Le problème général des citations

 

A partir de la douzième Provinciale, Pascal est obligé de justifier sa manière de citer les textes des casuistes. Sa méthode a fait l’objet d’analyses nombreuses, qui dépassent souvent son cas, permettant ainsi de comprendre l’importance que cette pratique en apparence purement technique pouvait revêtir pour les écrivains de son temps. Les références proposées ci-dessous envisagent la question assez largement pour permettre de saisir l’originalité de Pascal sur ce point.

BEUGNOT Bernard, « Un aspect textuel de la réception critique : la citation », in La mémoire du texte. Essais de poétique classique », Paris, Champion, 1994, p. 281-301.

BEUGNOT Bernard, « Dialogue, entretien et citation », in La mémoire du texte. Essais de poétique classique », Paris, Champion, 1994, p. 303-317.

JOUSLIN Olivier, Rien ne plaît tant que le combat. La campagne des Provinciales de Pascal. Étude d’un dialogue polémique, t. 2, Presses Universitaires Baise Pascal, Clermont-Ferrand, 2007, p. 119 : le problème des citations, objet de discussion entre Pascal et les jésuites. Voir p. 773 sq.

Citation et retour aux sources de la vérité : voir FUMAROLI Marc, L’âge de l’éloquence, p. 686.

Il y a une tension entre la citation qui suscite l’invention et celle qui réduit l’invention à ce qui a déjà été pensé, ce qui conduit à la stérilité. La critique de la pratique de la citation se traduit souvent par un reproche de servitité à l’égard des Anciens.

Marc FUMAROLI, dans sa thèse L’Age de l’éloquence. Rhétorique et “res literaria” de la Renaissance au seuil de l’époque classique, Droz, Genève, 1980, fait un état des différentes fonctions que peuvent remplir les citations : voir p. 604 sq. La citation source d’invention : p. 747.

Les citations mettent en relief les nœuds argumentatifs : voir COURCELLE Pierre, L’entretien de Pascal et Sacy : ses sources et ses énigmes, Paris, Vrin, 1960, p. 92, sur Epictète.

Sur la manière de brancher des citations les unes sur les autres : voir COURCELLE Pierre, L’entretien de Pascal et Sacy : ses sources et ses énigmes, Paris, Vrin, 1960, p. 28 sq. ; CROQUETTE Bernard, Pascal et Montaigne. Étude des réminiscences des Essais dans l’œuvre de Pascal, Genève, Droz, 1974, p. 134 ; et LHERMET J., Pascal et la Bible, p. 216.

Il faut distinguer les cas où la référence est donnée et ceux où elle ne l’est pas. Pour les citations, une citation non référencée a tendance à se fondre dans le discours et à en devenir un segment qui ne renvoie plus à un autre texte. On peut engendrer ce que Kuentz appelle un bricolage de citations, qui finit par former un texte. Voir KUENTZ Pierre, “Un Discours nommé Montalte”, Revue d’Histoire Littéraire de la France, mars-avril 1971, 2, p. 195-206.

Les livres de l’Écriture les plus utilisés par Pascal : SELLIER Philippe, Pascal et la liturgie, p. 44. La Genèse, Exode, Deutéronome, Psaumes, plus que tous les autres ; la Sagesse et l’Ecclésiastique pour les livres sapientiaux ; Isaïe plus que tous les autres prophètes.

La méthode de référence aux propositions et aux citations chez Pascal

Le problème de la référence des citations est une partie d’un problème plus large, qui est celui de la référence aux éléments de textes, qu’il s’agisse des éléments de textes qui appartiennent à l’auteur (et on a alors affaire à la référence à des théorèmes dans un ouvrage de mathématiques par exemple), ou qu’ils appartiennent à un autre (c’est alors le problème des citations). Cela ne vaut pas seulement pour des citations, mais aussi, en mathématiques, pour des théorèmes.

Le texte peut être associé à la référence, ou ne pas l’être : on peut donner, comme Pascal le fait dans les Provinciales, la référence avec ou sans le texte, selon l’opportunité, comme on peut donner ou ne pas donner l’énoncé d’un théorème dont on fournit la référence. Le choix relève de l’art de persuader, et le critère de ce choix est l’efficacité rhétorique. Il arrive qu’on n’ait à donner qu’une référence, parce que le texte est très connu (par exemple la Conséquences XII du Triangle arithmétique, dont chacun sait qu’elle renvoie au raisonnement par induction parfaite) ; dans certains cas on peut même renvoyer par un nom (qui dispense même parfois de connaître le texte original, comme pour le théorème de Pythagore). Mais il est aussi fréquent que l’on doive citer le texte, parce qu’il n’est pas connu ou qu’il est difficile à trouver : c’est le cas dans les Provinciales presque toujours, car les casuistes sont nombreux et obscurs, et que Pascal tient à mettre les énoncés directement à portée des lecteurs.

On donne des numéros, qui sont définis comme des indicateurs comportant généralement des chiffres. Ces numéros se définissent comme des identifiants. Un identifiant est une sorte de nom qui sert à identifier un objet précis dans un ensemble d'objets ; ou plus largement toute suite de caractères qui permet de discerner un objet dans une masse. En principe, un identifiant devrait être unique pour chaque objet. Un identifiant est unique s'il n'est attribué qu'une seule fois. En pratique (comme pour les noms de personnes ou de lieux) ce n'est pas toujours le cas. On appelle nominal un identifiant numérique, c'est-à-dire formé de chiffres comme le numéro associé à une lettre (a:1, b:2). Un identifiant de base de données, aussi appelé une clé, est un code comportant indifféremment des chiffres et des lettres permettant d'identifier un objet de base de données. D'une part il permet d'identifier un objet sans équivoque, d'autre part il permet de lier des tables entre elles avec la certitude que tel objet de telle table est bien lié au bon objet étranger.

