n’y a sacrifice, ni culte religieux ” : p. 334-335. Le décret découle de cet avis. Alexandre VII approuve le décret, car il comprend “ qu’il n’est pas possible de réduire ces esprits grossiers à retrancher tous leurs usages à la fois ” : p. 335. Ibid., p. 336. “ j’ai fait remarquer sous 1645 que Pascal a accusé les jésuites d’anéantir le mystère de la Croix, à la Chine, et qu’il a donné le décret d’Innocent X pour un arrêt porté contre leur idolâtrie. C’es dans la cinquième lettre qu’il leur fait ce beau reproche, comme elle est daté du 20 mars de cette année 1656 on peut supposer qu’il avait été surpris : mais enfin il ne fut pas longtemps dans l’ignorance, et le mois suivant il apprit à Paris que le Pape avait fait leur apologie à Rome. N’était-il point de l’équité qu’il en dît un mot dans quelqu’une des lettres qu’il continua de publier ? Il n’en fit rien, tant il y a de différence entre prêcher la morale sévère et la pratiquer. ”

Le décret de 1669 : voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 97 sq.

ARNAULD Antoine, La morale pratique des jésuites, Troisième volume, ch. XV, Œuvres, XXXIII, p. 237 sq. Lettre faussement attribuée à l’illustrissime Navarrete. D’où l’on prend l’occasion de parler des idolâtries que les jésuites ont permises aux chrétiens de la Chine, et de réfuter ce qu’ils ont dit de plus important pour se justifier de ce reproche, dans le quatrième chapitre de leur Défense.

TÜCHEL Hermann, BOUMAN C. et LE BRUN Jacques, Nouvelle histoire de l’Église, 3, Réforme et contre-réforme, p. 347 sq. Sur l’évolution ultérieure de l’affaire, à partir de 1690.

Voir GERNET Jacques, Chine et christianisme. La première confrontation, NRF , Gallimard, Paris, 1982, p. 302, sur le fait que selon le jésuite Le Comte, à la fin du XVIIe siècle, “ les gens de qualité et ceux qui se piquent de science ” avaient l’esprit “ surtout révolté contre la Trinité et l’Incarnation. Un Dieu passible, un Dieu mourant n’était pas moins pour eux que pour les Juifs un objet de scandale et une espèce de folie. L’existence d’un Dieu éternel, souverain, infiniment juste, infiniment puissant ne leur faisait pas tant de peine… ”, p. 302-303. Un prince mandchou écrit : “ j’étais charmé de l’ordre, de la clarté et de la solidité des raisonnements qui prouvaient un Etre souverain, créateur de toutes choses, tel enfin qu’on ne saurait rien imaginer de plus grand ni de plus parfait (…). Mais quand je vis à l’endroit où l’on enseigne que le fils de Dieu s’est fait homme, je fus surpris que des personnes d’ailleurs si éclairées eussent mêlé à tant de vérités une doctrine qui me paraissait si peu vraisemblable et qui choquait ma raison ”, p. 303. Pour le reste, les chinois sont choqués par “ un Maître du Ciel mort cloué sur un échafaudage en forme de caractère dix ”, p. 304. Que le Christ ait été condamné à mort selon les lois de son pays était pour les chinois un sujet de scandale, et le supplice infamant qu’il avait subi leur semblait incompatible avec la dignité suprême du Maître de l’Univers : p. 306. En revanche, J. Gernet estime que “ c’est à tort que les ennemis des jésuites en Europe les ont accusés de ne pas prêcher le Christ souffrant et de ne prêcher que le Christ glorieux. Les petits ouvrages destinés aux catéchumènes et néophytes ainsi que les images pieuses ne laissent aucun doute à ce sujet. Mais c’était là précisément, pour les lettrés hostiles aux missionnaires, la preuve de leur fausseté et de leur ruse. S’étant procuré des ouvrages réservés à l’édification des chrétiens et des images pieuses, Yang Guangxian accuse les Barbares de duplicité : Ricci s’est bien gardé de dire dans son livre que Jésus avait été mis à mort ignominieusement pour avoir violé les lois de son pays ” : p. 307.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 166 sq. Recueil des accusations portées contre les jésuites dans la Morale pratique : p. 167. Sur la confirmation par Rome de la conduite des jésuites : p. 168 sq. Le décret de la congrégation De propaganda fide date de 1645 et non de 1646, de septembre et non de juillet : p. 169-170. Récit de l’histoire : p. 170 sq. Le mémoire du dominicain Moralès : p. 170 sq. Sur ce mémoire écrit par le P. Moralès en 1633, voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 90 sq. Le P. Moralès demande à ses supérieurs “ quelles raisons ont les jésuites de permettre à leurs chrétiens des contributions pour les sacrifices des idoles ”, de permettre aux mandarins chrétiens “ d’aller deux fois le mois au temple de l’idole Chin-Hoan et d’y faire des génuflexions et des adorations ”, et d’honorer Confucius par toute sorte de culte : p. 91.

Lettres édifiantes et curieuses..., p. 19, sur les reproches faits aux jésuites, y compris le reproche d’idolâtrie.

Justification du reproche de ne pas prêcher le Christ crucifié : DANIEL, Ibid., p. 176-177. Autre fausseté de Pascal : les jésuites permettraient l’idolâtrie non seulement en Chine, mais dans les Indes. Cas du Japon, où les jésuites souffrent le martyre : p. 179. La principale pièce dont Pascal use est un mémoire espagnol présenté au roi Philippe IV par les cordeliers des Philippines, écrit supposé et faussement attribué à des religieux pour lui donner plus d’autorité. Le vrai auteur était un Diego Collado, imposteur et esprit brouillon. Renvoi à l’Histoire de la Chine de Navarrette, dominicain d’abord accusateur violent des jésuites, puis leur ami et leur panégyriste. Sur Navarrete, voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 100 sq. Voir GERNET Jacques, Chine et christianisme. La première confrontation, p. 302, sur le fait que selon le jésuite Le Comte, à la fin du XVIIe siècle, “ les gens de qualité et ceux qui se piquent de science ” avaient l’esprit “ surtout révolté contre la Trinité et l’Incarnation. Un Dieu passible, un Dieu mourant n’était pas moins pour eux que pour les Juifs un objet de scandale et une espèce de folie. L’existence d’un Dieu éternel, souverain, infiniment juste, infiniment puissant ne leur faisait pas tant de peine… ”, p. 302-303. Un prince mandchou écrit : “ j’étais charmé de l’ordre, de la clarté et de la solidité des raisonnements qui prouvaient un Etre souverain, créateur de toutes choses, tel enfin qu’on ne saurait rien imaginer de plus grand ni de plus parfait (…). Mais quand je vis à l’endroit où l’on enseigne que le fils de Dieu s’est fait homme, je fus surpris que des personnes d’ailleurs si éclairées eussent mêlé à tant de vérités une doctrine qui me paraissait si peu vraisemblable et qui choquait ma raison ”, p. 303. Pour le reste, les chinois sont choqués par “ un Maître du Ciel mort cloué sur un échafaudage en forme de caractère dix ”, p. 304. Que le Christ ait été condamné à mort selon les lois de son pays était pour les chinois un sujet de scandale, et le supplice infamant qu’il avait subi leur semblait incompatible avec la dignité suprême du Maître de l’Univers : p. 306. En revanche, J. Gernet estime que “ c’est à tort que les ennemis des jésuites en Europe les ont accusés de ne pas prêcher le Christ souffrant et de ne prêcher que le Christ glorieux. Les petits ouvrages destinés aux catéchumènes et néophytes ainsi que les images pieuses ne laissent aucun doute à ce sujet. Mais c’était là précisément, pour les lettrés hostiles aux missionnaires, la preuve de leur fausseté et de leur ruse. S’étant procuré des ouvrages réservés à l’édification des chrétiens et des images pieuses, Yang Guangxian accuse les Barbares de duplicité : Ricci s’est bien gardé de dire dans son livre que Jésus avait été mis à mort ignominieusement pour avoir violé les lois de son pays ” : p. 307.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 166 sq. La principale pièce dont Pascal use est un mémoire espagnol présenté au roi Philippe IV par les cordeliers des Philippines, écrit supposé et faussement attribué à des religieux pour lui donner plus d’autorité. Le vrai auteur était un Diego Collado, imposteur et esprit brouillon. Renvoi à l’Histoire de la Chine de Navarrete, dominicain d’abord accusateur violent des jésuites, puis leur ami et leur panégyriste. Sur Navarrete, voir ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 100 sq.

RAPIN René, Mémoires du P. René Rapin, de la Compagnie de Jésus, sur l’Église et la Société, la Cour, la Ville et le Jansénisme, 1644-1669, II, p. 364 sq. Pascal ne peut pas croire sincèrement que les jésuites quittent tout ce qu’ils ont chez eux pour « s’aller immoler au bout du monde, s’exposer à tous les tourments du Japon, où ils ont déjà vu mourir plus de cent martyrs », seulement pour “apprendre l’idolâtrie à ces peuples qui la savent déjà si bien” : p. 365.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres provinciales, II, t. 1, p. 336 sq.

Les Provinciales de Pascal, éd. Havet, 1887, I, p. 104-105. Note sur les rites chinois. Critique de la réponse du P. Daniel.

Rapporté par Thomas Hurtado dans son livre du Martyre de la foi, p. 427… : Thomas Hurtado (1580 ?-1659), clerc régulier mineur, professeur à Salamanque. Au De martyrio per pestem, du jésuite Théophile Raynaud, professeur à Lyon, Hurtado répond par les Resolutiones orthodoxo-morales… de vero… martyrio fidei, Cologne, 1655. Voir IXe Ecrit des curés de Paris, sur les Resolutiones orthodoxo-morales de Hurtado, 1655, ouvrage mentionné dans La théologie morale des jésuites de 1659.

VOLTAIRE, Le siècle de Louis XIV, XXXIX, éd. Pomeau, Pléiade, p. 1101 sq.

V, 11. Par cette subtile invention, de leur faire cacher sous leurs habits une image de JÉSUS-CHRIST

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 224.

V, 11. … à laquelle ils leur enseignent de rapporter mentalement les adorations publiques qu’ils rendent à l’Idole Chacim-choan

MARTINI Martino, Sinicae historiae… decas prima, p. 2. « Quo nomine gubernationem aut imprium significant, urbiumve tutelam ».

V, 11. … et à leur Keum-fucum…

Confucius.

Dictionnaire des philosophes, article Confucius, Encyclopaedia universalis, Paris, Albin Michel, 1998, p. 378 sq.

ARNAULD Antoine, La morale pratique des jésuites, Troisième volume, ch. XI, Œuvres, XXXIII, p. 247 sq. Que les Chinois traitent Confucius comme un dieu, contrairement à ce que soutiennent les jésuites.

V, 11. … comme Gravina Dominicain, le leur reproche

Dominique Gravina, 1573-1643, dominicain.

V, 11. … et comme le témoigne le Mémoire en Espagnol, présenté au roi d’Espagne Philippe IIII, par les Cordeliers des Îles Philippines…

Le Mémoire, en espagnol, présenté au roi d’Espagne Philippe IV, par les Cordeliers des îles Philippines… : voir Provinciales, éd. Cognet, p. 77. Il s’agit du mémoire dressé par le franciscain Antoine de Sainte-Marie en 1639. Pascal ne le connaît que par la citation de Hurtado. Par la suite, Arnauld s’en procura une copie qu’il utilisa dans le t. VI de la Morale pratique, ch. VI.

V, 11. … rapporté par Thomas Hurtado dans son livre du Martyre de la foi, p. 427.

Thomas Hurtado (1580 ?-1659), clerc régulier mineur, professeur à Salamanque. Au De martyrio per pestem, du jésuite Théophile Raynaud, professeur à Lyon, Hurtado répond par les Resolutiones orthodoxo-morales… de vero… martyrio fidei, Cologne, 1655.

Voir IXe Écrit des curés de Paris, in Divers écrits des curés de Paris, 1762, p. 340 sq., sur les Resolutiones orthodoxo-morales de Hurtado, 1655, ouvrage mentionné dans La théologie morale des jésuites de 1659.

V, 11. De telle sorte que la Congrégation des Cardinaux de propaganda fide, fut obligée de défendre particulièrement aux jésuites, sur peine d’excommunication, de permettre des adorations d’Idoles sous aucun prétexte, et de cacher le mystère de la Croix à ceux qu’ils instruisent de la Religion ; leur commandant expressément de n’en recevoir aucun au Baptême qu’après cette connaissance, et d’exposer dans leurs églises l’image du Crucifix, comme il est porté amplement dans le Décret de cette Congrégation, donné le 9 juillet 1646

Texte de 1659 : « et leur ordonnant d’exposer dans leurs églises ».

Sur la congrégation de propaganda fide, voir LEVILLAIN Philippe (dir.), Dictionnaire historique de la papauté, art. Congrégations romaines, p. 462-463. Le dicastère missionnaire de Propaganda Fide est créé par Clément VIII en 1599. Mais c’est Grégoire XV qui, en 1622, jeta les bases de la Congrégation de Propaganda Fide, à laquelle est conféré tout pouvoir pour la prédication de l’Évangile dans les territoires soumis à sa jurisprudence, qui couvrent la quasi totalité de l’Afrique et de l’Asie, l’Océanie et quelques régions de l’Europe sud-orientale et de l’Amérique latine. Cette congrégation porte aujourd’hui le nom de Congrégation pour l’évangélisation des peuples, donné par Paul VI en 1967.

En 1645, le Pape Innocent X donne un Décret qui condamne les honneurs qu’on rend en Chine à Confucius et aux ancêtres : ETIEMBLE, Les jésuites en Chine. La querelle des rites (1552-1773), p. 92.

Le décret est en fait du 12 septembre 1645 et non de 1646 comme le dit Pascal ; il a été obtenu par le dominicain espagnol Jean Moralez. La date que donne Pascal n’est que celle de la transcription notariée du décret. Voir la note de Cognet, p. 78, n. 1. Selon l’éd. Le Guern, I, p. 1170, il est bien signé par le cardinal Luigi Capponi (1583-1659), archevêque de Ravenne.

D’AVRIGNY le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 186. Pascal “ date le Décret du 9 juillet 1646 et il dit qu’il est signé par le Cardinal Caponi ; cependant il fut porté le 12 septembre 1645 et signé par le Cardinal Ginetti ; marque évidente qu’il ne l’avait pas vu, et qu’il ne lisait les pièces que par les yeux de ceux qui le faisaient travailler ”.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 224 sq. Contre l’accusation de suppression du scandale de la croix.

V, 11. … signé par le cardinal Capponi.

Luigi Capponi, 1583-1659, archevêque de Ravenne.

Le décret est du 12 septembre 1645 et non de 1646 comme le dit Pascal ; il a été obtenu par le dominicain espagnol Jean Moralez. La date que donne Pascal n’est que celle de la transcription notariée du décret. Voir la note de Cognet, p. 78, n. 1. Selon l’éd. Le Guern, I, p ; 1170, il est bien signé par le cardinal Luigi Capponi (1583-1659), archevêque de Ravenne.

D’AVRIGNY le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 186. Pascal “ date le Décret du 9 juillet 1646 et il dit qu’il est signé par le Cardinal Caponi ; cependant il fut porté le 12 septembre 1645 et signé par le Cardinal Ginetti ; marque évidente qu’il ne l’avait pas vu, et qu’il ne lisait les pièces que par les yeux de ceux qui le faisaient travailler ”.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 222 sq., prétend que le cardinal Caponi na jamais existé, et qu’il faut plutôt penser au cardinal Ginetti.

V, 12. Voilà de quelle sorte ils se sont répandus par toute la terre à la faveur de la doctrine des opinions probables, qui est la source et la base de tout ce dérèglement. C’est ce qu’il faut que vous appreniez d’eux-mêmes. Car ils ne le cachent à personne, non plus que tout ce que vous venez d’entendre, avec cette seule différence qu’ils couvrent leur prudence humaine et politique du prétexte d’une prudence divine et Chrétienne, comme si la foi et la Tradition qui la maintient, n’était pas toujours une et invariable dans tous les temps et dans tous les lieux ; comme si c’était à la règle à se fléchir pour convenir au sujet qui doit lui être conforme, et comme si les âmes n’avaient pour se purifier de leurs taches, qu’à corrompre la loi du Seigneur ; au lieu que la loi du Seigneur qui est sans tache et toute sainte, est celle qui doit convertir les âmes, et les conformer à ses salutaires instructions.

Psaumes, XVIII, 8 : « La loi du Seigneur qui est sans tache convertit les âmes ; le témoignage du Seigneur est fidèle, et il donne la sagesse aux petits ». Voir SELLIER Philippe, Pascal et saint Augustin, p. 475. Voir Factum pour les curés de Paris, éd. Cognet, p. 416, le Psaume 118.

Sujet : la personne sujette à la règle.

V, 13. Allez donc, je vous prie, voir ces bons Pères, et je m’assure que vous remarquerez aisément dans le relâchement de leur Morale la cause de leur doctrine touchant la grâce. Vous y verrez les vertus Chrétiennes si inconnues, et si dépourvues de la charité qui en est l’âme et la vie, vous y verrez tant de crimes palliés, et tant de désordres soufferts, que vous ne trouverez plus étrange qu’ils soutiennent que tous les hommes ont toujours assez de grâce pour vivre dans la piété de la manière qu’ils l’entendent. Comme leur morale est toute païenne, la nature suffit pour l’observer. Quand nous soutenons la nécessité de la grâce efficace nous lui donnons d’autres vertus pour objet. Ce n’est pas simplement pour guérir les vices par d’autres vices ; ce n’est pas seulement pour faire pratiquer aux hommes les devoirs extérieurs de la Religion, c’est pour une vertu plus haute que celle des Pharisiens et des plus sages du Paganisme. La loi et la raison sont des grâces suffisantes pour ces effets. Mais, pour dégager l’âme de l’amour du monde, pour la retirer de ce qu’elle a de plus cher, pour la faire mourir à soi-même, pour la porter et l’attacher uniquement et invariablement à Dieu, ce n’est l’ouvrage que d’une main toute-puissante. Et il est aussi peu raisonnable de prétendre que l’on en a toujours un plein pouvoir, qu’il le serait de nier que ces vertus destituées d’amour de Dieu, lesquelles ces bons Pères confondent avec les vertus Chrétiennes, ne sont pas en notre puissance.

PIROT Georges, Apologie pour les casuistes, 1657, p. 2. Sur l’idée que la morale des jésuites est toute païenne. Réponse : les cas de conscience sont tirés de saint Thomas, qui a emprunté sa morale d’Aristote. Les jansénistes ont tort de mépriser la scolastique, pour ne s’attacher qu’à saint Augustin : p. 2. Ils méprisent tous les théologiens de l’Église. C’est la morale des jansénistes qui est une morale païenne, de Trucs : p. 4. Pire que la religion de Mahomet : p. 5. Pirot associe cela à la défense des cinq propositions par les jansénistes : p. 5.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 136-137. Hermant note le lien entre la théologie morale des jésuites et leur théologie de la grâce. Voir ses Vérités académiques, p. 115-116. Le principe qu’il faut sauver tout le monde a pour suite qu’il éteint l’amour de Dieu, d’effacer sa crainte, d’inspirer le mépris de ses jugements. Pascal procède à un approfondissement théologique du thème du probabilisme, associé au laxisme : p. 180.

Leur morale est toute païenne, la nature suffit pour l’observer : MIEL Jan, Pascal and theology, p. 125. Pascal became interested in the casuistry and moral laxity of the jesuits only when he saw them as moral heresies emanating from false theological doctrine. Caractéristique de cette morale toute païenne : p. 131 sq. Elle permet divers péchés, usure, simonie, vol, adultère, etc. Justification de la gloutonnerie par le fait que l’on peut suivre l’appétit naturel : p. 132. Justification par la haine ou le désir de blasphème : p. 132. Rapport de cette morale avec la conception augustinienne de la nature humaine et des deux états de l’homme : p. 133 sq.

Vous remarquerez aisément, dans le relâchement de leur morale, la cause de leur doctrine touchant la grâce : c’est un des passages qui indiquent l’unité profonde des Provinciales, alors qu’on distingue parfois un peu vite les Provinciales théologiques et les Provinciales morales. Pour Pascal, la racine de la théologie des jésuites est la même que celle de leur morale.

WANEGFFELEN Thierry, Une difficile fidélité. Catholiques malgré le concile, XVIe-XVIIe siècles, p. 201 sq. Liaison entre les deux fronts sur lesquels lutte Pascal, entre lesquels la Ve Provinciale fait la transition. Pour Pascal, l’essentiel est le premier front. Même dans les Provinciales morales, il rappelle toujours par des incises que c’est de la grâce qu’il s’agit. Comment cette stratégie a eu pour effet à terme de créer un lien indissoluble entre augustinisme et rigorisme : p. 202.

KOLAKOWSKI Leszek, Dieu ne nous doit rien, Brève remarque sur la religion de Pascal et l’esprit du jansénisme, Paris, Albin Michel, 1997, p. 91. Discussion du fait qu’il y a une connexion logique entre la doctrine de la grâce et la casuistique des jésuites. « Il n’est pas nécessaire de rechercher une harmonie préétablie non plus qu’une connexion logique contraignante entre cette doctrine de la grâce et la casuistique jésuite ». Kolakowski reprend, peut-être sans le savoir, les raisonnements du P. Pirot.

C’est l’intérêt principal de l’Apologie pour les casuistes, que le P. Pirot y dérive directement les excès de la casuistique probabiliste de la doctrine de la grâce et du péché. Ce que Pascal ne justifie pas ici, parce que le jésuite n’a pas encore publié son livre, est fondé par ce livre même.

Ces vertus, destituées d’amour de Dieu, lesquelles ces bons Pères confondent avec les vertus chrétiennes, ne sont pas en notre puissance : allusion au problème des relations entre vertus naturelles et vertus chrétiennes. Voir COGNET Louis, « Le problème des vertus chrétiennes dans la spiritualité française au XVIIe siècle », in Les vertus chrétiennes selon saint Jean Eudes, Paris, 1960.

Le problème de la vertu des païens a suscité de nombreuses discussions au XVIIe siècle. Il en a été question dans la IVe Provinciale, IV, 15, où Pascal défend une position nettement augustinienne.

V, 14. Voilà comment il me parla, et avec beaucoup de douleur ; car il s’afflige sérieusement de tous ces désordres.

V, 14. Pour moi, j’estimai ces bons Pères de l’excellence de leur politique ; et je fus, selon son conseil, trouver un bon Casuiste de la Société : C’est une de mes anciennes connaissances, que je voulus renouveler exprès.

Les Provinciales, éd. Cognet, p. 79. Ce n’est pas le même jésuite que dans la lettre précédente.

SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, éd. Leroy, Pléiade, p. 124 sq. Sainte-Beuve juge inutile la distinction de ce jésuite et du précédent.

MESNARD Jean, Pascal, p. 86 sq. Caractère du jésuite : homme simple et de bonne foi, doux et serviable, toujours prêt à satisfaire la curiosité de son visiteur, calme sous les objections ; naïf et en admiration aveugle devant les casuistes. Personnage de comédie.

PASQUIER Étienne, Le catéchisme des jésuites, p. 318. Le chapitre XIX, p. 311 sq., est tout entier fondé sur l’idée d’une confession sincère d’un jésuite qui révèle les secrets de la Compagnie.

RAPIN René, Mémoires du P.René Rapin, de la Compagnie de Jésus, sur l’Église et la Société, la Cour, la Ville et le Jansénisme, 1644-1669, II, p.362. Rapin présente ainsi le jésuite de la IVe Provinciale, qu’il ne distingue guère de celui des suivantes : “ce qui est admirable, c’est qu’en voulant donner une haute idée de la finesse et de la politique des jésuites il en produit un qu’il fait parler d’un air le plus grossier et le plus simple qu’on puisse imaginer ; c’est un modèle d’une stupidité et d’une bêtise achevées. Le bon homme qu’il introduit dans son dialogue n’est entêté que de tout ce qu’il y a de moins solide dans la doctrine de sa compagnie, à quoi il ne trouve rien de comparable, tant il en est ridiculement épris ; il n’admire que la société, et il donne sottement dans tous les pièges que lui tend le janséniste qu’on lui oppose. Enfin il est si simple qu’il ne cherche à soutenir des sentiments de sa compagnie que ceux qui sont les plus insoutenables, et qui ne sont que de quelques particuliers ou écartés dans leurs opinions ou peu autorisés (...). C’est sur cette belle fiction d’un jésuite benêt, qui n’admire que son ordre, que roule toute la plaisanterie de cette lettre et des suivantes, sans aucune variété. Et c’est ainsi que cet auteur peint les jésuites, pour en décrier tout l’ordre sur un modèle qui n’a jamais eu d’original et qui ne ressemble à rien.” Voir p. 376, ce que Rapin dit du jésuite de la VIIe Provinciale : non seulement il est sot, mais c’est “une espèce de scélérat dont on ne voit pas d’exemple, c’est-à-dire un homme disposé de son chef à violer tout ce qu’il y a de plus saint dans la religion pour l’intérêt de sa compagnie...” “La stupidité de cet idiot qui fait trophée de sa méchanceté” : p. 376.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 221. Sur le personnage du jésuite, qui devient sot au dernier degré ; on le raille ouvertement sans qu’il s’en aperçoive ; on prend droit de lui faire représenter toute la Société : p. 221. Comparer ce commentaire avec celui de Rapin sur la IVe Provinciale. Daniel note que ce jésuite est fait sur le même modèle que le dominicain de la deuxième Provinciale : p. 223.

DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal, p.122 sq. Sur le caractère provincial du jésuite : p. 124. Voir l’éd. Cognet, p. 111, où il est dit qu’en 1624, lors de l’affaire Jean d’Alba, il enseignait la casuistique dans un collège éloigné de Paris. Protestations des jésuites contre ce portrait : p. 124. Un personnage fonctionnel, chargé en apparence de présenter une doctrine, et en réalité destiné à la disqualifier : p. 125.

ZUBER Roger, “Prélude aux Provinciales : le procédé du jésuite de comédie dans Le Catéchisme des jésuites”, Traditions polémiques, Cahiers V.-L. Saulnier, 2, ENS de Jeunes Filles, 1985, p. 95-109.

Parodie

QUINTILIEN, Institution oratoire, V, 13, t. 3, p. 190 sq. Parodie du discours de l’adversaire dans l’accusation.

KUENTZ Pierre, “Un discours nommé Montalte”, Revue d’Histoire Littéraire de la France, 1971, n°2, p. 195-206. Article très suggestif, quoique, avec le recul, on soit contraint de noter qu’il n’en est jamais rien sorti.

BEUGNOT Bernard, « L’invention parodique », in La mémoire du texte. Essais de poétique classique », Paris, Champion, 1994, p. 333-347.

V, 14. Et comme j’étais instruit de la manière dont il les faut traiter, je n’eus pas de peine à le mettre en train. Il me fit d’abord mille caresses, car il m’aime toujours : et après quelques discours indifférents, je pris occasion du temps où nous sommes, pour apprendre de lui quelque chose sur le jeûne, afin d’entrer insensiblement en matière. Je lui témoignai donc que j’avais de la peine à le supporter, il m’exhorta à me faire violence : mais comme je continuai à me plaindre, il en fut touché, et se mit à chercher quelque cause de dispense. Il m’en offrit en effet plusieurs qui ne me convenaient point ; lorsqu’il s’avisa enfin de me demander si je n’avais pas de peine à dormir sans souper. Oui lui dis-je, mon Père, et cela m’oblige souvent à faire collation à midi, et à souper le soir. Je suis bien aise, me répliqua-t-il, d’avoir trouvé ce moyen de vous soulager sans péché : Allez vous n’êtes point obligé à jeûner. Je ne veux pas que vous m’en croyiez ; venez à la Bibliothèque.

Texte de 1659 : « Et comme j’étais instruit de la manière dont il les fallait traiter ».

Caresse : témoignage d’affection que l’on marque à quelqu’un par ses actions ou par ses paroles (Dictionnaire de l’académie).

Je pris occasion du temps où nous sommes : en 1656, Pâques tombe le 16 avril ; le 20 mars est donc en plein carême.

PONTAS, Dictionnaire des cas de conscience ou décisions, par ordre alphabétique, des plus considérables difficultés touchant la morale et la discipline ecclésiastique, publié par l’abbé Migne, 1847, t. 1, p. 273-274. Carême.

Jeûne

Jeûne : voir BLUCHE, Dictionnaire du grand siècle, p. 793, article Jeûne et abstinence. Le jeûne consiste à ne manger qu’une fois par jour pendant une période donnée. L’abstinence consiste à s’abstenir de certains mets plus savoureux ou plus recherchés, notamment de viande. Au XVIIe siècle, les jours de jeûne sont nombreux : le carême, l’avent, les quatre-temps, le mercredi et le vendredi et en principe toutes les veilles de fêtes (compte tenu du grand nombre de fêtes, cela faisait beaucoup). La fin en est essentiellement spirituelle, comme participation à la croix du Christ et à ses souffrances.

Encyclopédie saint Augustin, Paris, Cerf, 2005, p. 819 sq.

PONTAS, Dictionnaire des cas de conscience ou décisions, par ordre alphabétique, des plus considérables difficultés touchant la morale et la discipline ecclésiastique, publié par l’abbé Migne, 1847, t. 1, p. 1221 sq. Jeûne.

PONTAS, Dictionnaire des cas de conscience ou décisions, par ordre alphabétique, des plus considérables difficultés touchant la morale et la discipline ecclésiastique, publié par l’abbé Migne, 1847, t. 1, p. 57-58. Abstinence. La loi d’abstinence oblige sous peine de péché mortel tous ceux qui ont atteint l’âge de discrétion, à moins que des raisons légitimes ou la dispense de leurs supérieurs ne les exemptent de s’abstenir d’aliments gras les vendredis, samedis et à certains jours du Carême et de l’année.

Qui ne me convenaient point : qui ne s’appliquaient pas à moi.

V, 14. J’y fus, et là en prenant un livre. En voici la preuve, me dit-il, et Dieu sait quelle ; C’est Escobar. Qui est Escobar, lui dis-je, mon Père ? Quoi vous ne savez pas qui est Escobar de notre Société, qui a compilé cette Théologie morale de 24 de nos Pères ;

Antoine Escobar y Mendoza, 1589-1669, est un jésuite espagnol, théologien, exégète et prédicateur.

Sur son œuvre, on peut recourir à

DE BACKER Augustin et Alois, Bibliothèque des écrivains de la Compagnie de Jésus, Deuxième série, Liège, 1884, p. 173-176.

Son Liber theologiae moralis viginti quatuor Societatis Jesu doctoribus reseratus, Lyon, 1644, est une refonte d’un ouvrage rédigé en espagnol en 1630. C’est un petit manuel qui eut gros succès : une édition de Bruxelles, 1615, précise qu’à cette date il en existe plus de quarante éditions.

ESCOBAR Y MENDOZA Antonio, Liber Theologiae moralis viginti et quatuor Societatis Jesu doctoribus reseratus. Lyon, 1644, 898 p. in-8°.

ESCOBAR Y MENDOZA Antonio, Liber Theologiae moralis viginti et quatuor Societatis Jesu doctoribus reseratus. Ed. novissima, J. Gautherin, Lyon, 1646, 854 p.

On peut consulter Escobar – c’est même vivement recommandé pour se faire une idée de la réalité des choses – à la BCIU, dans l’édition de Lyon, où la Théologie morale figure sous les références suivantes : Escobar y Mendoza Antonio, Liber Theologiae moralis, authore Antonio de Escobar, Lyon, Herc. Petri Prost, sd. BCIU : 41354. Cela permet de couper court une fois pour toutes, par une vérification directe, aux objections d’autorité selon lesquelles Pascal le cite inexactement.

ARNAULD Antoine, Remontrance aux pères jésuites touchant un libelle qu’ils ont fait courir dans Paris, sous ce faux titre : La manifeste de la véritable doctrine des jansénistes, telle qu’on la doit exposer au peuple, composé par l’assemblée du Port-Royal, Œuvres, XXIX, p. 514, présente Escobar dans des termes qui annoncent ceux de Pascal. « N’est-ce point encore favoriser le vice et la prostitution que d’enseigner, comme vous faites dans le livre mystérieux de votre théologie morale, recueillie par un jésuite espagnol des vingt-quatre plus habiles d’entre vos docteurs, qu’il ne craint pas d’appeler par l’esprit d’humilité qui anime votre compagnie, les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse, auxquels l’Agneau a découvert les secrets et les mystères de son livre… »

DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal, p. 131 sq. Le livre d’Escobar, construit selon un ordre scolastique plutôt que systématique ; sans idée synthétique : c’est une suite de cas particuliers résolus : p. 132.

GAZIER Augustin, Blaise Pascal et Antoine Escobar. Étude historique et critique avec trois similigravures, H. et E. Champion, Paris, 1912.

LANSON Gustave, “Les Provinciales et le livre de La Théologie Morale des jésuites”, Revue d’Histoire Littéraire de la France, 1900, p.169-195.

