P 11 : Texte de la réponse

 

NOUET Jacques, Réponse à l’onzième Lettre des jansénistes

NOUËT Jacques, Réponse à l’onzième Lettre des jansénistes, août 1656, 8 p. in-4°. Texte acquis par le CIBP.

NOUËT Jacques, Réponse à l’onzième Lettre des jansénistes, août 1656, 8 p. in-4°. Date : février 1656 ? Cette date est sûrement fausse : la XIe Provinciale est d’août 1656. Texte intégral dans Réponses..., p. 273 sq.

GEF V, p. 342-343. Extraits.

« Vous savez qu’ils vous ont convaincu d’intelligence et de collusion avec Genève, faisant voir clairement la conformité de vos impostures et de vos calomnies avec celles que Du Moulin a publiées dans ses Traditions contre l’Église romaine » : p. 1. Pascal est un bouffon : on lui reproche sa liste de casuistes, la citation faite “avec affectation” du contrat Mohatra : p. 3. Il est inspiré par la rancune de n’avoir pu renverser le christianisme et de s’être fait condamner : p. 4. Sur la raillerie, Nouët cite Pascal, puis lui prouver que ses intentions sont mauvaises ; peut-être pèche-t-il par ignorance, mais c’est une ignorance volontaire. Il n’est ni modeste, ni honnête par son ton (“hoho de comédie”) ; il s’attaque en vrai blasphémateur à la grâce, à la Vierge Marie. La fin tourne à la menace de persécution. Sur la raillerie, voir p. 6. Nouët cite Pascal, pour lui prouver que ses intentions sont mauvaises : peut-être pèche-t-il par ignorance, mais par ignorance volontaire. Il n'est ni modeste, ni honnête par son ton (« ohoh de comédie »). Il attaque la grâce, la Vierge Marie en un vrai blasphème. La fin tourne à la menace de persécution.

JOUSLIN Olivier, La campagne des Provinciales de Pascal, p. 402 sq. On constate la cohérence dans les réponses jésuites. Amalgame entre jansénistes et calvinistes : p. 587. « Vous savez qu'ils vous ont convaincu d'intelligence et de collusion avec Genève, faisant voir clairement la conformité de vos impostures et de vos calomnies avec celles que Du Moulin a publiées dans ses Traditions contre l'Église Romaine ». Pascal est un disciple de Calvin.

WENDROCK, Lettres Provinciales, notes à la XIe Provinciale.

RÉPONSE A L’ONZIÈME LETTRE DES JANSÉNISTES.

MONSIEUR,

J’ai lu exactement votre onzième Lettre, que vous avez écrite pour votre défense : et je n’y ai rien remarqué, qui ne tourne à votre blâme, et qui ne fasse un effet contraire à celui que vous prétendez. Car elle est si défectueuse, que de plusieurs reproches, que les Jésuites vous ont faits avec raison, vous ne touchez que la seule raillerie, qui est le moindre de vos péchés: et si faible qu’au lieu de vous laver de cette tache, vous vous condamnez vous même, et vous rendez encore plus coupable.

Vous n’ignorez pas, MONSIEUR, que ces pères vous accusent d’avoir renouvelé dans vos premières Lettres les erreurs de Jansénius condamnées de toute l’Eglise, vous moquant arec insolence de la Censure de la Sorbonne, qui n’a fait que suivre celle du Pape et des évêques. D’où vient donc que vous n’y répondez point ; sinon parce que ce crime est si manifeste à tout le monde, que vous ne vous en pouvez justifier, et qu’il vous est si agréable, que vous ne vous en voulez pas repentir ?

Vous savez, qu’ils vous ont convaincu d’intelligence, et de collusion avec Genève, faisant voir clairement la conformité de vos impostures et de vos calomnies, avec celles que du Moulin a publiées dans ses Traditions contre l’Église Romaine : Et vous ne pouvez dire, que vous ne l’avez appris, qu’en achevant votre Lettre, puisqu’il y a un mois, que cet écrit paraît, et que vous n’en faites pas semblant. Pourquoi ne vous êtes-vous pas expliqué sur un point si délicat et si important ? Vous en aviez une belle occasion, lors que vous parliez du nom de Jésus figuré ordinairement ainsi I H S, faisant dire au P Garasse, que quelques-uns en ont ôté la croix, pour prendre les seuls caractères en cette sorte I H S.