Dans le cas qui nous occupe, les références sont des numéros complexes, puisqu’on n’y trouve pas seulement des numéros, mais aussi des lettres, qui désignent des livres, des parties, des sections, des paragraphes, etc. (ce qui est appelé plus haut nominal).

Il y a plusieurs types de références, qui renvoient chacune à un type d’ordre, mais pas au même.

Le plus simple est celui de la suite des nombres naturels. Les nombres renvoient à une succession linéaire. Les chapitres et les parties se succèdent comme les nombres naturels, 1, 2, 3... Les nombres permettent de repérer un passage individuel, c’est-à-dire un texte précis. C’est grâce à eux que l’on peut vérifier l’exactitude d’une citation, à partir du moment où le numéro a permis de la localiser.

Dans certains cas, les nombres peuvent seulement composer une gradation dans une liste.

Il y a des fragments de Pascal qui portent une numérotation. Voir Commencement 5, Laf. 154, Sel. 187. Mais les corrections vont démolir toute la numérotation, dont il ne reste que le premier et le dernier terme.

Les nombres, si l’on se soumet à la succession logique, peuvent faire connaître une dépendance logique des parties désignées. Les nombres les plus grands caractérisent les propositions relatives (au sens de Descartes), et les moindres celles qui sont absolues à leur égard (toujours au sens cartésien).

Il y a un problème quand un numéro manque. Cela permet de signaler une lacune ou une censure.

Il peut y avoir des suites gigognes dans la succession numérique. Par exemple la principale suite peut être marquée par des chiffres romains, I, II, III, IV, V, etc., mais entre deux chiffres peut s’insérer une suite de chiffres arabes, 1, 2, 3, etc.

En revanche, les lettres sont moins déterminées. On peut trouver des lettres qui jouent le même rôle que des chiffres, quand on suit l’ordre alphabétique.

On peut combiner les deux types : A1, A2, A3, ..., B1, B2... Cela ne change rien, à partir du moment où cela symbolise un ordre.

Mais en principe, les lettres désignent souvent des types d’ensembles : livre, traité, section, etc. Cela ne donne pas une succession, mais des niveaux de problèmes : une section est restreinte, un traité est une partie d’une somme. On peut préciser. En mathématiques, les types de sections (problème, proposition, théorème, corollaire, lemme, etc., suivant les distinctions des Grecs) donnent une vue de la dépendance des énoncés dans l’ordre de la logique ; cela renseigne sur l’enchaînement, mais aussi sur le statut des énoncés (voir la différence entre définitions, axiomes, théorèmes, problèmes). La combinaison des deux types donne une vue très précise. Les types de parties forment une succession de type poupées russes, qui mesure l’approfondissement et l’avancée dans le détail.

Les divisions se font sous forme de questions, de décisions, de numéros. Par exemple, voir la manière dont on distingue les parties de la Somme théologique de Thomas d’Aquin. Il y a souvent des intercalations de mentions abrégées permettant de distinguer les types d’objets internes numérotés : par exemple, Pars III, Sect. V, ch. 2, § 4, n. 12. Il y a une structure en arborescence, qui est marquée par la manière dont les citations sont composées.

De sorte que l’on distingue les différents niveaux.

Il ne faut pas croire que ces problèmes de références ne touchent pas le fond. Cela détermine au contraire la tournure que prend la polémique.

Premièrement, cela ouvre la contestation sur l’exactitude des références et des citations.

Ou bien on conteste en disant que la référence renvoie à quelque chose qui n’a rien à voir avec la question.

Ou bien on constate, en suivant la référence, que le texte allégué n’est pas identique au texte auquel renvoie la référence.

Mais la fusion de deux références en une seule pose un problème différent : de deux textes, Pascal est censé n’en faire qu’un.

Ces divisions sont ce qui permet la citation de fractions, mais formant chacune un tout. Cela oriente le débat : on peut contester le caractère complet de l’extrait cité : c’est ce qui est arrivé dans la controverse sur la bonne foi de Pascal dans la citation des casuistes.

La construction d’un recueil d’excepta

C’est ce que nous appellerions une base de données.

L’usage des références chez Pascal apparaît dans les Provinciales, écrits achevés, comme dans les Écrits sur la grâce et les Pensées, textes inachevés. Mais la pratique des références n’est pas la même selon les différents degrés d’élaboration.

OC III, éd. J. Mesnard, p. 737, recueil de citations tirées des conciles, de saint Augustin, et de ses adversaires. Pascal se sert de la Trias, mais Mesnard montre sur pièces qu’il suit saint Augustin dans le texte. Voir OC III, p. 738, par exemple. L’intérêt des Écrits sur la grâce, par rapport aux Provinciales, c’est que Pascal y construit sa base de données, alors que dans les Provinciales, la base est fournie, notamment par Escobar.