PASCAL, Les Provinciales, éd. Cognet, p. XXXIX.

Les Provinciales de Pascal, éd. Havet, 1887, I, p. 106-107.

MAYNARD, Les Provinciales et leur réfutation, t. 1, Paris, Didot, 1851, p. 207. Portrait d’Escobar comme un « humble religieux », à « l’âme et aux intentions si pures » qu’il ne comprenait pas pourquoi son nom était « passé à l’état de nom commun » pour « personnifier le mauvais casuisme ».

V, 14. Sur quoi il fait dans la préface une Allégorie de ce livre à celui de l'Apocalypse qui était scellé de sept sceaux. Et il dit que JÉSUS l'offre ainsi scellé aux quatre animaux Suarez, Vasquez, Molina, Valentia, en présence de 24 jésuites qui représentent les vingt-quatre vieillards. Il lut toute cette allégorie qu'il trouvait bien juste, et par où il me donnait une grande idée de l'excellence de cet ouvrage.

Vingt-quatre vieillards

Voir Apocalypse de saint Jean, IV, 4 : « Autour de ce même trône, il y en avait vingt-quatre autres, sur lesquels étaient assis vingt-quatre vieillards vêtus de robes blanches, avec des couronnes d’or sur leurs têtes » ; et 10 ; « Les vingt-quatre vieillards se prosternaient devant celui qui est assis sur le trône, et ils adoraient celui qui vit dans les siècles des siècles, et ils jetaient leurs couronnes devant le trône, en disant : 11. Vous êtes digne, ô Seigneur notre Dieu, de recevoir gloire, bonheur et puissance, parce que vous avez créé toutes choses, et que c’est par votre volonté qu’elles subsistent et qu’elles ont été créées ». Commentaire de Port-Royal : « Ce nombre qui est composé de deux fois douze, signifie tous les saints de l’ancien et du nouveau Testaments, représentés par les douze patriarches et les douze apôtres ». Le commentaire renvoie au chapitre XXI, v. 12-14, sur le nombre 12, mais non sur les vieillards en question.

Selon le commentaire de la Bible de Port-Royal sur l’Apocalypse, « toute l’Église triomphante » est « représentée par les vingt-quatre vieillards », les « quatre animaux mystiques, pour louer Dieu par des cantiques d’actions de grâces ». Commentaire de la Bible de Port-Royal : « Autour de ce trône il en vit vingt-quatre autres sur lesquels étaient assis vingt-quatre autres sur lesquels étaient assis vingt-quatre vieillards, ce nombre qui est composé de deux fois douze, signifie tous les saints de l’Ancien et du Nouveau Testament, représentés par les douze patriarches et les douze apôtres. Cette même universalité des saints est encore représentée par ce même nombre de douze, ch. 21, v. 12, 14, mais ce sénat vénérable, ces saints semblent assemblés pour juger comme assesseurs de Dieu même, marque principalement les pasteurs et les conducteurs des fidèles, dont la maturité et la gravité a paru dans l’Église ; les robes blanches dont ils étaient vêtus signifient leur intégrité et leur innocence, et les couronnes d’or qu’ils avaient sur leurs têtes, la gloire dont ils jouissent après avoir remporté des victoires signalées contre les ennemis de l’Église. »

Un peu plus bas, le commentaire ajoute une précision : « Saint Jean voyait dans le ciel qui est le temple de Dieu, toutes choses comme si elles étaient dans le temple que Salomon lui avait consacré » ; dans cette perspective, les vingt-quatre vieillards sont les vingt-quatre chefs des familles sacerdotales qui servaient dans le temple ».

Arnauld, dans ses Remontrance aux pères jésuites touchant un libelle qu’ils ont fait courir dans Paris, sous ce faux titre : La manifeste de la véritable doctrine des jansénistes, telle qu’on la doit exposer au peuple, composé par l’assemblée du Port-Royal, Œuvres, XXIX, p. 514, s'était déjà scandalisé de cet emploi publicitaire de l'Apocalypse, en quoi il dénonçait ironiquement l'esprit "d'humilité" qui animait la Compagnie. Il présente Escobar dans des termes qui annoncent ceux de Pascal. « N’est-ce point encore favoriser le vice et la prostitution que d’enseigner, comme vous faites dans le livre mystérieux de votre théologie morale, recueillie par un jésuite espagnol des vingt-quatre plus habiles d’entre vos docteurs, qu’il ne craint pas d’appeler par l’esprit d’humilité qui anime votre compagnie, les vingt-quatre vieillards de l’Apocalypse, auxquels l’Agneau a découvert les secrets et les mystères de son livre… »

On comprend que Port-Royal trouve de mauvais goût que les jésuites prétendent se substituer à ces symboles mystiques de l’Église.

Les quatre animaux

Apocalypse, IV, 6-10. « Au bas du trône [...] et à l’entour, il y avait quatre animaux pleins d’yeux devant et derrière. 7. Le premier animal était semblable à un lion, le second était semblable à un veau, le troisième avait le visage comme celui d’un homme et le quatrième était semblable à un aigne noir qui vole. 8. Ces quatre animaux avaient chacun six ailes : ils étaiet pleins d’yeux à l’entour et au-dedans, et ils ne cessaient jour et nuit de dire : Saint, saint, saint est le Seigneur Dieu tout-puissant, qui était, et qui est, et qui doit venir. 9. Et lorsque ces animaux rendaiennt gloire, honneur et actions de grâces à celui qui est assis dans le rtrône, qui vit dans les siècles des siècles, 10. Les vingt-quatre vieillards se prosternaient devant celui qyui vit dans les siècles des siècles [...]. » Commentaire de Port-Royal : « Le sentiment le plus commun et le plus autorisé, c’est que ces quatre animaux mystérieux marquent les quatre évangélistes ». Ce commentaire rappelle d’abord que le prophète Ézéchiel, X, 20, avait, avant saint Jean, décrit quatre animaux différents de ceux de l’Apocalypse, qu’il appelait des chérubins. Sur les quatre animaux de l’Apocalypse, le commentaire est le suivant : « Si nous voulons maintenant examiner ce que signifient ces quatre animaux, il faut remarquer que saint Jean les place dans le ciel, et qu’il en fait des natures intelligentes, favorisées de la connaissance des secrets de Dieu, et continuellement occupés à le louer, ce qui ne peut convenir qu’à des anges ou des âmes bienheureuses : ce qui exclut la plupart des interprétations qu’on en donne, et qui sont en grand nombre. Mais le sentiment le plus commun et le plus autorisé, c’est que ces quatre animaux mystérieux marquent les quatre évangélistes, dans lesquels comme dans les principaux écrivains du Nouveau Testament, sont compris tous les apôtres, et tous les saints docteurs qui ont éclairé l’Église par leurs écrits. Les Pères ont cru que le commencement de chaque Évangile était marqué par chaque animal, quoiqu’ils ne conviennent pas tous dans l’application qu’ils en font ; car bien que la plupart donnent la figure de l’homme à saint Matthieu, celle du lion à saint Marc, celle du veau à saint Luc, celle de l’aigle à saint Jean, néanmoins saint Augustin croit que l’Évangile de saint Matthieu est marqué par la ressemblance du lion, et celui de saint Marc par celle de l’homme ; sans parler des applications différentes que saint Irénée [Iren. l. 3. c. 11] et d’autres en ont faites. Ce sentiment qui applique aux quatre évangélistes la signification des quatre animaux de l’Apocalypse, n’est pas sans quelque difficulté ; car quoiqu’il se puisse soutenir dans la vision d’Ézéchiel, ce qui suffit pour maintenir l’autorité qu’il a dans la tradition, il paraît néanmoins insoutenable dans la révélation faite à saint Jean. En effet si l’on suppose que ces animaux mystérieux étaient dans le ciel occupés à louer Dieu, saint Jean qui est lui-même évangéliste, et qui était alors sur la terre ne pouvait être de ce nombre ; outre qu’il dit que ces quatre animaux lui ont parlé séparément [c. 6. v. 1. 3. 5. 7] : or comment se peut-il faire que le quatrième évangéliste qui est saint Jean lui-même, parlât à saint Jean et lui enseignât des mystères qu’il ignorait ? Pouvait-il être en même temps sur la terre et dans le ciel, s’enseigner lui-même et apprendre de lui-même ? C’est ce qui porte à croire plutôt que ce sont quatre esprits célestes représentés par les quatre chérubins du temple, qui sont les quatre anges principaux dont Dieu se sert pour exécuter les ordres dans le gouvernement du monde et sur toute l’Église : ce sont des lions par leur puissance, des bœufs par leur soumission et leur attachement au service de Dieu, des hommes par leur prudence et leur sagesse et par leur affection pour les hommes, des aigles par leur vitesse et leur promptitude à exécuter ce que Dieu leur commande. On peut voir néanmoins ce qui a été dit sur ce sujet dans l’explication du premier et dixième chapitre d’Ézéchiel. »

Jésus l'offre ainsi scellé aux quatre animaux, Suarez, Vasquez, Molina, Valentia Pascal ne cite pas l'amusante comparaison que fait Escobar avec les quatre animaux de l'Apocalypse. Il sera souvent question des quatre théologiens François Suarez, Gabriel Vasquez, Louis Molina et Grégoire de Valentia, dans la suite des Provinciales.

Allégorie

Allégorie : voir FONTANIER Pierre, Les figures du discours, Paris, Flammarion, 1968, p. 114 : « proposition à double sens, à sens littéral et à sens spirituel tout ensemble, par laquelle on présente une pensée sous l’image d’une autre pensée, propre à la rendre plus sensible et plus frappante que si elle était présentée directement et sans aucune espèce de voile ». Fontanier la distingue de l’allégorisme, « métaphore prolongée et continue, qui, lors même qu’elle s’étend à toute la proposition, ne donne lieu qu’à un seul et unique sens, comme n’y ayant qu’un seul et unique objet d’offert à l’esprit » : p. 115-118. Fontanier fournit plusieurs exemples pour éclaircir ces définitions.>

BEUGNOT Bernard, « Pour une poétique de l’allégorie classique », in Critique et création littéraires en France au XVIIe siècle, Paris, CNRS, 1977, p. 409-432.

BEUGNOT Bernard, « Pour une poétique de l’allégorie », in La mémoire du texte. Essais de poétique classique », Paris, Champion, 1994, p. 171-186.

Sept sceaux

Apocalypse, V, 1. « Et vidi quod aperuisset agnus unum de septem sigillis, et audivi unum de quatuor animalibus dicens, tanquam vocem tonitrui : Veni, et vide » ; « Après cela, je vis que l’agneau avait ouvert l’un des sept sceaux, et j’entendis l’un des quatre animaux qui dit avec une voix comme de tonnerre : Venez, et voyez » (tr. de la Bible de Port-Royal). Selon le commentaire de la Bible de Port-Royal, l’Apocalypse décrit le triomphe du Christ sur la Synagogue et l’idolâtrie ; le Christ apparaît « comme un général suivi de ses forces », « c’est pour marquer sa force que le premier des quatre animaux qui est le lion, fait retentir une voix de tonnerre pour le faire considérer victorieux de ses ennemis ».

V, 14. Ayant ensuite cherché son passage du jeûne ; Le voici, me dit-il, au Tr. I, ex. 13, n. 67. Celui qui ne peut dormir s’il n’a soupé, est il obligé de jeûner ? Nullement. N’êtes-vous pas content ? Non pas tout à fait, lui dis-je, car je puis bien supporter le jeûne en faisant collation le matin et soupant le soir. Voyez donc la suite, me dit-il, ils ont pensé à tout. Et que dira-t-on, si on peut bien se passer d’une collation le matin en soupant le soir ? Me voilà. On n’est point encore obligé à jeûner. Car personne n’est obligé à changer l’ordre de ses repas.

ESCOBAR, Theologia moralis, Tr. I, Ex. 13, cap. III, n. 67, p. 205.”Dormire quis nequit nisi sumpta vesperi caena : tenetur ne jejunare ? Minime. Si sufficit manè collatiunculum sumere, et vesperi caenare : tenetur an id ? Non tenetur ; quia nemo tenetur pervertere ordinem refectionum. Ita Filliucius.”

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 279 sq. Note III. De la doctrine de Filiuitius qui dispense du jeûne ceux qui se sont fatigués à quelque action illicite.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 181 sq. Commentaire de ce passage : le P. Daniel avoue que le texte d’Escobar donne bien cette réponse ridicule, mais ajoute qu’il ne l’a pas appris des 24 vieillards : Escobar se serait mépris en recopiant Filliutius : p. 182.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, III, t. 2, p. 5 sq.

V, 13. O la bonne raison, lui dis-je ! Mais, dites-moi, continua-t-il, usez-vous de beaucoup de vin ? Non, mon Père, lui dis-je, je ne le puis souffrir. Je vous disais cela, me répondit-il, pour vous avertir que vous en pourriez boire le matin, et quand il vous plairait sans rompre le jeûne ; et cela soutient toujours. En voici la décision au même lieu, n. 75. Peut-on sans rompre le jeûne, boire du vin à telles heures qu’on voudra, et même en grande quantité ? On le peut, et même de l’hypocras. Je ne me souvenais pas de cet hypocras, dit-il ; Il faut que je le mette sur mon Recueil.

Texte de 1659 : « à telle heure ».

Sur le vin, voir l’article Vigne et vin de BLUCHE François (dir.), Dictionnaire du grand siècle, p ; 1594 sq.

Hypocras : vin sucré où l’on a fait infuser de la cannelle, du girofle. Le mot n’est pas dans le Dictionnaire de l’Académie, mais il se trouve dans Richelet. D’après Littré, le nom viendrait par altération du nom d’Hippocrate, qui en faisait un usage médical. Voir Les Provinciales de Pascal, éd. Havet, 1887, I, p. 107.

Voir le texte d’Escobar in ESCOBAR, Theologia moralis, Tr. I, Ex. 13, cap. III, n.75, p. 206, et GEF IV, p. 289.

Sur l’ostentation du jamais vu chez les casuistes, voir DUCHÊNE, L’imposture littéraire..., 2e éd. , p. 140.

Mon recueil : les théologiens avaient l’habitude de se constituer des recueils de citations pour les besoins de leur office.

V, 13. Voilà un honnête homme, lui dis-je, qu’Escobar. Tout le monde l’aime, répondit le Père. Il fait de si jolies questions !

Pascal ne parle pas autrement du P. Mersenne ; mais le minime se borne à faire des questions dans les sciences, et il ne pousse pas à la boisson...

MESNARD Jean, « Baroque, science et religion chez Pascal », in La culture du XVIIe siècle, p. 327-345. Voir p. 342 sur ce passage. Goût u paradoxe chez les jésuites et les casuistes.

V, 14. Voyez celle-ci qui est au même endroit, num 38 Si un homme doute qu’il ait vingt-un ans, est-il obligé de jeûner ? Non. Mais si j’ai vingt-un ans cette nuit à une heure après minuit ; et qu’il soit demain jeûne, serai-je obligé de jeûner demain ? Non. Car vous pourriez manger autant qu’il vous plairait depuis minuit jusqu’à une heure, puisque vous n’auriez pas encore vingt-un ans : Et ainsi ayant droit de rompre le jeûne, vous n’y êtes point obligé.

ESCOBAR, Theologia moralis, Tr. I, Ex. 13, cap. III, n. 38, p. 201. Citation partielle dans GEF IV, p. 289. Voir Les Provinciales, éd. Cognet, p.82, n. 4. “Excusari dixisti omnes ante vigesimum primum annum : rogo an senes sexagenarii alias robusti jejunare teneantur ? Negat Granado 1. 2. contr. 7 tract. 3. part. d. 6. sect. 5. num. 39. quia robur senum solet illudere, et iterato indiget alimento. Quid si vovisset perpetuo jejunare ? Adhuc excusat sensem sexagenarium Sanchez de Matrim. tom. 2. lib. 7. d. 32. num. 17. At Layman. lib. 4. tract. 8. cap. 3. num. 2. non approbat. Rogo, an sufficiat inceptum esse annum sexagesimum ? sufficit, quia in favorabilibus annus inceptus pro completo reputatur. Secus in odiosis, ideo non obligat jejunium usque ad annum vigesimum primum completum. Teneturne jejunare die ipsa, qua complet aetatem ? Licet hora prima post mediam noctem compleverit, non tentur tota die jejunare ; quia praeceptum totum diem respicit. Dubito an compleverim aetatem. Non teneris, pro te stante possessione.” A partir de “Non, car vous pourriez...”, le texte de Pascal est donc un commentaire, et non plus une citation.

Dans quelles circonstances peut-on arriver à douter de son âge ?

V, 13. O que cela est divertissant, lui dis-je ! On ne s’en peut tirer, me répondit-il ; je passe les jours et les nuits à le lire ; je ne fais autre chose.

Deux critiques en quelques lignes. Divertissant : la théologie morale ne devrait pas être affaire de divertissemernt. Je passe les jours et les nuits à le lire : c’est une monomanie chez le jésuite, qui est contraire à l’honnêteté, mais aussi à son état ; il ferait mieux de lire l’Écriture ou saint Augustin, ou tout simplement de prier.

V, 14. Le bon Père, voyant que j’y prenais plaisir, en fut ravi, et continuant : Voyez, dit-il, encore ce trait de Filiutius, qui est un de ces vingt-quatre jésuites, To. 2, tr. 27. Part. 2. c. 6. n. 123. Celui qui est fatigué à quelque chose, comme à poursuivre une fille, ad persequendam amicam, est-il obligé de jeûner ? Nullement. Mais s’il s’est fatigué exprès pour être par là dispensé du jeune, y sera-t-il tenu ? Encore qu’il ait eu ce dessein formé, il n’y sera point obligé. Eh bien ! l’eussiez-vous cru ? me dit-il ; En vérité, mon Père, lui dis-je, je ne le crois pas bien encore.

La référence To. 2, tr. 27. Part. 2. c. 6. n. 123 n’est pas dans la première impression. Elle a été ajoutée lors de la réimpression.

L’exemplaire de la BNF utilisé ici n’est donc pas de la première impression, puisqu’il contient la référence entière.

 

Le R 1035 est d’une autre impression, mais qui n’est pas non plus la première.

La référence rend très facile la vérification : on arrive directement au passage considéré dans l’original.

En revanche, où est la clause Mais s’il s’est fatigué exprès pour être par là dispensé du jeune, y sera-t-il tenu ? Encore qu’il ait eu ce dessein formé, il n’y sera point obligé ? Elle ne se trouve pas dans le texte de Filliucci ; on peut tout au plus la déduire de l’explication qui justifie cette décision : « culpam quidem esse in apponenda causa fractionis jejunii, at ea posita, excusari a jejunio ». Cela implique en effet que quelle que soit la cause, y compris l’intention de se fatiguer exprès pour éviter le jeûne, une fois posée, on est excusé du jeûne. Mais on ne peut pas dire qu’elle y soit explicitement. Il est vraisemblable que c’est une erreur de composition. On trouve des exemples analogues dans d’autres ouvrages (voir dans la Logique de Port-Royal une fausse citation attribuée à saint Augustin pour une raison d’erreur d’italique). Voir du reste la précédente citation, où de l’italique subsiste sur la deuxième phrase, dont la traduction de Nicole montre qu’elle ne doit pas être imputée à Escobar.

Texte de 1659 : « Celui qui est fatigué à quelque chose, comme à poursuivre une fille, est-il obligé de jeûner ? Nullement. »

Voir dans GEF IV, p. 291. C’est un cas où Pascal atténue le caractère immoral de la décision, car le texte original de Filiutius est le suivant, in Tract. 27, 2e part. De personis obligatis ad jejunium, et de causis excusantibus ab illo, n. 123. Etiam ad malum finem laborans, excusari potesta jejunio : “Dices secundo, an qui malo fine laboraret, ut ad aliquem occidendum, vel ad insequendam amicam, vel quid simile, teneretur ad jejunium ? Respondeo talem peccaturum quidem ex malo fine : at sequuta defatigatione excusaretur a jejunio Medin… Nisi fieret in fraudem, secundum aliquos, sed melius alii ; culpam quidem esse in apponenda causa fractionis jejunii, at ea posita, excusari a jejunio” : cité dans GEF IV, p. 291. La note de Cognet, p. 83, n. 1, est donc incomplète. L’original de Filliucci contient effectivement la mention du meurtre. « Dices secundo, an qui malo fine laboraret, ut ad aliquem occidendum, vel ad insequendam amicam, vel quid simile, teneretur ad jejunium. Respondeo talem peccaturum quidem ex malo sineat sequuta defatigagione excusaretur a jejunio, Medin. In Inst. cap. 14 § 10. Nisi feieret in fraudem, secundum aliquos, sed melius alii ; culpam quidem esse in apponenda causa fractiionis jejunii, at ea posita, excusari a jejunio. Hinc sequitur confratres et alios qui hebdomada sancta se flagellant, et propterea non jenunant, excusati ? Nam opus illud praestantius est, et magnam saepe sanguinis copiam effundunt, unde refici debeant. »

Le raisonnement de Filliucci est intéressant : il ne conteste pas qu’il y ait faute dans la fin recherchée et dans l’acte ; mais c’est quand l’acte est présupposé dans le raisonnement, parce qu’il est commis dans la réalité, qu’il est permis de se passer du jeûne.

Même Nicole, Litterae Provinciales, 1658, p. 65, ne donne pas la clause ut ad aliquem occidendum. Voir Provinciales, éd. Cognet, p. 83. Nicole rétablit l’original dans sa traduction, mais en partie seulement, puisqu’il omet l’idée du meurtre : “Quaeres secundo an qui malo fine laboraret, ut ad insequendam amicam, vel quid simile, tenereturne ad jejunium ? Respondeo talem peccaturum quidem ex malo fine ; ac, secuta defatigagione, excusaretur a jejunio. Med. In Inst. Excipit nisi fieret in fraudem. Sed melius alii : culpam quidem esse in apponenda causa fractionis jejunii ; at, ea posita, excusari a jejunio.”

Vincent Filliucci, 1566-1622, jésuite, casuiste du Saint-Office. Auteur d’un Moralium quaestionum de christianis officiis et casibus conscientiae tomus, 2 vol., Lyon 1622, réédité en 1633, dont Escobar se sert souvent.

Voir la critique de NOUËT, Impostures VIII, in Réponses, p. 123 sq. Nouët renvoie comme souvent à Du Moulin. La fatigue qu’il invoque, c’est qu’on se soit fait passer une épée en travers du corps, ce qui diffère de la poursuite d’une fille ; mais c’est sans doute suggéré par le texte original. Noter que Daniel envisage le cas où on s’est fait “saigner des deux bras et des deux pieds jusqu’à la défaillance” (Entretiens..., p.185). La Faculté de Louvain censure en 1657 cette proposition, selon Wendrock, comme “faisant horreur aux oreilles chastes”. L’autorité de saint Antonin, invoquée par le P. Nouët, n’a pas de valeur selon Wendrock, Lettres Provinciales, I, tr. Joncoux, p. 279, car il dit seulement que si quelqu’un devient infirme par sa faute, il n’est pas obligé de jeûner tant que dure son infirmité ; mais il y a une différence entre être malade et être fatigué... Selon Wendrock, Filiutius pose trois questions, qu’il résout différemment ; Pascal ne les mentionne pas toutes :

1. Celui qui se fatigue pour une mauvaise fin est-il dispensé du jeûne ?

Filiutius répond que oui.

Pascal mentionne cette question.

2. Pèche-t-on en se procurant une raison de rompre le jeûne ?

Filiutius répond que oui.

Pascal ne mentionne pas cette décision : pourquoi reprendre ce qui est juste ?

3. Une fois qu’on s’est fatigué, est-on obligé de jeûner ?

Filiutius répond que non.

Pascal mentionne cette décision.

Pascal pouvait trouver une confirmation dans la Théologie morale d’Escobar, Tract. I, Exam. XIII, cap. II, De jejunii obligatione : « Quid de laborante ad malum finem libidinis v. g. Non potest jujunium solvere ut vires colligat, ad crimen patrandum ; sed post commissum, potest ad vires recuperandas lassitudini jejunio soluto occurrere. Praeterea opéra misericordiae excusant, redditio debiti, peregrinatio ex magna devotione assumpta, exercitum concionandi quotidie, aut docendi ».

 

Wendrock, ibid., p. 282-283, note qu’Escobar ne cite pas Filiutius autrement que Pascal, et n’avertit pas qu’on pèche en se procurant une raison de rompre le jeûne.

Nicole paraît ici un peu embarrassé : Montalte, écrit-il, « n’a pas dit que Filiotius reconnaît qu’on pèche en se procurant une raison de rompre le jeûne. Mais aussi n’a-t-il point fait de procès à Filiutoius sur ce point. Il ne l’a point accusé de ne pas reconnaître qu’il y eût en cela du péché ». Mais on ne peut pas appeler cela une imposture.

D’autant plus que l’on trouve la clause dont parle Pascal dans Escobar. La Theol. Mor. Tract. I, exam. XIII, De jejunio, ne contient pas cette clause. Pourtant Nicole cite un passage où il est expressément question de ce cas. Mais il n’en donne pas la référence. Le texte donné dans GEF IV, p. 291 sq., est conforme à l’original. Il y a une référence dans Wendrock, mais c’est celle de la Théologie morale où il n’y a pas ce passage. Il faut sans doute se rapporter à sa grande Théologie.

p. 198, n. 23.

 

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 184, remarque que le péché consiste à se mettre dans un état qui empêche de jeûner, mais que, la chose faite, le jeûne n’est pas obligatoire. Voir p. 186 : le texte original porte que l’homme se fatiguerait pour quelque mauvais dessein, “ut ad aliquem occidendum, vel ad insequendam amicam, vel quid simile” (p. 184) ; de ces deux prétextes, Pascal choisit celui qui “n’a rien de choquant”, le laisse et conserve l’autre, qui “mis en français fait une idée peu honnête”, au lieu qu’en latin “cela est indifférent”.

Voir une longue note dans Les Provinciales de Pascal, éd. Havet, 1887, I, p. 107-110, qui critique Sainte-Beuve, pour avoir trop concédé aux protestations des jésuites : “il aurait dû réfléchir que la question n’est pas de savoir si c’est pécher que de se fatiguer “à poursuivre une fille”, ce qui ne peut être mis en doute par aucun casuiste ; mais si celui qui, pour s’être fatigué ainsi, se dispense de jeûner pèche contre la loi du jeûne, et Filiutius déclare nettement qu’il ne pèche pas contre cette loi, même s’il l’a fait exprès. Pascal a trouvé cela choquant ; a-t-il eu tort ?”

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 233 sq. Défense de la décision de Filiutius.

V, 14. Et quoi n’est-ce pas un péché de ne pas jeûner quand on le peut ? Et est-il permis de rechercher les occasions de pécher ; ou plutôt n’est-on pas obligé de les fuir ? Cela serait assez commode. Non pas toujours, me dit-il, c’est selon. Selon quoi lui dis-je ? Hoho, repartit le Père ; Et si on recevait quelque incommodité en fuyant les occasions, y serait-on obligé à votre avis ? Ce n’est pas au moins celui du P. Bauny que voici, Pa. 1084. On ne doit pas refuser l’absolution à ceux qui demeurent dans les occasions prochaines du péché, s’ils sont en tel état qu’ils ne puissent les quitter sans donner sujet au monde de parler, ou sans qu’ils en reçussent eux-mêmes de l’incommodité.

La référence Pa. 1084 ne figure pas sur l’impression initiale, et a été ajoutée lors de la réimpression.

BAUNY, Somme des péchés, p. 1084 de l’édition de 1638 (5e éd.). Bauny ajoute dummodo firmiter proponant non peccare. Nous voilà rassurés. Voir le texte de Bauny dans GEF IV, p. 278.

D’après GEF IV, p. 277, Pascal l’aurait trouvé dans Arnauld, Seconde lettre à un duc et pair, p. 56. « Ces Casuistes enseignent Que quand le penitent suit une opinion probable, le Confesseur le doit absoudre, quoy que son opinion soit contraire à celle du penitent. Et ils passent jusques à dire : Que refuser l’absolution à un penitent, qui agit selon une opinion probable, est un peché qui de sa nature est mortel. » Le texte donne ne note : « Assertio 2. Quando pœnitentis opinio est probabilis, absolvi a sacerdote debet, et si secus opinante, quàm ille sentiat. Assertio 4. Negare absolutionem operanti et opinione probabili, culpa est de gene re suo mortalis. 10. 4. disp. 32. sect. 5. Vasquez disp. 62. 6. 7. Sanchez n. 29. Bauny Tract. 4. depœnit. q. 13. p. 93. »

Cela serait assez commode : qu’on n’y fût pas obligé.

PASCAL, Œuvres, I, éd. Le Guern, p. 1172-1173, renvoie pour source de ce passage et la citation de Bauny à Étienne Lombard, abbé du Trouillas, Réponse à un sermon prononcé par le P. Brisacier, jésuite, dans l’église de saint Solène à Blois le 29 mars 1651.

Le Guern renvoie aussi à ARNAULD, Lettre d’un théologien à Polémarque, 1644, p. 40 : p. 1173.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 184 sq. Voir p. 186 le commentaire de ce passage. La déformation apportée par Pascal tient en ce qu’il n’y a pas à cet endroit chez Bauny la mention d’occasion prochaine. Le contraire est marqué expressément. Le cas dont il s’agit est celui qui regarde les occasions ordinaires où se trouvent les marchands que leur trafic amène à fréquenter les femmes : p. 188.

RÉGENT-SUSINI Anne, « Rire des erreurs des hommes : Les Provinciales, une comédie ? », La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Paris, 2008, p. 257-268. Voir p. 260-261, sur les occurrences du hoho dans les Provinciales V, VII et VIII. Présence d’exclamations analogues chez Molière. Hoho ! : on a reproché à Pascal ce « Ho, ho ! de comédie ». Mais le registre exclamatif est un dessein formé, comme le montrent certaines notes des Pensées.Il n’est pas évident que Pascal ait eu besoin de sources pour trouver le hoho. Le fragment (Laf. 958, Sel. 793) montre qu’il tenait l’exclamation ho ! pour un procédé qui lui était familier :

« J’étais ravi de ce raisonnement quand il me finit par celui-ci :

Si cette opinion était vraie pour la restitution, O qu’il y aurait de restitutions à faire !

O mon père, lui dis-je, la bonne raison. – O, me dit le père, que voilà un homme commode. – O, mon père répondis-je, sans vos casuistes qu’il y aurait de monde damné. - O mon père, que vous rendez large la voie qui mène au ciel ! O qu’il y a de gens qui la trouvent ! Voilà un... »

PONTAS Jean, Dictionnaire des cas de conscience ou décisions, par ordre alphabétique, des plus considérables difficultés touchant la morale et la discipline ecclésiastique, publié par l’abbé Migne, 1847, t. 1, p. 219 sq. Occasion prochaine du péché mortel. On entend par occasion d’un péché tout ce qui nous y porte.

V, 14. Je m’en réjouis, mon Père ; il ne reste plus qu’à dire qu’on peut rechercher les occasions de propos délibéré, puisqu’il est permis de ne les pas fuir. Cela même est aussi quelquefois permis, ajouta-t-il ; Le célèbre casuiste Bazile Ponce l’a dit et le P. Bauny le cite et approuve son sentiment, que voici dans le Traité de la Pénitence, q. 4, p. 94. On peut rechercher une occasion directement et pour elle-même ; primo et per se, quand le bien spirituel ou temporel de nous ou de notre prochain nous y porte.

Basile Ponce de Léon, 1569-1629, religieux augustin, professeur à Alcala.

Le traité de la pénitence est dans le De sacramentis ac personis sacris, 1640-1643, ouvrage mis à l’Index le 16 décembre 1640. La référence q. 4, p. 94 est erronée ; il faut lire q. 14. (rectification effectuée dans la XVe Provinciale, XV, 11). Ce passage sera repris dans la Xe Provinciale.

GEF IV, p. 308. Texte de Bauny in GEF V, p. 230 sq. Voir NOUËT, Impostures, IX, in Réponses..., p. 129 sq., qui allègue les exemples de Judith et de saint Ambroise. Justification de Basile Ponce : p. 132 sq. D’autres jésuites pensent le contraire : p. 133. Bauny approuve le sentiment de Basile Ponce, mais non sa manière de parler : p. 133. Proposition reprise in Provinciale XV, 11, éd. Cognet, p. 286, mais dans un tout autre cadre d’argumentation.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 192 sq., le commentaire de ce passage. La question est de savoir si on peut contracter un mariage avec une hérétique, avec danger de se pervertir, quand quelque grande raison engage à le faire.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 234 sq. Défense de cette maxime.

V, 15. Vraiment, lui dis-je, il me semble que je rêve, quand j’entends des religieux parler de cette sorte ! Et quoi mon Père dites-moi en conscience, êtes-vous dans ce sentiment-là ? Non, vraiment, me dit le Père, vous parlez donc, continuai-je, contre votre conscience ? Point du tout, dit-il, Je ne parlais pas en cela selon ma conscience, mais selon celle de Ponce et du P. Bauny. Et vous pourriez les suivre en sûreté ; Car ce sont d’habiles gens. Quoi, mon Père, parce qu’ils ont mis ces trois lignes dans leurs livres, sera-t-il devenu permis de rechercher les occasions de pécher ?