qui est un JÉSUS déualisé. Car il ne fallait qu’ajouter ces paroles, qui suivent au même lieu, et qui achèvent sa période et sa pensée : faisant comme par mystère de toute antiquité les armes de la ville de Genève. Vous eussiez mis dans un plus beau jour l’impiété prétendue de cet auteur [Le P. Garasse dans sa somme p. 510.] en nous apprenant que ce I H S dévalisé fait les armes de votre chère Genève, et par conséquent qu’il accuse les Calvinistes vos bons amis d’être les voleurs, qui l’ont dépouillé, et qui lui ont ôté sa croix. Avouez la vérité : Ne deviez-vous pas rapporter ce passage tout entier sans couper cette fin qui est essentielle à sa perfection ? Pourquoi n’avez-vous pas appréhendé le blâme, qu’on vous donne de falsifier et d’altérer la pensée des auteurs, que vous voulez décrier ; sinon parce que vous n’avez osé nous montrer seulement le lieu, où vous avez puisé votre doctrine ?

Davantage, MONSIEUR, les Jésuites vous avaient reproché, que vos Lettres n’étant qu’un amas de vieilles impostures, que vous aviez déjà publiées dans le libelle de la Théologie morale, qui fut lacéré à Bordeaux en l’année 1644 par Arrêt du Parlement : Et toutefois sans toucher aucunement cet infâme écrit, qui est votre coup d’essai, et comme l’apprentissage que vous avez fait dans l’école de Monsieur du Moulin, afin de vous rendre habile dans l’art de railler, et de médire, vous essuyer doucement cette confusion en disant qu’ils se plaignent de ce que vous redites contre eux ce qui avait déjà été dit.

Ne deviez-vous pas nous éclaircir là dessus, et nous dire pourquoi vous n’avez pas cru devoir laisser ce livre enseveli dans l’infamie de son supplice ? Et n’étiez-vous pas aussi obligé de nous apprendre à même temps par quelle autorité vous vous estes constitué vous-même le correcteur universel, ou pour mieux dire le corrupteur de la morale, vous qui n’êtes ni docteur, ni prêtre, ni ecclésiastique. Pour quel sujet, de tous les Casuistes, que du Moulin cite sur les opinions que vous combattez avec lui (comme Navarre, saint Antonin, et saint Thomas) vous n’attaquez que les Jésuites ; et par quel artifice supprimant le nom des autres vous déguisez, vous supposez, vous corrompez la doctrine de ceux-ci de telle sorte, qu’elle n’est pas reconnaissable ?

Voilà les reproches qu’on vous avait faits avant la dernière réponse des Jésuites contenant vos impostures, et que vous n’avez sans doute dissimulez, que parce qu’il vous était impossible d’y repartir. C’est pourquoi, MONSIEUR, je prends votre silence comme un aveu forcé de la vérité de ces accusations, et je vous déclare, que je ne vous regarderai plus désormais, que comme un disciple de Calvin flétri par la censure des Papes, un médisant condamné par les arrêts des parlements, et un railleur décrié par le jugement de tous les sages.

Il est vrai, MONSIEUR, que vous faites vanité de ce dernier titre, et même vous employez la plus grande partie de votre Lettre à faire l’éloge de la raillerie, jusques là que vous voulez nous persuader, que les saints ont été, comme vous, des moqueurs, et que Dieu a joué le personnage d’un railleur dès la naissance du monde, et qu’il le fait encore tous les jours au moment le plus redoutable aux pécheurs, qui est celui de la mort.

Mais de vérité, MONSIEUR, vous abusez avec une grande hardiesse de l’Écriture sainte, et vous faites un grand mépris du jugement de vos lecteurs, puisque vous osez dire vous ne raillez dans vos Lettres qu’à l’exemple des plus grands saints, et de Dieu même.

Et quoi, MONSIEUR, pensez-vous qu’on soit obligé de vous croire sur votre parole ? estimez-vous qu’après avoir inventé mille faussetés, publié mille calomnies, falsifié mille passages pour y trouver la matière de vos profanes railleries, on vous tienne pour un saint, et que des Lettres scandaleuses, qui ne sont que des restes du calvinisme mourant, passent pour des copies, dont vous vous vantez d’avoir trouvé l’original en Dieu même ?

Dites moi, MONSIEUR, si vous croyez que Dieu pour se moquer des casuistes au moment de leur mort, fera comme vous des risées de leurs noms, et si après avoir prononcé ceux-ci, dont les syllabes se choquent par un rencontre surprenant, et ridicule, Villalobos, Konink, Llamas, Akokier, Dealkoser, Dellacruz, Veracruz, Ugolin, Tambourin, etc. [ Lett. 5 . p. 8.] il demandera avec étonnement si tous ces gens-là sont chrétiens ?