Pascal s’explique sur ce point dans un de ses propos : « On me demande si j’ai lu moi-même tous les livres que j’ai cités. Je réponds que non : certainement il aurait fallu que j’eusse passé ma vie à lire de très mauvais livres ; mais j’ai lu deux fois Escobar tout entier, et pour les autres, je les ai fait lire par mes amis ; mais je n’en ai pas employé un seul passage sans l’avoir lu moi-même dans le livre cité et sans avoir examiné la matière sur laquelle il est avancé, sans avoir lu ce qui précède et ce qui suit, pour ne point hasarder de citer une objection pour une réponse, ce qui aurait été reprochable et injuste. »

Les nombres n’interviennent qu’en seconde instance. Dans le Discours, les citations sont précédées d’un titre qui contient des mots-clés correspondant aux thèses que Pascal veut confirmer. Ces titres semblent répondre à une volonté de dépouillement méthodique, mais orienté par des idées directrices.

La Trias ne sert pas de source, mais de voie vers les sources ; c’est une concordance, et non un vrai réservoir de textes. Voir OC III, p. 556-557.

Les citations comportent une référence. Elles sont plutôt conçues comme un index. Les nombres renvoient normalement aux chapitres, après les titres.

Il y a aussi un recueil d’excerpta dans la Lettre sur la possibilité des commandements, 5, OC III, éd. J. Mesnard, p. 684. Les textes pris sur la Trias sont traduits en français. Les références sont données aux pages de la Trias.

La citation textuelle, surtout la citation en latin, a l’inconvénient d’introduire un corps étranger dans un texte, et de produire un effet de pédantisme contraire au style de l’honnête homme. Pascal résout la difficulté en citant rarement mot à mot, et en soumettant les citations à un travail d’élaboration préalable, afin de les fondre dans son propre texte et s’y intègre parfaitement. Ce travail est visible dans les ouvrages dont on connaît différents états, du brouillon initial à la rédaction achevée, comme c’est le cas des Ecrits sur la grâce, tels que les présente OC III. On y distingue trois degrés d’élaboration principaux :

1. le recueil d’extraits recopiés, éléments de texte, en général choisis pour leur caractère significatif, et parfois traduits ;

2. des rédactions initiales qui incluent des citations ou des recueils d’excepta, insérés dans le discours, mais pas encore vraiment intégrés à la rédaction ; >

3. des rédactions élaborées où les citations sont souvent entièrement retraduites et réécrites, et incorporées au texte, au point qu’il est difficile de les discerner du reste du discours.

Les références font place à l’exigence d’intégration au texte. Dans les parties rédigées, la référence subsiste parfois (dans le cas particulier des Rétractations), mais pas dans la plupart des cas; voir OC III, p. 680-681. Dans les parties les plus élaborées de la Lettre sur la possibilité des commandements, les références ne sont pas données.

Plus le travail est avancé, plus les citations sont harmonieusement incorporées. Grâce à ce travail d’intégration et d’homogénéisation, les citations cessent de constituer un corps étranger dans le texte. Cela permet d’établir la chronologie des Ecrits sur la grâce, comme l’a fait J. Mesnard dans OC III.

La pratique n’est pas la même dans les Écrits sur la grâce et les Provinciales. Les Écrits sur la grâce sont des ouvrages d’instruction, et non de polémique. Ce n’est pas le cas des Provinciales.

Avec les Provinciales, le mouvement s’inverse, et on voit réapparaître l’exigence de précision dans les références.

Le déroulement de la polémique, avec les accusations de falsification, a obligé Pascal à changer de technique, et de revenir à une mention explicite des références.

GEF V, p. 353. Jusque là, Pascal a cité Vasquez d’après Diana, et Lessius d’après Escobar. Il cite à présent d’après ces auteurs mêmes. Ses adversaires reprochent à Pascal de composer des rhapsodies de passages empruntés ou pillés. Rhapsodie, rapsodie : recueil de plusieurs passages, pensées et autorités, qu’on rassemble pour en composer quelque ouvrage. Selon Furetière, quand on veut mépriser l’ouvrage d’un auteur, on dit que c’est une rapsodie, qu’il n’y a rien de son invention.

Un des aspects de la polémique porte directement sur l’univocité des références.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 87 sq. Note V, Des passages abrégés et composés. Plainte des jésuites : Pascal “prend de certains termes qu’il choisit de différents endroits d’un même auteur, et que les rassemblant de plusieurs passages, il n’en compose qu’un seul : ce qui est, disent-ils, une infidélité manifeste”. Nicole répond que Pascal n’était pas obligé de faire un livre ennuyeux et rempli d’une rhapsodie de “choses inutiles qui en aurait ôté toute la grâce” : p. 87. Réponse intéressante : à un reproche de morale littéraire répond une raison purement esthétique. Voir p. 88 : “j’espère faire connaître (...) à tout le monde que Montalte en les abrégeant n’a point altéré la vérité, mais qu’il a seulement voulu donner plus d’agrément à ses lettres”. Le reproche revient à dire que Pascal réduit plusieurs références différentes à une seule.