DANIEL Gabriel, Entretiens, p. 191 sq.

V, 15. Je croyais ne devoir prendre pour règle que l’Écriture et la Tradition de l’Église ; mais non pas vos casuistes.

NELLES Paul, « Du savant au missionnaire : la doctrine, les mœurs et l’écriture de l’histoire chez les jésuites », Journée d’étude de la Société d’étude du XVIIe siècle : Les jésuites dans l’Europe savante, XVIIe siècle, octobre 2007, n°237, Paris, P. U. F., 2007, p. 669-689. Voir p. 674, sur la réaction de Bellarmin contre le sola Scriptura des protestants, e la reconnaissance de différentes sources de la vérité, notamment la tradition apostolique.

V, 15. O bon Dieu, s’écria le Père, Vous me faites souvenir de ces Jansénistes ! Est-ce que le P. Bauny et Bazile Ponce ne peuvent pas rendre leur opinion probable ?

V, 15. Je ne me contente pas du probable, lui dis-je, je cherche le sûr.

BOUYER, Dictionnaire théologique, p. 545.

Le sûr est ce que l’on peut choisir lorsqu’on ignore le vrai. De deux voies dont on ne sait laquelle est vraie, il faut choisir celle qui présente le moins de risque pour ce qui touche la foi et la morale.

Pensées diverses I, 1 (Laf. 516, Sel. 452). « On aime la sûreté, on aime que le pape soit infaillible en la foi, et que les docteurs graves le soient dans les mœurs, afin d’avoir son assurance. »

LALANDE, Vocabulaire technique de la philosophie, p. 1280. Tutiorisme : attitude qui consiste à n’adopter comme règle de croyance que la doctrine la plus sûre, la plus probable, la plus exigeante.

GUITTON Jean, Pascal et Leibniz. Étude sur deux types de penseurs, Aubier, Paris, 1951.

Le concept de sûr : le sûr est ce qu’en le suivant, on ne commet certainement pas de péché, quoiqu’il eût été permis de ne pas le suivre. Voir LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, I, p.56 sq. Il ne faut pas le confondre avec la certitude : la certitude est d’ordre théorique, la sûreté est d’ordre pratique. C’est une maxime de droit canon que dans le doute, on est obligé de choisir le parti le plus sûr. Principe du tutiorisme, qui remonte au Moyen Age : in dubiis tutior pars eligenda ; c’est la doctrine qui consiste à n’adopter comme règle de croyance que la doctrine (LALANDE, Vocabulaire) la plus sûre, la plus probable, et la plus exigeante (ce n’est pas nécessaire) ; quand on doute qu’une action soit permise, si l’on sait que l’action contraire est irréprochable, il faut choisir la seconde ; entre le certain et le douteux, c’est péché de choisir le douteux. Voir BOUYER L., Dictionnaire théologique, p. 545, qui note que l’Église a condamné la théorie tutioriste “d’après laquelle on devrait toujours suivre la loi, même douteuse” : il me semble que la définition n’est pas tout à fait la même. Cela se retrouvera dans la Dissertation théologique sur la probabilité, donnée en note à la Provinciale V : on doit choisir le plus sûr lorsque le danger de pécher ne se trouve que d’un côté. Le problème se pose lorsqu’on est dans le doute des deux parts, et confronté à des vraisemblances seulement : il faut choisir ce qui a le plus de chances d’être vrai. Selon Nicole, s’il y a du danger de pécher de part et d’autre, chacun est obligé de chercher la vérité et de s’en approcher le plus près qu’il lui est possible. En suivant le plus sûr et le plus probable, est-on en sureté de conscience et assuré de ne pas pécher ? Non, car c’est le parti le plus probablement sûr, et non un parti certainement sûr, et la bonne foi n’est pas une excuse en matière de droit naturel. D’ailleurs on peut toujours, même avec le sentiment de certitude, se tromper : voir WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 156 : le juste craint toujours que Dieu condamne ce qui lui paraît juste ; on aura seulemet fait de son mieux, ce qui n’exclut pas toute crainte. Noter que la recherche du sûr n’entraîne pas ipso facto que l’on suive l’opinion la plus sévère, aux dépens de la plus douce : p. 231-232. De là vient l’idée que seule la recherche sincère de la vérité donne la sûreté de conscience, comme Pascal le dit dans les Pensées. Voir p. 169, l’exemple du mets empoisonné.

COUMET Ernest, “La théorie du hasard est-elle née par hasard ?”, p. 595. Règle fondamentale du tutiorisme : de deux partis douteux, il faut toujours choisir le plus sûr. Référence à MAUDUIT, Traité de religion, p. 47.

Voir le fragment Laf. 916 des Pensées : “ils ont plaisamment expliqué la sûreté, car après avoir établi que toutes leurs voies sont sûres, ils n’ont plus appelé sûr ce qui mène au ciel, sans danger de n’y pas arriver, mais ce qui y mène sans danger de sortir de cette voie”. Critique sémantique de la doctrine des casuistes par Pascal : les casuistes effectuent un déplacement du sens du mot sûr : si l’on appelle sûr ce qui mène certainement au ciel, sans danger de ne pas y arriver, la certitude porte sur l’obtention de la fin ; mais les jésuites appellent sûr ce qui mène au ciel sans danger de sorti de cette voie ; la certitude porte alors seulement sur le fait qu’on garde le moyen.

PIROT, Apologie pour les casuistes, p. 80 sq. Pirot reprend la distinction du probable et du sûr. Les opinions sont plus ou moins probables ; la moins probable est celle qui a le moins de raisons considérables ; il y a donc des degrés dans la probabilité. Mais toute opinion probable, du fait qu’elle est probable, est sûre en conscience : p. 82. La sûreté est indivisible et ne reçoit ni plus ni moins.

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 113. La plus mince probabilité met en sûreté de conscience. Voir p. 165. Savoir si un homme qui suit une opinion probable est en sûreté de conscience. Voir p. 200, Dissertation... : sur la maxime du Droit canon dans les choses douteuses on doit choisir la voie la plus sûre.

NOUËT, Imposture XXI, in Réponses..., p. 191 sq. Est-il permis de suivre l’opinion la moins probable, quoiqu’elle soit la moins sûre ? Nouët soutient que les jésuites ne sont pas les seuls à soutenir cette doctrine : p. 191. Exemples de Du Val, Gamache et saint Antonin : p. 191-193.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 103-105 sq. Distinction entre une opinion probable et l’opinion la moins sûre. Pour la critique générale du tutiorisme : p. 118 sq. Fausseté du principe que nulle opinion probable n’est sûre, c’est-à-dire n’excuse de péché, si elle n’est vraie. Un jugement, quelque probable, quelque fondé qu’il soit, s’il est faux, me rend criminel ou coupable au tribunal de la justice divine. Voir p. 119 : ne pouvoir se calmer la conscience que par une évidence qui manque souvent dans les choses morales, tomber dans une incertitude constante dans le commerce de la vie, ce n’est pas tolérable : p. 119-120. On ne peut suivre le moins sûr que quand il est le plus probable : p. 125. On ne peut pas suivre le moins sûr et le moins probable : p. 133. Condamnation à Rome de la maxime qu’on est obligé de suivre toujours le plus sûr : p. 133.

Le P. Nouët retourne contre Port-Royal son propre tutiorisme, dans Impostures XXI, in Réponses, p. 195 : ce n’est pas chercher le sûr que d’être hérétique ; ce n’est pas non plus chercher le sûr que de différer la communion jusqu’à la fin de la vie.

La casuistique s’oppose au tutiorisme dans la mesure où celui-ci ne s’attache qu’à ce qui est le plus sûr. Mais le tutiorisme est encore trop subjectif : il ne peut abourtir qu’à un rigorisme. Pascal cherche le vrai ; en quête d’une vérité liée à une attitude d’amour, qui dépend de la grâce.

Laf. 721, Sel. 598. “Probabilité.

L’ardeur des saints à chercher le vrai était inutile si le probable est sûr.

La peur des saints qui avaient toujours suivi le plus sûr.

Sainte Thérèse ayant toujours suivi son confesseur.”

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 26. “Certum est , hanc opinionem moralem esse probabilem ; igitur certum est, esse tutam ; praetermittendum est, ni fallor, quid sit opinio tuta : item hujus ; Possum prudenter assentiri huic opinioni, id est illam veram reputare ; igitur possum illam prudenter ad usum et praxim reducere, idest illa uti, eamque eligere”. Voir p. 25 : “ ubi quis igitur ex tali opinione prudenter agat, bene agit, eaque opinione licite utitur ” ; “ nemo erit qui neget si enim certum est, esse probabilem, certum est, eandem tutam esse, id est usum illius tutum et licitam praxim ”. “ Si autem alicui morali opinioni prudenter adhaerere, vel assentiri possum, id est, eandem reputare veram, et ut vera sequi atque amplecti, ea certe prudenter uti possum ; quidquid enim prudenter existimo, licitum esse, possum licite facere ; cum intellectus voluntati praeluceat ; si ergo certus sum, me prudenter agere, cum hanc, vel illam opinionem moralem veram reputo, id est verum reputo, hoc, vel illum licitum esse, certus sum etiam, me prudenter agere, cum illam ad praxim reduco ” : p. 26. Qu’est-ce qu’une opinion sûre ?, p. 26 : “ quid sit opinio tutam : item hujus ; possum prudenter assentiri huic opinioni, idest illam veram reputare ; igitur possum illam prudenter as usum et praxim reducere, id est illa uti, eamque eligere ”.

Pour un exemple d’opinions plus ou moins sures et probables, voir MAYNARD, Les Provinciales, p. 195.

V, 15. Je vois bien, me dit le bon Père, que vous ne savez pas ce que c’est que la doctrine des opinions probables. Vous parleriez autrement si vous la saviez. Ah vraiment il faut que je vous en instruise. Vous n’aurez pas perdu votre temps d’être venu ici, sans cela vous ne pouviez rien entendre. C’est le fondement et l’A. b. c. de toute notre morale. Je fus ravi de le voir tombé dans ce que je souhaitais et le lui ayant témoigné, je le priai de m’expliquer ce que c’était qu’une opinion probable.

Laf. 954, Sel. 789. « Tout dépend de la probabilité. »

Vérité et possibilité

ARNAULD, Réplique.., ms. 140, f° 45, OC IV, p. . Dans les mathématiques et ce qui touche l’essence des choses, possibilité vaut vérité : il suffit de prouver qu’il est possible qu’une ligne soit divisible à l’infini pour pouvoir raisonner sur cette supposition. Il n’en va pas de même dans la connaissance des événements humains : la seule possibilité d’un fait n’est pas une raison suffisante pour le faire croire ; et je peux avoir raison de le croire, quoique je ne juge pas impossible que le contraire soit arrivé. Maxime : pour juger de la vérité d’un fait, et nous déterminer à le croire ou à ne pas le croire, il ne faut pas le considérer nuement et en lui-même, mais il faut prendre aussi toutes les circonstances, intérieures et extérieures, qui l’accompagnent.

La doctrine des casuistes, l’opinon probable et le probabilisme

L’édition des Provinciales de Wendrock et sa traduction par Melle de Joncoux contiennent une Dissertation théologique sur la probabilité composée par Arnauld, qui résume la position de Port-Royal sur le probabilisme.

Dictionnaire de théologie catholique, art. Probabilisme. Excellente étude par le P. Deman.

PONTAS, Dictionnaire des cas de conscience ou décisions, par ordre alphabétique, des plus considérables difficultés touchant la morale et la discipline ecclésiastique, publié par l’abbé Migne, 1847, t. 1, p. 395 sq. Probabilisme.

LALANDE, Vocabulaire..., p. 123 sq. Casuistique : étude des cas de conscience, c’est-à-dire des problèmes de détail qui résultent de l’application des règles éthiques à chaque circonstance particulière. Les casuistes ayant été en général des théologiens, le mot s’applique surtout dans ses rapports avec la religion. On discerne la casuistique objective qui, sans égard à l’état intime de telle conscience, étudie dans l’abstrait tels conflits de devoirs nés dans l’enchevêtrement de faits accidentels ; et la casuistique subjective qui proportionne les obligations, conseils et exigences morales au degré de lumière et de force de chaque âme.

Problème de l’exposition de la casuistique : il y a un risque d’éparpillement. Dans tous les ouvrages des nouveaux casuistes de la compagnie de Jésus, auxquels en veut Pascal, on trouve une extrême diversité de cas, plutôt qu’un exposé systématique. Cela pose donc un problème rhétorique d’ordre.

Il y a deux manières d’exposer les problèmes : soit on dégage des principes en fonction desquels on examine la diversité des cas qu’ils commandent ; ou on envisage chaque cas en particulier comme caractéristique contenant un cas général. Pascal choisit toujours l’exposé selon l’ordre. Les cas qu’il présente ne sont jamais sans intention. dans les Lettres V à X, on trouve une ordonnance générale, qui est dans l’esprit de Pascal depuis le début. La variété est l’objectif premier de la casuistique : plus les cas sont nombreux, plus les opinions diffèrent, plus la recherche avance et se rapproche de la réalité concrète. Pascal a su regrouper les cas selon les trois catégories de la noblesse, du clergé et du Tiers Etat. Avec les variantes et les dérogations. Pascal a le souci de la clarté de l’exposé, et le souci constant de marquer son ordre.

SELLIER Philippe, Port-Royal et la littérature, I, p. 149. Caractère platonisant de cette exigence.

DURAN José Rafael Solano, Dos tipos de ética. La polémica moral entre Pascal y los Jesuitas a raiz de las Cartas a un Provincial, Pontificia universitas Gregoriana, Facultas theologiae, Roma, 2003, p. 147 sq.

JOUSLIN Olivier, Pascal et le dialogue polémique, p. 354 sq. Contre le probabilisme.

QUANTIN J.-L., “Le Saint-Office et le probabilisme (1677-1679). Contribution à l’histoire de la théologie morale à l’époque moderne”, Mélanges de l’Ecole française de Rome, t. 114, n°2, 2002, p. 875-960.

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005, p. 68 sq. Probabilisme et casuistique.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 191 sq. Défense des jésuites sur le sujet des opinions probables et du probabilisme. Genèse et histore du probabilisme. Les jésuites ennemis du probabilisme : p. 192 sq.

DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal, 2e éd. (avec communications de M. Le Guern, P. Sellier et D. Descotes), Publications de l’Univ. de Provence, Aix-en-Provence, 1985, p. 136 sq. La doctrine des opinions probables. Analyse critique de la manière dont Pascal présente la doctrine des casuistes.

Antiprobabilisme

QUANTIN J.-L., “Le Saint-Office et le probabilisme (1677-1679). Contribution à l’histoire de la théologie morale à l”époque moderne”, Mélanges de l’Ecole française de Rome, t. 114, n°2, 2002, p. 876 sq.

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005, p. 68. Résistance au probabilisme au début du XVIIe siècle. Opposition au probabilisme dans le clergé séculier : p. 69.

Probabiliorisme

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005, p. 69 sq. Doctrine mise au point par Medina.

Les dominicains et le probabilisme

HURTUBISE Pierre, La casuistique dans tous ses états. De Martin Azpilcueta à Alphonse de Liguori, Ottawa, Novalis, 2005, p. 69 sq. Conversion durable au probabiliorisme. Premières hésitations des dominicains à l’égard du probabilisme après les controverses de auxiliis : p. 70. Positions nettement antiprobabilistes de l’ordre : p. 71.

Rome, le Saint-Office et le probabilisme

QUANTIN J.-L., “Le Saint-Office et le probabilisme (1677-1679). Contribution à l’histoire de la théologie morale à l’époque moderne”, Mélanges de l’Ecole française de Rome, t. 114, n°2, 2002, p. 875-960. procédure : p. 884 sq.

La notion de règle dans la casuistique

MESNARD Jean, « Perspectives modernes sur la casuistique », in De la morale à l’économie politique, Op. cit., n°6, Pau, 1996, p. 108 sq. Alors que la règle est de caractère général et abstrait, le cas est particulier et concret.

La notion de cas dans la casuistique

MESNARD Jean,”Perspectives modernes sur la casuistique”, in De la morale à l’économie politique, Op. cit., n°6, Pau, 1996, p. 108 sq. Alors que la règle est de caractère général et abstrait, le cas est particulier et concret. Comment procéder à l’analyse d’un cas ?, p. 109. Alors qu’en général la règle est simple, la réalité concrète des cas est complexe. Il faut décomposer la situation en ses différents éléments, et prendre en compte ces éléments dans l’élaboration d’une conduite à tenir.

Les thèses de Pascal sur la casuistique

MESNARD Jean, “Perspectives modernes sur la casuistique”, in De la morale à l’économie politique, Op. cit., n°6, Pau, 1996, p. 108 sq. Inexactitude de l’idée communément admise qui fait de Pascal un esprit intransigeant et rigoriste, n’admettant que la soumission à la règle. Pascal combat précisément la casuistique relâchée, la nouvelle casuistique, celle de la Compagnie de Jésus et des auteurs qu’elle approuve ; il ne méconnaît pas la nécessité de l’existence des cas de conscience, il réclame une casuistique saine, plus sévère à l’égard des passions et des intérêts, mais qui ne néglige pas pour autant les exigences de l’humain : p. 110.

MESNARD Jean, Pascal, coll. Connaissance des lettres, p. 102. Reproche : la casuistique doit s’appuyer non sur la raison corrompue, mais sur l’Écriture, les canons et les Pères. La raison ne doit pas être ici le principe : elle n’a droit qu’à l’interprétation ; voir Provinciale V, p. 90. Autrement dit elle ne peut que tirer des conséquences. La critique est analogue à celle du fragment 110 dans les Pensées.

Lettres provinciales, tr. Joncoux, I, p. 106. Pascal et ses amis ne refusent pas l’idée qu’il y a des opinions probables, dans la morale. Le nier serait téméraire et dénué de bon sens : p. 108. Mais les jésuites brouillent les choses.

Voir Provinciales, éd. Cognet, p. 85, n. 2. Début de la Théologie morale de 1643.

MIEL Jan, Pascal and theology, p. 136. Pascal et la doctrine de la casuistique : p. 137. Pascal et le tutiorisme : p. 137.

V, 15. Nos Auteurs vous y répondront mieux que moi, dit-il. Voici comme ils en parlent tous généralement, et entre autres nos 24, in princ. Ex. 3, n. 8 : Une opinion est appelée probable, lorsqu’elle est fondée sur des raisons de quelque considération.

La référence in princ. Ex. 3, n. 8 ne se trouve pas dans l’impression originale ; elle a été ajoutée à la réimpression.

Opinion probable

Dans opinion probable, il y a deux termes qui méritent chacun attention.

Sur le mot opinion, voir HACKING Ian, L’émergence de la probabilité, Paris, Seuil, 2002, p. 51 sq. L’opinio selon saint Thomas. L’opinion concerne des croyances ou des doctrines qui ne sont pas obtenues par démonstration. La limite d’une opinion dont la probabilité s’accroît pourrait être une opinion certaine, mais jamais une connaissance.

Contrairement au vrai et au faux, qui ne sont pas susceptibles de degrés, le probable comporte du plus et du moins : la probabilité est fonction du poids des raisons qui appuient l’opinion considérée. Le P. Pirot précise que, de sa définition « s’ensuit que l’opinion la moins probable est celle qui a des raisons moins considérables, et de moindre importance. » Il existe donc des opinions plus probables que d’autres, la probabilité pouvant diminuer indéfiniment sans atteindre la fausseté (une opinion démontrée fausse n’est par définition jamais probable), ou grandir indéfiniment sans atteindre la certitude (une opinion démontrée rigoureusement n’est plus probable, mais vraie). Cette formule définit un genre, ou ce que Pascal appelle un ordre : l’ordre du vrai et du faux d’une part, et l’ordre du probable sont rigoureusement indépendants. Par conséquent, indépendance des règles s’appliquant à la probabilité par rapport aux règles ordonnant le vrai et le faux. Par conséquent il n’y a pas de raison de rabattre, comme le font certains philosophes, et les Messieurs de Port-Royal, le probable sur le douteux. La doctrine des casuistes est par exemple directement opposée à celle de Descartes dans les Méditations, par exemple, qui rejette tout ce qui est probable comme douteux, et tout ce qui est douteux comme faux. Nicole a beau protester dans, que la distinction du probable et du douteux est une distinction chimérique inventée par les casuistes : p. 206. Selon Vasquez, “on est dans le doute (...) quand deux propositions sont tellement égales, qu’on ne voit point qu’il y ait entre l’attribut et le sujet de l’une une plus grande convenance qu’entre l’attribut et le sujet de l’autre : et l’on est dans l’opinion quand on aperçoit qu’il y a une plus grande convenance entre l’attribut et le sujet de l’une des deux propositions contradictoires qu’entre l’attribut et le sujet de l’autre” : p. 206-207. Wendrock admet cette distinction, mais il discute l’application : dans une égale probabilité, les casuistes soutiennent que l’on est dans l’opinion et non dans le doute, autrement dit que l’esprit donne un consentement probable à chacune des opinions contradictoires et qu’il ne demeure pas incertain à laquelle il donnera son consentement. Ils soutiennent ensuite que quoique l’une des propositions paraisse plus probable que l’autre, cela n’empêche pas que l’esprit ne donne à la moins probable un consentement à la vérité plus faible que celui qu’il donne à la plus probable, mais un vrai consentement tout de même. Il est impossible que, dans une égale probabilité, l’esprit donne aucun consentement ; il est alors dans le doute : p. 208. Réfutation de la définition du doute par Tambourin, qui soutient qu’on n’est dans le doute que si on ne voit aucune raison ni dans un sens ni dans l’autre : p. 210 sq. Le jugement qui fait dire que deux propositions contradictoires sont probables n’ôte pas le doute, mais au contraire suppose un doute véritable : p. 215 sq.

BOUYER L., Dictionnaire théologique, p. 544-545. La probabilité est la qualité d’une proposition qui ne peut être dite démontrée, mais qui a en sa faveur des arguments suffisants pour que l’on puisse considérer qu’elle a des chances sérieuses d’être vraie. Dans le domaine moral, la question se pose de savoir si l’on peut, en sûreté de conscience, agir selon une opinion simplement probable. On s’accorde à dire que, dans le cas où la loi est certaine, il n’est pas permis de la transgresser. On ne peut agir en sûreté de conscience sur un simple probabilisme de fait, alors que la loi est certaine. Les probabilistes disent qu’on peut agir en bonne conscience dès lors qu’il est sérieusement probable que la loi le permet (probabilisme de droit, fondé sur l’adage juridique qu’une loi douteuse n’oblige plus). Les probabilioristes disent que la loi doit rester obligatoire aussi longtemps qu’il n’est pas plus probable qu’elle ne s’impose pas que le contraire. Les aequiprobabilistes exigent au moins une égale probabilité en faveur des deux opinions pour que la loi devienne douteuse et qu’on puisse par conséquent s’en dispenser.

Dictionnaire de théologie catholique, art. Probabilisme. Excellente étude par le P. Deman.

Voir sur ce qui suit DESCOTES Dominique, « La pensée de l’incertain », in Pascal. La calcul et la théologie, Pour la Science, Les génies de la science, 16, Août-novembre 2003, p. 52-69, et « Les Provinciales et l’axiomatique des probabilités », in La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Paris, 2008, p. 189-197.

Tout un pan de la réflexion de Pascal porte sur le problème de la conduite à suivre face à l’incertain. A ses yeux, la puissance de la géométrie tient à sa sûreté : lorsqu’on possède des principes assurés, on peut s’orienter dans la pensée. Mais cette situation n’est pas ordinaire : l’incertitude est la règle plutôt que l’exception. C’est, selon les Pensées, la condition du libertin pour ce qui touche son avenir naturel et surnaturel : “Je ne sais qui m’a mis au monde, ni ce que c’est que le monde, ni que moi-même ; je suis dans une ignorance terrible de toutes choses ; je ne sais ce que c’est que mon corps, que mes sens, que mon âme et cette partie même de moi qui pense ce que je dis, qui fait réflexion sur tout et sur elle-même, et ne se connaît non plus que le reste. Je vois ces effroyables espaces de l’univers qui m’enferment, et je me trouve attaché à un coin de cette vaste étendue, sans que je sache pourquoi je suis plutôt placé en ce lieu qu’en un autre, ni pourquoi ce peu de temps qui m’est donné à vivre m’est assigné à ce point plutôt qu’à un autre de toute l’éternité qui m’a précédé et de toute celle qui me suit.” Mais c’est un état très fréquent aussi dans l’action : tout le théâtre de Corneille, que Pascal connaît très bien, tourne autour des différentes attitudes que l’on peut adopter dans le doute et l’incertitude (voir les Stances de Rodrigue dans le Cid, ou le monologue d’Auguste, au quatrième acte de Cinna).

Selon la doctrine augustinienne, pareille incertitude sur le vrai et le bien affecte la condition humaine en général : depuis que le péché originel a fait perdre de vue à l’homme le seul véritable souverain bien, “il n’y a rien dans la nature qui n’ait été capable de lui en tenir la place, astres, ciel, terre, éléments, plantes, choux, poireaux, animaux, insectes, veaux, serpents, fièvre, peste, guerre, famine, vices, adultère, inceste, (…) jusqu’à sa destruction propre.” De même dans l’ordre politique, on ne sait sur quoi fonder l’économie du monde : “Sera-ce sur le caprice de chaque particulier ? Quelle confusion ! sera-ce sur la justice ? il l’ignore. Certainement s’il la connaissait (…) on la verrait plantée par tous les états du monde, et dans tous les temps, au lieu qu’on ne voit rien de juste ou d’injuste qui ne change de qualité en changeant de climat, trois degrés d’élévation du pôle renversent toute la jurisprudence, un méridien décide de la vérité. En peu d’années de possession les lois fondamentales changent, le droit a ses époques, l’entrée de Saturne au Lion nous marque l’origine d’un tel crime”. En fait de justice, c’est le trop-plein : “le larcin, l’inceste, le meurtre des enfants et des pères, tout a eu sa place entre les actions vertueuses”. Le sceptique, dans cette confusion, s’abstient de toute décision, comme le fait bien souvent Montaigne. Dans son Apologie de la religion chrétienne, Pascal projetait d’administrer dans un premier temps à son lecteur une cure de doute pour lui ôter un excès de confiance en ses propres certitudes.

On peut distinguer aujourd’hui deux définitions de l’incertain et du probable.

La première consiste à considérer le probable et l’incertain comme de l’indéterminé, c’est-à-dire comme une propriété objective des choses. C’est en ce sens que l’on parle de la probabilité pour qu’une particule élémentaire suive telle trajectoire plutôt que telle autre. Cette conception objectiviste de la probabilité ne répond en aucune façon à la définition que Pascal accepterait.

C’est dans un sens analogue que l’on parle de la probabilité d’un événement. Voir la discussion de POPPER Karl, Logique de la découverte scientifique, p. 146 et p. 259. La probabilité d’une hypothèse peut-elle être réduite à la question de la probabilité d’un événement ? En général, elle est considérée comme un cas du problème de la probabilité d’un énoncé, qui est lui-même considéré comme identique à celui de la probabilité d’un événement : p. 260. Thèse de Reichenbach : on peut tout aussi bien dire que c’est à l’énoncé la face présentant le 1 va sortir qu’est attribuée la probabilité 1/6. La vérité ou la fausseté d’un énoncé seraient alors considérées comme des cas-limites de la probabilité, et inversement on peut considérer la probabilité comme une généralisation du concept de vérité, dans la mesure où elle inclut celui-ci comme cas limite : p. 261.

Voir Logique et connaissance scientifique, Pléiade, p. 530. Pour les objectivistes, parler de la probabilité d’une proposition n’a pas de sens, car on ne peut définir une épreuve qui permette d’évaluer empiriquement la probabilité par la fréquence relative d’un événement.

Pour se faire une idée de ce que Pascal entend par douteux, doute, incertain et incertitude, on peut, au moins dans une certaine mesure, se rapporter à la remarquable Dissertatio theologica de probabilitate d’Arnauld que Nicole a annexée à la Ve Provinciale, dans la traduction latine des Provinciales, et qui est donnée en français, dans la traduction par Melle de Joncoux, sous le titre de Note première sur le cinquième Lettre ou Dissertation théologique sur la probabilité. Elle résume en gros la position de Port-Royal sur le probabilisme, quoique la réflexion de Pascal ait plus d’ampleur sur le fond.. Voir WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 105 sq. Sur cette Dissertation, voir GOUJET, Vie de Nicole, p. 72 ; Provinciales, éd. Cognet, p. 84, n. 1. Commre l’original est perdu, elle n’est connue que par la traduction en latin de Nicole ; celui-ci l’étend considérablement à partir de la 4e édition (1665). Ce que c’est qu’une opinion probable : p. 107.

Dans la langue de l’époque, probable signifie incertain, quoique susceptible d’être appuyé sur quelques raisons. La Dissertation sur la probabilité d’Arnauld tend à identifier probable et douteux. « On peut considérer toutes les opinions sur la morale, ou absolument et en elles-mêmes, ou par rapport à nous, et au degré de connaissance que nous en avons. Si on les regarde absolument et en elles-mêmes, elles sont toutes ou vraies ou fausses : il n’y en a point de probables : car ce qui est faux n’est point probable, mais improbable ; et ce qui est vrai est plus que probable, puisqu’il est tout à fait certain. Ainsi il n’y a rien de probable à l’égard de Dieu, qui voit toutes choses telles qu’elles sont en elles-mêmes ». En revanche, « si on regarde ces mêmes opinions par rapport à notre manière de les concevoir, alors il faut en admettre un autre genre, qui est celui des opinions probables » : « comme il y a des opinions dont on connaît certainement la vérité, d’autres dont on connaît certainement la fausseté, il y en a aussi dont certaines personnes ne connaissent pas évidemment la fausseté ou la vérité ; et celles-là à l’égard de ces personnes, sont appelées probables ou douteuses ». Autrement dit, « la probabilité des opinions ne vient que des ténèbres de l’esprit humain », dont elle manifeste la faiblesse : le doute et l’incertitude sont toujours relatifs à un esprit, dont ils marquent l’impuissance à connaître ou à comprendre telle chose ou telle vérité. Dans la mesure où le doute se définit comme l’incapacité à connaître alors que l’on veut connaître, c’est une misère au sens technique des Pensées, c’est-à-dire, suivant l’expression de Jean Mesnard, vouloir sans pouvoir. Et “il s’ensuit de là que nous trouvons plus ou moins d’opinions probables à proportion que notre esprit est plus ou moins éclairé par la lumière de la vérité”. La probabilité caractérise une pensée ou une proposition, non un fait : dire qu’un événement est probable, signifie que l’on voit aussi peu de raisons pour qu’il arrive ou n’arrive pas. On est loin de la conception objectiviste qui définit la probabilité d’un événement par sa fréquence sur une longue durée : cette conception moderne ne peut être celle de Pascal, qui ignore la notion de fréquence.

La querelle des Provinciales sur la théologie morale des casuistes porte en partie là-dessus. Dans la vie courante, il arrive en effet que les prêtres qui confessent les fidèles soient confrontés à des cas insolites, où ils ont peine à apprécier la gravité d’un péché ; dans ce cas, il est nécessaire de tenir compte de la situation, des circonstances, et d’un très grand nombre de données qui définissent le cas particulier de chaque individu. On s’adresse donc aux casuistes, sorte de jurisconsultes religieux à peu près comparables aux experts des comités d’éthique que l’on consulte aujourd’hui sur les questions de morale publique ; leurs recueils de cas de conscience évaluent la gravité des fautes selon les circonstances et proposent des pénitences proportionnées. Jusque là, il n’y a rien d’absurde dans cette institution : dans le doute, surtout lorsqu’il est question de morale, il est raisonnable de demander son opinion à une personne instruite ou plus compétente que soi. C’est pourquoi ni Pascal ni Port-Royal n’ont d’objection de principe contre les casuistes, ni contre la casuistique, conçue comme art de résoudre des doutes dans des situations particulières. Il y a eu des casuistes à Port-Royal, par exemple Jacques de Sainte-Beuve, qui en a écrit plusieurs livres, et Pascal lui-même a composé un petit traité de l’usure (c’est-à-dire du prêt à intérêt) aujourd’hui perdu, mais dont on sait qu’il concluait à la permission de l’usure dans certaines circonstances. Pascal a aussi servi de directeur de conscience aux Roannez, ce qui implique dans la pratique, une certaine fréquentation de la probabilité.

Voir la Dissertation théologique sur la probabilité, in WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 107 sq. Ce que c’est qu’une opinion probable : p. 107. On peut considérer toutes les opinions

1. absolument et en elles-mêmes : elles sont alors toutes vraies ou fausses, et il n’y en a pas de probables ; il n’y a pas de probable à l’égard de Dieu, pour qui toutes les opinions sont vraies ou fausses ;

2. par rapport à nous et au degré de connaissance que nous en avons : il faut alors admettre que certaines opinions sont probables.