Ira-t-il rechercher avec affectation le contrat Mohatra, les quatre animaux d’Escobar, l’histoire de Jean d’Alba, et mille semblables bouffonneries, dont vous avez rempli une censure de tant de théologiens, qui méritaient sans doute d’être traités d’un homme laïque avec plus de modestie ?

Se moquera-t-il du secours prochain, de la grâce suffisante, des foudres et des anathèmes de l’Eglise ? Imposera-t-il à ces auteurs des crimes dont ils ne sont point coupables, des décisions qu’ils n’ont point avancées, des textes corrompus, des passages coupez, et des résolutions controuvées à plaisir, pour les tourner en ridicules ?

Se gaussera-t-il, comme vous faites [ Lettre 9. p. 4.], des dévotions à la Mère de Dieu, par exemple, saluer la sainte Vierge au rencontre des ses images, dire le petit Chapelet des dix plaisirs de la Vierge, prononcer souvent le nom de Marie, donner commission aux anges de lui faire la révérence de notre part, souhaiter de lui bâtir plus d’églises, que n’ont fait tous les monarques ensemble, lui donner tous les matins le bonjour, et sur le tard le bonsoir, dire tous les jours l’Ave Maria en l’honneur du cœur de Marie. Vous vous souvenez, MONSIEUR, que c’est sur tous ces sujets, que vous déployez les plus beaux traits de cette sainte raillerie, que vous voulez aujourd’hui consacrer par vos écrits.

Mais, MONSIEUR, ne vous aveuglez pas jusqu’à ce point, que de croire que ces excès, et ces emportements soient pris pour des ravissements des Saints, et des extases des Prophètes, qui pour décrier le vice, les reprennent quelquefois avec un ris de courroux, et d’indignation ; vous estes plus éloigné de la conduite de ces grands hommes, que les ténèbres de la lumière du jour.

Les Pères ont traité les de ridicules, et vous qui êtes atteint, convaincu, et condamné d’hérésie, vous vous moquez de la Sorbonne et des théologiens catholiques. les Pères ont repris des désordres publics, et de véritables crimes qu’ils ont tâché de rendre non seulement odieux, mais encore méprisables, par des traits d’une piquante ironie, et vous en supposez de faux, que vous feignez à plaisir, pour vous venger de ceux qui s’opposent à vos dérèglements, et aux maximes pernicieuses de votre secte. Les Pères ont employé la raillerie comme le sel dont il faut user avec discrétion, leurs écrits sont pleins de solides raisonnements, de pensées généreuses et élevées, de convictions fortes et puissantes, mais les paroles de moquerie y sont rares : Et vos Lettres tout au contraire, sont pleines de faux textes, de fausses citations, et de faux reproches, accompagnez d’une perpétuelle bouffonnerie, sans qu’on y puisse remarquer un seul raisonnement, ni une seule pensée digne d’un théologien.

Comment est-ce donc que vous voulez qu’on prenne votre conduite pour celle de ces grands saints, qui est si contraire à l’esprit qui vous gouverne ? on peut bien comparer vos ouvrages à l’antidote de Calvin, où cet hérétique fait parler les Pères du Concile de Trente, en la même sorte que vous faites parler les Jésuites d’un langage niais, pour exciter le ris et le mépris des Lecteurs ; mais vous ne passerez jamais pour prophète, sinon auprès de ceux, qui pour la haine qu’ils ont conçue contre les Jésuites, cherchent des maitres qui les déçoivent, et veulent croire contre leur propre conscience, que le mensonge est vérité, lorsqu’il flatte leur passion, et qu’il blesse l’honneur de ces religieux.

Quittez, MONSIEUR, quittez ce masque de justice et de charité, dont vous couvrez vos médisances, on vous voit à travers : on sait quel est le motif qui vous a porté à la vengeance : on connait vos desseins : cette animosité si extraordinaire, et si contraire à l’esprit du Christianisme n’est que trop visible, ce n’est point le zèle de la religion qui vous donne des mouvements si violents, mais le regret que vous avez de ne l’avoir pu renverser : ce n’est point l’amour de la vérité, mais le désespoir où vous estes, de voir vos erreurs convaincues, et votre hypocrisie découverte.