Voir Provinciale XII, 3, dans un passage de Vasquez, invoqué par Pascal. « Mais quand il arriverait même qu’on en aurait, on serait encore dispensé d’en donner dans les nécessités communes, selon Vasquez, qui s’oppose à ceux qui veulent y obliger les riches. Voici ses termes, c. I. n. 32. Corduba, dit-il, enseigne que lorsqu’on a du superflu, on est obligé d’en donner à ceux qui sont dans une nécessité ordinaire, au moins une partie, afin d’accomplir le précepte en quelque chose ; MAIS CELA NE ME PLAÎT PAS : SED HOC NON PLACET : CAR NOUS AVONS MONTRÉ LE CONTRAIRE contre Cajetan et Navarre. Ainsi, mes Pères, l’obligation de cette aumône est absolument ruinée, selon ce qu’il plaît à Vasquez. Le texte de Vasquez se trouve dans ses Opuscula moralia de Vasquez, De eleemosyna, cap. I, Dubium IV, Lyon, 1631, p. 6, mais il est cité d’après Diana, voir Provinciales VI, GEF V, p. 30 et 12. Le texte est cité dans GEF V, p. 360 : « Cum quis habet superfluum status sentit (Corduba) quod etiam si non sint necessitates urgentes, tenetur communiter egentibus aliquid tribuere, licet non totum superfluum, ut saltem in aliquo praeceptum impleatur, nec in totum omittatur. Sed hoc non placet, supra enim contra Cajetanum et Navarrum contrarium probavimus. Et sane si ad id teneretur, ad totum superfluum erogandum obligandus esset ». La traduction est exacte. Mais cela peut poser des problèmes lorsqu’on a affaire à plusieurs éditions, ce qui est souvent le cas quand on traite des casuistes. On trouve déjà le texte dans l’édition de 1617, p. 15-16. Mais l’édition consultée par Cognet date de 1620 (comme il l’indique en note p. 218) ; c’est sans doute pourquoi il donne des références par lettres, qui ne se trouvent pas dans l’édition de 1631. WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, II, p. 220 sq. Sur cette citation, Nicole note que les adversaires de Pascal n’ont pas répondu : ils ont fait l’amalgame avec la citation précédente pour trouver un faux-fuyant.

La méthode de citation de Pascal et le problème de l’exactitude des citations

Sur la méthode de citation des textes de Pascal, à propos des citations bibliques, voir LHERMET J., Pascal et la Bible, p. 183 sq.

LHERMET J., Pascal et la Bible, Paris, Vrin, 1931, p. 183 sq. Les citations bibliques de Pascal : p. 195. Les citations tirées de la Vulgate : p. 196. La Vulgate hiéronymienne est la principale source de Pascal dans les Pensées. C’est le texte qu’il cite dans les Provinciales, les Écrits pour les curés de Paris et le Projet de mandement, ainsi que dans les Écrits sur la grâce : p. 196-197. On doit distinguer entre les citations exactes et les citations inexactes. Les citations exactes comprennent les citations exactes et complètes, les citations abrégées, les citations tronquées. Souvent, la suppression porte sur des mots inutiles pour le sens, mais souvent aussi la suppression porte sur des membres de phrases entiers ; et il arrive que Pascal ne garde que les mots essentiels d’une citation : p. 197-199. Dans certains cas, il ne reste qu’un mot, comme stultitiam dans Laf. 419, Sel. 680. Dans certaines citations, les mots sont dérangés : p. 199. Parmi les citations exactes, il faut compter celles où Pascal ajoute au texte biblique un mot qui lui appartient, voire tout un commentaire latin : p. 200. Il lui arrive aussi de forger un ensemble de plusieurs citations tirées de la Vulgate, même quand les éléments appartiennent à des auteurs différents : p. 201.

La question de la bonne foi de Pascal dans la citation des auteurs, soulevée par le P. Nouët et le P. Annat, est un sujet très conflictuel, les jésuites ayant cherché à faire passer Pascal pour un faussaire. C’est un thème tenace, aujourd’hui encore. Il a fallu attendre l’édition des Grands Écrivains de la France, par Brunschvicg, Boutroux et Gazier, au début du XXe siècle, pour que la question de fait soit réglée par la reproduction des textes des casuistes dont Pascal s’est servi.

BAUDRY DE SAINT-GILLES D’ASSON Antoine, Journal d’un solitaire de Port-Royal, éd. Ernst et Lesaulnier, Paris, Nolin, 2008, p. 287. Lettre de Saint-Gilles à son troisième frère du 7 janvier 1658, où Saint-Gilles affirme l’exactitude des citations des Provinciales.