RAYMOND Pierre, De la combinatoire à la probabilité, p. 15 sq. Pour parler de la probabilité d’une opinion, il faut en distinguer

1. la valeur objective,

2. sa valeur pour nous.

Le critère du probable est le rapport, non de l’idée à son objet, mais de l’idée avec nous (la confiance que nous avons dans le fait qu’elle correspond à son objet). Cette définition fait du probable une qualité subjective, et exclut le thème d’une objectivité du probable : p. 17.

HACKING Ian, L’émergence de la probabilité, Paris, Seuil, 2002, p. 47 sq. Probabilis au sens de digne d’approbation. Les différentes idées comprises dans la notion de probabilité : p. 53. Approbation, probité des autorités, prouvabilité, plausibilité.

Probabilité et ignorance : voir la Provinciale IV, sur les péchés d’ignorance. Voir WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 108. L’édition de Wendrock contient une Dissertatio theologica de probabilitate composée par Arnauld, et traduite par Melle de Joncoux en français sous le tire de Dissertation théologique sur la probabilité (Wendrock, Lettres provinciales, I, éd. 1700, p. 105-272. C’est un petit traité. Il est intéressant d’en lire les premières pages, qui permettent de mesurer la différence des principes de Port-Royal et des casuistes jésuites sur la question de la probabilité. Voir p. 107 : il n’y a rien de probable à l’égard de Dieu, qui voit toutes choses en elles-mêmes, alors qu’une opinion peut être probable au regard des hommes à cause des ténèbres de leur esprit. “La probabilité des opinions ne vient que des ténèbres de l’esprit humain” : p. 108. L’homme “ne juge le faux et le vrai probable que parce qu’il ignore la fausseté de l’un et la vérité de l’autre” : p. 108. Il y a plus ou moins d’opinions probables, à proportion que notre esprit est plus ou moins éclairé de la vérité : p. 109. Ce qui paraît probable à l’un, peut sembler évident et certain à l’autre, à proportion de leurs lumières respectives : p. 109. Il n’y a pas de proposition qui soit probable universellement et à l’égard de tout le monde : p. 110 sq. Les casuistes ont donc tort lorsqu’ils prétendent qu’il suffit qu’un de leurs auteurs graves ait approuvé une opinion pour qu’elle soit aussitôt probable pour tout le monde : p. 111. Pour les casuistes, une opinion incertaine ou douteuse est probable par cela même qu’elle est douteuse : p. 11. Toutes les opinions probables ne peuvent être vraies : puisqu’elles s’opposent contradictoirement deux par deux, et que les contradictoires ne peuvent être vraies à la fois, il y en a autant de fausses que de vraies : p. 113-114. Les opinions probables fausses ne peuvent être appuyées que sur des raisons fausses et des sophismes : p. 114 sq.

Sur la probabilité et la manière dont Port-Royal l’interprète, contraire à celle des casuistes, voir la Dissertation théologique sur la probabilité d’Arnauld dans les Notes de Wendrock de la Provinciale V.

L’argument du pari (Laf. 418, Sel. 680) donne une bonne idée de la manière dont Pascal traite une situation dans laquelle l’esprit se trouve incertain. Elle consiste à examiner la modalité de cette incertitude : devant la question de l’existence de Dieu, il est incertain que Dieu existe, il est incertain qu’il n’existe pas. « Parlons maintenant selon les lumières naturelles. S’il y a un Dieu il est infiniment incompréhensible, puisque n’ayant ni parties ni bornes, il n’a nul rapport à nous. Nous sommes donc incapables de connaître ni ce qu’il est, ni s’il est. Cela étant qui osera entreprendre de résoudre cette question ? ce n’est pas nous qui n’avons aucun rapport à lui. » Mais du point de vue de la modalité, on retrouve un socle de certitude, car il est certain qu’il est incertain que Dieu existe. Il faut donc prendre en compte cette incertitude certaine, et agir en fonction d’elle. Dans la géométrie du hasard, Pascal procède à peu près de la même manière, en délimitant l’incertitude sous la form d’un dilemme ou d’un trilemme dont la certitude est assurée. C’est là-dessus qu’il fonde son calcul des partis dans le Triangle arithmétique. Noter que ni dans le fragment 418 ni dans le Triangle arithmétique, Pascal n’emploie le terme probable. Il en résulte qu’il faut que l’incertitude soit réelle pour que l’on puisse parler de probabilité. Car il y a des cas où le doute n’est pas réel. Lorsqu’une opinion est certaine, il n’y a pas lieu d’accorder quelque probabilité que ce soit à l’opinion contraire. Par exemple, il ne faut pas tuer son prochain, et la proposition qui interdit le meurtre est certaine. Par conséquent l’incertitude n’a aucun lieu d’être. Autre exemple : comme la loi divine ordonne d’aimer Dieu, il n’y a aucune probabilité dans l’opinion qui consiste à dire qu’il suffit de ne pas le haïr (voir Provinciale X). Un des arguments récurrents dans les Provinciales, c’est que, dans un très grand nombre de cas envisagés par les casuistes, il existe une norme claire, certaine et sûre qui ôte toute incertitude, et qui par conséquent ôte toute probabilité.

Cependant, cette méthode ne diminue en rien l’incertitude sur le point concerné : il est peut-être certain qu’une pièce lancée en l’air retombera soit sur pile soit sur face, et que tertium non datur. Mais il n’en demeure pas moins douteux si ce sera pile ou face. La certitude de l’incertitude implique une attitude que l’on peut déterminer à l’égard de ce qui est certainement incertain, mais cela ne supprime pas l’incertitude que comporte la situation.

Faut-il distinguer probable et douteux ? Voir WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 204. Distinction chimérique inventée par les casuistes : p. 206. Selon Vasquez, “on est dans le doute (...) quand deux propositions sont tellement égales, qu’on ne voit point qu’il y ait entre l’attribut et le sujet de l’une une plus grande convenance qu’entre l’attribut et le sujet de l’autre : et l’on est dans l’opinion quand on aperçoit qu’il y a une plus grande convenance entre l’attribut et le sujet de l’une des deux propositions contradictoires qu’entre l’attribut et le sujet de l’autre” : p. 206-207. Wendrock admet cette distinction, mais il discute l’application : dans une égale probabilité, les casuistes soutiennent que l’on est dans l’opinion et non dans le doute, autrement dit que l’esprit donne un consentement probable à chacune des opinions contradictoires et qu’il ne demeure pas incertain à laquelle il donnera son consentement. Ils soutiennent ensuite que quoique l’une des propositions paraisse plus probable que l’autre, cela n’empêche pas que l’esprit ne donne à la moins probable un consentement à la vérité plus faible que celui qu’il donne à la plus probable, mais un vrai consentement tout de même. NB : j’ai l’infime pressentiment qu’on entre dans le pinaillage. Il est impossible que, dans une égale probabilité, l’esprit donne aucun consentement ; il est alors dans le doute : p. 208. Réfutation de la définition du doute par Tambourin, qui soutient qu’on n’est dans le doute que si on ne voit aucune raison ni dans un sens ni dans l’autre : p. 210 sq. Le jugement qui fait dire que deux propositions contradictoires sont probables n’ôte pas le doute, mais au contraire suppose un doute véritable : p. 215 sq.

Du côté des casuistes, surtout jésuites, la définition de la probabilité est un peu différente. Ils partent des définitions suivantes.

Les casuistes que Pascal qualifie de corrompus entendent la probabilité dans un sens diamétralement opposé au précédent : “Une opinion est appelée probable”, déclare le jésuite qui expose leur doctrine dans les Provinciales, “lorsqu’elle est fondée sur des raisons de quelque considération” : c’est la qualité d’une proposition qui n’est pas démontrée, mais qui a en sa faveur des arguments suffisants pour qu’on puisse considérer qu’elle a des chances sérieuses d’être vraie. Cette définition, qui par elle-même se comprend fort bien, se retrouve à peu près chez tous les défenseurs des casuistes.

Les casuistes distinguent douteux et probable : voir ESCOBAR, Liber theologiae moralis, Ex. III, cap. IV, p. 14 sq. De conscientia dubia : “Quaenam conscientia dubia ? Quae circa utramque contradictionis partem suspensa est, et neutri assentitur”. Escobar envisage ensuite la conscientia scrupulosa : “profecto scrupulus non est conscientia appellanda, cum non sit judicium, sed vana apprehensio, et hinc ortus timor peccatum alicubi esse, ubi non est”, p. 25. Voir Liber theologiae moralis, p. 24. De conscientia probabili. “Quaenam probabilis conscientia ? Quae judicium continet alicujus rei ex opinione probabili. Probabilis autem opinio ea dicitur, quae rationibus innititur alicujus momenti. Unde aliquando unus tantum Doctor gravis admodum opinionem probabilem potest efficere, quia vi doctrinae specialiter additus haud adhaerebit sententiae cuilibet nisi praestantis, seu sufficientis rationi vi allectus.” Les casuistes admettent qu’il faut choisir le plus sûr dans les choses douteuses, mais non dans les probables : I, p. 204. “On est dans le doute quand deux propositions sont tellement égales qu’on ne voit point qu’il y ait entre l’attribut et le sujet de l’une une plus grande convenance qu’entre l’attribut et le sujet de l’autre ; on est dans l’opinion quand on aperçoit qu’il y a une plus grande convenance entre l’attribut et le sujet de l’une des deux propositions contradictoires, qu’entre l’attribut et le sujet de l’autre” (Vasquez) ; dans une égale probabilité, l’esprit n’est pas dans le doute, mais dans l’opinion ; l’esprit donne un consentement probable à chaque opinion contradictoire : p. 207. Tambourin dit qu’on n’est dans le doute que si l’esprit n’aperçoit aucune raison, ni d’une part, ni de l’autre : p. 210. Wendrock répond qu’il est impossible que, dans une égale probabilité, l’esprit donne aucun consentement. Selon saint Thomas, s’il y a deux opinions contraires sur une même chose, il faut supposer comme un principe constant qu’il y en a une vraie et une fausse : II, p. 145. Les casuistes, eux, prennent le mot en un autre sens : est probable ce qui n’est ni absurde ni opposé à l’autorité, littéralement comme ce qui peut être approuvé.

PIROT, Apologie pour les casuistes, p. 80 sq. “L’opinion probable est celle qui est appuyée de raisons considérables. D’où s’ensuit que l’opinion la moins probable est celle qui a des raisons moins considérables, et de moindre importance.”

Les casuistes définissent comme suit les conditions auxquelles une opinion peut être rendue probable : voir NOUËT, Impostures XX, in Réponses, p. 183 :

1. qu’elle ne choque pas les vérités universellement admises dans l’Église,

2. qu’elle ne blesse pas le sens commun,

3. qu’elle soit fondée en raison, et appuyée d’une autorité sans reproche,

4. qu’elle ne soit pas généralement abandonnée.

Voir aussi DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 80 sq : Définition et limites de l’opinion probable. On ne doit pas appeler probable une opinion inventée par quelques docteurs contre le sentiment commun, mais qui est unanimement rejetée comme improbable ; il faut que l’opinion soit considérée comme probable par des savants qui sachent les matières et les aient approfondies : p. 82 sq. D’après Valentia, poursuit Daniel, dès qu’un des deux sentiments opposés nous paraît évident par la raison ou certain par la foi, l’autre ne peut plus nous paraître probable en aucune manière : p. 83. Conditions formulées par Sanchez, d’après Daniel, p. 84 :

1. qu’elle ne répugne pas aux autorités reçues dans l’Église, ni à une raison évidente,

2. qu’elle ne soit pas avancée contre le sentiment ordinaire des docteurs,

3. qu’elle soit appuyée sur un fondement solide.

Il ajoute les conditions selon Filiutius, p. 85 :

1. que l’opinion passe communément pour ne pas contenir d’erreur,

2. qu’elle ne soit contraire à aucun canon, ni à un décret des supérieurs.

Voir WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, éd. 1700, p. 105 sq. Note première sur le cinquième Lettre ou Dissertation théologique sur la probabilité, p. 113. Voir p. 116 sq., les conditions d’une opinion probable données par le P. Ferrier, Sentiments des casuistes sur la probabilité, c.1, p. 3 : “une opinion qui n’est fondée que sur des sophismes n’est point une opinion probable ; autrement il faudrait appeler probables les erreurs les plus détestables des hérétiques. Qu’appelez-vous donc opinion probable, selon la pensée des casuistes ? C’est, (...) un jugement ferme et arrêté, qui est fondé sur des raisons considérables, et qui n’est pas contraire à la raison évidente, ni aux paroles de l’Écriture sainte, ni aux définitions des conciles, ni aux décisions des papes, ni au consentement général des Pères et des docteurs”. Il faut donc deux qualités :

1. qu’elle soit établie sur des raisons considérables, c’est-à-dire “qui sont d’une part si proches de la vérité qu’elles contentent l’esprit d’un homme sage et intelligent, encore qu’elles ne le convainquent pas ; et que de l’autre elles soient si solides qu’après les avoir examinées, on ne puisse pas prouver évidemment qu’elles sont fausses”,

2. qu’elle ne soit pas opposée à la raison évidente, ni aux vérités catholiques qui nous sont déclarées par l’Écriture sainte, par les décisions des papes et des conciles, ou par le consentement des Pères et des docteurs de l’Église.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, I, La morale, p. 34, cite FERRIER, Sentiments des casuistes sur la probabilité, ch. I, p. 3. Il faut deux qualités pour rendre une opinion probable :

1. que l’opinion soit appuyée sur des raisons considérables,

2. qu’elle ne soit pas opposée à l’Écriture, aux Pères, aux papes, aux conciles.

Le jésuite Fabri, qui dirige un groupe de savants jésuites à Lyon, a traité de la définition de la probabilité dans un style plus technique : voir ses Notae in notas..., rédigées contre lees notes de Wendrock, p. 43, In quintam Epistolam nota I sive Dissertatio theologica de probabilitate, Sectio I. Controversiae status exponitur, § 1, Cavilli Jesuitarum, laus Parochorum. P. 47, § II, Quid sit opinio probabilis. Critique de l’ignorance de Wendrock. “Tria Propositionum genera mitio statim agnoscis, verarum scilicet, falsarum et probabilium. Egregia sane divisio, rudi etiam tyrone indigna. Quasi vero sententia probabilis, vera aut falsa non sit. Vis autem illam probabilem esse, cujus, nec veritas, nec falsitas certo percipitur. Quisquis ergo nihil penitus scit, innumeras habet probabiles sententias. Sic apposite ignorantiam a probabilitate non distinguis : in quo turpiter hallucinaris.

Nempe illa sententia probabilis est, quae ratione probabili et gravi auctoritate nititur, et contra quam opposita etiam probabiliter refelluntur : equidem illius veritas aut falsitas certo non constat : multa enim sunt, quae mentis humanae oculus perspicue non penetrat ; appulsum tamen probabilis veritatis lumen omnino sufficit, ut mens probabilem assensum praebeat, cum aliqua licet formidine conjunctum. Quod autem multi, ut dicis, pro certis nonnulla venditent, quae ne probabilia quidem, aut vicissim pro improbabilibus, quae alioquin certa sunt ; id paralogisme et nativae hominum hallucinationi tribuendum : item quod uni probabile videatur illud ipsum, quod alius improbabile reputat, vel negligentiae, vel diligentiae utriusque est. Nimirum saepe accidit, ut vel ratio, vel solutio argumenti uni veniat in metem, non vero alteri.

Neque id quod sub finem asseris, veritatis consentaneum est, ideo ( Pag. 75) scilicet, quidque tantum probabile judicari, quia veritas ignoratur. Melius dixisses, illud esse probabile, quod probabilis duntaxat ratio persuadet : illa porro ratio probabilis censetur, quae ita mentem ad prudentem assensum movet, ut non necessariô trahat seu rapiat, sed liberum ei dissensum relinquat. Illud demum probabile in moribus esse subnectis, quod tale videtur doctis, piis et acutis. Locum extrinsecum duntaxat adhibes, ab auctoritate petitum : sed cur illud acutis tertio loco subnectis ? Quasi vero solidum ingenium hac in parte non sit acuto anteponendum (...)”. /p. 49/ Suivent des critiques contre les docteurs jansénistes.

Sectio II. De I. Probabilistarum axiomate. Probabilem omnem opinionem etiam falsam et legi divinae contrariam, a peccato coram Deo excusare.

§ I. Ejus falsitas ex s. Thoma demonstratur. (...)

/p. 50/ § II. Idem probatur ex Scriptura et patribus. Texte allégué par les curés de Paris : “si caeco ducatum praestet, ambo in foveam cadunt”. Protestation : “Quasi vero ingorantia, vel caecitas affectata et voluntaria, quà revera Pharisaei tenebantur, opinionem probabilem faciat. Quis Tyro / p. 51/ tam supine peccaret ! caecitas affectata errorem facit, vel opinionem erroneam affectatam : quantum haec a probabili discrepet, qui, amabo, ignoret, non theologus, sed rudis et novitius theologiae candidatus ? Adducis alium locum, quem et ipsi Parochi protulerunt : Est via, quae videtur homini recta, et novissima illius ducunt ad mortem. Videtur, inquam, poer ignorantiam, crassam et voluntariam, non vero inculpatam et invicibilem.

Hic fateris ultro, opinionem probabilem falsam ab erroneam non differre. In quo sane turpiter erras. Nam erronea probabili ratione non nititur, sed communi Ecclesiae testimonio repugnat : hinc opposita certa est. Quis hoc de probabili dicat ? erras, inquam, Willelme, non tamen inculpato errore, quia doceri non vis. Sed, inquis, sunt quidam errores, qui difficilius et a paucioribus deprehenduntur, et hi vulgo probabiles opiniones censentur. Vah stultum caput ! quinam sunt illi pauciores. Jansenistas intelligis. Sed quis eos Judices constituit in re morum et fidei ?”

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, Romae, typis HH. Corbelletri, 1659. Non paginé. Voir p. 6 : “addo unicam definitionem opinionis probabilis ; eam enim dico esse, quae citra certitudinem, rationabili fundamento nititur ; rationabile autem est, quod ad rationabilem seu prudentem assensum sifficienter movet, accedente scilicet voluntatis imperio.” Fabri veut éclaircir deux difficultés, dont l’une a été soulevée par un “recentior” : “prima est, quod cum, ne dubia sit conscientia, certa esse debeat, id est, judicium illud practicum certum, quo indico hic et nunc, me licite hoc, vel illud agere posse, hoc certum judicium ex incertis, seu probabilibus deduci nequit, conclusion scilicet certa ex praemissis tantum probabilibus, igitur conscientia certa ex opinione probabili formari non potest. Inde aliquis recentior decuit, nunquam nobis conscientiam tutam esse, cum ex opinione tantum probabili agimus. Altera difficultas est, quod cum probabili sequatur tantu probabile, certe ex opinione tantum probabili suquitur judicium practicum tantum probabile ; quod aliqui dixisse visi sunt : cum igitur viderem duas extremas sententias, quarum altera omnem probabilitatem a principiis actionum moralium excluderet, ut consuleret certitudini conclusionis, vel conscientiae altera certitudinem a conscientia removeret, ut principiorum probabilitatem retineret ; mediam viam (...) inire decrevi...” Explication de cette définition : p. 11. “Dicam amplius, aliam opinionem probabilem esse, de qua certo constat, quid sit probabilis ; ita ut haec modalis propositio sit vera, certum est, illam opinionem esse probabilem ; hinc quod tale praedicatum subjecto insit, contingens est, et probabile ; quod certo probabile sit, revera inesse, id est, quod illa opinio sit probabilis, omnino certum est : addo tamen, aliam opinionem ita probabilem esse, ut probabilitas certa non sit, sed incerta, et probabilis ; hinc modalis ista vera est, probabile est, hanc opinionem esse probabilem ; haec vero falsa, certum est, hanc opinionem esse probabilem : duplex igitur est propositionum probabilium genus ; aliud certo probabilium, aliud probabiliter probabilium. Pithanoph. Rem hanc, ni fallor, capio ; nempe aliquae propositiones ita sunt probabiles, ut nullum dubium esse queat, qui, eae tales sint ; hinc plerique sapientes omnes pro vere probabilibus eas admittunt ; aliae vero ita sunt probabiles, ut multi tamen rationabiliter id negent ; licet alii multi rationabiliter illud adstruant” : p. 11-12. Il y a des opinions certo probabiles, d’autres probabiliter probabiles : p. 12. Le motif qui fonde l’opinion probable : p. 12 sq. Voir p. 27 : soit la proposition triplex contractus… non est usurarius, qui est catégorique, et certum est illam opinionem, vel propositionem esse probabilem, qui est modale ; “ quod ille contractus non sit usuraius, probabiliter teneo, non certo ” ; mais quod autem hoc sit probabile, non probabiliter modo, sed verum etiam certo scio ”.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 191 sq. Défense des jésuites sur le sujet des opinions probables et du probabilisme. Genèse et histore du probabilisme. Les jésuites ennemis du probabilisme : p. 192 sq.Voir p. 195 sq., les conditions pour que l’avis d’un docteur donne de la probabilité à son opinion. Quand un motif est suffisant pour faire impression sur un bon esprit, et qu’il n’est combattu par aucune raison ou autorité capable d’en détruire la force, alors il y a opinion probable : p. 195. Une opinion cesse d’être probable lorsqu’elle a contre elle l’Écriture, la tradition, les conciles, les décisions du Saint-Siège, l’évidence, ou le sentiment commun des théologiens : p. 195. Le probabilisme pur permet de suivre le moins sûr et le moins probable ; le probabilisme sévère n’autorise à choisir le moins sûr qu’autant qu’il serait également probable (probabiliorisme) : p. 195. La probabilité est intrinsèque ou extrinsèque, suivant qu’elle est fondée sur la raison ou sur l’autorité : p. 195. La probabilité extrinsèque exige quelque docteur de mérite qui ait traité la question ex professo et dont le sentiment soit reconnu probable même par ses adversaires : p. 196.

PARISH, Pascal’s Lettres Provinciales, p. 42. Défense des opinions probables par les Impostures. Conditions pour qu’une opinion soit probable.

Les ennemis des opinions probables attaquent souvent les casuistes en récusant l’une de ces conditions.

On montre par exemple que ces conditions sont, malgré les apparences, dénuées de toute portée. Voir sur ce point WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p.105 sq. Note première sur la cinquième Lettre ou Dissertation théologique sur la probabilité, p. 113. Nullité des conditions que pose Caramuel pour pouvoir nier une opinion probable : “il faut faire voir, dit ... Caramuel, que les raisons qui prouvent qu’une opinion est mauvaise sont démonstratives, et qu’on ne peut y opposer aucune réponse probable. Il faut encore faire voir que les raisons dont on se sert pour prouver que cette opinion est bonne, ne sont même pas probables. Or il est constant qu’on ne peut apporter de telles raisons sur des choses douteuses” : p. 113. Voir la conséquence p. 136-137 : si l’on s’en tient à ces conditions, on demande “comment les plus habiles théologiens pourraient rejeter une opinion comme improbable, quelque opposée qu’elle fût à la raison et à l’Écriture, pourvu qu’elle ait quelques défenseurs dans l’école des casuistes ?”

Sur les conditions pour qu’une opinion soit sérieusement probable, voir aussi PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, I, p. 98. Opinion de Sainte-Beuve sur la possibilité de suivre une opinion probable. La probabilité extrinsèque ne suffit pas ; il faut qu’une opinion, outre l’autorité, ait sa probabilité intrinsèque. Et qu’elle ne soit pas contraire à l’Église : p. 98. Voir p. 120 : Les conditions posées par les casuistes pour qu’une opinion soit probable : ne pas être contraire à la foi ; être appuyée sur de bonnes raisons, ne veulent pas dire grand chose : l’auteur reprend, à propos de la définition de l’opinion probable, l’argument de Wendrock sur le fait que, de deux opinions probables contraires, l’une est vraie et l’autre fausse, ou en droit naturel ou dans le décalogue, une moitié contraire au droit ou à l’Écriture : p. 145. Une moitié des opinions probables est donc contraire au Décalogue : p. 146. On ne peut pas dire que la probabilité se définit par le fait de n’être pas contraire à l’Écriture.

On peut aussi mettre en cause le sérieux, la compétence et l’autorité des docteurs soi-disant graves. Le Quatrième écrit des curés de Paris, in Divers écrits des Curés..., p. 130, remarque que les jésuites traitent tous les autres d’ignorants, et eux seuls de doctes. Mais Pascal répond dans le fragment Laf. 722 : “Probable. Quand il serait vrai que les auteurs graves et les raisons suffiraient je dis qu’ils ne sont ni graves, ni raisonnables. Quoi ! un mari peut profiter de sa femme, selon Molina ! La raison qu’il en donne est-elle raisonnable et la contraire de Lessius l’est-elle encore ?” Une note plus ample se trouve sous la plume de Nicole dans WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique, p. 123 sq., § X, Ce que c’est, selon les jésuites, qu’un homme docte. Quelle que soit l’habileté de ce docte, il faut qu’il soit ignorant en quelque chose, puisqu’il défend des opinions probables. Après avoir couvert ce docte d’éloges, les jésuites “donnent indifféremment cette qualité si glorieuse au moindre des casuistes” : “ainsi non seulement Lessius, Vasquès, Suarès, Molina, Reginaldus, Filiutius, Baldellus, Escobar, et les autres jésuites du premier ordre sont doctes, selon eux, mais encore le moindre jésuite doit être regardé comme tel, pourvu qu’il ait fait quelque livre, ou employé quelques temps à feuilleter ceux des casuistes. Enfin toute leur société, si on les en croit, n’est composée que de doctes” : p. 123. Voir Note III de la Lettre VI, p. 366. Sur Bonacina : c’est un pauvre homme, dont on ne doit pas tenir l’autorité pour beaucoup, pour n’en rien dire de plus fort. Les casuistes disent qu’un ou plusieurs auteurs graves ayant approuvé une opinion suffisent pour qu’elle soit probable pour tout le monde ; on n’a pas le droit, parce qu’un auteur juge probable une opinion, de la faire tenir probable par d’autres. Ce qu’est un homme docte pour les jésuites : c’est une image idéalisée, alors que dans la pratique, ils déclarent docte n’importe quel casuiste : p. 121. Voir Dissertation..., Section sixième, p. 260 sq., De l’autorité qu’ont les casuistes pour rendre leurs opinions probables. Qu’il y a des casuistes dont l’approbation rend plutôt leur opinion improbable que probable : p. 263 sq. Que les casuistes n’ont pas plus d’autorité, mais moins, pour avoir beaucoup écrit : p. 267 sq.

La question est abordée dans CARIOU Pierre, Les idéalités casuistiques, p. 30 sq. Qui a établi le casuiste dans son autorité ? : p. 31.

Pascal s’en prend à la doctrine des opinions probables d’une manière originale dans les Provinciales : il en développe les implications en faisant parler son personnage de jésuite, pour en faire apparaître les conséquences absurdes, scandaleuses ou inadmissibles.

La formule selon laquelle la probabilité est intrinsèque ou extrinsèque, suivant qu’elle est fondée sur la raison ou sur l’autorité, marque le point où se produit le premier dérapage des casuistes.

Parmi les “raisons” qui peuvent rendre une opinion probable figure l’autorité d’un théologien sérieux : “un seul docteur fort grave peut rendre une opinion probable. Et en voici la raison : car un homme adonné particulièrement à l’étude ne s’attacherait pas à une opinion, s’il n’y était attiré par une raison bonne et suffisante (…). Une opinion probable est celle qui a un fondement considérable : or l’autorité d’un homme savant et pieux n’est pas de petite considération, mais plutôt de grande considération.” Ainsi, la probabilité, qui selon Arnauld provient seulement de l’ignorance de l’esprit, est considérée ici comme un caractère intrinsèque d’une opinion, qui peut être considérée comme probable en soi, à partir du moment où elle a été déclarée telle par un docteur grave.

Ce point d’importance apparemment minime est lourd de conséquence : il implique que la probabilité de l’opinion lui est conférée par le fait qu’un docteur grave l’approuve, et qu’elle doit être probable pour moi, même si je la crois fausse, pourvu que l’autorité du docteur la recommande. C’est le germe d’une métamorphose du concept de probabilité.

Par conséquent un seul docteur peut rendre une opinion probable. Pascal la dit dans la Ve Provinciale, et on le confirme parmi ses adversaires : voir NOUËT, Réponse à la XIIIe lettre..., in Réponses..., p. 345 sq. Quand on dit que tout ce qu’approuvent des auteurs célèbres est probable et sûr, on entend que la probabilité d’une opinion ne dépend pas tant de la multitude des auteurs qui l’enseignent que de la force des raisons sur lesquelles elle est appuyée ; et quand il n’y aurait qu’un docteur pour elle, si les raisons sont bonnes, son autorité est suffisante pour l’introduire dans l’Église ; Pascal a tort de séparer l’autorité de l’auteur de la force de ses raisons : p. 346.

Comme deux auteurs graves peuvent être d’opinion différente, et que chacun rend son opinion probable, des opinions diamétralement contraires peuvent être probables en même temps. A l’objection que la diversité des docteurs ne permet pas d’espérer que “ce qui paraîtra sûr à l’un le paraisse à tous les autres”, le jésuite des Provinciales répond : “Vous ne l’entendez pas (…) ; aussi sont-ils fort souvent de différents avis ; mais cela n’y fait rien : chacun rend le sien probable et sûr. Vraiment l’on sait bien qu’ils ne sont pas tous de même sentiment ; et cela n’en est que mieux. Ils ne s’accordent au contraire presque jamais. Il y a peu de questions où vous ne trouviez que l’un dit oui, l’autre dit non. Et en tous ces cas-là, l’une et l’autre des opinions contraires est probable”. Deux casuistes peuvent être “de contraires avis ; mais, parce qu’ils (sont) tous deux savants, chacun rend son opinion probable”. Ainsi, “l’opinion d’un seul docteur grave” suffisant pour rendre une opinion probable, “un seul docteur peut tourner les consciences et les bouleverser à son gré, et toujours en sûreté”. Bref, sous prétexte de probabilité, les casuistes créent de l’incertain en morale.

Il en résulte que non seulement la probabilité d’une opinion est indépendante de sa vérité ou de sa fausseté, mais que les opinions probables ne sont pas soumises au principe de non-contradiction. Dans la science par exemple, la démonstration d’une proposition entraîne la fausseté de la proposition contraire : la Préface au Traité du Vide montre comment la physique établit des vérités nouvelles par un processus d’élimination progressive des faux principes qui égarent les savants : c’est en supprimant par l’expérimentation les thèses du vide, de la légèreté de l’air, ou de l’absence de poids d’une liqueur en elle-même que l’on est parvenu à la théorie de la pression atmosphérique. Il n’en va pas de même dans les opinions probables : une opinion n’empêche pas sa contraire d’être probable, et ne la supprime donc pas. Comme l’écrit Pascal dans le fragment Laf. 653 des Pensées : “Probabilité. Chacun peut mettre, nul ne peut ôter.” Dans la doctrine des opinions probables, on peut toujours ajouter des opinions puisqu’il suffit qu’un docteur grave la soutienne, mais on ne peut en retrancher, puisqu’une opinion n’empêche pas l’opinion contraire d’être probable en même temps qu’elle. Cette doctrine aboutit à une véritable théorie du progrès des sciences qui est, elle aussi, le contre-modèle de la géométrie. La casuistique, comme toutes les sciences, s’accroît au fil des années de propositions nouvelles. Mais ce progrès est d’un genre spécial : elle progresse par addition et accumulation continuelles : comme chaque docteur grave peut rendre une nouvelle opinion probable, on peut toujours ajouter de nouvelles opinions aux anciennes ; mais comme une opinion probable ne supprime pas la probabilité de l’opinion contraire, ni être supprimée par elle, nul ne peut retrancher. L’accumulation monstrueuse des opinions probables est la caricature de la multiplication à l’infini des propositions de la géométrie.

D’autre part, la genèse des opinions probables est aux yeux de Pascal une caricature de celle des propositions de la géométrie. Dans les sciences, les propositions naissent les unes des autres par la voie de la démonstration. Une opinion probable en revanche se confirme non par démonstration ni par autorité, mais au fil du temps, selon les circonstances et la mode : d’abord un docteur grave l’invente, la propose, puis la laisse mûrir ; les années l’affermissent et “après un temps considérable, elle se trouve autorisée par la tacite approbation de l’Église”. Il n’est pas nécessaire qu’elle soit démontrée, bien au contraire. La mue d’une opinion probable de l’état de “simple pensée” à celui de maxime sûre en conscience est présentée avec plus de force dans le premier Écrit des Curés de Paris : “Ainsi les maximes qu’ils n’avaient jetées d’abord que comme de simples pensées furent bientôt données pour probables ; ils passèrent de là à les produire pour sûres en conscience, et enfin aussi sûres que les opinions contraires, par un progrès si hardi, qu’enfin les puissances de l’Église commençant à s’en émouvoir, on fit diverses censures de ces doctrines”.