A quoi servent tant de passages des saints, pour prouver qu’il y a des railleries innocentes, puisque l’on vous a déjà montré clairement que celles, dont vous vous servez, sont toutes criminelles ? pourquoi employer l’écriture pour nous dire qu’il y a des moqueries charitables, puisque les vôtres sont envenimées de haine ? et pourquoi enfin nous apporter les exemples des Pères de l’Église, puisqu’étant hérétique déclaré, vous êtes par suite ennemi des mêmes Pères et de l’Église ?

Vous deviez plutôt vous souvenir, MONSIEUR, de quelle sorte le S. Esprit dans l’Ecriture, et des Peres dans les Conciles traitent ceux qui s’arment de railleries et de reproches injurieux, ainsi que vous faites, pour troubler la paix des enfants de Dieu, et combattre les maximes orthodoxes, vous deviez considérer que le Sage dans les Proverbes nous commande de chasser les moqueurs[1], c’est-à-dire les hérétiques, comme l’explique le vénérable Bède, chassez de l’Église, dit ce Père, l’hérétique que vous ne pouvez corriger, et lors que vous lui aurez ôté la liberté de prêcher, vous affermirez la paix entre les catholiques[2]. Vous deviez remarquer avec quelle rigueur cette sérère discipline a été observée dans les conciles, d’où les injures et les railleries ont toujours été bannies. Quiconque , dit le concile de Tolède, troublera l’assemblée des Pères par des reproches outrageux, ou par des discours de raillerie, qu’il soit chassé du concile avec

infamie, et excommunié trois jours durant, suivant cette loi divine, chassez le railleur, et vous bannirez avec lui toutes les querelles[3].

Enfin vous deviez profiter du conseil que s. Bernard donne à un grand pape, d’éviter non seulement les gausseries piquantes et injurieuses, mais encore celles qui passent dans le monde pour un divertissement innocent et agréable[4], de l’avis de saint Chrysostome, qui montre par un éloquent discours qu’il a fait sur ce sujet, combien cette humeur enjouée, que les hommes prennent pour vertu, est indigne d’un chrétien[5], des invectives fréquentes que les Saints font contre les moqueurs, qu’il ne regardent que comme ennemis de la Croix et de l’esprit de Jésus-Christ.

Vous voyez par là, MONSIEUR, que c’est une trop faible défense, et un raisonnement trop vague de prouver par les Pères, qu’il y a des railleries qui sont sans reproche, puisque l’on vous monstre par les mêmes Pères, qu’il y en a beaucoup plus de criminelles, qui sont dignes de la haine publique, et de l’horreur qu’en ont d’ordinaire tous les gens de bien.

Mais pour en faire un discernement sincère et judicieux, qui vous apprenne de quelle nature sont celles, dont vos Lettres sont remplies, et quel rang elles vous ont acquis parmi les moqueurs, ne m’en croyez pas, MONSIEUR, jugez-vous s’il vous plait vous même, et servez-vous des règles que vous avez trouvées si belles, que vous ne faites point de difficulté après les avoir déjà publiées de les donner derechef au public, dans cette Lettre, qui n’est qu’une abrégé de cette longue réponse que vous fîtes l’an passé en faveur des railleurs au sujet de vos Enluminures.

S’il est nécessaire [6]pour le juste emploi de la raillerie, qu’elle soit fondée sur la vérité et non sur le mensonge : Les Jésuites ont déjà découvert onze impostures dans les deux premiers cahiers de leur dernière Réponse, dont ils vous promettent une longue suite, par où l’on verra avec quel élèvement de cœur et faiblesse d’esprit vous vous vantez de les avoir épargnés. Je ne vous en marquerai qu’une seule qui est la quatrième de celles qu’ils vous reprochent, en laquelle vous attribuez à Lessius ce qu’il ne fait que rapporter de Victoria célèbre théologien, que celui qui a reçu un soufflet peut repousser à l’instant cette injure et même à coups d’épée[7] etiam cum gladio. Proposition dont il désapprouve la pratique au nombre suivant en ces termes que je vous donne ici, parce qu’ils n’ont pas été cités dans la Réponse, afin que vous ne croyiez pas qu’on les ait dissimulés par dessein pour substituer en leur place les paroles du nombre 82 qui ne sont rapportées que pour en montrer la conformité avec celles-ci. Pour les raisons que je viens de dire, cette opinion est probable dans la spéculation :

mais néanmoins on ne la doit pas facilement permettre dans la pratique.