Anecdote sur Pascal et Mme de Sablé : voir RAPIN René, Mémoires, II, p. 394 sq. ; OC I, p. 853. Anecdote : Mme. de Sablé demande à Pascal d’où il tire ses renseignements ; Pascal répond que c’est à ceux qui lui fournissent des mémoires de veiller à l’exactitude de ce qu’il écrit : p. 395. Voir dans les Pensées, Laf. 1002, le Propos de Pascal rapporté par Marguerite Périer, qui donne son dernier mot sur la nature de son information. Voir LE GUERN Michel, « Propos de Pascal sur les Provinciales », RHLF, juillet-septembre 1967, p. 606, qui remarque que les éditeurs retiennent ce propos, mais non un autre propos de Pascal, assez voisin, rapporté par le P. Daniel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 20. Pascal dit que c’est à ceux qui lui fournissent des mémoires de veiller à leur vérité, et non à lui, qui ne fait que les arranger. D’après M. Le Guern, le P. Daniel s’est inspiré de Rapin ; il s’est sans doute renseigné auprès de Bouhours, autre habitué du salon de Mme de Sablé. La seule phrase absolument identique chez Rapin et chez Daniel est celle qui rapporte le propos même de Pascal : p. 607. Voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, Pléiade, II, p. 150 et III, p. 92. Ce mot semble contredire celui rapporté par Marguerite Périer. Tout en admettant les infidélités de Rapin, « imputables à son manque d’esprit critique », Le Guern pense que ce propos, que Daniel a pu contrôler d’ailleurs, est véridique : p. 607. Il se demande comment le concilier avec le propos rapporté par Marguerite Périer ? On ne peut pas toujours faire confiance à la nièce de Pascal : p. 608. Voir LE GUERN, « Sur la bataille des Provinciales, sur la Provinciale VIII, preuve que Pascal faisait confiance à ses amis sur la matière qu’ils lui fournissaient. Il conclut qu’il n’y a pas de contradiction : le propos rapporté par Daniel correspond plutôt aux dix premières lettres ; le propos de M. Périer aux suivantes, plus rigoureuses pour les références. Du point de vue critique, ces remarques sont très fragiles. Marguerite Périer est une source directe. Daniel et Rapin travaillent sans source directe, à partir de dossiers constitués à l’époque où l’identité de l’auteur des Provinciales était inconnu. La formule c’est à ceux qui lui fournissent des mémoires de veiller à leur vérité, et non à lui, qui ne fait que les arranger est visiblement une reprise du vieux thème polémique du secrétaire de Port-Royal. Le fait que le texte de Rapin corresponde en partie mot pour mot ne prouve rien sur la vérité de l’histoire ; il montre seulement que Daniel copie Rapin, dont les Mémoires ont effectivement composés en vue de cet usage. Cependant le moins qu’on puisse dire est que les “infidélités” de Rapin ne sont pas seulement l’effet de son manque d’esprit critique : les Mémoires sont en grande partie alimentés d’inventions polémiques. L’idée que Daniel s’est informé auprès de Bouhours est une pure imagination de M. Le Guern, qui a toujours tendance à prendre ses sans doute pour des sans aucun doute, mais sans autre argument que c’est sans doute de sa part. Le propos de Rapin rapporté par Daniel n’est vraisemblablement qu’une fabrication. Contre la véracité de l’anecdote de Daniel : voir PETITDIDIER Mathieu, Apologie des lettres provinciales, p. 28.

OC I, éd. J. Mesnard, p. 951-952. Anecdote de Bartet et du pari sur l’exactitude des citations des Provinciales.

OC I, éd. J. Mesnard, p. 1012, propos rapporté par Dom Petitdidier, Apologie des lettres Provinciales, II, Rouen-Delft, 1698, p. 56. « Une personne très digne de foi dit savoir de feu M. Nicole même qu’il avertit M. Pascal qu’on prendrait prétexte de le chicaner de ce qu’il abrégeait les passages qu’il citait ; et que M. Pascal lui répondit qu’il ne croyait pas qu’on pût lui faire une si honteuse chicane, parce qu’il n’abrégeait les passages qu’en conservant le sens entier, sans y rien ajouter et sans en rien ôter. Le cas prédit étant arrivé et le procès intenté sur cet article, Wendrock, dit encore alors M. Nicole, cita les passages au long et au large, ne les trouvant pas plus malaisés à battre étendus que resserrés, mais seulement un peu plus ennuyeux au lecteur. »

GEF V, p. 353. Jusque là, Pascal a cité Vasquez d’après Diana, et Lessius d’après Escobar. Il cite à présent d’après ces auteurs mêmes. Ses adversaires reprochent à Pascal de composer des rhapsodies de passages empruntés ou pillés. Rhapsodie, rapsodie : recueil de plusieurs passages, pensées et autorités, qu’on rassemble pour en composer quelque ouvrage. Selon Furetière, quand on veut mépriser l’ouvrage d’un auteur, on dit que c’est une rapsodie, qu’il n’y a rien de son invention.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 82 sq. Réfutation de la troisième plainte (sc. Des jésuites) qu’on supprime les noms des auteurs que les jésuites citent en faveur de leurs opinions. Les jésuites, dit Nicole, protestent contre le fait que l’auteur des Provinciales ne donne pas les noms et les références des auteurs anciens sur lesquels les casuistes appuient leurs opinions. Nicole répond en expliquant que ce sont au contraire les jésuites qui ont falsifié saint Thomas.

WENDROCK, Provinciales, tr. Joncoux, I, p. 87 sq. Note V, Des passages abrégés et composés. Plainte des jésuites : Pascal “prend de certains termes qu’il choisit de différents endroits d’un même auteur, et que les rassemblant de plusieurs passages, il n’en compose qu’un seul : ce qui est ; disent-ils, une infidélité manifeste”. Nicole répond que Pascal n’était pas obligé de faire un livre ennuyeux et rempli d’une rhapsodie de “choses inutiles qui en aurait ôté toute la grâce” : p. 87. Réponse intéressante : à un reproche de morale littéraire répond une raison purement esthétique. Voir p. 88 : “j’espère faire connaître (...) à tout le monde que Montalte en les abrégeant n’a point altéré la vérité, mais qu’il a seulement voulu donner plus d’agrément à ses lettres”.

Pascal a une manière personnelle de citer. Dans la rhétorique oratoire des magistrats gallicans, la citation sert à donner de l’autorité et de la dignité philosophique au discours par la référence à des auteurs anciens : elle est donc le plus souvent détachée, soulignée et mise en évidence. On constate par exemple que, dans les tragédies pré-classiques comme celles de Montchrestien ou de Garnier, les maximes sont signalées par des guillemets, sans doute ne vue d’être dites d’une manière qui les distingue du reste du discours. Par l’éducation qu’il a reçue de son père, Pascal a été imprégné de cette rhétorique des citations qui alimente la pensée par le recours à des textes anciens. Sur ce point, il faut lire l’article de FUMAROLI Marc, “Pascal et la tradition rhétorique gallicane”, Méthodes chez Pascal, p. 359-370, qui situe bien Pascal dans le courant de l’éloquence de son temps.