Ce qui choque Pascal dans la casuistique telle que la pratiquent les jésuites, c’est d’abord qu’elle détruit les règles de la pensée, dans la mesure où en rendant probable et sûre n’importe quelle maxime, elle détruit le moyen de chercher et de trouver le certain.

Pascal a expliqué ce point sous une forme particulièrement vigoureuse dans le premier Écrit des curés de Paris, §3 : « Ce qu’il y a de plus pernicieux dans ces nouvelles morales, est qu’elles ne vont pas seulement à corrompre les mœurs, mais à corrompre la règle des mœurs ; ce qui est d’une importance tout autrement considérable. Car c’est un mal bien moins dangereux et bien moins général d’introduire des dérèglements, en laissant subsister les lois qui les défendent, que de pervertir les lois et de justifier les dérèglements ; parce que, comme la nature de l’homme tend toujours au mal dès sa naissance, et qu’elle n’est ordinairement retenue que par la crainte de la loi, aussitôt que cette barrière est ôtée, la concupiscence se répand sans obstacle ; de sorte qu’il n’y a point de différence entre rendre les vices permis et rendre tous les hommes vicieux. »

Le souci intellectuel est en l’occurrence indissociable du souci spirituel. Il n’y a donc pas lieu de voir dans la critique des opinions probables une manifestation d’une manie rigoriste de la part de Pascal.

La seconde raison qui choque Pascal, c’est que non seulement la doctrine des opinions probables détruit les fondements de la pensée, mais elle supprime toute possibilité de connaître la vérité d’une proposition, et surtout elle détruit chez les fidèles le besoin de rechercher le vrai, puisque le probable se suffit à lui-même, et que n’importe quel probable peut tenir lieu de vérité. Or dans son esprit, c’est toute la vie chrétienne qui est ainsi compromise, puisqu’on en retire le souci de la recherche du vrai, qui en est le nerf.

Cette fois, le dérapage est situé en ce qu’une opinion probable, du seul fait qu’elle est probable, est aussi sûre, c’est-à-dire qu’elle peut être mise en application en toute tranquillité de conscience. La doctrine des casuistes admet même que l’on peut choisir l’opinion la moins probable et la moins sûre, sans s’exposer au moindre reproche moral. Voir ce qu’en écrit l’abbé MAYNARD dans son édition des Les Provinciales et leur réfutation, p.194, pour défendre le probabilisme : quand un motif est suffisant pour faire impression sur un bon esprit, et qu’il n’est combattu par aucune raison ou autorité capable d’en détruire la force, alors il y a opinion probable ; le probabilisme consiste à dire que dans le conflit de deux opinions on peut choisir la moins probable et la moins sûre, pourvu qu’elle soit vraiment probable : p. 195. Voir contra LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, I, p. 33 sq. L’axiome que qui suit une opinion probable ne pèche pas signifie que toute opinion probable, quelle que soit sa vérité, est sûre en conscience.

Sur la doctrine de la sûreté pratique, voir WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p.170 sq. Thèse des casuistes : “nous avouons que cet homme qui a suivi une opinion probable n’est point assuré spéculativement, si ce qu’il a fait est permis ou non ; car autrement ce ne serait plus une opinion probable, mais une opinion certaine qu’il aurait suivie : mais nous soutenons que ce même homme dans la pratique n’a aucun doute, ni aucune incertitude, e tqu’il est dans une entière assurance. Car le jugement qu’il porte qu’une chose lui est certainement permise dès qu’il est probable qu’elle est permise, quelque incertain qu’il soit dans la spéculation, est très certain dans la pratique, puisque chacun peut suivre en sûreté et avec prudence une opinion probable ; ainsi quoique cet homme doute spéculativement, il ne doute point néanmoins pratiquement, et par conséquent ne pèche point, concluent-ils, contre cette règle de tous les autres théologiens, qui condamnent de péché ceux qui agissent dans le doute, et qui préfèrent l’incertain au certain” : p. 171-172.

Dès lors que la conscience se sent en sûreté, l’homme n’a plus besoin de rechercher le bien, puisqu’il est sûr de le posséder. Comme la recherche du bien ne peut se faire, pour un augustinien comme Pascal, que par le moyen de la prière, c’est toute la vie spirituelle chrétienne qui se trouve détruite par les conséquences de la doctrine des opinions probables.

Dans le doute, Pascal pense au contraire en tutioriste : “Je ne me contente pas du probable, (…) je cherche le sûr”, ce qui conduit en général à prendre le parti le plus exigeant.

Au surplus, toujours dans une perspective augustinienne, à la destruction de la recherche de la vérité s’ajoute un danger moral, dans la mesure où les opinions probables ouvrent un véritable boulevard à la concupiscence issue du péché originel. Le jésuite des Provinciales le dit sous une forme amusante en apparence : voir là-dessus Provinciale V, §18 : « Mais, mon Père, lui dis-je, on doit être bien embarrassé à choisir alors ! Point du tout, dit-il, il n’y a qu’à suivre l’avis qui agrée le plus. Et quoi ! si l’autre est plus probable ? Il n’importe, me dit-il. Et si l’autre est plus sûr ? Il n’importe, me dit encore le Père ; (...) Nous voici bien au large, lui dis-je, mon Révérend Père, grâces à vos opinions probables. Nous avons une belle liberté de conscience. Et vous autres casuistes, avez-vous la même liberté dans vos réponses ? Oui, me dit-il, nous répondons aussi ce qu’il nous plaît, ou plutôt ce qu’il plaît à ceux qui nous interrogent (...). Voici les paroles de Layman, que le livre de nos vingt-quatre a suivies : Un docteur étant consulté peut donner un conseil, non seulement probable selon son opinion, mais contraire à son opinion, s’il est estimé probable par d’autres, lorsque cet avis contraire au sien se rencontre plus favorable et plus agréable à celui qui le consulte, si forte baec illi favorabilior seu exoptatior sit. » Mais par ce qui plaît, un augustinien entend naturellement la concupiscence. Pascal l’indique dans le premier Écrit des curés de Paris, § 6 : « On voit, en ce peu de mots, l’esprit de ces casuistes, et comment, en détruisant les règles de la piété, ils font succéder au précepte de l’Écriture, qui nous oblige de rapporter toutes nos actions à Dieu, une permission brutale de les rapporter toutes à nous-mêmes : c’est-à-dire, qu’au lieu que Jésus-Christ est venu pour amortir en nous les concupiscences du vieil homme, et y faire régner la charité de l’homme nouveau, ceux-ci sont venus pour faire revivre les concupiscences et éteindre l’amour de Dieu, dont ils dispensent les hommes, et déclarent que c’est assez pourvu qu’on ne le haïsse pas. »

Pensées, Laf. 601, Sel. 498. Les casuistes soumettent la décision à la raison corrompue et le choix des décisions à la volonté corrompue, afin que tout ce qu’il y a de corrompu dans la nature de l’homme ait part à sa conduite.

Voir ce qu’écrit MIEL Jan, Pascal and Theology, p. 137 sq. Pascal n’attaque donc pas la doctrine traditionnelle de la probabilité ; dans le probabilisme, il s’en prend non seulement à une doctrine moralement pernicieuse, mais à une absurdité logique qui serait insupportable dans n’importe quel domaine. Il n’attaque même pas la casuistique en elle-même. Le laxisme est condamné non pas tant au sens de l’indulgence morale, mais comme corruption des règles de la morale : p. 138. Voir sur ce point ce que dit le Factum pour les curés de Paris : c’est un mal moins dangereux d’introduire des dérèglements en laissant subsister les lois qui les défendent, que de pervertir les lois et de justifier par là les dérèglements : p. 138. Le vice de la casuistique, c’est non l’indulgence envers les pécheurs, c’est de supprimer les péchés, et par là de supprimer le repentir et le besoin d’un Sauveur : p. 138-139. Sur Bauny, Voilà celui qui ôte les péchés du monde : p. 139. Ce n’est pas la douceur par elle-même que Pascal mais corruption de la loi . Le laxisme n’est pas une manière d’être indulgent envers le pécheur, c’est une manière de supprimer le péché : p. 138.

Le danger est d’autant plus que, comme c’est fréquent chez les spécialistes qui cherchent à se rapprocher toujours plus du réel, les casuistes ont tendance à imaginer des cas toujours plus complexes, des distinctions toujours plus subtiles, ce qui les conduit souvent à trouver probables des opinions bizarres, voire absurdes. Pascal s’amuse à montrer sur pièces qu’avec un tel système, n’importe quoi peut devenir probable. Un de ses procédés favoris dans les Provinciales est de montrer qu’une gradation permet de conduire du probable au bizarre, et du bizarre à l’absurde. Exemple : un juge peut-il recevoir de l’argent d’une des parties pour rendre un jugement en sa faveur ? Oui, “s’il a fait gagner le procès à celui qui n’a pas bon droit”, car “il ne doit pas l’injustice, et qu’ainsi il peut en recevoir de l’argent”. Non “quand on a bon droit”, car “ le juge doit la justice”, donc il ne peut la vendre”. Autre question biscornue : un devin “est-il obligé de rendre l’argent qu’il a gagné par cet exercice ?” Il faut distinguer si ce devin s’est servi de l’astrologie, ou s’il a employé l’art diabolique : car il “est obligé de restituer en un cas, et non pas en l’autre”. On pourrait croire qu’il doit restituer s’il a usé de diablerie. Au contraire : car “on peut bien deviner par l’art du diable, au lieu que l’astrologie est un moyen faux” ; donc si ce devin n’a pas invoqué le diable, il n’a pas fait son travail honnêtement, il doit donc restituer ; mais s’il en a pris la peine, cet habile sorcier n’y est pas obligé. “Voilà le moyen d’engager les sorciers à se rendre savants et experts en leur art” pour le service public.

On retrouve ici un principe qui répond à la sophistique grecque : voir PRADEAU J.-F. (dir.), Les sophistes, I, Paris, Garnier-Flammarion, 2009, p. 64 ; ARISTOTE, Métaphysique, G 4, 17 b : « C’est de cette opinion (sc. la négation du principe de non contradiction) que résulte donc la thèse de Protagoras, si bien que les deux doivent être vraies ou fausses. Si toutes les opinions et toutes les apparences sont vraies, il en résulte nécessairement que toutes sont à la fois vraies et fausses. Car bon nombre de gens prononcent des opinions contraires à celles d’autres gens, et ils jugent que ceux qui n’ont pas la même opinion se trompent : aussi la même chose doit-elle à la fois être et ne pas être. Et s’il en va ainsi, il est nécssaire que toutes les opinions soient vraies. Par exemple, celui qui ment et celui qui dit le vrai soutiennent deux choses opposées ; mais si les choses sont ainsi, alors tout le monde dit vrai. »

Naturellement, cette opération exige que soit annulée d’une manière ou d’une autre la certitude de la norme que constituent les lois de Dieu et de l’Église. Pascal relève plusieurs techniques inventées par les casuistes probabilistes à cet effet. Ce sont par exemple :

le jeu sur les définitions des mots, qui permettent d’autoriser un acte sous un nom en l’interdisant sous un autre (par exemple lorsque les casuistes maintiennent en apparence l’interdiction de l’assassinat, défini comme meurtre par trahison, mais autorisent le meurtre sans trahison) ;

la distinction de sphères de probabilité, à l’intérieur de chacune desquelles chaque casuiste peut trouver une opinion probable sans que cela affecte les opinions que d’autres casuistes peuvent trouver probable dans leur propre sphère de probabilité ;

la création de distinctions qui permettent de disjoindre des cas pour leur appliquer un traitement différent ;

l’omission de certaines circonstances honteuses, comme quand on demande si un juge a droit ou non de garder l’argent rendu pour une décision injuste, en omettant le fait que pour un juge, rendre une décision injuste est déjà une faute par soi ;

le saucissonnage des actions, qui consiste à les considérer partie par partie, afin de justifier chacune pour rendre innocent ce qui serait criminel si on le considérait dans sa totalité ;

et naturellement la direction d’intention, qui permet de jouer sur les fins d’une action.

Les décisions des casuistes sur l’amour de Dieu forment dans la Xe Provinciale une cascade burlesque qui aboutit au scandale, puisqu’elle conduit à la négation du commandement fondamental de la loi divine : “Suarez dit que c’est assez, si on l’aime avant l’article de la mort, sans déterminer aucun temps ; Vasquez, qu’il suffit encore à l’article de la mort ; d’autres, quand on reçoit le Baptême ; d’autres, quand on est obligé d’être contrit ; d’autres, les jours de fêtes. (…) Hurtado de Mendoza prétend qu’on y est obligé tous les ans, et qu’on nous traite bien favorablement encore de ne nous y obliger pas plus souvent ; mais notre Père Coninch croit qu’on y est obligé en trois ou quatre ans ; Henriquez tous les cinq ans, et Filiutius dit qu’il est probable qu’on n’y est pas obligé à la rigueur tous les cinq ans.” Enfin le P. Antoine Sirmond conclut qu’on n’est obligé “qu’à observer les autres commandements, sans aucune affection pour Dieu, et sans que notre cœur soit à lui, pourvu qu’on ne le haïsse pas”. Dans ces conditions, n’importe quoi devient probable.

Les défenseurs des jésuites reprochent à Pascal le caractère systématique de sa critique, et plus précisément le fait qu’il présente comme un système cohérent – l’effet d’une politique - ce qui n’est au fond qu’un désordre confus d’oipinions particulières. C’est un des points sur lesquels le P. Daniel insiste dans ses Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe. Paradoxalement, c’est ce que remarque CONDORCET, éloge de Pascal, in Œuvres de Condorcet, t.3, Firmin Didot, Paris, 1847, p. 598. La tactique de Pascal : présenter comme un système adopté par les jésuites les opinions probables.

La même objection est reprise aujourd’hui par DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal, p. 136 sq. Critique de la méthode de Pascal : il procède avec les opinions probables comme avec la casuistique en général : il attaque un système là où il n’y a qu’une accumulation de décisions dont certaines sont maladroites ou mal déduites : p. 144. La probabilité chez les casuistes n’occupe qu’une place restreinte à des cas limites ; Pascal a tort d’en faire la base et le moyen d’un nouveau système moral : p. 146.

Est-il probable que la probabilité assure ? Voir WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p.173, l’emploi de cette question dans un dilemme contre les casuistes.

On peut approfondir la question par les lectures suivantes.

Dictionnaire de théologie catholique, Probabilisme. Genèse du Probabilisme. Au Moyen Age, absence de casuistique probabiliste en théologie. Saint Thomas, Quodl. VIII, a, 13 ; “illud ... quod agitur contra legem semper est malum, nec excusatur per hoc quod est secundum conscientiae. Le bien, c’est la conformité à la loi.

QUANTIN J.-L., “Le Saint-Office et le probabilisme (1677-1679). Contribution à l’histoire de la théologie morale à l”époque moderne”, Mélanges de l’Ecole française de Rome, t. 114, n°2, 2002, p. 875-960.

MESNARD Jean, “Perspectives modernes sur la casuistique”, in De la morale à l’économie politique, Op. cit., n°6, Pau, 1996, p. 110 sq. Pascal contre la doctrine des opinions probables.

FRANKLIN James, The science of conjecture. Evidence and probability before Pascal, Baltimore and London, The John Hopkins Press, 2001.

CHEVALLEY Catherine, Pascal. Contingence et probabilité, p. 83 sq.

ADAM Antoine, Histoire de la littérature française au XVIIe siècle, II, L’époque de Pascal, p. 253 sq.

LE GUERN Michel, Pascal et Arnauld, Paris, Champion, 2003, p. 88 sq.

CARIOU Pierre, Pascal et la casuistique, p. 41 sq.

Pascal et les probabilités, Cahiers pédagogiques de philosophie et d’histoire des mathématiques, fascicule 4, Rouen, CRDP, 1993, p. 59 sq. Remarques sur les probabilités dans les Provinciales. Le probabilisme : p. 62. Définition de l’opinion probable : p. 63.

Jansénius contre les opinions probables

JANSÉNIUS, Augustinus, t. II, De ratione et auctoritate in rebus theologicis liber prooemialis, in quo limites humanae rationis in rebus theologicis indagantur ; et auctoritatis S. Augustini in tradendo mysterio preadestionatinis et gratiae declaratur, p. 2 sq. Caput octavum. Quaestiones et veritates pure scholasticae nihil cum cognitione charitatis commune habent, propter diversas causas. Praecipitia in quae se prorumpunt : p. 19. « Nulla quaestio pure scholastica tam stabiliter firmata sit, quin per adversarios novis opinionibus discrepantes labefactetur » : p. 19. « non raro adest et studium gloriand, quo quisque alio sapientior et acutior videri cupit ; nec sententiae quodammodo addictus alienae, sed sui dogmatis et opinionis inventori » : p. 19. Les disputes scolastiques ne font que multiplier les conflits : p. 21. « In quae praecipitia non abripiat mentes terrenarum rerum cupiditate stimulatas illa cujusdam recentioris regula, quâ decernit, quod si cui ratio erronea dictet aliquid esse peccatum, ex alia tamen parte vellet facere, licite deponit istam conscientiam absque ulla alia ratione, etiamsi ex impetu vel libito fiat ? Jam paene quidlibet fecit licitum regula de opinione minus probabili sequenda etiam contra propriam opinionem, quam veram putes ? Jam enim in tanta opinionum varietate, vix aliquid in moribus tam absurde est, nisi decalogum aperie feriat, imo etis feriat, quid non factum sit probabile » : p. 22.

Fragments des Pensées sur les opinions probables

Le manuscrit des Pensées fournit plusieurs pages de notes qui ont servi à la rédaction des Provinciales. Certaines d’entre elles touchent la doctrine des opinions probables. Elles ont l’intérêt de présenter, sous une forme condensée, certains des thèmes développés plus amplement dans la rédaction définitive. Leur caractère elliptique s’explique par le fait qu’il s’agit de notes qui devaient servir de réserve pour étoffer des textes plus longs, mais dont toute trace a disparu lorsque, la Provinnviale à laquelle elles étaient destinées étant achevée, les brouillons en ont été jetés. Dans les notes qui suivent, on trouve de nombreux passages barrés : lorsque Pascal avait utilisé une indication, il la biffait. Lorsqu’il n’avait pas tout employé, mais que certaines notes se trouvaient susceptibles d’être utilisées par la suite, Pascal gardait le feuillet. On a retrouvé dans ses dossiers posthumes un nombre assez considérable de tels feuillets.

Laf. 721, Sel. 598. « Probabilité.

L’ardeur des saints à chercher le vrai était inutile si le probable est sûr.

La peur des saints qui avaient toujours suivi le plus sûr.

Sainte Thérèse ayant toujours suivi son confesseur. »

Laf. 599, Sel. 496. « Mais est-il probable que la probabilité assure ?

Différence entre repos et sûreté de conscience. Rien ne donne l’assurance que la vérité ; rien ne donne le repos que la recherche sincère de la vérité. »

Laf. 906, Sel. 451. « Probabilité.

Ils ont quelques principes vrais, mais ils en abusent, or l’abus des vérités doit être autant puni que l’introduction du mensonge.

Comme s’il y avait deux enfers, l’un pour les péchés contre la charité, l’autre contre la justice. »

Laf. 644, Sel. 529 bis. « Peut-ce être autre chose que la complaisance du monde qui vous fasse trouver les choses probables ? Nous ferez-vous accroire que ce soit la vérité et que si la mode du duel n’était point, vous trouveriez probable qu’on se peut battre en regardant la chose en elle-même. »

Laf. 894, Sel. 448. « Les trois marques de la religion : la perpétuité, la bonne vie, les miracles.

Ils détruisent la perpétuité par la probabilité, la bonne vie par leur morale, les miracles en détruisant ou leur vérité, ou leur conséquence.

Si on les croit l’Église n’aura que faire de perpétuité, sainteté, ni miracles.

Les hérétiques les nient, ou en nient la conséquence, eux de même, mais il faudrait n’avoir point de sincérité pour les nier, ou encore perdre le sens pour nier la conséquence. »

Laf. 722, Sel. 600. « Probable.

Qu’on voie si on recherche sincèrement Dieu par la comparaison des choses qu’on affectionne.

Il est probable que cette viande ne m’empoisonnera pas.

Il est probable que je ne perdrai pas mon procès en ne sollicitant pas.

Probable.

Quand il serait vrai que les auteurs graves et les raisons suffiraient je dis qu’ils ne sont ni graves, ni raisonnables.

Quoi ! un mari peut profiter de sa femme, selon Molina ! La raison qu’il en donne est-elle raisonnable et la contraire de Lessius l’est-elle encore ?

Oserez-vous ainsi, vous, vous jouer des édits du roi ? ainsi en disant que ce n’est pas se battre en duel que d’aller dans un champ en attendant un homme.

Que l’Église a bien défendu le duel, mais non pas de se promener.

et aussi l’usure, mais non...

Et la simonie mais non...

Et la vengeance mais non...

Et les sodomites mais non...

Et le quam primum, mais non... »

Laf. 981, Sel. 770. « Que serait-ce que les jésuites sans la probabilité et que la probabilité sans les jésuites ?

Otez la probabilité, on ne peut plus plaire au monde ; mettez la probabilité, on ne peut plus lui déplaire. Autrefois, il était difficile d’éviter les péchés, et difficile de les expier ; maintenant, il est facile de les éviter par mille tours et facile de les expier. »

Laf. 916, Sel. 746. « S’ils ne renoncent à la probabilité leurs bonnes maximes sont aussi peu saintes que les méchantes, car elles sont fondées sur l’autorité humaine. Et ainsi si elles sont plus justes elles seront plus raisonnables, mais non pas plus saintes - elles tiennent de la tige sauvage sur quoi elles sont entées. (…)

Probab.

Ils ont plaisamment expliqué la sûreté, car après avoir établi que toutes leurs voies sont sûres, ils n’ont plus appelé sûr ce qui mène au ciel, sans danger de n’y pas arriver par là, mais ce qui y mène sans danger de sortir de cette voie.”

Laf. 653, Sel. 537. « Probabilité. Chacun peut mettre, nul ne peut ôter. »

Rapport des la doctrine des opinions probables avec d’autres parties de l’oeuvre de Pascal

Voir la Lettre au P. Noël : « Dans la suite de votre lettre, comme si vous aviez établi invinciblement que cet espace vide est un corps, vous ne vous mettez plus en peine que de chercher quel est ce corps ; et pour décider affirmativement quelle matière le remplit, vous commencez par ces termes : “Présupposons que, comme le sang est mêlé de plusieurs liqueurs qui le composent, ainsi l’air est composé d’air et de feu et des quatre éléments qui entrent en la composition de tous les corps de la nature.” Vous présupposez ensuite que ce feu peut être séparé de l’air, et qu’en étant séparé, il peut pénétrer les pores du verre ; présupposez encore qu’en étant séparé, il a inclinaison à y retourner, et encore qu’il y est sans cesse attiré ; et vous expliquez ce discours, assez intelligible de soi-même, par des comparaisons, que vous y ajoutez. » Le mot supposition est équivalent d’hypothèse ; voir DUPLEIX Scipion, La Logique, VI, 11, p. 219. Il y a manifestement dans ce passage un effet de répétition parodique et de refrain qui vise à ridiculiser la présupposition telle que la pratique le P. Noël. Le mot finit par désigner une invention pure et simple. Il y a dans la notion d’hypothèse la possibilité d’un tel détournement : voir KOYRE Alexandre, Etudes d’histoire des sciences et Etudes newtoniennes, p. 53 sq. ; et Descartes, Principes, III, 44 et 15 : le problème de la vérité ne se pose pas ; Descartes insiste sur le caractère fictif de l’hypothèse. Le procédé n’est pas très différent de celui que Pascal utilisera dans les Provinciales sur la probabilité. Avec ce procédé de supposition, on peut soutenir n’importe quelle opinion.

Les opinions probables ne peuvent nuire à ceux qui sont habilités à en connaître

NOUËT Jacques, Première réponse..., cité in GEF V, p. 114 ; voir Réponses..., p. 9. Les livres des jésuites ne sont connus que des savants et des docteurs. Les théologiens sont les censeurs des opinions, et leurs livres leur fournissent les correctifs. Montalte scandalise les savants par ses médisances et ses falsifications, et les ignorants par ses mauvaises doctrines.

Probabilité intrinsèque et extrisèque

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 191 sq. Défense des jésuites sur le sujet des opinions probables et du probabilisme. Genèse et histore du probabilisme. Les jésuites ennemis du probabilisme : p. 196 sq.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p.133 sq. aussi appelée par les casuistes probabilité authentique, parce qu’elle est fondée sur l’autorité des docteurs.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, I p. 121. Probabilité intrinsèque et probabilité extrinsèque.

Degré de croyance

BOURSIN et CAUSSAT, Autopsie du hasard, p. 149. Degré de croyance 1/2. Degré de croyance en général : p. 151.

Critique de l’idée qu’une opinion probable ne doit pas être appuyée sur des sophismes

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 118, § VII.

Critique de l’idée du jugement ferme et arrêté qui est censé appuyer une opinion probable

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 119 sq., § VIII. Le jugement ne consiste qu’à affirmer fermement qu’une opinion est probable, c’est-à-dire douteuse et incertaine : c’est l’affirmation ferme d’une ignorance.

Critique de l’idée de raison considérable et solide censée confirmer une opinion probable

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 120 sq., § IX.

Critique de la condition que les opinions probables ne soient pas opposées à la raison ni à l’autorité

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 125 sq., § XI. Les jésuites ne requièrent pas pour la probabilité d’une opinion qu’elle ne soit pas effectivement opposée à la raison et à l’Écriture, car “de cette sorte il n’y aurait aucune opinion probable qui pût être fausse. Ils ne demandent pas non plus qu’elle n’y soit pas opposée au jugement de ceux qui la croient improbable : car si cela était il n’y aurait point ou très peu d’opinions probables” : p. 130-131. Ils ne demandent “autre chose, sinon que celui qui tient une opinion pour probable ne la croie pas évidemment opposée à l’Écriture”, et c’est tout : p. 131. Comment les jésuites affaiblissent et réduisent à rien cette condition : p. 132.

Nulle erreur n’est probable

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 6. On ne peut excuser les hérétiques de trouver leurs erreurs probables, car aucune erreur n’est probable.

Certaines opinions sont trouvées probables par certains, qui ne le sont pourtant pas

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 5. Mais “aliud est, revera esse probabile, et nonnullis videri probabile ; sic multa vera esse videntur, quea vera non sunt ; multa certa, quae deinde dubia esse comperimus : quis neget hominem tam multis erroribus obnoxium falli posse ? Il hoc igitur falli, quod ipse aliquid probabile reputet, quod reipsa probabile non est ; nnnulla igitur sunt et videntur probabilia ; nonnulla sunt et videntur improbabilia ; aliqua videntur probabilia, quae tamen improbabilia sunt ; alia demum sunt probabilia, quae a nonnullis improbabilia judicantur.”

Argument en faveur des opinions probables : elles sont nécessaires à la vie ordinaire et civile

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 3. Importance même politique : si les orateurs ne peuvent plus proposer des idées probables, les rostres resteront en silence. Ni agriculture, ni commerce. Il ne restera que la géométrie et les choses divines de la théologie.

Justification de la doctrine des opinions probables : réaction contre le tutiorisme

PIROT, Apologie pour les casuistes, p. 80 sq. “La maxime qui veut qu’on suive toujours l’opinion la plus sûre engage les consciences dans une infinité de perplexités et de gênes : parce qu’il n’y a quasi point d’action ni d’omission qui ne soit condamnée de péché par des théologiens. Car comme il s’en trouve qui sont un peu trop larges, aussi y en a-t-il qui passent à l’autre extrémité. Témoin nos jansénistes qui mettent du péché dans toutes les actions qui ne partent point de la pure charité de Dieu, et qui veulent qu’on examine fort quel motif nous porte à la communion, parce que souvent le diable nous tente, et nous conseille de nous en approcher. Que fera donc une pauvre âme qui verra partout des péchés de quelque côté qu’elle se tourne ? On aura beau lui dire que plusieurs auteurs enseignent qu’il n’y a point de péché à faire ou à omettre quelque chose, elle croira être obligée de s’en abstenir. Si un seul théologien dit qu’il y a du mal à le faire, ou de la fuir, s’il dit qu’il y a péché à s’en abstenir, parce qu’il faut jouer au plus sûr. Voilà donc une âme bien embarrassée, et qui ne pourra jamais agir. Je dis que cette maxime est moralement impossible, parce qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme de suspendre toute action... Je dis enfin que les gens de bon sens et de probité ne se gouvernent point par cette maxime.”

Probabilisme et scepticisme

RIVAUD Albert, Histoire de la philosophie, I, Des origines à la scolastique, Presses Universitaires de France, Paris, 1948, p. 416. Doctrine de Carnéade sur le critère de la vérité. Il n’y a pas d’évidence irrésistible, mais un état mental qui comporte une grande quantité de degrés. Le sujet est plus ou moins persuadé par l’image qu’il reçoit. L’intensité de la persuasion dépend des dispositions du sujet autant que le d’excitation même. Trois conditions différentes :

1. toute image fait partie d’un ensemble avec lequel elle doit s’accorder (sundromhv) ;

2. il faut l’examiner et la parcourir en détail ;

3. elle ne doit en aucun cas être contredite par les autres représentations : p. 416.

WENDROCK, Lettres Provinciales, I, tr. Joncoux, p. 191. Référence à saint Augustin, Contra Academicos, ch. XVI. Analyse de la doctrine des probabilités par saint Augustin. Il fait remonter à Arcésilas et à l’Académie : p. 193. Les sceptiques sont proprement les inventeurs des probabilités ; ils étaient moins extrémistes que les casuistes : p. 203. Voir p. 193 : la doctrine de la probabilité est ancienne, puisqu’elle vient d’Arcésilas et de la secte des académiciens, dont il est le chef. Mais il y a longtemps qu’elle a été éteinte et entièrement détruite par la religion de Jésus-Christ. Saint Augustin en a été le principal ennemi, “avec lequel les jésuites ont le malheur de ne se trouver presque jamais d’accord”, p. 193.

Les Stoïciens, éd. Pléiade, p. 214. Critique de l’idée académicienne du probable. CICERON, Acad. I, p. 214. Voir p. 224 : théorie du probable : selon l’Académie, il y a entre les choses des dissemblances qui permettent de classer les unes comme probables et les autres comme non probables. Le probable commence là où il n’y a pas de marque certaine du vrai et du faux, qui soit propre à l’objet considéré : p. 234-235.

Point commun des jésuites et des sceptiques : leur fermeté. Pascal dit que c’est son incertitude qui donne à Montaigne a fermeté admirable pour combattre. Les jésuites ont un système de probabilité et une politique fermes.

PASCAL, Pensées, Laf. 176, 177 et 181 ; Fragments qui s’appliquent aussi bien aux jésuites qu’aux sceptiques.

Laf. 176. “Ceux qui n’aiment pas la vérité prennent le prétexte de la contestation et de la multitude de ceux qui la nient, et ainsi leur erreur ne vient que de ce qu’ils n’aiment pas la vérité ou la charité. Et ainsi ils ne s’en sont pas excusés.”

Laf. 177. “Contradiction est une mauvaise marque de vérité. Plusieurs choses certaines sont contredites. Plusieurs fausses passent sans contradiction. Ni la contradiction n’est marque de fausseté ni l’incontradiction n’est marque de vérité.”

Sommaire de la harangue de MM les curés de Paris, 24 novembre 1656, cité in Pensées, éd. Lafuma Luxembourg, Notes, p. 166 : « Pour bien entendre la doctrine de la probabilité, sur laquelle roule toute la science de nos casuistes, il faut remarquer que la question n’y est pas s’il y a des opinion probables dans la morale. Personne ne doute qu’il n’y en ait, quoique le nombre en soit infiniment plus petit que ne s’imaginent ceux qui réduisent en questions problématiques les plus certaines règles de nos mœurs et qui n’ont point rougi de faire des volumes entier remplis de ces décisions inouïes jusqu’à cette heure parmi les théologiens : Est et non est, licet et non licet, peccat et non peccat, tenetur et non tenetur, sufficit et non sufficit ; comme si l’école de Jésus-Christ était devenue tout à coup une école de pyrrhoniens. »

Quatrième écrit des curés de Paris, Œuvres complètes, éd. Michel Le Guern, I, Pléiade, Gallimard, Paris, 1998, p. 882. On peut adresser aux casuistes le même reproche que saint Augustin aux sceptiques, voir Contra academicos, le. 3, c. 16 : « Que s’il est permis de fair tout ce que l’on croit probablement être permis, il n’y aura point de crime que l’on ne puisse commettre, quand on le croira permis, parce que ceux qui se conduisent par la probabilité ne se règlent pas sur ce qui paraît probable aux autres, mais sur ce qui leur paraît probable à eux-mêmes ».

Une raison bonne et suffisante

Quatrième écrit des curés de Paris, in Divers écrits des Curés..., p. 122 sq. Critique de cette doctrine.

Devant des opinions probables, on penche pour la négative

OC II, éd. J. Mesnard, p. 519.

DESCARTES, Œuvres, éd. Alquié, I, p. 81.