Premièrement à raison du danger qu’il y a de donner lieu à la haine, à

la vengeance et à l’excès. Car si saint Augustin fait difficulté de dire qu’on

puisse pour défendre sa vie, tuer un homme : beaucoup moins accorderait-il

en ce cas qu’on le puisse tuer pour défendre son honneur. Voyez, MONSIEUR, si vous estes fondé sur la vérité.

S’il faut selon vos règles conserver la charité dans le cœur, quand on a l’aiguillon sous la langue, de peur de faire des plaies dangereuses et mortelles au lieu de les guérir : il n’y a que Dieu qui soit le juge de vos intentions, mais tout le monde ne voit que trop où tendent vos actions. Il se peut faire que vous péchez par erreur, et non par malice, mais ni l’un ni l’autre n’est excusable, puisque vous n’êtes trompé que parce que vous ne voulez pas voir la vérité.

S’il faut que la raillerie soit noble, modeste, honnête, et discrète, afin qu’elle fasse un bon effet, qu’y a-t-il de plus bas que ce hoho ! de comédie, que vous faites éclater si souvent dans vos Lettres, de plus insolent que ce que vous dites des docteurs de la Sorbonne[8], et de l’origine des casuistes[9], de plus satirique et de plus indiscret pour ne rien dire davantage, que ce que vous imposez aux théologiens au sujet du jeûne et de la magie ?

S’il faut enfin respecter la religion, et n’employer jamais la moquerie contre les choses saintes, qui est ouvrir la bouche contre le Ciel, comme parle l’Écriture, et tenir le langage des impies : qu’y a-t-il de plus saint que la grâce, qui est le plus riche trésor de la croix, et la dévotion vers la Vierge, qui est la clef qui nous le peut ouvrir ? Et toutefois. MONSIEUR, après avoir joué l’un et l’autre, après avoir promené le Jansénisme comme en triomphe dans la Sorbonne et dans les maisons religieuses, pour braver les juges qui l’ont condamné, et se moquer de la grâce, comme si vous en aviez déjà perdu la mémoire, vous demandez froidement, en quel lieu l’on trouve que vous tournez les choses saintes en railleries, et si l’on estime que le Mohatra soit une chose si vénérable que ce soit un blasphème, que de s’en moquer.

Hé, MONSIEVR, où est votre sincérité ? vous qui faites mine de blâmer la manière d’éviter le mensonge en parlant tantôt haut et tantôt bas ; par quelle équivoque pouuez-vous dire tout haut que vous avez raillé du Mohatra, et tout bas que vous vous êtes bien moqué de la grâce, par quelle restriction mentale vous vantez-vous en public que vous avez joué les jésuites, et en secret que vous vous êtes moqué de saint Thomas, de saint Antonin ; et même des anathèmes de Rome.

Croyez-moi, MONSIEUR, l’innocence n’a pas besoin de cet artifice hypocrite pour se défendre, il fallait dire nettement, que ni vous ni ceux de votre parti ne croyez pas, que la grâce suffisante, le secours prochain, le chapelet, et la censure du Pape soient des choses si vénérables, que ce soit une impiété d’en railler, et un blasphème de n’en parler pas avec respect.

Car quand on vous a reproché l’insolence de vos railleries sur le Mohatra, et sur les décisions des plus célèbres casuistes, que vous avez secrètement attaqués sous le nom des jésuites, qui n’ont rien enseigné que ce qu’ils ont appris de ces grands hommes : on ne vous a pas repris d’impiété, mais de bouffonnerie ; non de blasphème, mais d’imposture : on ne vous a pas dit que cette sorte de raillerie fût un sacrilège, cela regarde vos railleries sur le chapelet, et sur la Grâce.

Mais on vous a dit, et je vous le dis encore une fois, qu’elle est indigne d’un chrétien, et que si vous estes coupable d’en avoir usé, vous l’êtes encore plus de la soutenir, et de mettre sur le trône de Dieu, ce que l’on aurait peine de souffrir sur le théâtre, prenant les saints pour garants d’une action, qu’un homme d’honneur rougirait d’avouer, et que vous n’avez pas osé faire passer sous votre nom.

Après cela, MONSIEUR, n’avez-vous pas bonne grâce de reprocher au p. Le Moine qu’il a comparé la pudeur au feu des Séraphins, vous qui comparez vos bouffonneries satiriques, au zèle des saints, et à la colère de Dieu. Je n’entreprends pas ici la défense de ce père, qui a de trop bonnes armes pour se défendre, et trop de patience à vous souffrir. C’est pour vous dire seulement, que vous êtes si aveugle que vous ne voyez pas les fautes que vous faites, quelques grossières qu’elles soient, et si obstiné à la médisance, qu’au lieu de reconnaître le tort que vous avez d’avoir inventé tant de calomnies, vous en trouvez tous les jours de nouvelles, que je laisse par mépris, jusques à ce que vous ayez reconnu celles que vous avez avancées jusques ici.