La technique des citations a aussi fait l’objet d’une réflexion originale de la part de Pascal. Voir sur ce point SELLIER Philippe, “Imaginaire et rhétorique”, in Essais sur l’imaginaire classique. Pascal, Racine, Précieuses et moralistes, Fénelon, p. 141-156, notamment p. 151 sq., sur la méthode de citation de Pascal. Pascal est persuadé que l’homme a besoin de s’armer de quelques éblouissantes citations pour frapper la mémoire et s’incorporer les vérités : p. 153. Il pense à la pratique de Montaigne, qui cite beaucoup dans les Essais. Voir par exemple ce qu’il écrit dans le fragment Laf. 745 des Pensées : “La manière d’écrire d’Epictète, de Montaigne et de Salomon de Tultie est la plus d’usage, qui s’insinue le mieux, qui demeure plus dans la mémoire et qui se fait le plus citer, parce qu’elle est toute composée de pensées nées sur les entretiens ordinaires de la vie, comme quand on parlera de la commune erreur qui est dans le monde que la lune est cause de tout, on ne manquera jamais de dire que Salomon de Tultie dit que lorsqu’on ne sait pas la vérité d’une chose il est bon qu’il y ait une erreur commune, etc. (qui est la pensée de l’autre côté).” On voit par exemple comment une citation d’Epictète peut servir à Pascal de support à une pensée personnelle dans ces fragments des Pensées : Laf. 98. et Laf. 99.

Mais Pascal, écrivant les Provinciales pour le public mondain, et non pour le monde de la robe, prend ses distances à l’égard de l’éloquence érudite. Lorsque l’avocat Antoine Lemaître, qui avait fait retraite à Port-Royal, a fait publier ses Plaidoyers, suivant le Recueil de choses diverses (cité dans OC I, p. 892), “M. Pascal s’en raillait et disait à M. Le Maistre qu’il avait pourtant bien écrit pour les gros bonnets du Palais, qui n’y entendent rien”. Cela implique des choix rhétoriques très différents.

La citation textuelle, surtout la citation en latin, a l’inconvénient d’introduire un corps étranger dans un texte, et de produire un effet de pédantisme contraire au style de l’honnête homme. Pascal résout la difficulté en citant rarement mot à mot, et en soumettant les citations à un travail d’élaboration préalable, afin de les fondre dans son propre texte et s’y intègre parfaitement. Ce travail est visible dans les ouvrages dont on connaît différents états, du brouillon initial à la rédaction achevée, comme c’est le cas des Ecrits sur la grâce, tels que les présente OC III. On y distingue trois degrés d’élaboration principaux :

1. le recueil d’extraits recopiés, éléments de texte, en général choisis pour leur caractère significatif, et parfois traduits ;

2. des rédactions initiales qui incluent des citations ou des recueils d’excepta, insérés dans le discours, mais pas encore vraiment intégrés à la rédaction ;

3. des rédactions élaborées où les citations sont souvent entièrement retraduites et réécrites, et incorporées au texte, au point qu’il est difficile de les discerner du reste du discours.

Plus le travail est avancé, plus les citations sont harmonieusement incorporées. Grâce à ce travail d’intégration et d’homogénéisation, les citations cessent de constituer un corps étranger dans le texte. Cela permet d’établir la chronologie des Ecrits sur la grâce, comme l’a fait J. Mesnard dans OC III.

Lorsqu’il traduit un passage du latin, Pascal contamine parfois plusieurs passages d’un même texte, ou plusieurs traductions d’un même passage, ce qui lui permet de profiter des qualités de chacune d’entre elles.

Sur la manière dont Pascal use ainsi des citations pour construire une sorte de modèle réduit du discours de ses adversaires, voir l’article suggestif de KUENTZ Pierre, “Un discours nommé Montalte”, Revue d’Histoire Littéraire de la France, 1971, n°2, p. 195-206. Mais plus significatif est la composition de l’Entretien avec M. de Sacy, où Pascal se construit littéralement un Montaigne et un Epictète à son usage personnel. Voir OC III, p. 76 sq., et surtout les p. 99-111, sur les sources et leur mise en œuvre ; et surtout PASCAL Blaise, Entretien avec M. de Sacy, Original inédit présenté par Pascale Mengotti et Jean Mesnard, Paris, Desclée de Brouwer, 1994, notamment les p. 33 sq. La manière dont l’examen des citations permet de distinguer les états successifs d’un même texte a été remarquablement illustrée par J. Mesnard dans son édition des écrits sur la grâce, OC III, principalement p. 511 sq.

Cette méthode explique certains traits de la technique de citation propre à Pascal.

Voir les remarques de l’éd. Cognet, p. XXXVIII-XLII, sur La documentation des Provinciales.

Primo, il ne faut pas assimiler le traitement que Pascal impose aux citations à une volonté de falsification. Dans les Lettres à Melle. de Roannez, dans les Pensées, Pascal cite des textes bibliques en faisant des contaminations. Souvent les citations de saint Augustin qu’il fait ne sont pas plus fidèles que celles des jésuites. Les messieurs de Port-Royal ont parfois œuvré dans le sens d’un surcroît d’exactitude : c’est sans doute Nicole qui a amené Pascal a mentionner les références des textes, alors qu’il ne le faisait pas au début. D’autre part, dans sa traduction des Provinciales en latin, Nicole-Wendrock cite les textes avec plus d’exactitude, rétablissant souvent l’original mot à mot ; il corrige donc Pascal ; cela n’a rien que de normal dans un ouvrage en latin, qui ne s’adresse pas de ce fait a même public que les lettres en français. Mais il faut croire que ses amis sont intervenus assez tôt lors de la campagne, car à partir d’un certain moment, il vient à fournir les références ; et, dans la XIIe Provinciale, alors que jusque là, il a cité Vasquez d’après Diana, et Lessius d’après Escobar, il cite à présent d’après ces auteurs mêmes ; voir GEF V, p. 353.