La doctrine des probabilités et le salut des païens

WENDROCK, Lettres provinciales, tr. Joncoux, I, éd. de 1700, p. 183 sq. Il n’importe plus pour le salut d’être catholique ou hérétique. Il n’y a rien de si absurde qu’ils ne doivent défendre : p. 189.

Opinions probablement probables

Voir DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 135. Aucun jésuite n’a enseigné la proposition condamnée par Innocent XI, qu’on peut suivre dans la pratique une opinion qui n’est que probablement probable.

PETIDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, II, t. 1, p. 193 sq. Réponse au P. Daniel. jésuites qui ont soutenu la proposition que le P. Daniel récuse : p. 193 sq. Thèse de Tambourin, selon laquelle il suffit qu’il soit probablement certain qu’une opinion est probable, parce que cela suffit pour être certain que l’on agit prudemment en la suivant : p. 194.

Laf. 599. « Mais est-il probable que la probabilité assure ? »

Les méthodes des jésuites pour défendre la probabilité

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 105-106. Tantôt ils défendent ce qu’on n’attaque pas, tantôt ils rendent leurs décisions obscures par différents artifices, tantôt ils soutiennent hautement les excès qu’on leur reproche.

PETIDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, I, p. 82 sq. Les jésuites prétendent qu’on ne peut leur attribuer les décisions de ceux qui ne sont pas de leur ordre ; et que même si des jésuites ont mal parlé, ils n’engagent pas toute la compagnie.

PARISH Richard, Pascal’s Lettres provinciales, p. 42. Défense des opinions probables par les Impostures.

On peut suivre une opinion probable sans crainte de pécher

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 143. Dissertation théologique... Extrait de Tambourin, jésuite sicilien : “je suis bien aise (...) que vous soyez averti d’une chose que je vas vous dire en peu de mots : c’est que quand j’appelle quelque opinion probable, ou que je dis qu’elle n’est pas improbable, ce qui est la même chose, mon sentiment est que vous pouvez l’embrasser sans aucune crainte de pécher, et que vous pouvez la suivre dans la pratique”. La section seconde de Wendrock examine cette proposition.

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 6. “Unde facile concludas, primum duntaxat ex his conscientiae, ut vocant, suffragari ; ita ut ille prudenter ac recte agere censendus sit, qui est opinione vere ac certo probabili, morali scilicet, agit ; imprudenter aute et male, qui vel ex vere probabili, quam improbabilem putat, vel ex improbabili, sive probabilis, sive improbabilis illi videatur, nisi eum inulpata, vel invincibilis, ut vocant, ignorantia a peccato liberet”. “Certum est , hanc opinionem moralem esse probabilem ; igitur certum est, esse tutam ; praetermittendum est, ni fallor, quid sit opinio tuta : item hujus ; Possum prudenter assentiri huic opinioni, id est illam veram reputare ; igitur possum illam prudenter ad usum et praxim reducere, idest illa uti, eamque eligere”. Voir p. 25 : “ ubi quis igitur ex tali opinione prudenter agat, bene agit, eaque opinione licite utitur ” ; “ nemo erit qui neget si enim certum est, esse probabilem, certum est, eandem tutam esse, idest usum illius tutum et licitam praxim ”. “ siautem alicui morali ipinioni prudenter adhaerere, vel assentiri possum, id est, eandem reputare veram, et ut vera sequi atque amplecti, ea certe prudenter uti possum ; quidquid enim prudenter existimo, licitum esse, possum licite facere ; cum intellectus voluntati praeluceat ; si ergo cerus sum, me prudenter agee, cum hanc, vel illam opinionem moralem veram reputo, id est verum reputo, hoc, vel illum licitum esse, certus sum etiam, me prudenter agere, cum illam ad praxim reduco ” : p. 26.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, II, p. 34. Toute opinion probable est sûre en conscience.

Ce que l’on fait contre la loi de Dieu est toujours mauvais et ne peut être excusé par cette raison qu’il est selon la conscience

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 145. Citation de saint Thomas, Quodl. 8, art. 13. Voir p. 159 sq., pour des arguments théologiques dans le même sens. Question de savoir “si un homme qui dans sa conduite suit une opinion fausse est hors de péril et en sûreté de conscience devant Dieu, parce qu’il croit avec plusieurs autres cette opinion probable” : p. 166 sq. Cette imprudente maxime “vient toujours d’une autre imprudence dans la conduite, (...) la négligence qu’on a eue à chercher la vérité et à purifier son coeur” : p. 168.

Argument de la nourriture empoisonnée

Voir Provinciale XI, 18.

V, 15. D’où il arrive quelquefois qu’un seul Docteur fort grave peut rendre une opinion probable. Et en voici la raison au même lieu. Car un homme adonné particulièrement à l’étude, ne s’attacherait pas à une opinion, s’il n’y était attiré par une raison bonne et suffisante.

Texte de 1659 : « Et en voici la raison. »

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 181. Un homme savant.

Quatrième écrit des curés de Paris, in Divers écrits des Curés..., p. 130. Les jésuites traitent tous les autres d’ignorants, et eux seuls de doctes.

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique, p. 123 sq., § X, Ce que c’est, selon les jésuites, qu’un homme docte. Quelle que soit l’habileté de ce docte, il faut qu’il soit ignorant en quelque chose, puisqu’il défend des opinions probables : p. 222. Ridicule de la réponse selon laquelle qui se trompe n’est pas docte : p. 123. Après avoir couvert ce docte d’éloges, les jésuites “donnent indfféremment cette qualité si glorieuse au moindre des casuistes” : “ainsi non seuklement Lessius, Vasquès, Suarès, Molina, Reginaldus, Filiutius, Baldellus, Escobar, et les autres jésuites du premier ordre sont doctes, selon eux, mais encore le moindre jésuite doit être regardé comme tel, pourvu qu’il ait fait quelque livre, ou employé quelques temps à feuilleter ceux des casuistes. Enfin toute leur société, si on les en croit, n’est composée que de doctes” : p. 123. Voir Note III de la Lettre VI, p. 366. Sur Bonacina : c’est un pauvre homme, dont on ne doit pas tenir l’autorité pour beaucoup, pour n’en rien dire de plus fort. Les casuistes disent qu’un ou plusieurs auteurs graves ayant approuvé une opinion suffisent pour qu’elle soit probable pour tout le monde ; on n’a pas le droit, parce qu’un auteur juge probable une opinion, de la faire tenir probable par d’autres. Ce qu’est un homme docte pour les jésuites : c’est une image idéalisée, alors que dans la pratique, ils déclarent docte n’importe quel casuiste : p. 121. Voir Dissertation..., Section sixième, p. 260 sq., De l’autorité qu’ont les casuistes pour rendre leurs opinions probables. Qu’il y a des casuistes dont l’approbation rend plutôt leur opinion improbable que probable : p. 263 sq. Que les casuistes n’ont pas plus d’autorité, mais moins, pour avoir beaucoup écrit : p. 267 sq.

CARIOU Pierre, Les idéalités casuistiques, p. 30 sq. Qui a établi le casuiste dans son autorité ? p. 31.

Pensées, Laf. 722, Sel. 600. “Probable. Quand il serait vrai que les auteurs graves et les raisons suffiraient je dis qu’ils ne sont ni graves, ni raisonnables. Quoi ! un mari peut profiter de sa femme, selon Molina ! La raison qu’il en donne est-elle raisonnable et la contraire de Lessius l’est-elle encore ?”

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 13. Une opinion ne peut être probable par la seule autorité d’un docteur, sans raison. Ce n’est pas l’autorité, mais la raison qui fait la probabilité de l’opinion : p. 13. Un docteur qui parle temere n’est pas un docteur grave. Plusieurs docteurs sérieux sont une garantie ; d’autant plus qu’à plusieurs, ils augmentent le nombre des raisons : p. 13-14. “Doctoris gravis auctoritas ratione, ut ipsi videtur, probabili freta probabilem opinionem facit” : p. 15. Mais “nullam esse opinionem probabilem, quam multi non teneant, aut saltem probabilem reputent” : p. 15. Quand un auteur a publié ses opinions, il a plus d’autorité qu’un autre qui n’en a rien publié : p. 16. Tout ce que doit savoir un docteur grave : p. 18 : la théologie scolastique sur les actions humaines et ls vertus ; la philosophie naturelle, la philosophie morale, les canons sacrés, l’histoire sacrée, les conciles, surtout Trente, le droit pontifical ancien et nouveau ; et il doit être très expert en théologie morale : p. 18. On ne peut pas mépriser un casuiste : p. 19.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 196 sq.

MESNARD Jean, “Pascal et le problème moral”, L’Information Littéraire, janv.-fév. 1966, 1, p.1-7 ; La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 355-362. Voir p. 358. Contestation de Pascal sur la définition des auteurs graves : seuls méritent ce titre les porte-parole autorisés de l’Église, l’Écriture, les Pères, les conciles ; les avis proposés par les casuistes de la Compagnie n’engagent que leurs auteurs et peuvent être condamnés au nom de la tradition. D’autre part, les nouveaux casuistes s’égarent parce qu’ils prétendent définir le devoir par la raison, au lieu de se référer à la tradition.

V, 14. Et ainsi lui dis-je, un seul Docteur peut tourner les consciences et les bouleverser à son gré, et toujours en sûreté.

DANIEL Gabriel, Entretiens..., p. 75. Discussion de la conclusion de Montalte.

V, 14. Il n’en faut pas rire, me dit-il, ni penser combattre cette doctrine. Quand les Jansénistes l’ont voulu faire, ils ont perdu leur temps. Elle est trop bien établie.

V, 15. Écoutez Sanchez, qui est un des plus célèbres de nos Pères, Som. Liv. I, chap. IX, n. 7. Vous douterez peut-être si l’autorité d’un seul Docteur bon et savant rend une opinion probable. A quoi je réponds qu’oui. Et c’est ce qu’assurent Angelus, Sylv., Navarre, Emmanuel Sa, etc. Et voici comme on le prouve. Une opinion probable est celle qui a un fondement considérable. Or l’autorité d’un homme savant et pieux n’est pas de petite considération, mais plutôt de grande considération. Car, écoutez bien cette raison, Si le témoignage d’un tel homme est de grand poids pour nous assurer qu’une chose se soit passée par exemple à Rome : pourquoi ne le sera-t-il pas de même dans un doute de Morale ?

La référence Som. Liv. I, chap. IX, n. 7 ne figure pas sur la première impression, et a été ajoutée à la réimpression.

Thomas Sanchez, dit Sanctius, 1550-1610 ; voir RAPIN René, Mémoires, éd. Aubineau, II, p. 378, n. 4. jésuite, né à Cordoue en 1550, admis dans la Compagnie de Jésus en 1566 ; après avoir enseigné le droit canon et la théologie, il fut chargé de la direction du noviciat de Grenade, où il mourut le 19 mai 1610. Sanchez est auteur d’un De matrimonio, 1592, auquel on reprochait sa crudité, dont il existe un Compendium par Emmanuel Laurent Soares, Lyon, 1623, lui-même assez gratiné.

Texte dans GEF IV, p. 311 ; tiré de Opus morale in praecepta decalogi..., Lib. I, ch. 9, n. 7, in GEF IV, p. 278-279. Arnauld, Théologie morale, p. 1, § 1, renvoie à ce texte sans le reproduire ; Pascal omet la référence de saint Thomas.

Silvestre de Prieto, 1460-1523, dominicain italien.

Martin Azpilcueta, dit le Docteur de Navarre (1493-1586), célèbre canoniste, oncle de saint François Xavier. Voir Hurter, t. I, p. 236.

Manoël de Saa, 1530-1596, jésuite portugais.

ESCOBAR, Liber theologiae moralis, p. 24. De conscientia probabili. “Quaenam probabilis connscientia ? Quae judicium continet alicujus rei ex opinione probabili. Probabilis autem opinio ea dicitur, quae rationibus innititur alicujus momenti. Unde aliquando unus tantum Doctor gravis admodum opinionem probabilem potest efficere, quia vi doctrinae specialiter additus haud adhaerebit sententiae cuilibet nisi praestantis, seu sufficientis rationi vi allectus.” Escobar pose la question complémentaire : “Dixisti unum doctorem doctum sufficere ad opinionem probabilem constituendam : an aliqua addeunda conditio ? Sine ulla conditione asserit Filliucius tom. 2. cap. 4. n. 134. Addiderim tamen non sufficere docterem doctum esse, si pius simul non sit ; etsi singularis opinio sit contra communem ; tunc enim talis opinio deberet irrefragabili niti ratione, ut esset admittenda.”

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 85. Le P. Annat, dans La bonne foi des jansénistes, reproche à Pascal de ne pas en avoir fait état du fait que Sanchez s’appuie sur saint Thomas ; en fait saint Thomas nie expressément ce que Sanchez lui fait dire : p. 85-86. Voir p. 133 sq. : thèse soutenue par le P. Ferrier. L’autorité d’un docteur suffit pour rendre une opinion probable. Les casuistes soutiennent, pour dissimuler leur thèse, qu’un docteur seul ne peut rendre une opinion probable, quelque raison qu’il emploie pour l’appuyer, si elle est contraire à l’Écriture, aux papes et aux conciles ; mais, selon le P. Ferrier, un homme docte ne se trompe jamais d’une manière si étrange qu’il donne pour probable ce qui est faux : p. 134-135. Wendrock cite Caramuel qui dit que la probabilité d’une opinion varie avec le nombre de docteurs qu’elle a pour ou contre elle : p. 275.

NOUËT, Réponse à la XIIIe lettre..., in Réponses..., p. 345 sq. Quand on dit que tout ce qu’approuvent des auteurs célèbres est probable et sûr, on entend que la probabilité d’une opinion ne dépend pas tant de la multitude des auteurs qui l’enseignent que de la force des raisons sur lesquelles elle est appuyée ; et quand il n’y aurait qu’un docteur pour elle, si les raisons sont bonnes, son autorité est suffisante pour l’introduire dans l’Église ; Pascal a tort de séparer l’autorité de l’auteur de la force de ses raisons : p. 346.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des lettres Provinciales, I, p. 121. Auteurs qui ont enseigné cette opinion. L’opinion d’un docteur sérieux est une bonne raison qui rend une opinion probable : p. 123.

NOUËT, Impostures XXII, in Réponses..., p. 198 sq. Opinions de grands docteurs qui admettent qu’on peut suivre le conseil d’un docteur grave sans hasarder son salut : Albert le Grand, saint Antonin, Du Val, etc. : p. 198-200.

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 24. “Doctoris unius auctoritas ea ratione firmata, cui reliqui omnes, qui rem etiam ex professo discusserunt, aperte contradicunt, probabilem opinionem non facit ; si aliquot alii accedant, rationibus non contemnendis instructi, refragante tamen majore, ac meliore parte, et firmioribus argumentis contra praedictam opinionem militantibus, inde quidem probabile fit, illam esse utcumque probabilem, licet probabilius sit, esse improbabilem” : p. 24. Cas où les forces sont égales de part et d’autre : p. 24. “Hinc unus autor, modo gravis, prudens, doctus et pius sit,et rem ex professo discusserit, nec temere quidquam, sed probabili ratione fretus adstruat, opinionem probabilem facit, idque probabiliter, si aliquot ex gravioribus probabilem esse negent ; certo vero, si omnes fere probabilem esse contendant” : p. 25.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 81 sq. Il faut que le docteur n’ait pas adopté l’opinion inconsidérément et témérairement. Il cite une décision de Sainte-Beuve qui va dans le même sens.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 196 sq.

V, 16. La plaisante comparaison, lui dis-je, des choses du monde à celles de la conscience ! Ayez patience ; Sanchez répond à cela dans les lignes qui suivent immédiatement. Et la restriction qu’y apportent certains Auteurs ne me plaît pas, que l’autorité d’un tel Docteur est suffisante dans les choses de droit humain mais non pas dans celles de droit divin. Car elle est de grand poids dans les uns et dans les autres.

La suite du texte précise le sens : il s’agit de la différence entre droit humain et droit divin.

Le texte de Sanchez nomme Adrien, c’est-à-dire le docteur flamand qui devint le pape Adrien VII (1459-1523), et Corduba.

V, 17. Mon Père, lui dis-je franchement, je ne puis faire cas de cette règle. Qui m’a assuré que dans la liberté que vos Docteurs se donnent d’examiner les choses par la raison, ce qui paraîtra sûr à l’un, le paraisse à tous les autres, La diversité des jugements est si grande... Vous ne l’entendez pas, dit le Père en m’interrompant ; aussi sont-ils fort souvent de différents avis ; mais cela n’y fait rien. Chacun rend le sien probable et sûr. Vraiment l’on sait bien qu’ils ne sont pas tous de même sentiment. Et cela n’en est que mieux. Ils ne s’accordent au contraire presque jamais. Il y a peu de questions où vous ne trouviez que l’un dit oui, l’autre dit, non. Et en tous ces cas-là, l’une et l’autre des opinions contraires est probable. Et c’est pourquoi Diana dit sur un certain sujet, 3. Part., To. 4. R. 244. Ponce et Sanchez sont de contraires avis ; mais, parce qu’ils étaient tous deux savants, chacun rend son opinion probable.

La référence 3. Part., To. 4. R. 244, absente de la première impression, a été ajoutée à la réimpression.

Voir Provinciales, éd. Cognet, p. 87. Pascal omet la restriction saltem ex principio extrinseco.

Ils ne s’accordent au contraire presque jamais. Il y a peu de questions où vous ne trouviez que l’un dit oui, l’autre dit non : a priori, cela ne plaide pas vraiment pour le sérieux de leur théologie morale... Mais c’est une caricature de la controverse dans les sciences.

NOUËT Jacques, Impostures, XX, in Réponses, p. 182 sq., renvoie à la Théologie morale, p. 182 ; et ibid., p. 196 sq., sur ce texte.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, II, p. 34. Toute opinion est, pour les casuistes, sûre en conscience ; de deux opinions, on n’a pas à discerner ; l’une n’empêche pas l’autre d’être probable, donc sûre.

Conséquences du probabilisme : on a le droit d’attribuer une opinion à qui l’approuve

WENDROCK, Lettres provinciales, II, tr. Joncoux, p. 261. Nicole a déjà consacré une note préliminaire à la cinquième Provinciale, pour répondre à la protestation des jésuites “qu’on leur attribue ce qu’ils ont pris des autres casuistes”, tr. Joncoux, I, p. 81.

PETITDIDIER, Apologie…, I, p. 77 sq. Si la probabilité est un poison, les jésuites ne sont pas moins empoisonneurs en la débitant après d’autres que s’ils étaient seuls à la débiter.

Casuistique, probabilisme et sophistique

ARISTOTE, Organon, V, Topiques, éd. Tricot, p. 22 sq. La dialectique définie par les opinions probables.

MESNARD Jean,”Perspectives modernes sur la casuistique”, in De la morale à l’économie politique, Op. cit., n°6, Pau, 1996, p.112. Caractère baroque de la rhétorique jésuite, qui retentit sur leur casuistique. Le danger que la rhétorique ne devienne sophistique, notamment lorsque les exigences morales les moins contestables se trouvent contredites par le poids d’usages qui satisfont des intérêts étrangers à la morale, par exemple la pratique du duel. Parallélisme de la critique des opinions probables dans les Provinciales et de celle de la beauté poétique dans les Pensées : p.112 sq.

PASQUIER Étienne, Le Catéchisme des jésuites, ed. C. Sutto, p.157. Jésuites et sophistes : le jésuite n’est autre chose que le sophiste de la religion chrétienne.

Sophistique des jésuites

FUMAROLI Marc, L’âge de l’éloquence, p. 254. La thèse de M. Fumaroli sur L’âge de l’éloquence accorde une large place à la “sophistique sacrée” des jésuites. Le sens de l’adaptation et de l’éclectisme oratoire semblent aux humanistes érudits gallicans et calvinistes une nouvelle sophistique. Les collèges de jésuites apparaissent comme de nouvelles écoles de déclamation.

V, 18. Mais, mon Père, lui dis-je, on doit être bien embarrassé à choisir alors. Point du tout, dit-il, il n’y a qu’à suivre l’avis qui agrée le plus.

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 202. On choisit selon la cupidité. Ce ne peut être ni la charité ni la raison qui font suivre une opinion probable. Voir p. 264 sq. : du côté des pénitents, on cherche non la vérité, mais un moyen de satisfaire les passions. Equivalence de cette attitude avec la volonté d’être trompé : p. 250.

PASCAL, Premier écrit des curés de Paris, éd. Cognet, p. 407. Sur le “permission brutale” que font les casuistes de rapporter nos actions à nous-mêmes, au lieu de les rapporter à Dieu.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie..., II, p. 213, § 1.

DUCHÊNE Roger, L’imposture littéraire..., p. 143 sq. Critique de ce passage : Bauny ne cherche pas à ruiner l’autorité du confesseur, mais à lui en interdire l’abus. Limitation de la liberté du pénitent : il n’est pas question de lui laisser faire ce qu’il veut : p. 143-144.

DANIEL Gabriel, Entretiens..., p. 69 sq. et p. 104. On peut suivre une opinion à la fois la moins probable et la moins sûre selon Alvarez : p. 104-105. Position de Caramuel : p. 106-107. “Il est permis de suivre l’opinion moins probable et moins sûre, en laissant la plus probable et la plus sûre”, p. 107. Sur cet avis, on ne trouve pas que des Italiens, mais aussi des Français qui sont d’accord : p. 108. Cas des docteurs dominicains : p. 109 sq. Même proposition chez Medina, Banez, Martinez, Ledesma : p. 110-112. Ne peut-on s’en tenir à la doctrine qu’on peut prendre la moins sûr, seulement quand il est plus probable ? Un probabilisme mitigé : p. 133-134.

MESNARD Jean, “Pascal et le problème moral”, L’Information Littéraire, janv.-fév. 1966, 1, p.1-7 ; La culture du XVIIe siècle, Paris, Presses Universitaires de France, 1992, p. 355-362. Voir p. 359.

V, 18. Et quoi ! si l’autre est plus probable ? Il n’importe, me dit-il. Et si l’autre est plus sûr ? Il n’importe, me dit encore le Père ; le voici bien expliqué.

On peut suivre l’opinion la moins probable et la moins sûre, au détriment de la plus probable.

ESCOBAR, Liber theologiae moralis, p. 24. De conscientia probabili. “Num licet opinionem probabilem sequi, relicta probabiliori ? Licet, imo et tutiori, modo non immineat aliquod periculum, ad quod vitandum prudentia, aut justitia, aut charitas dictet oppositam sententiam esse eligendam”.

DANIEL Gabriel, Entretiens..., p. 69 sq. et p. 104. On peut suivre une opinion à la fois la moins probable et la moins sûre selon Alvarez : p. 104-105. Position de Caramuel : p. 106-107. “Il est permis de suivre l’opinion moins probable et moins sûre, en laissant la plus probable et la plus sûre”, p. 107. Sur cet avis, on ne trouve pas que des Italiens, mais aussi des Français qui sont d’accord : p. 108. Cas des docteurs dominicains : p. 109 sq. Même proposition chez Medina, Banez, Martinez, Ledesma : p. 110-112. Ne peut-on s’en tenir à la doctrine qu’on peut prendre la moins sûr, seulement quand il est plus probable ? Un probabilisme mitigé : p. 133-134.

PIROT Georges, Apologie pour les casuistes, p. 79 sq. Objection : “les casuistes enseignent que de deux opinions probables, on peut suivre celle qui est la moins sûre ; que de deux opinions probables, on peut choisir celle qui a moins de probabilité...” Réponse : “il est vrai que les casuistes tiennent ces (...) maximes, et je soutiens que les (...) opposées, que les jansénistes insinuent en condamnant les nôtres, sont préjudiciables aux consciences, impossibles en pratique, et qu’elles ouvrent la porte aux illusions”. Le P. Pirot entreprend d’expliquer ce qu’est une opinion sûre et une opinion probable : les casuistes disent qu’une opinion est sûre « lorsqu’on la peut suivre sans crainte de péché, dont quelques théologiens infèrent que celle-là est plus spure que l’autre, lorsque tous les théologiens tombent d’accord qu’il n’y a point de péché à suivre l’une, et que quelques uns des mêmes théologiens disent qu’il y a du péché à se servir de l’autre.» : p. 79-80. D’autre part, « l’opinion probable est celle qui est appuyée sur des raisons considérables. D’où s’ensuit que l’ipinion la moins probable est celle qui a des raisons moins considérables, et de moindre importance. Cela supposé, je dis que la maxime qui veut qu’on suive toujours l’opinion la plus sûre, engage les consciences dans une infinité de perplexités et de gênes : parce qu’il n’y a quasi point d’action, ni d’omission, qui ne soit condamnée de quelque péché par des théologiens. Car comme il s’en trouve qui sont un peu trop larges, aussi y en a-t-il qui passent à l’autre extrémité. Témoin nos jansénistes qui mettent du péché dans toutes les actions qui ne partent point de la pure charité de Dieu, et qui veulent qu’on examine fort quel motif nous porte à la communion, parce que souvent le diable nous tente et nous conseille de nous en approcher. Que fera dont une pauvre âme qui verra partout des péchés de quelque côté qu’elle se tourne ? On aura beau lui dire que plusieurs auteurs enseignent qu’il n’y a point de péché à faire ou à omettre quelque chose ; elle croira être obligée de s’en abstenir. Si un seul théologien dit qu’il y a du mal à le faire, ou de la fuir, s’il dit qu’il y a du péché à s’en abstenir, parce qu’il faut jouuer au plus sûr. Voilà donc une âme embarrassée, et qui ne pourra jamais agir. Je dis que cette maxime est moralement impossible, parce qu’il n’est pas au pouvoir de l’homme de suspendre toute action ; il faut que l’âme agisse ; et comme dan cette maxime, elle ne peut pas choisir une action, qui ne soit point condamnée de péché par quelque théologien, il lui est impossible de choisir l’opinion la plus sûre. Je dis enfn que les gens de bon sens et de probité ne se gouvernent poit par cette maxime » : p. 79-81. « La vraie règle que suivent les casuistes enseigne que dès là qu’une opinion est probable, elle est si assurée qu’on ne court point risque de se damner en la suivant. Je dis plus, à savoir que la sûreté ne point de plus et de moins, mais est indivisible, lorsqu’il ne s’agit simplement que de l’action morale, qui se fait dans une opinion probable. Ce qui me fait ajouter qu’une opinion probable n’est pas moins assurée, qu’une qui est plus probable ; et que cette distinction d’opinion moins ou plus assurée ne doit avoir lieu que quand outre l’action, on prétend la production de quelque autre chose. Par exemple dans l’administration des sacrements, il y a de certaines matières, dont tout le monde convient qu’on peut user ; pour conférer les sacrements ; il y en a d’autres où les opinions sont partagées, et en ces rencontres il faut choisir l’opinion la plus sûre, quand même elle serait la moins probable. Parce que la production de l’effet qu’on prétend par de semblables actions ne dépend pas de la probabilité des opinions, mais de l’institution de Jésus-Christ. Et en ces occasions il faut toujours choisir l’opinion la plus sûre, afin de ne pas exposer ceux qui s’approchent des sacrements au danger de ne les pas recevoir. Mais quand il n’est question que de l’action morale, toute opinion probable est aussi sûre que les autres qui ont plus de probabilité. Les casuistes avouent aussi qu’on peut s’arrêter à une opinion quoiqu’elle semble moins probable qu’une autre ; parce que ni l’une ni l’autre ne paraît certaine ; et qu’il se peut faire que celle qui a des raisons qui semblent meilleures, soit en effet fausse. » : p. 82-83.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 196 sq. Un confesseur peut absoudre un pénitent qui veut s’en tenir au moins probable et au moins sûr, pourvu que le pénitent soit dans les principes du probabilisme, que son opinion, bien qu’opposée à celle de son confesseur, soit vraiment probable au jugement des théologiens : p. 196. Voir p.197. Un docteur consulté est obligé de répondre suivant sa propre opinion, mais il peut, contre son propre sentiment, admettre la licéité d’une action contre son sentiment. Il est permis, pourvu qu’on ne cherche pas l’opinion favorable à la cupidité, et qu’on soit dans la résolution de faire son devoir, de consulter plusieurs docteurs, jusqu’à ce qu’on en trouve un qui décide en faveur de la liberté, et de suivre leur décision, pourvu qu’ils méritent confiance et que leurs raisons soient convaincantes.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 197 sq. Section quatrième. Du second principe des probabilistes, que de deux opinions contraires il est permis d’embrasser la moins probable et la moins sûre. Le cas où le danger de pécher ne se trouve que d’un côté : on doute parfois s’il est permis d’avoir plusieurs bénéfices, mais on ne doute pas qu’il ne soit permis de ne pas en avoir plusieurs : p. 200. Dans ce cas, les jésuites permettent de suivre l’opinion la moins probable. Dans le doute, il faut chosir le plus probable, c’est-à-dire ce qui se rapproche le plus de la vérité : p. 202.

QUANTIN Jean-Louis, “Le Saint-Office et le probabilisme (1677-1679). Contribution à l’histoire de la théologie morale à l’époque moderne”, Mélanges de l’Ecole française de Rome, t. 114, n°2, 2002, p. 876 sq.

V, 18. C’est Emmanuel Sa de notre Société, dans son Aphorisme de dubio, P. 183 : On peut faire ce qu’on pense être permis selon une opinion probable, quoique le contraire soit plus sûr. Or l’opinion d’un seul Docteur grave y suffit.

Dans son Aphorisme de dubio, P. 183 : référence ajoutée à la réimpression.

SA, Aphorismi confessariorum, Venise, 1595, cité d’après l’éd. de Rouen, 1618. Référence citée au début de la Théologie morale d’Arnauld, Œuvres, XXIX, p. 74.

V, 18. Et si une opinion est tout ensemble et moins probable et moins sûre, sera-t-il permis de la suivre, en quittant ce que l’on croit être plus probable et plus sûr ? Oui encore une fois, me dit-il, écoutez Filiutius ce grand jésuite de Rome, Mor. q. tr. 21, c. 4, n. 128. Il est permis de suivre l’opinion la moins probable, quoiqu’elle soit la moins sûre. C’est l’opinion commune des nouveaux Auteurs. Cela n’est-il pas clair ?

Mor. q. tr. 21, c. 4, n. 128 : référence absente de l’impression originale, ajoutée à la réimpression.

HACKING Ian, L’émergence de la probabilité, Paris, Seuil, 2002, p. 54. De plusieurs opinions probables, on peut suivre la moins probable.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 196 sq.

V, 18. Nous voici bien au large, lui dis-je, mon Révérend Père ; grâces à vos opinions probables. Nous avons une belle liberté de conscience.

V, 18. Et vous autres Casuistes avez-vous la même liberté dans vos réponses ? Oui, me dit-il, nous répondons aussi ce qu’il nous plaît, ou plutôt ce qui plaît à ceux qui nous interrogent. Car voici nos règles, prises de nos Pères Layman, Theol. Mor. l. I. tr. I. c. 2. § 2. n. 7. Vasquez Dist. 62. c. 9. n. 47. Sanchez in Sum., L. I, c. 9, n. 23. et de nos 24, Princ. ex. 3, n. 24.

Texte de 1659 : « ce qu’il plait... »

Layman, Theol. Mor. l. I. tr. I. c. 2. § 2. n. 7. Vasquez Dist. 62. c. 9. n. 47. Sanchez et de nos 24, Princ. ex. 3, n. 24 : références ajoutées à la réimpression, absentes de la première. La référence Sanchez in Sum., L. I, c. 9, n. 23, est ajoutée sur des réimpressions ultérieures.

V, 18. Voici les paroles de Layman que le livre de nos 24 a suivies : Un docteur étant consulté peut donner un conseil, non seulement probable selon son opinion, mais contraire à son opinion, s’il est estimé probable par d’autres, lorsque cet avis contraire au sien, se rencontre plus favorable et plus agréable à celui qui le consulte, si forte haec illi favorabilior seu exoptatior sit. Mais je dis de plus qu’il ne sera point hors de raison qu’il donne à ceux qui le consultent un avis tenu pour probable par quelque personne savante, quand même il s’assurerait qu’il serait absolument faux.

Paul Laymann, 1575-1635, jésuite autrichien, né à Innsbruck en 1575, admis chez les jésuites en 1594, enseigna la philosophie, le droit canon et la théologie à Ingolstadt, à Munich et à Dilingue ; il est l’auteur de la Theologia moralis quinque libros complectens, ed. novissima, Lugduni, L. Glaize, 1691, 1016-80 p. Il y a une édition de 1625 selon Le Guern, I, p. 1175. Voir RAPIN, Mémoires, II, p. 378. Il meurt de la peste près de Constance.