Si l’amour de la vérité peut avoir assez de force sur votre esprit, pour vous porter à cette généreuse résolution : alors je vous éclaircirai parfaitement sur l’attrition naturelle dans son essence, et surnaturelle dans son principe : Je vous satisferai sur les paroles du P. Garasse, que vous accusez d’avoir mêlé l’hérésie avec la raillerie, lorsqu’il dit : Que la personnalité de l’homme a été comme antée et mise à cheval sur la personnalité du Verbe, et après avoir levé le soupçon de la première, par ses propres paroles[10] et par le sujet qu’il traite en ce lieu (où il met cette différence entre la volonté et la personnalité de l’homme dans le mystère de l’Incarnation, que dans ce composé que nous appelons Jésus Christ il n’y a qu’une personne, ce sont ses mots, mais on ne peut pas dire qu’il n’y ait qu’une volonté, savoir la volonté divine, qui est l’hérésie des Monothélites qu’il combat en cet endroit.) je vous donnerai le moyen de justifier vous-même la seconde, en vous priant de traduire en français ce texte de saint Paulin[11] : Hic hominem saucium praetermissum à proeviis, nec curatum miseratus accessit, et iumento suo, hoc est Verbi Incarnatione suscepit.

Mais si vous demeurez dans votre aveuglement , si dans cette exacte réponse que vous promettez aux jésuites avec menaces, vous ne vous justifiez, que par des reproches et des injures, si vous ne venez au point de l’accusation, si vous vous contentez débiter des lieux communs, et de chicaner sur une circonstance qui n’est point à propos, je vous suivrai de près, je marquerai toutes vos chutes, je ferai voir votre infamie à toute la terre, et si je ne vous puis faire taire, ce que je ne prétends pas à moins que vous cessiez d’être janséniste, je vous montrerai au moins, que vous ne méritez plus de réponse, et qu’un calomniateur convaincu ne doit pas être écouté, et beaucoup moins être cru.

 

 

  1. ^ Pro. 22. ver. 10.
  2. ^ Eiice haereticum,quem corrigere nonpotes, de Ecclesia,et cùm illi liberta-tem praedicandiabstuleris, Catho-licae paci auxiliumpraestabis.
  3. ^ Quicumque co-tumeliis vel risi-bus, Conciliumperturbauerit, iux-ta diuinum legisedictum quo prae-cipitur, eiice deri-sorem, et exibit cumeo iurgium, cumomni dedecore, deconfessione abstra-ctus à communicoetu secedat, ettrium dierum ex-communicatio-nis sententiamferat. Concil. To-let. 11. babetur can.in loco. 5. q . 4 .
  4. ^ Verbum scurrile,quod faceti, vrba-nique nomine co-lorant, non suffi-cit peregrinari abore, procul et abaurerelgandum,foedè ad cachin-nos moueris, foe-diùs moues. l . 2.de cons. c. 13. Bern.
  5. ^ S Chrysost. to. 6.
    p. 595. hom.
    d [ car. grecs]
    et ho. 17 . in ep. ad
    Eph.
  6. ^ P. 22. de son 1.écrit.
  7. ^ Lett. l. 2. de iustc. 9. d. 12. n. 79.Ob has rationeshaec sententia estspeculatiuè proba-bilis, tamen in pra-xi non videtur fa-cilè permittenda.Primo ob periculumodij, vindictae etexcessus ; si enim D.Augustinus ob hascausa aegré ad-mittit, quis provitâ tuendâ alterumpossit occidere,quato minus in talicasu ob honoremruendum conce-deret. Secundo et c.n. 20.
  8. ^ Lett. 1. 2 . 3 .
  9. ^ Lettr. 5. p . 8.
  10. ^ Page 649. et pag.628. La secondepersonne soustienthypostatiquementla nature humai-ne en sorte que lapersonnalité de lanature est commeengloutie honora-blement dans lapersonnalité du Ver-be come une goutted’eau s’anéantitdans un tonneaude vin : car c’est decette comparaisonque s. Cyrille sesert, et c.
  11. ^ S. Paulinus cp.4.