Voir sur le bricolage des citations, les remarques de DUCHÊNE Roger, L’imposture littéraire..., p. 161 sq. Les citations considérées comme pièces soustraites à des ensembles originels à dessein de les utiliser ailleurs et à une fin différente : p. 160-161. Le changement d’échelle lorsque les citations passent des originaux aux Provinciales : p. 162. Construction d’un texte en modèle réduit, qui impose aux extraits un effet de grossissement : p. 162. Ce qu’on n’apercevrait pas dans Escobar saute aux yeux dans une Provinciale : du coup les décisions des casuistes changent de sens : p. 162-163. Différence entre la manière de citer des casuistes et celle du jésuite des Provinciales : les casuistes se citent les uns les autres, mais ils prennent parti en fin d’article ; le jésuite de Pascal se contente d’enchaîner les citations sans penser par lui-même : p. 166. Cela permet à Pascal de faire voir la convergence des casuistes. Citation et trahison : p. 171 sq. Cas de la traduction du latin de certains passages : le latin authentifie la transcription de ce dont le jésuite ne donne pas l’original ; mais le passage du latin au français fausse souvent le sens : p. 172. Par exemple, Propter temporalem commoditatem, VI, 22, éd. Cognet, p. 110, traduit par pour leur commodité temporelle, alors que cela signifie pour garder de quoi vivre : p. 172.

Dans les Provinciales, les citations ne servent pas à accroître l’autorité, mais bien plutôt à accroître le scandale ; elles ont une fonction de dénonciation par la mise en évidence directe des excès dénoncés par Pascal. L’usage du latin dans les citations, par exemple, est ordinairement générateur d’autorité. En fait, dans les Provinciales contre les molinistes et les casuistes, il produit un effet de burlesque soigneusement préparé : voir bruta animalia ; ou gallina et non vir. Parfois, il permet de resserrer une idée scandaleuse : occidi non possunt.

C’est le P. Nouët qui a entraîné la controverse entre Pascal et les jésuites sur le terrain de l’exactitude des citations, en prenant pour principe que l’inexactitude des citations de Pascal était la preuve de sa mauvaise foi.

SELLIER Philippe, “Imaginaire et rhétorique”, in Essais sur l’imaginaire classique. Pascal, Racine, Précieuses et moralistes, Fénelon, Paris, Champion, 2003, p. 141-156. Voir p. 151 sq., sur la méthode de citation de Pascal. Pascal persuadé que l’homme a besoin de s’armer de quelques éblouissantes citations : p. 153. Référence à la pratique de Montaigne.

DUCHÊNE Roger, L’Imposture littéraire dans les Provinciales de Pascal, 2e éd. (avec communications de M. Le Guern, P. Sellier et D. Descotes), 1985, p. 96 sq. Utilisation sérieuse des citations dans cette lettre : p. 97. Usage comique des passages de Bauny et du P. Annat : p. 97. Voir p. 161 sq. Le bricolage des citations. Les citations comme pièces soustraites à des ensembles originels à dessein de les utiliser ailleurs : p. 160-161. Le changement d’échelle lorsque les citations passent des originaux aux Provinciales : p. 162. Construction d’un texte en modèle réduit, qui impose aux textes un effet de grossissement : p. 162. Ce qu’on n’apercevrait pas dans Escobar saute aux yeux dans une Provinciale : p. 162. Du coup les décisions des casuistes changent de sens : p. 163. Différence entre la manière de citer des casuistes et celle du jésuite des Provinciales : les casuistes se citent les uns les autres, mais ils prennent parti en fin d’article ; le jésuite de Pascal se contente d’enchaîner les citations sans penser par lui-même : p. 166. Cela permet à Pascal de faire voir la convergence des casuistes. Citation et trahison : p. 171 sq. Cas de la traduction du latin de certains passages : p. 172. Le latin authentifie la transcription de ce dont le jésuite ne donne pas l’original : p. 172. le passage du latin au français fausse souvent le sens : p. 172. Propter temporalem commoditatem, éd. Cognet, p. 110, traduit pour leur commodité temporelle, alors que cela signifie pour garder de quoi vivre : p. 172. Placet traduit par il me plaît, éd. Cognet, p. 76 : p. 173.

L’inexactitude des citations de Pascal serait la preuve de sa mauvaise foi. Pascal répond que si contresens il y a c’est Escobar qui l’a fait en citant son auteur ; c’est souvent le cas.

Les Provinciales ou les lettres écrites par Louis de Montalte à un provincial et aux révérends pères jésuites, publiées sur la dernière édition revue par Pascal, avec les variantes des éditions précédentes, et leur réfutation consistant en introductions et nombreuses notes historiques, littéraires, philosophiques et théologiques, par M. l’abbé Maynard, chanoine honoraire de Poitiers, I, Paris, Didot 1851, p. 41 sq. Sur la méthode de citation de Pascal dans les Provinciales. Les différents procédés de déformation et de falsification de Pascal ; l’abbé Maynard reprend ici tous les procédés que les jésuites du XVIIe siècle ont reprochés à Pascal.