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, Note III de la Lettre VI, p. 366. Les casuistes disent qu’un ou plusieurs auteurs graves ayant approuvé une opinion suffisent pour qu’elle soit probable pour tout le monde ; on n’a pas le droit, parce qu’un auteur juge probable une opinion, de la faire tenir probable par d’autres. Voir p. 138, comment les jésuites entendent la probabilité : le sophisme consiste en ce qu’ils disent que tous les autres hommes doivent tenir pour probable l’opinion d’un homme docte, quoiqu’ils en connaissent certainement la fausseté. Une opinion estimée probable par un casuiste peut donc être estimée telle universellement : p. 140. Voir Dissertation théologique..., Section V, p. 234, § 1. Contre la doctrine qu’il est permis à un théologien de donner conseil selon une opinion probable qu’il croit certainement fausse. Cela revient à engager sciemment quelqu’un sur le chemin de l’enfer : p. 239.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 196 sq. Voir p. 187 : Un docteur peut absoudre un pénitent qui veut s’en tenir au moins probable et au moins sûr, pourvu que le pénitent soit dans les principes du probabilisme et que son opinion soit jugée probable par les théologiens ; consulté, il est obligé de répondre suivant sa propre opinion, mais il peut, contre son propre sentiment, admettre la licéité d’une action contre son sentiment.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, I, p. 38 : le même homme qui, jugeant d’après ses propres lumières, croit une opinion certainement vraie, peut admettre en même temps comme probable l’opinion contraire, pourvu que l’un de ses collègues la soutienne ; voir p. 44 : l’opinion d’un docte est, selon les casuistes, probable en elle-même ; ce qui me semble évident doit cesser de me le sembler parce que cela ne semble pas tel à un ou plusieurs casuistes ; la règle de mes jugements n’est donc plus dans mon évidence, mais dans celle des probabilistes, ou plutôt dans les deux : p. 46.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, I, p. 129. Selon les casuistes, un docteur peut donner tantôt un avis, tantôt un avis contraire ; avec cette réserve : “pourvu qu’ils aient soin de ne point passer pour inconstants” : p. 129.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 243 sq. Défense de cette proposition de Layman.

On peut consulter plusieurs docteurs pour en trouver un favorable

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 197 sq.

V, 19. Tout de bon, mon Père, votre doctrine est bien commode. Quoi avoir à répondre oui et non à son choix ? On ne peut assez priser un tel avantage. Et je vois bien maintenant à quoi vous servent les opinions contraires que vos docteurs ont sur chaque matière. Car l’une vous sert toujours, et l’autre ne vous nuit jamais. Si vous ne trouvez votre compte d’un côté, vous vous jetez de l’autre, et toujours en sûreté. Cela est vrai, dit-il, et ainsi nous pouvons toujours dire avec Diana, qui trouva le Père Bauny pour lui lorsque le P. Lugo lui était contraire : Sœpe, premente Deo fert Deus alter opem. Si quelque Dieu nous presse, un autre nous délivre.

Si quelque Dieu nous presse, un autre nous délivre : C’est un alexandrin. Traduction de OVIDE, Tristes, I, II, 4. Il est cité par Diana dans Resolutionum Ve pars, tr. XIII, rés. 93, mais dans un contexte où il n’est question ni de Bauny, ni de Lugo. Cognet pense que l’alexandrin français Si quelque Dieu nous presse, un autre nous délivre serait de Pascal lui-même. Ce ne serait pas la seule fois que Pascal glisse un alexandrin dans sa prose. Dans la pensée Laf. 199, Disproportion de l’homme, on trouve le vers Au prix du vaste tour que cet astre décrit : c’est un alexandrin, que Montfaucon de Villars a reconnu comme tel.

Il y a deux frères Lugo, François, 1580-1652, et Jean, 1583-1660, qui fut cardinal en 1643.

V, 19. J’entends bien, lui dis-je : mais il me vient une difficulté dans l’esprit. C’est qu’après avoir consulté un de vos Docteurs, et pris de lui une opinion un peu large, on sera peut-être attrapé si on rencontre un Confesseur qui n’en soit pas, et qui refuse l’absolution si on ne change de sentiment. N’y avez-vous point donné ordre mon Père ? En doutez-vous, me répondit-il. On les a obligés à absoudre leurs pénitents qui ont des opinions probables, sur peine de péché mortel, afin qu’ils n’y manquent pas. C’est ce qu’ont bien montré nos Pères, et entre autres le Père Bauny, tr. 4. de Pœnit. Q. 13. P. 93. Quand le pénitent, dit-il, suit une opinion probable, le Confesseur le doit absoudre, quoique son opinion soit contraire à celle du pénitent. Mais il ne dit pas que ce soit un péché mortel de ne le pas absoudre ? Que vous êtes prompt, me dit-il ; écoutez la suite : il en fait une conclusion expresse : Refuser l’absolution à un pénitent qui agit selon une opinion probable, est un péché qui de sa nature est mortel. Et il cite, pour confirmer ce sentiment, trois des plus fameux de nos Pères, Suarez to. 4. d. 32. sect. 5. Vasquez disp. 62. c. 7., et Sanchez numéro 29.

Les références tr. 4. de Pœnit. Q. 13. P. 93., et Suarez to. 4. d. 32. sect. 5. Vasquez disp. 62. c. 7., et Sanchez numéro 29., manquent dans la première impression, et ont été ajoutées à la réimpression.

Citations de la Theologia moralis de Bauny, tr. IV, De paenitentia, q. 13, p. 93.

BAUNY, Theologia moralis, tr. IV, De paenit., Q. 13, p. 93. Citation prise dans ARNAULD, Seconde lettre à un duc et pair, p. 56.

Ces citations de Bauny proviennent d’Arnauld, Seconde lettre à un duc et pair, I, V, p. 60 sq. “Ces Casuistes enseignent[7] : Que quand le pénitent suit une opinion probable, le Confesseur le doit absoudre, quoique son opinion soit contraire à celle du pénitent. Et ils passent jusques à dire : Que refuser l’absolution à un pénitent, qui agit selon une opinion probable, est un péché qui de sa nature est mortel. Or il n’y a personne qui puisse dire, que l’opinion qu’avait ce Seigneur, qu’il pouvait en conscience converser à l’ordinaire avec ses anciens amis, comme il avait fait au vu et au su de tout le monde depuis la Constitution, ne fût au moins probable ; puisque ceux mêmes, qui s’étaient avisés de nouveau, et sans aucun sujet de la lui défendre, la lui avoient permise durant dix-hui-ct mois : puisque sans parler d’un très grand nombre de Docteurs, dont il lui eût été aisé, s’il eût voulu, d’avoir (p. 61) l’approbation par écrit, l’un de ces écrivains reconnaît[8], qu’il y a des Docteurs, qui blâment la conduite de ce Directeur, et qu’il y en qui la loüent, ce qui est selon ces Théologiens la vraie marque des opinions probables de part et d’autre ; et puis qu’enfin ce Seigneur se voyait encore autorisé dans son sentiment, touchant cette communication avec ses amis, par le Supérieur même de ce Curé et de ces ecclésiastiques[9], qui lui donna aussitôt toute permission de recevoir les sacrements en quelque Église qu’il voudrait, et par d’autres personnes, dont la piété est reconnue de tout le monde, qui sont Supérieurs de Congrégation, et Curés de Paris, et qui n’ont aucune liaison avec les amis de ce Seigneur. Et par conséquent selon les règles mêmes de ces nouveaux Pères, ces ecclésiastiques se sont engagez dans une faute qui de sa nature est mortelle, en refusant l’absolution à ce Seigneur, qu’ils ne peuvent pas dire, sans une étrange présomption, n’avoir pas suivi au moins une opinion probable, en ne se séparant point d’avec ses anciens amis, lors que tant de personnes pieuses, qu’ils n’oseraient accuser d’aucune erreur, condamnaient leur procédé, et leur déclaraient à eux-mêmes, qu’ils ne croaiient pas que ce Seigneur fût obligé de leur obéir.”

NOUËT, Impostures XXIII, in Réponses, p. 203 sq. Bauny n’a pas inventé cette opinion : 46 auteurs, parmi lesquels saint Antonin, l’ont enseignée avant lui.

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 234 sq. Selon les casuistes, un confesseur qui refuse l’absolution à des pénitents qui ont suivi une opinion probable pèche mortellement.

DANIEL Gabriel, Entretiens..., p. 67. Doctrine d’Isambert sur cette question. Cas où on est obligé d’agir selon l’opinion probable d’un auteur contre la sienne propre. Autorité de saint Antonin à l’appui. Voir p. 70, doctrine de Gamache et de Du Val.

MAYNARD Ulysse, Les Provinciales, p. 197. Un docteur est obligé de répondre selon sa propre opinion ; mais interrogé sur la licéité d’une action, il peut répondre par l’affirmative contre son propre sentiment pourvu qu’il y ait à l’appui une opinion vraiment probable.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, II, p. 3/9 sq. Interdire aux confesseurs de condamner comme péchés les actes faits conformément à une opinion probable.

BOUYER Louis, Dictionnaire théologique, p. 545. Il résulte en pratique que tout confesseur, quel que soit son opinion, doit laisser ses pénitents libres de pratiquer dans leur conduite un probabilisme raisonnable.

DUCHÊNE Roger, L’imposture littéraire..., 2e éd., p. 142-143. Discussion : il faut que le confesseur vérifie que le pénitent a une adhésion intérieure à l’opinion qu’il défend, et que ce ne soit pas le faux-fuyant d’un égoïste : p. 144.

La probabilité laisse chacun juge de la valeur d’une action

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 26. “Certum est, hanc opinionem moralem esse probabilem ; igitur certum est, esse tutam ; praetermittendum est, ni fallor, quid sit opinio tuta : item hujus ;Possum prudenter assentiri huic opinioni, id est illam veram reputare ; igitur possum illam prudenter ad usum et praxim reducere, idest illa uti, eamque eligere”. Voir p. 25 : “ ubi quis igitur ex tali opinione prudenter agat, bene agit, eaque opinione licite utitur ” ; “ nemo erit qui neget si enim certum est, esse probabilem, certum est, eandem tutam esse, idest usum illius tutum et licitam praxim ”. “ siautem alicui morali ipinioni prudenter adhaerere, vel assentiri possum, id est, eandem reputare veram, et ut vera sequi atque amplecti, ea certe prudenter uti possum ; quidquid enim prudenter existimo, licitum esse, possum licite facere ; cum intellectus voluntati praeluceat ; si ergo cerus sum, me prudenter agee, cum hanc, vel illam opinionem moralem veram reputo, id est verum reputo, hoc, vel illum licitum esse, certus sum etiam, me prudenter agere, cum illam ad praxim reduco ” : p. 26.

On peut consulter plusieurs docteurs graves à dessein de choisir parmi leurs différentes opinions celle qui est la plus accommodante

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, Dissertation théologique..., p. 234 sq.

V, 20. O mon Père, lui dis-je, voilà qui est bien prudemment ordonné : Il n’y a plus rien à craindre. Un Confesseur n’oserait plus y manquer. Je ne savais pas que vous eussiez le pouvoir d’ordonner sur peine de damnation. Je croyais que vous ne saviez qu’ôter les péchés ; je ne pensais pas que vous en sussiez introduire. Mais vous avez tout pouvoir à ce que je vois. Vous ne parlez pas proprement, me dit-il. Nous n’introduisons pas les péchés, nous ne faisons que les remarquer. J’ai déjà bien reconnu deux ou trois fois que vous n’êtes pas bon Scolastique. Quoi qu’il en soit, mon Père, voilà mon doute bien résolu : Mais j’en ai un autre encore à vous proposer. C’est que je ne sais comment vous pouvez faire quand les Pères sont contraires aux sentiments de quelqu’un de vos Casuistes.

Texte de 1659 : « quand les Pères de l’Église sont contraires aux sentiments de quelqu’un de vos casuistes ».

V, 21. Vous l’entendez bien peu, me dit-il. Les Pères étaient bons pour la Morale de leur temps ; mais ils sont trop éloignés pour celle du nôtre. Ce ne sont plus eux qui la règlent, ce sont les nouveaux Casuistes.

Provinciale VI, 18. « Vous n’avez point de mémoire, dit le Père ; ne vous appris-je pas l’autre fois que, selon nos Pères Cellot et Reginaldus, l’on ne doit pas suivre, dans la morale, les anciens Pères, mais les nouveaux casuistes ? Je m’en souviens bien, lui réponds-je ; mais il y a plus ici, car il y a des lois de l’Église. Vous avez raison, me dit-il ; mais c’est que vous ne savez pas encore cette belle maxime de nos Pères : que les lois de l’Église perdent leur force quand on ne les observe plus, cum jam desuetudine abierunt, comme dit Filiutius, tom. II, tr. 25, n. 33. »

Les Pères de l’Église : voir GILSON, La philosophie au Moyen Age, I, p. 13-14. Au sens strict, les Pères de l’Église sont définis par quatre caractères : orthodoxie doctrinale, sainteté de vie (mort dans la foi chrétienne), approbation de l’Église, ancienneté relative (jusqu’à la fin du IIIe siècle environ). Lorsque l’ancienneté fait éfaut, si l’écrivain a représenté de façon éminente la doctrine de l’Église, il reçoit le titre de Docteur de l’Église ; mais l’usage permet de nommer Pères les plus anciens d’entre eux, jusqu’à Grégoire le Grand. Le Moyen Age les désignait tous du nom de sancti. Le docteur de l’Église n’est pas infaillible ; là où il erre, il ne parle pas comme docteur. En dessous viennent les Ecrivains ecclésiastiques, dont l’autorité est moindre et dont l’orthodoxie peut n’être pas irréprochable (Origène).

MESNARD Jean, Pascal, p. 102. Pascal n’admet pas que l’on prenne pour fondement de la saine casuistique autre chose que l’Écriture, les canons et les Pères. Il accuse les casuistes de substituer, comme fondement de la casuistique, des auteurs sans autorité aux vraies autorités de l’Église.

BLUCHE François, Dictionnaire du grand siècle, p. 278. Casuistes.

NEVEU Bruno, “Archéolâtrie et modernité...”, in XVIIe siècle, n°131, p. 181 sq. Dépréciation de l’antiquité par le P. Hardouin.

FUMAROLI Marc, “Temps de croissance et temps de corruption...”, in XVIIe siècle, n°131, p. 152. Les jésuites paraissent aux gallicans être des novatores plus dangereux encore que les hérétiques avoués. Parmi les thèses qui faisaient traiter les jésuites de novatores, celle que la grâce divine concourt avec la liberté humaine au salut ; que les jésuites réduisent la part de l’Écriture par rapport à la tradition... En traitant Sirmond de novator, Saint-Cyran lui reproche de projeter son goût sournois du changement dans l’antiquité ; Sirmond, lui, prend Saint-Cyran pour un anachronique, novator parce qu’il projette sur l’antiquité les états de fait contemporains.

STELLA, “Augustinisme et orthodoxie...”, in XVIIe siècle, n°135, p. 169 sq. La volonté de nouveauté est visible dans le texte de la Concordia de Molina : celui-ci souligne l’impossibilité de trouver chez les Pères les questions qu’il traite. Il se vante aussi de ses nouveautés terminologiques. Cet esprit novateur s’appuie sur l’enseignement de Melchior Canot, qui considère que tout, dans les Pères, n’est pas à approuver automatiquement : p. 170. “Non enim quaecumque ibi legerint, ea sunt probanda omnia” ; “primum quoniam res nonnullae non erant tunc adeo in Ecclesia definitae, ut nunc esse videmus”, in De locis theologicis, VII, c. 3, 1563.

LAPORTE Jean, La doctrine de Port-Royal, La morale, I, p. 42. Les casuistes jésuites prennent leurs autorités chez eux-mêmes ; ils sont leurs propres doctes et auteurs graves ; ils ne s’inquiètent pas de l’opinion des Pères : p. 43.

DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les “Provinciales” de Pascal, p.99. Les jésuites pensent que l’Église étant un corps vivant, la façon dont elle interprète l’Écriture continue à bon droit la Révélation. Elle ne peut la modifier, mais elle peut l’adapter aux préoccupations des chrétiens qui dépendent des temps et des lieux : p. 99.

Pour la défense des jésuites sur ce point, voir NOUËT, Impostures XIX, in Réponses, p. 171 sq. Longue liste des Pères traduits par les jésuites : p. 172 sq. Citation du P. Cellot : p. 174.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 94. Un curé ne trouverait pas dans saint Augustin et saint Prosper de quoi décider sur les problèmes concrets et les cas de conscience dans les temps modernes. Voir la même idée p. 96.

Comment les jésuites utilisent les Pères : voir ARNAULD, Apologie pour les saints Pères, liv. II, ch. X, Œuvres , XVIII, p. 107. Ils les méprisent : il leur suffit de trouver dans leurs écrits quelques paroles équivoques, “dont la première apparence puisse éblouir les simples et les moins intelligents en ces matières”. ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 67 : selon le P. Cellot, “nous devons apprendre la règle de notre foi des anciens Pères. Mais pour celle des mœurs, il faut la tirer des auteurs nouveaux.”

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 179. La doctrine des casuistes ne se trouve pas chez les Pères ; les casuistes ne lui donnent aucune sorte d’autorité. Voir p. 272 sq., note II, Du peu de respect que les jésuites ont pour la doctrine des Pères sur la morale.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie des Lettres Provinciales, I, p. 156 sq. Comment les casuistes traitent les Pères et les Docteurs de l’Église.

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXX, p. VIII. Sur la réduction par les jésuites de la Tradition à “l’Église d’à présent” ; tentative de substituer les casuistes aux Pères de l’Église : p. IX. Voir aussi p. XXX, un passage du IVe Écrit des curés de Paris. Les casuistes jésuites accusés expressément de mépriser l’autorité de l’Écriture et de la tradition. Même thème développé dans le Ve Ecrit.

Même idée dans le Quatrième écrit des curés de Paris, in Divers écrits des curés..., p. 118. Extraits de Reginaldus et de Cellot.

FABRI Honoré, Pithanophilus seu dialogus, vel opusculum de opinione probabili, in quo proxima morum regula, scilicet conscientia, ad sua principia reducitur, autore Honorato Fabri, Soc. Jesu, p. 8. “Inde autem certa regula statuenda est, scilicet opinionum probabilitatem ex praesentium temporum usu censendam esse, idqu in omni doctrinae probabilis genere ; ita ut illae opiniones probabiles habendae sint, quae communi usu et calculo donantur ; usu inquam praesentium temporum, quem sapientes non improbant, nec Ecclesia reprobat ; sed fidelibus libere concedit ; nec enim praeteritorum temporum ratio habenda est, si praesentium usus iisdem non suffragatur. Et vero, quis nescit, inter antiquiores non defuisse, qui aliquam ominionem in doctrina morum adstruxerint, quae licet eo tempore probabilis esse videretur, sua tamen probabilitate deinceps excidit ; aut si forte improbabilis nonnullis visa est, novo deinde lucis appulsu, probabilis evasit ; standum igitur communi praesentium temporum usu ab ecclesia probato, sive is cum antiquo revera consentiat, sive ab eo in nonnullis diversus sit.” On doit rire de ceux qui ne tiennent qu’à l’antiquité, “insignes temporis ati laudatores, quod tamen suis naevis non caruit, praesentis osores et contemptores” : p. 8-9. De toute façon, l’autorité de l’Église est la même aujourd’hui que hier : p. 9.

Quatrième écrit des curés de Paris, Œuvres complètes, éd. Michel Le Guern, I, Pléiade, Gallimard, Paris, 1998, p. 879. Mépris des jésuites pour la tradition et les auteurs anciens. Caramuel dit qu’il ne perd pas beaucoup de temps à la lecture des auteurs anciens : p. 879. « Ils n’ont pas seulement quitté la règle, mais ils fonnt même profession de la mépriser ».

DE LUBAC Henri, Augustisme et théologie moderne, p. 84. Jansénius et son mépris des Pères grecs. Exclusivisme augustinien.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grande Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 394 sq. Efficacité rhétorique de l’expression nouveaux casuistes.

V, 21. Écoutez notre Père Cellot, de Hier. Lib. 8. cap. 16. p. 714. qui suit en cela notre fameux Père Reginaldus : Dans les questions de Morale, les nouveaux Casuistes sont préférables aux anciens Pères, quoiqu’ils fussent plus proches des Apôtres.

La référence de Hier. Lib. 8. cap. 16. p. 714. n’est pas dans la première impression ; elle a été ajoutrée lors de la réimpression.

Louis Cellot, 1588-1658, jésuite, recteur du collège de Rouen, il a publié en 1641 contre Saint-Cyran le De hierarchia et hierarchicis libri IX in quibus pulcherrima dispositione omnes hierarchici gradus et ordines, episcopalis principatus, clericalis dignitas, religiosa sanctitas, secundum Patrum dictrinam, decreta conciliorum, Ecclesiae ritus et mores, sine justa cujusquam offensione explicantur, Rouen, 1641, qui a été censuré par l’Assemblée du Clergé le 12 avril 1641 ; mis à l’Index le 20 novembre 1641. Sur l’affaire Cellot, voir HERMANT, Mémoires, I, p. 159-165 ; ADAM, Du mysticisme à la révolte..., p. 174-175 ; ARNAULD, Seconde Lettre, p. 53 ; GEF IV, p. 279 sq. et V, p. 18.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grande Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 385 sq. Le P. Cellot, De hierarchia et hierarchicis sur la préférence à accorder aux auteurs modernes en théologie morale : p. 385-386. La position du P. Cellot semble avoir été courante chez les jésuites franais jusque dans les années 1630. Le jésuite écossais Grodon écrit : « la sixième règle est qu’il faut suivre les auteurs récents plutôt que les anciens lorsqu’il s’agit de résoudre les cas de conscience (…) à propos de la définition de cette règle, il y a trois raisons : la première est qu’il y a chaque jour beaucoup de nouvelles choses qui sont décidées et déterminées dans l’Église, choses qui étaient complètement inconnues des anciens, ce dont témoignent suffisamment les décrets quotidiens des pontifes sur les mœurs. Le second est que chaque jour naissent de nouvelles questions et de nouvelles difficultés qui jusqu’à maintenant étaient ingorées dans les temps antiques. Les choses sont en effet de plus en plus examinées chaque jours » : p. 386. Caussin essaie de justifier Valère Regnauld du grief de favoriser les auteurs modernes sur les anciens, mais il en conserve le point central, que c’est l’attention des auteurs modernes à la théologie morale qui recommande leur lecture : p. 387.Selon Abelly, les saints Pères ne suffisent pas pour régler les problèmes de la société moderne : p. 388.

FOUQUERAY, Histoire de la Compagnie de Jésus en France, V, p. 417 sq. Le De hierarchia écrit contre le Petrus Aurelius suscite une tempête. Le livre de Cellot est dédié au pape Urbain VIII. Cellot divise la hiérarchie de l’Église universelle en trois parties ou hiérarchies particulières, qui ont chacune trois degrés. La première, la plus élevée, est celle des dons ou des grâces gratuites données pour le salut des autres : elle est caractérisée par la sainteté et done une autorité d’excellence. La seconde est celle de l’ordre : elle est caractérisée par la consécration et donne une simple puissance ou office. La troisième est celle de la juridiction : elle est caractérisée par la mission et ne donne que la juridiction. Ces trois hiérarchies sont soumises à l’évêque de Rome, comme souverain hiérarque, et les religieux rentrent dans chacune d’elle ou directement, ou excellemment, ou par commission ; ce qui contredit les arguments du Petrus Aurelius tendant à prouver que les religieux, par leur institution, ne font pas partie de la hiérarchie ecclésiastique. Ce livre ne peut pas plaire à l’assemblée du clergé, qui le fait examiner le 12 avril et condamne a doctrine ; elle demande une condamnation au pape, mais Cellot, estimant que c’est à tort qu’elle voit dans son livre une tentative pour diminuer son autorité, envoie à Rome une explication protestant de sa volonté de ne pas « déprimer » la dignité de l’épiscopat, et de son souci de défendre les réguliers sans faire tort aux séculiers. Avant que la Sorbonne ne condamne son livre, Richelieu permet à Cellot de se défendre dans une conférence ; il en résulte non une rétractation, mais une déclaration ; Richelieu demande qu’on n’aille pas au-delà de cette explication privée. Cellot est sur le point de donner une seconde édition de son livre, quand il apprend que la Sacrée Congrégation de Rome a mis son livre à l’Index donec corrigatur ; il exprime sa surprise au cardinal secrétaire d’État, et se soumet. Mais en 1648, il publie pour sa défense un Horarum subcesivarum liber singularis dédié à Hallier ; et la Faculté de théologie mit au jour, pour répondre, les procès-verbaux des conférences de 1641.

ARNAULD Antoine, Première lettre apologétique, 10 mars 1656, sl (BN : Ld4.227).

GRES-GAYER Jacques M., Le Jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, Klincksieck, Paris, 1996.

DONETZKOFF Denis, Saint-Cyran épistolier. D’une rhétorique savante à l’éloquence du cœur, Thèse, 2002, p. 85 sq. Sur le Petrus Aurelius, et le De hierarchia de Cellot, qui lui répond.

RAPIN René, Mémoires, éd. Aubineau, t. 1, p. 44.

WENDROCK, Lettres Provinciales, tr. Joncoux, I, p.272 sq. Défense de Pascal sur cette citation.

Quatrième écrit des curés de Paris, in Divers écrits des curés..., p. 118. Extraits de Reginaldus et de Cellot.

Selon l’éd. Le Guern, I, p. 1175, ce texte de Cellot est signalé dans la Théologie morale des jésuites, p. 1. “Pour obliger le monde à suivre les nouveautés pernicieuses qu’ils ont introduite dans la morale chrétienne, ils enseignent que nous devons apprendre les règles de notre foi des anciens Pères ; mais que pour celle des mœurs, il la faut tirer des docteurs nouveaux, qui est une chose très injurieuse à tousles Pères de l’Église.”

Reginaldus : le P. Valère Regnault, jésuite français, 1543-1623. Selon RAPIN, Mémoires, II, p. 378. Né à Usie près de Pontarlier, admis chez les jésuites en 1573, il professe à Pont-à-Mousson, Paris, Dole, où il meurt en 1623. Auteur du De prudentia et caeteris in confessario requisitis, 1610, et de la Praxis fori paenitentialis ad directionem confessarii, 2 vol., 1616-1626. Il est mentionné dans L’innocence persécutée. Dialogues, édition critique établie par Marie-Françoise Baverel-Croissant, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2002.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 246 sq. Anciens traduit veteres, qui ne désigne pas les Pères, selon Maynard, mais simplement ceux qui ont vécu avant nous.

V, 21. Et c’est en suivant cette maxime que Diana parle de cette sorte, P. 5, tr. 8, R. 31. Les bénéficiers sont-ils obligés de restituer leur revenu dont ils disposent mal ? Les anciens disaient qu’oui : mais les nouveaux disent que non, ne quittons donc pas cette opinion qui décharge de l’obligation de restituer.

P. 5, tr. 8, R. 31. : référence manquante dans la première impression, et ajoutée lors de la réimpression.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 246 sq. Anciens traduit veteres, qui ne désigne pas les Pères, selon Maynard, mais simplement ceux qui ont vécu avant nous.

V, 21. Voilà de belles paroles, lui dis-je, et pleines de consolation pour bien du monde. Nous laissons les Pères, me dit-il, à ceux qui traitent la positive : mais pour nous qui gouvernons les consciences, nous les lisons peu, et ne citons dans nos écrits que les nouveaux Casuistes.

Théologie positive : théologie qui consiste dans la simple exposition des dogmes de la foi, tels qu’ils sont contenus dans l’Écriture ou dans les Pères et les Conciles. Elle s’oppose à la scolastique, qui est plus fertile en disputes, en controverses et en chicane.

Voir l’éd. Le Guern, Pléiade, I, p. 1176, qui cite le Dictionnaire de Trévoux : « Théologie positive. C’est celle qui consiste dans la simple intelligence ou dans la simple exposition des dogmes de la foi, tels qu’ils sont contenus dans l’Écriture sainte, ou expliqués par les Pères et par les Conciles. La théologie positive est dégagée des disputes de la controverse et des chicanes de la scolastique ».

V, 21. Voyez Diana, qui a furieusement écrit ; il a mis à l’entrée de ses livres la liste des Auteurs qu’il rapporte. Il y en a 296, dont le plus ancien est depuis quatre-vingts ans.

Texte de 1659 : « Voyez Diana, qui a tant écrit ».

Cognet souligne qu’il y en a en réalité 297.

Furieusement : d’une manière furieuse, violente, excessive, extraordinaire.

V, 21. Cela est donc venu au monde depuis votre société, lui dis-je ? Environ, me répondit-il.

La compagnie de Jésus est fondée en 1539, et approuvée en 1540 par le pape Paul III. Cela fait donc plus de 100 ans. Il faut donc comprendre que Pascal veut dire que la naissance de la Compagnie de Jésus a précédé l’essor de la casuistique, et non que les deux naissance coïncident. De ce fait, on ne peut pas reprocher à Pascal de mettre grossièrement les deux naissances en coïncidence.Il constate seulement qu’avant le Compagnie de Jésus, il n’y avait pas encore de casuistes corrompus.

GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grande Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 385 sq. Le P. Cellot, De hierarchia et hierarchicis sur la préférence à accorder aux auteurs modernes en théologie morale : p. 385-386.

Voir PIROT Georges, Apologie pour les casuistes, éd. de 1657, p. 12. Troisième objection : p. 12. « Les casuistes ne lisent point les Pères, et ne se servent pour la conduite de ceux qui leur demandent conseil, que de certains auteurs qui ont écrit depuis quatre-vingts ans, dont les noms sont si barbares qu’ils donnent assez à connaître ce qu’on doit attendre de leur doctrine, Lettre 5, pag. 7 et 8.

Liste donnée par Diana

M. Le Guern renvoie à Escobar, qui donne une liste de ses auteurs sources. Mais elle diffère de celle de Pascal. En revanche, la bibliographie de Diana, Resolutiones morales, editio tertia, 1636 donne tous les noms. Voir le document sur internet (https ://books.google.fr/books ?id=jjM6w2-VZtgC).

V, 21. C’est-à-dire mon Père, qu’à votre arrivée on a vu disparaître Saint Augustin, Saint Chrysostome, Saint Ambroise, S. Hierôme, et les autres, pour ce qui est de la Morale.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 249 sq., soutient qu’au contraire, avec la naissance de la Compagnie de Jésus, on a assisté à une véritable renaissace des auteurs anciens de l’Église.

V, 21. Mais au moins, que je sache les noms de ceux qui leur ont succédé ; qui sont-ils ces nouveaux auteurs ? Ce sont des gens bien habiles et bien célèbres, me dit-il. C’est Villalobos, Coninck, Llamas, Achokier, Dealkozer, Dellacrux, Veracruz, Ugolin, Tambourin, Fernandez, Martinez, Suarez, Henriquez, Vasquez, Lopez, Gomez, Sanchez, de Vechis, de Grassis, de Grassalis, de Pitigianis, de Graphaeis, Squilanti, Bizozeri, Barcola, de Bobadilla, Simancha, Perez de Lara, Aldretta, Lorca de Scarcia, Quaranta, Scophra, Pedrezza, Cabrezza, Bisbe, Dias, de Clavasio, Villagut, Adam à Manden, Iribarne, Binsfeld, Volfangi à Vorberg, Vosthery Strevesdorf.

On trouve dans les Menagiana, t. 3, éd. de 1729, p. 34, une allusion à ce passage, dans lequel Pascal « a cité de suite, pour réjouir ses lecteurs, divers noms de casuistes de même terminaison ».

En fait, c’est une erreur : les terminaisons sont différentes et significatives, selon GARAGNON Anne-Marie et CALAS Frédéric, « Les noms des pères : désignation des jésuites dans les Provinciales. De la nomination à la dé-nomination », La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Paris, 2008, p. 105-119. Voir p. 115 : les –es et les -ez renvoient aux Espagnols, les –i et –is désignent des Italiens ; Les finales en –eld, en –orf et –berg renvoent plutôt à des Allemands. Voir aussi la note de la p. 115, qui relève dans cette liste les figures suivantes : allitération et assonance (De Grassis, De Grassalis), homoiotéleute (Ugolin, Tambourin), paronomase (Achokier, Dealkozer), tautogramme, pseudo-anagramme.

En fait, le procédé que Pascal applique est une sélection de noms pris dans un corpus à peu près dix fois plus abondant, le critère de choix relevant de la correspondance des sonorités et des rythmes.

Tous ces noms sortent-ils de la liste établie par Diana ?

Vosthery Strevesdorf est un seul et même nom, comme le montre la liste de Diana. Voir la note de Cognet, p. 93 : c’est un même personnage, contemporain de Pascal, Welater Henriquez de Streversdorf (1588-1674), ermite de saint Augustin, évêque titulaire d’Ascalon, mort recteur de l’Université de Mayence.

Nicole reproduit la liste telle quelle dans la Wendrock latine, sans latiniser les noms, comme c’est ordinairement le cas.

CLÉMENCET, Histoire de Port-Royal, Livre IX, LXXXVI, p. 445. Sur ce passage.

MESNARD Jean, “Pascal et la musique”, p. 204. Les noms sont classés selon

les sonorités, les finales surtout ;

les valeurs rythmiques des ensembles (de plus en plus longs)

le passage de noms regroupés harmoniquement à des noms qui ne présentent aucune harmonie commune ; certains sont impossibles à prononcer : on progresse donc de la musique au bruit.