Les références

Les références supposent une structure discontinue de la matière et du texte. On ne donne pas de numéro dans la Géométrie de Descartes, par exemple.

Les divisions se font sous forme de questions, de décisions, de numéros. Par exemple, voir la manière dont on distingue les parties de la Somme théologique de Thomas d’Aquin. Il y a souvent des intercalations de mentions abrégées permettant de distinguer les types d’objets internes numérotés : par exemple, Pars III, Sect. V, ch. 2, § 4, n. 12.

De sorte que l’on distingue les différents niveaux.

Il y a une structure en arborescence, qui est marquée par la manière dont elles sont composées.

Ces divisions sont ce qui permet la citation de fractions, mais formant chacune un tout. Cela oriente le débat : on peut contester le caractère complet de l’extrait cité : c’est ce qui est arrivé dans la controverse sur la bonne foi de Pascal dans la citation des casuistes.

D’autre part, dans cette arborescence, les différentes progressions sont indépendantes les unes des autres.

Il peut y avoir des doubles numérotations. Par exemple, Pascal cite Escobar en donnant ses références, mais Escobar place sous ses propres numérotations des numérotations originales des auteurs. Il redistribue les références. Donc il y a deux échelons de références. Pascal peut garantir le premier échelon, mais il ne garantit pas le deuxième.

Problème de l’usage de la Trias. Pascal ne note dans la Lettre 5 que les numéros des pages, et pas en ordre encore : OC III, p. 684 sq. Cela apparaît aussi dans certaines parties rédigées, voir p. 696 sq. Mais il arrive aussi qu’il note la référence de l’original, mais sans la page de la Trias.

Il y a un recueil d’excerpta, OC III, p. 737 sq. On voit que dans certains cas, Pascal est remonté à l’original : voir p. 738, n. 1 et 3. Il puise aussi dans l’édition de saint Augustin des docteurs de Louvain, OC III, p. 739, n. 2.

Dans le Recueil d’excerpta du Discours sur la possibilité des commandements, la copie C2 donne une suite de références prises par Pascal. L’objet y est séparé de la référence. Il est souvent entouré d’un cercle, alors que les références aux textes sont à part, généralement dans la marge.

Le caractère systématique donne à penser que la copie est une copie figurée de l’original, ou au moins une copie fidèle, qui distingue les éléments que Pascal voulait distinguer.

Problème de l’emploi du Pugio fidei. Le texte est plus intéressant, dans la mesure où il est autographe, alors que la Copie C2 ne l’est pas. Il n’y a que des références d’années (relevant de la chronologie), mais pas de références de pages.

Sur la manière de Pascal de traiter les références : la controverse des Provinciales montre qu’il n’est pas naturellement porté à les accumuler.

JOUSLIN Olivier, Pascal et le dialogue polémique, p. 383-384 sq. Pascal suit vraisemblablement le conseil de Nicole, qui aurait été choqué par le manque de références des citations. Mais Pascal a toujours du mal à s'astreindre à citer en érudit ; il pratique le centon : p. 384.

Marquer les citations des pages : il faudrait vérifier que cela se trouve dès les premières impressions. Cela se trouve en tout cas sur l’exemplaire que j’ai en reproduction en tête de ce fichier. C’est aussi le cas sur l’exemplaire du recueil 1035. Le souci est donc venu très vite. Car il n’était pas question de citations dans les premières lettres.

En fait, il a fallu que les conditions de la controverse lui montrent la nécessité d’être précis dans ses références pour qu’il introduise les indications nécessaires dans ses lettres.

Les numérotations chez Pascal

Pascal procède en travaillant d’abord sur la structure des textes. Dans les Pensées, il y a des fragments qui montrent que Pascal distingue des parties, mais pas toujours conçues de la même manière. En revanche, la table des matières n’est pas numérotée. Ce n’est pas étonnant si on suppose que la table est l’œuvre des éditeurs, mais si on admet que la table est un fac-simile d’un manuscrit de Pascal, cela montre qu’il n’a pas encore décidé de l’ordre strict de son plan. De toute façon, s’il y avait eu des numéros, les auteurs de la table les auraient reproduits.

Il y a des textes numérotés en grand nombre ; c’est même le cas le plus fréquent.

Les Expériences nouvelles sont numérotées. Les numéros soulignent des correspondances.

Dans les traités de mathématiques, on peut distinguer des ouvrages dans lesquels la numérotation occupe une grande place et celle où elle paraît secondaire, ou moins nette.

Les citations bibliques

LHERMET J., Pascal et la Bible, p. 183 sq.

Les citations tirées de la Vulgate

LHERMET J., Pascal et la Bible, p. 196 sq. Différents modes de citations, plus ou moins complètes : p. 197. Les citations tronquées : p. 198. Pascal extrait les termes probants, laissant tomber des membres de phrases entiers : p. 198. Forme des expressions ramassées qui illuminent et résument tout un développement : p. 199. Cas où la citation est réduite à un seul mot : p. 199. Pascal ne se gêne pas pour déranger les mots : p. 199.

Cas d’addition dans les citations

LHERMET J., Pascal et la Bible, p. 200 sq.

Cas de citations assorties d’un commentaire

LHERMET J., Pascal et la Bible, p. 200 sq. Citations de la Vulgate accompagnées d’un commentaire latin.