On pense aux listes de mots de Rabelais ; il paraît que Pascal aimait les romans, et rien n’interdit de penser qu’il ait voulu faire là un à la manière de Rabelais. Mais on trouverait un rocédé analogue dans le passage de La vérité des sciences, I, p. 103 sq., éd. Descotes, p. 200 sq. dans lequel le P. Mersenne cherche à ridiculiser un alchimiste par une liste burlesque d’opérations, dont l’effet est peut-être moindre que celui de Pascal, mais la veine proche : « Corruptio, limatio, rasura, pulverizatio, [104] tritura, contusio, friabilitas, levigatio, incisio, fractio, granulatio, laminatio,tostio, cinefactio, lotio, infusio, humectatio, maceratio, dissolutio, liquatio, fusio, deliquium, mollitio, induratio, exsiccatio, expressio, cribratio, filtratio, calefactio, refrigeratio, insolatio, despumatio, evaporatio, exhalatio, coagulatio, clarificatio, aromatisatio, claratio, conditura, confectio, nutritio, conservatio, mixtura, putrefactio, fermentatio, cohobatio, calcinatio, praecipitatio, fumigatio, stratificatio, emplasticatio, amalgamatio, separatio, distillatio, rectificatio, sublimatio, extractio, expressio, digestio, coagulatio, caementatio, fulminatio, generatio, inceratio, circulatio, fixatio, et par toutes les autres, qui leur servent à expliquer toutes leurs opinions, leurs fourneaux, leurs vases, et leurs ingrédients... »

Pascal use souvent de ce procédé : voir par exemple dans le fragment Laf. 148, Sel. 181, de la liasse Souverain bien : « [Dieu] seul est son véritable bien. Et depuis qu’il l’a quitté c’est une chose étrange qu’il n’y a rien dans la nature qui n’ait été capable de lui en tenir la place, astres, ciel, terre, éléments, plantes, choux, poireaux, animaux, insectes, veaux, serpents, fièvre, peste, guerre, famine, vices, adultère, inceste. Et depuis qu’il a perdu le vrai bien tout également peut lui paraître tel jusqu’à sa destruction propre, quoique si contraire à Dieu, à la raison et à la nature tout ensemble. »

Voir dans DEMOREST Jacques, Dans Pascal, p. 144, des passages analogues dans les Pensées.

Imitation de cette liste dans BARBIER D’AUCOUR, Onguent pour la brûlure, p. 156, cité dans GHEERAERT Tony, Le chant de la grâce. Port-Royal et la poésie d’Arnauld d’Andilly à Racine, p. 262.

NOUËT Jacques, Réponse à l’onzième lettre..., in Réponses, p. 277. Le P. Nouët déclare ce procédé indigne d’une rhétorique chrétienne. Mais il l’emploie lui-même dans Impostures XIX, in Réponses, p. 177, en faisant un à la manière de Pascal dans une liste dont le premier nom est Luther ; ce sont les calviistes que Pascal est censé aimer, et des hérétiques. Mais Nouët n’a manifestement pas bien compris le procédé. Il fait une autre imitation de Pascal dans NOUËT, Réponse à la XVe lettre, in Réponses, p. 393-394, pour le procédé de Pascal par variations et constantes, retourné contre lui : “il n’y a que la haine que vous portez aux jésuites qui ne change jamais”.

Voir Réponse et remerciement d’un Provincial à Monsieur E.A.A.B.P.A.F.D.E.P. sur le sujet de ses lettres et particulièrement de la cinquième, où sont marquées plusieurs différences très considérables entre la morale des Docteurs Casuistes de l’Église Catholique et celle des Jansénistes, slnd, 8 p. in-4°. Voir des extraits dans GEF V, p. 56 sq. Parue après la Provinciale VI. Idée que Pascal, qui ne marche pas au hasard, a mêlé de bons docteurs à sa liste de casuistes.

Allusion à cette liste dans RETZ, Mémoires, à propos de l’affaire des témoins à brevet. “Je ne crois pas que vous ayez vu dans les Petites Lettres de Port-Royal de noms plus saugrenus que ceux-là ; et Gorgibus vaut bien Tambourin.”

GARAGNON Anne-Marie et CALAS Frédéric, « Les noms des pères : désignation des jésuites dans les Provinciales. De la nomination à la dé-nomination », La campagne des Provinciales, Chroniques de Port-Royal, 58, Paris, 2008, p. 105-119. Voir p. 113 sur le « phénomène d’autorité attribuée/désattribuée » dans la relation qui lie les « bons Pères » aux Pères de l’Église. Effet d’antithèse numérique : p. 114.

Le traitement des noms est aussi complexe.

D’une part, les noms sont en général au génitif, comme il est normal en tête d’un titre d’ouvrage ; Pascal reprend apparemment parfois la finale en i.

D’autre part, il lui arrive de déformer les noms. Voir la note de Cognet, p. 91, sur les noms estropiés.

Voir PIROT Georges, Apologie pour les casuistes, éd. de 1657, p. 19. Critique de la liste ridicule des casuistes donnée par Pascal.

V, 21. Villalobos

Henri de Villalobos, franciscain, XVIe siècle.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 474, 2 vol.

V, 21. Coninck

Gilles Coninck, jésuite, 1571-1636.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 451, 2 vol.

Aegidii Coninch, Soc. Jesu De sacramentis, Item de Fide, spe et charitate, Item responsio ad dissertationem impugnantem absolutionem moribundi.

V, 21. Llamas

Non répertorié par Cognet. Cela s’explique en général par le fait que les personnages sont déjà mentionnés.

Hieronymi Llamas Summa, sive instructio confessionarum.

V, 21. Achokier

Jean de Cochier, casuiste flamand.

Joannis à Kocher, Tra. De permutationibus beneficiorum, item De libertate ecclesiastica.

Diana cite Erasmi a Kochier, Tr. jurisdictionis ordinariae in Exemptos, illorumque exemption. ab ordinaria jurisdictione. Est-ce le même que chez Cognet ?

V, 21. Dealkozer

François de Alcozer, franciscain, mort en 1580.

Francisci de Alcozer Confessionarium, Item Summa et Tract. De ludo.

V, 21. Dellacrux

Jean de la Croix, dominicain espagnol, première moitié du XVIIe siècle.

Joannes de la Cruz, Directorum conscientiae. Item de statu religionis.

V, 21. Veracruz

Alfonsio Guthierez dit Veracruyz, ermite de Saint-Augustin, mort vers 1570.

Alphonsi Veracruz, Speculum conjugatorum.

V, 21. Ugolin

Barthelemy Ugolini, canoniste italien.

Bartholomaei Ugolini, Tract. De censuris ; Item in Bullam coenae. Item de Usuris. Item de Simonia. Item de irregularitate. Item Responsiones ad Tractatum 7 Theologorum. Item Responsiones ad Jurisconsultos Gymnasii Patavini. Item de justitia Monitorii Pauli V. Item de potestate Episcopi.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 473, 2 vol.

V, 21. Tambourin

Diana cite Ascanii Tamburini, De jure abbatum.

Thomas Tamburini, 1591-1675, jésuite. Voir Provinciales, éd. Cognet, p. 92. Moral theologian, born at Caltanisetta in Sicily, 6 March, 1591 ; died at Palermo 10 October, 1675. He entered the Society of Jesus when fifteen years old ; there he became distinguished for extraordinary virtue and a rare talent for teaching. Alter a successful course of studies he held the professorship of philosophy four years, of dogmatic theology seven years, of moral theology seventeen years, and during thirteen years was rector of various colleges. His writings are : “Methodus expeditæ confessionis” (5 vols., Rome, 1647) ; “De communione” (Palermo, 1649) ; “Explicatio decalogi” (Venice, 1654, 1707 ; Milan, 1655 ; Munich, 1659) ; “De sacrificio missæ” (3 vols Antwerp, 1656) ; “De bulla cruciata” with other works (Palermo, 1663) ; “Juris divini, naturalis et eccles. exposito” (3 vols., Palermo, 1659-60). All these works exhibited solidity of doctrine and elegance of style and went through several editions. Though severe towards himself, Tamburini, when deciding cases of conscience for others, was inclined to follow the milder views which he found reputable authors declaring probable. This is the basis of the accusation of laxity frequently brought against him, and led to his controversy with Vincent Baron. Tamburini published a refutation of the attacks of his adversary under the title, “Germana doctrina R.P. Th. Tamburini, S.J.” In determining the value of Tamburini’s works, it is well to recall the criticism of St. Alphonsus Liguori in his “Theologia Moralis” : “Let us add a word about this author [Tamburini], who is not estimated by many at his full value. It cannot be denied that he was apt to consider some opinions probable which do not deserve that note ; hence he must be used with caution. But when Tamburini establishes his own opinions, he shows that he is a thorough theologian and solves the questions by reducing them to their last principles. Competent judges will find that the opinions which he then sets down as the more tenable are in the majority of cases the more correct”.

V, 21. Fernandez

Antoine Fernandez, jésuite, 1558-1628.

Antonii Fernandez societatis Jesu, Instructio Confessionarium.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 456, 2 vol.

V, 21. Martinez

Grégoire Martinez, dominicain, 1575-1637.

Gregorii Martinez, Dominicani, Commentaria in 1. 2 D. Thom.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 462, 2 vol.

V, 21. Suarez

Francisci Suarez Soc. Jesu, Opera omnia.

Voir Provinciale X, 3. Sur François Suarez : voir RAPIN René, Mémoires, II, p. 399. Notice. De famille noble de Grenade, né le 5 janvier 1548, admis dans la Compagnie le 16 juin 1564, enseigna la théologie à Séville, Valladolid, Alcala, Salamanque et Coïmbra. Il meurt le 25 septembre 1617.

V, 21. Henriquez

HENRIQUEZ Henrique, 1536-1608 : voir Provinciales, éd. Cognet, p. 123. jésuite espagnol qui fut un temps dominicain, auteur d’une Summa theologiae moralis, Salamanque, 1591.

V, 21. Vasquez

Gabriel Vasquez, 1539-1604 : voir Provinciales, éd. Cognet, p. 97. RAPIN René, Mémoires, éd. Aubineau, I, p. 13. jésuite né en 1551 à Belmonte ; il devient jésuite en 1539, mort le 23 septembre 1604 à Alcala. Professeur à Alcala puis à Rome. Ses oeuvres occupent 10 volumes (Lyon, 1620).

V, 21. Lopez

Louis Lopez, dominicain, mort en 1596.

Ludov. Lopez, Domin., Intructionum conscientiae, Item de contractibus.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 461, 2 vol.

V, 21. Gomez

Antoine Gomez auditeur de la Rote, mort en 1596.

Antonii Gomez, Tractatus in Bullam Cruciatae.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 457, 2 vol.

V, 21. Sanchez

Thomas Sanchez, dit Sanctius, 1550-1610. Voir RAPIN René, Mémoires, éd. Aubineau, II, p. 378, n. 4. jésuite, né à Cordoue en 1550, admis dans la Compagnie en 1566 ; après avoir enseigné le droit canon et la théologie, il fut chargé de la direction du noviciat de Grenade, où il mourut le 19 mai 1610. Il est auteur d’un De matrimonio, 1592, auquel on reprochait sa crudité, dont il existe un Compendium par Emmanuel Laurent Soares, Lyon, 1623.

Thomae Sanchez Soc. Jesu, De Matrimonio, item, Summa.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 469, 2 vol.

V, 21. De Vechis

Barthelemy de Vecchio, capucin italien.

Bartholomaei de Vecchis capucini, Praxis observanda in admittendis novitiis.

V, 21. De Grassis

Charles de Grassi, canoniste romain.

Caroli de Grassis, Tractatus de effectibus clericatus.

V, 21. De Grassalis

Non mentionné dans les notes de l’édition Cognet.

Caroli de Grassalis, Regalium Franciae libri duo.

V, 21. De Pitigianis

François Pitigiano, franciscain italien.

Francisci de Pitiganis Franciscani, In 4° sent. Item Pract. Criminalis can.

V, 21. De Graphaeis

Jacques Graffio, abbé du Mont-Cassin.

Jacobi de Graffeis, Concilia, item Decisiones aureae, item de arbitrariis confessionarum, item de casibus reservatis.

V, 21. Squilanti

Paul Squilanti, jurisconsulte italien.

Pauli Squilanti, Tr. de obligationibus clericorum.

V, 21. Bizozeri

Jean-Baptiste Bizzozero, théologien milanais.

Joannis Baptistae Bizozeri Summa casuum conscientiae, Item De sacramentis.

V, 21. Barcola

Louis Bariola, ermite de Saint-Augustin, mort en 1628.

Aloysii Bariiola Flores Inquisitor et concilia moralia ; item Aphorismi casuum conscientiae.

V, 21. De Bobadilla

Nicolas Alfonsi de Bobadilla, jésuite, vers 1509-1590.

Castilli de Bobadilla Politica Hispano idiomate conscripta.

V, 21. Simancha

Jacques Simanca, évêque de Zamora.

Jacobi Simancha, Institutiones catholicae, item Praxis haereseos.

V, 21. Perez de Lara

Non référencé par Cognet.

Illelphonsi Perez de Lara, de Anniversariis capellaniis.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 463, 2 vol.

V, 21. Aldretta

Joseph Aldrète y Pasadas, jésuite.

Josephi Aldretae Soc. Jesu, De religiosa disciplina tuenda, item Allegatio pro regularium exemptione.

V, 21. Lorca

Pierre de Lorca, cistercien, mort en 1612.

Petri de Lorca ordinis cisterciensis In 1. 2. D. Thomae, item In 22.

V, 21. De Scarcia

Sigismond Scaccia, moraliste italien.

Sigismundi Scaccia, Tr. de commerciis.

V, 21. Quaranta

Étienne Quaranta, évêque d’Amalfi.

Stepahni Quaranta, Summa Bullarii.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 465, 2 vol.

V, 21. Scophra

Non répertorié par Cognet.

Remigii Scopharae Opusculum de invaliditate professionis.

V, 21. Pedrezza

Non référencé par Cognet.

Joannis Pedrazza Summa, sive instructio confessorum.

V, 21. Cabrezza

Pierre de Cabrera, hiéronymite espagnol.

Petri de Cabrera, De sacramentis in 3 partem D. Thomae.

V, 21. Bisbe

Non référencé par Cognet.

Selon Diana : Fructuosi Bisbe. Tra. De comaediis.

V, 21. Dias

Jean Bernal Diaz de Luco, évêque de Calahorra, 1495-1556.

Diana donne Bernardi Diaz, Practica criminalis cum annotationibus Salzedi.

Pascal Blaise, Les Provinciales ou Lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial de ses amis, et aux Révérends Pères jésuites publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation par l’abbé Maynard, II, Paris, Firmin Didot, 1851, p. 452, 2 vol.

V, 21. De Clavasio

Ange de Clavasio, mineur.

Angeli de Clavasio, Summa casuum conscientiae, dicte Summa angelica.

V, 21. Villagut

Alphonse Villagut, bénédictin.

Alphonsi Villagut benedictini, Tractat. De rebus Ecclesiae non tite alienatis. Item Allegatio in eadem materia. Item de usuris.

V, 21. Adam a Manden

Il n’est pas référencé par Cognet. Mais Diana suggère qu’il y en a deux.

Adami a Mauden, Discur. in Decalog.

David a Mauden in praecepta Decalogi.

V, 21. Iribarne

Non référencé par Cognet.

Joannis Yribarne, De sacr. In 4 sententiarum.

V, 21. Binsfeld

Pierre Binsfeld, théologien luxembourgeois, vers 1540-1598.

Petri Binsfeldii Enchiridion theologiae pastoralis, item De simonia, De usuris, De injuriis, et De maleficiis.

V, 21. Volfangi a Vorberg

Volfand de Worburg.

Volfangi à Vorburg, Rudimenta juris canonici.

V, 21. Vosthery Strevesdorf

Vosthery Strevesdorf est un seul et même nom, comme le montre la liste de Diana. Vpoir la note de Cognet, p. 93 : c’est un même personnage, contemporain de Pascal, Welater Henriquez de Streversdorf (1588-1674), ermite de saint Augustin, évêque titulaire d’Ascalon, mort recteur de l’Université de Mayence.

V, 21. O mon Père, lui dis-je tout effrayé, tous ces gens-là étaient-ils Chrétiens ? Comment Chrétiens ! me répondit-il ; Ne vous disais-je pas que ce sont les seuls par lesquels nous gouvernons aujourd’hui la Chrétienté ?

BOURZEIS Amable de, Saint Augustin victorieux de Calvin et de Molina ou la réfutation d’un livre intitulé Le secret du jansénisme, etc., Paris, 1652, Première conférence, Chapitre XXV, “ Que le secrétaire allègue très impertinemment plusieurs nouveaux docteurs, pour faire voir par leur témoignage que la grâce soumise à la volonté n’est pas la grâce du premier homme. ” A propos de Bellarmin, Stapleton Pennot. Voir p. 112 : “ Quant à Pennot, quoiqu’on nous arrête injustement à ces menus auteurs, et que l’on en fasse des tyrans dans le royaume de Jésus-Christ, quand on entreprend de les mettre sur le trône pour les rendre juges de la foi, observez, Evariste, que c’est ce Pennot, EVAR. Ces hommes vulgaires blessent mes oreilles par la barbarie et par la bassesse de leurs noms. TIM. Observez, dis-je, que c’est ce Pennot qui ne pouvant comprendre comment l’efficace de la grâce divine, selon la théologie sublime des thomistes, se peut accorder avec la liberté s’est au moins retenu dans les justes bornes de cette humble modestie, que de témoigner qu’il était prêt à souscrire cette opinion qui lui paraissait si difficile dès qu’on lui ferait voir qu’elle était soutenue par saint Augustin et par saint Thomas... ” : p. 112.

CLÉMENCET, Histoire de Port-Royal, Livre IX, LXXXVI, p. 445. Sur ce passage.

V, 21. Cela me fit pitié : mais je ne lui en témoignai rien, et lui demandai seulement, si tous ces auteurs-là étaient jésuites. Non, me dit-il, Mais il n’importe, ils n’ont pas laissé de dire de bonnes choses. Ce n’est pas que la plupart ne les aient prises ou imitées des nôtres ; Mais nous ne nous piquons pas d’honneur, outre qu’ils citent nos Pères à toute heure et avec éloge.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 81 sq. Note III, Réfutation de la seconde plainte des jésuites, qu’on leur attribue ce qu’ils ont pris des autres casuistes. On n’est pas excusable pour avoir des compagnons dans le crime : p. 81. “Il suffit que les jésuites aient enseigné ce qu’on assure qu’ils ont enseigné, afin qu’on ait le droit de le leur attribuer” : p. 81. Les jésuites répandent ces erreurs par toute la terre : p. 81 ; sans eux ces maximes seraient demeurées enfermées dans les bibliothèques : p. 82.

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXX, p. XXX. Thème repris dans le IVe Écrit des curés de Paris.

MAYNARD, Les Provinciales et leur réfutation, p. 205.

NOUËT Jacques, Imposture XXI, in Réponses..., p. 191 sq. Est-il permis de suivre l’opinion la moins probable, quoiqu’elle soit la moins sûre ? Nouët soutient que les jésuites ne sont pas les seuls à soutenir cette doctrine : p. 191. Exemples de Du Val, Gamache et saint Antonin : p. 191-193.

Sur BAUNY Étienne, Theologia moralis, tr. IV, De paenit., Q. 13, p. 93, la citation prise dans ARNAULD Antoine, Seconde lettre à un duc et pair, p. 56, et donnée dans Provinciale V, 19, p. 89, qui oblige un confesseur à absoudre un pénitent qui suit l’opinion qui a paru probable à un autre : d’après NOUËT Jacques, Impostures XXIII, in Réponses, p. 203 sq. Bauny n’a pas inventé cette opinion : 46 auteurs, parmi lesquels saint Antonin, l’ont enseignée avant lui.

FABRI Honoré, Notae in notas..., p. 35 sq. In notam 3 praemb. ad. Epist. 3 et sq. Nota III. “Queruntur, inquis, Jesuitae, sibi tribui, quod ab aliis ipsi acceperint : sed ad vitium excusandum, socios nihil juvat : nec necesse habuit Montaltius, libros ineptos aliorum auctorum conquirere, ex quibus Jesuitae corruptelas suas hauserint ; cum ipsi eas / p. 36 / majori auctoritate propugnent, disseminent, omnium animis instillent : alii auctores sibi peccant, Jesuitae toti Ecclesiae : latebant prius haec dogmata in Bibliothecarum angulis, in curias Magistratuum, in familias privatorum invexerunt ».

(Pag. 55). « O bone ! Jesuitas per fas et nefas deprimere conaris, et altius extollis : prae illis nullum alium auctorem putas, qui de Theologia Morali scripserit : D. Thomam, D. Antonium, Cajetanum, Sylvestrum, Navarrum, utruque Sotum, Victoriam, Medinam, Angelum, Fumum, ineptos scilicet auctores, in Bibiliothecarum angulis sepositos, blattis et tineis duntaxat terendos relinquis : a quibus, ut nihil, aut parum damni timendum est, si corruptam doctrinam contineant ; ita si bonam, nihil, aut parum emolmumenti sperandum ; sibi canunt, et suis Musis, aliis non prosunt nec obsunt. Sed laudem hanc iniquam Jesuitae nulla ex parte admittunt : quidquid ipsi de re morali scripsere, id totum aliis referunt acceptum : hinc tam multos citant, tum theologos, tum sacrorum cononum, et legum peritos : quid unus Sanchez in hac parte praestiterit, omnes sciunt. Quod Montaltius multa non legerit, vitio illi non vertam : frustra enim legeret, quae ipsae non intelligeret : quod vero theologiae moralis supremus arbiter haberi velit, ut totam morum doctrinam censeat, illorum tamen auctorum libros non triverit, in quibus ea principia explicantur, ex quibus morales conclusiones deducuntur ; nihil plerique omnes tam ridiculum et insanum, tam audax et temerarium, tam impudens et putidum fingere animo potuerunt. »

La doctrine des opinions probables est-elle propre aux jésuites ?

NOUËT, Deuxième réponse..., in Réponses..., p. 46 sq. Pascal fait un crime aux jésuites d’une doctrine qui est celle de saint Thomas.

DANIEL Gabriel, Entretiens..., p. 60, donne, p. 61, une référence à la Quaestio facti de 1659 qui, d’après la p. 63, tient compte de Wendrock. Voir p. 100 et p. 113 : la doctrine est répandue dans les écrits des théologiens de tous les ordres et de toutes les universités catholiques.

SAINTE-BEUVE, Port-Royal, Pléiade, t. 2, p. 136 sq., mentionne la Quaestio facti du P. Deschamps (1659), qui examine si la doctrine de la probabilité est propre aux jésuites, et note que la probabilité a été attaquée en premier par le jésuite Comitolus.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 205. Les casuistes n’étaient pas propres à la Compagnie de Jésus.

PETITDIDIER Mathieu, Apologie..., I, p. 74. Objection du P. Daniel : pourquoi charger les jésuites d’une doctrine qu’ils partagent avec beaucoup d’autres ? Commentaire de ce passage : p. 75. Preuve que Pascal n’a jamais attribué l’invention de la probabilité aux seuls jésuites. La Dissertation de Wendrock affirme la même chose. Si la probabilité est une doctrine saine, c’est un honneur pour les jésuites de l’avoir adoptée ; mais si c’est une doctrine pernicieuse, les jésuites sont très coupables de l’avoir adoptée et répandue : p. 77. C’est une maxime de droit qu’en matière de crime, il n’y a pas de garantie ; il suffit à leurs adversaires que les jésuites enseignent la probabilité pour donner droit de les accuser de tout le mal que renferme cette doctrine, sans se mettre en peine si d’autres qu’eux l’ont enseignée : p. 77. On n’est pas moins enmpoisonneur en débitant du poison avec d’autres : p. 78. Si les jésuites ont suivi d’autres docteurs auparavant, ils sont aujourd’hui en tête des défenseurs de la probabilité : p. 78. “Enfin si le maivis exemple était capable de justifier ceux qu le suivent, il y a longtemps qu’il n’y aurait plus dé pécheurs” : p. 78. Il n’est pas vrai que les jésuites aient en la matière suivi tous les docteurs catholiques p. 79. Que vaut la garatie de saint Antonin ? p. 80. Protestations des jésuites quand on leur allègue des décisions de Caramuel, Diana et Jean Sanctius, qui ne sont pas jésuites ; mais ils protestent aussi quand on leur allègue des jésuites, en soutenant que ce sont des auteurs particuliers : p. 82-83. Conclusion : le corps des jésuites est responsable des propositions relâchées des membres de leur Compagnie, mais aussi des autres : p. 91. La doctrine de la probabilité appartient en propre aux jésuites : p. 102 sq.

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXX, p. XXX. Thème repris dans le IVe écrit des curés de Paris. “Nous n’avons jamais considéré les jésuites que comme les principaux (et non les seuls) défenseurs des maximes pernicieuses dont nous nous sommes plaints... Ainsi c’est la défense du monde la plus faible que de produire contre nous ces mêmes auteurs dont nous poursuivons la censure... Tant s’en faut que leur nombre nuise à notre cause, quand il serait aussi grand que les jésuites le représentent, que c’est ce nombre même qui justifie davantage la justice et la nécessité de nos poursuites.”

Pascal ne dit pas non plus que les seuls jésuites ont des casuistes corrompus. Il sait qu’il y a d’autres docteurs laxistes, et il le dit expressément dans la Ve Provinciale. Mais il pense que les jésuites ont en propre une politique qui se sert utilement de cette méthode casuistique, et qui lui donne une efficacité redoutable ; et qu’à ce titre les jésuites sont les principaux représentants de la casuistique relâchée.

DUCHÊNE Roger, L’imposture littéraire..., p. 136 sq. La meilleure preuve que casuistique et opinions probables n’appartiennent pas en propre aux jésuites devient pour Pascal un moyen de lier indissolublement et presque exclusivement dans l’esprit de son lecteur probabilités et jésuites.

Les casuistes se copient les uns les autres sans faire attention à ce qu’ils copient

Quatrième écrit des curés de Paris, Œuvres complètes, éd. Michel Le Guern, I, Pléiade, Gallimard, Paris, 1998, p. 883.

Argument contre Pascal : les casuistes peuvent se recommander d’auteurs d’autorité, dont Pascal ne cite jamais les noms

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 82. Note IV, Réfutation de la troisième plainte : qu’on supprime des noms des auteurs que les jésuites citent en faveur de leurs opinions. Argument du P. Annat dans La bonne foi des jansénistes, p. 13 : « ce bon secrétaire... laisse saint Thomas même pour éviter la honte que les jansénistes eussent eue de bouffonner sur une doctrine qu’un si grand et si saint docteur avait appuyée » : p. 83.

V, 21. Voyez Diana qui n’est pas de notre Société, quand il parle de Vasquez, il l’appelle le Phénix des esprits. Et quelquefois il dit que Vasquez seul lui est autant que tout le reste des hommes. Instar omnium. Aussi tous nos Pères se servent fort souvent de ce bon Diana ; Car si vous entendez bien notre doctrine de la probabilité, vous verrez que cela n’y fait rien. Au contraire nous avons bien voulu que d’autres que les jésuites puissent rendre leurs opinions probables, afin qu’on ne puisse pas nous les imputer toutes. Et ainsi quand quelque Auteur que ce soit en a avancé une, nous avons droit de la prendre si nous le voulons par la doctrine des opinions probables, et nous n’en sommes pas les garants quand l’Auteur n’est pas de notre corps. J’entends tout cela, lui dis-je. Je vois bien par là que tout est bien venu chez vous hormis les anciens Pères ; et que vous êtes les Maîtres de la campagne : Vous n’avez plus qu’à courir.

Texte de 1659 : « tout le reste des hommes ensemble, Instar omnium ».

Le phénix des esprits : voir V, 2. Voir aussi XII, 6 : « Je vous en ferais un argument en forme, si Diana, qui estime tant Vasquez, qu’il l’appelle le Phénix des esprits, n’avait tiré la même conséquence du même principe. » Mais le passage auquel Pascal fait ici allusion ne semble pas avoir été identifié.

Nous avons bien voulu que d’autres que les jésuites puissent rendre leurs opinions probables, afin qu’on ne puisse pas nous les imputer toutes : technique courante en politique, qui consiste à mouiller des personnes appartenant à d’autres partis pour brouiller la responsabilité des véritables auteurs. C’est une technique politique bien connue, d’user des « imbéciles utiles », que l’on plaçait sous les projecteurs des medias, de manière à dissimuler les véritables buts de certaines actions, sous des motifs humanistes.

ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, Quatrième écrit des Curés de Paris. Où ils montrent combien est vaine la prétention des jésuites qui pensent que le nombre de leurs casuistes doit donner de l’autorité à leurs méchantes maximes, et empêcher qu’on ne les condamne, dans PASCAL, Œuvres complètes, éd. Michel Le Guern, I, Pléiade, Gallimard, Paris, 1998, p. 878. « Nous n’avons jamais considéré les jésuites que comme les principaux défenseurs des maximes pernicieuses dont nous nous sommes plaints, et dont nous nous plaignons encore, et non pas comme les seuls qui les aient enseignées (...). Ainsi c’est la défense du monde la plus faible que de produire contre nous ces mêmes auteurs dont nous poursuivons la censure... ». Les jésuites se déclarent protecteurs des livres contenant des maximes de morale corrompue : p. 878.

V, 22. Mais je prévois trois ou quatre grands inconvénients, et de puissantes barrières qui s’opposeront à votre course. Et quoi, me dit le Père tout étonné ; C’est, lui répondis-je, l’Écriture sainte, les Papes et les Conciles, que vous ne pouvez démentir, et qui sont tous dans la voie unique de l’Évangile. Est-ce là tout, me dit-il ? Vous m’avez fait peur. Croyez-vous qu’une chose si visible n’ait pas été prévue, et que nous n’y ayons pas pourvu ? Vraiment je vous admire de penser que nous soyons opposés à l’Écriture, aux Papes, ou aux Conciles ! Il faut que je vous éclaircisse du contraire. Je serais bien marri que vous crussiez que nous manquons à ce que nous leur devons. Vous avez sans doute pris cette pensée de quelques opinions de nos Pères, qui paraissent choquer leurs décisions, quoique cela ne soit pas. Mais pour en entendre l’accord, il faudrait avoir plus de loisir. Je souhaite que vous ne demeuriez pas mal édifié de nous. Si vous voulez que nous nous revoyions demain, je vous donnerai l’éclaircissement.

Je vous admire : le ton est ironique. Mais cette ironie est à double détente, puisque le lecteur comprend que le jésuite et ses confrères ont su trouver un moyen de contourner les lois de l’Église.

Voir Laf. 920, Sel. 750.

V, 22. Voilà la fin de cette conférence, qui sera celle de cet Entretien ; aussi en voilà bien assez pour une Lettre. Je m’assure que vous en serez satisfait en attendant la suite. Je suis, etc.

 

  1. ^  Diray je que c’est une Societe d’hommes ou plustost d’Anges Livre 3. p. 410. C’est une troupe choisie d’Anges p. 401. Elle a esté predite par Isaye ch. 18. en ces mots : Allez Anges prompts et legers. Là même.
  2. ^  C’est la voix publique presque de toute l’Europe, que la Societé a rappellé les vertus d’exil, a resuscité les Muses ensevelies, a restably la doctrine dans les escholes. Prolegomenes p. 27.
  3. ^  Les Jesuites sont des esprits d’Aigles p. 406.
  4. ^  C’est une troupe de Phœnix, un Auteur ayant montré depuis peu qu’il y en a plusieurs. Preface.
  5. ^  Ils ont changé la face de la Chrestienté. Ils ont fait fleurir par tout la science du Christianisme, et la pureté des mœurs au lieu de l’impieté, de l’ignorance et du luxe qui y regnoient auparavant. Ils ont fait autant regner les vertus que les vices regnoient auparavant. Livre 1. c. 1. p. 53.
  6. ^ Tous les Jesuites sont eminens en doctrine et en sagesse. De sorte qu’on peut dire de la Societé ce que dit Seneque : Il y a de l’inegalité où les choses eminentes sont remarquables. Mais on n’admire point un arbre quand tous les autres de la forest sont égallement hauts. Certes de quelque part que vous jettiez les yeux, vous ne trouverez rien dans la Societé qui ne pust estre eminent par dessus les autres, s’il n’estoit parmy d’autres qui ont la même eminence. Livre 3. p. 401.
  7. ^ Assertio 2. Quando pœnitentis opinio est probabilis, absolvi a sacerdote debet, et si secus opinante, quàm ille sentiat.Assertio 4. Negare absolutionem operanti et opinione probabili, culpa est de genere suo mortalis. 10. 4. disp. 32. sect. 5. Vasquez disp. 62. 6. 7. Sanchez n. 29. Bauny Tract. 4. depœnit. q. 13. p. 93.
  8. ^  Discours d’un Theologien desinteressé p. 7.
  9. ^  Le Grand Vicaire de Monseigneur de Metz Abbé de S.