Formulaire

 

Le Formulaire du 17 mars 1657 et synthèse sur l’affaire du Formulaire

Sur le Formulaire, voir Dictionnaire de théologie catholique, « Jansénisme », col. 476.

Le danger le plus inquiétant qui pèse sur Port-Royal est la menace de la signature du Formulaire. Elle ressuscite un épisode qui remonte aux 11-16 juillet 1653, au lendemain de la publication de la bulle Cum Occasione. Mazarin a réuni des prélats au Louvre pour l’acceptation et la réception dans les diocèses de la bulle Cum occasione. Ce n’est pas que cette bulle lui importe beaucoup, mais il tient à établir de bonnes relations avec Rome, qui ne l’a jamais vu d’un bon œil. L’affaire est surtout poussée par des prélats antijansénistes, notamment Pierre de Marca : voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XIX, p. XX. Sur cette réunion, voir ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 206 ; SAINTE-BEUVE, Port-Royal, II, VI, éd. Le Roy, Pléiade, t. 2, p. 53.

Mazarin arrange donc la réception officielle de la bulle par une assemblée de 28 évêques dont il assure la présidence : voir GRES-GAYER Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, p. 134. Les prélats approuvent la rédaction d’une lettre, rédigée par Pierre de Marca, qui remercie le pape de son intervention, et précise que les cinq propositions y étaient dites “extraites” du livre de Jansénius. L’assemblée envoie une circulaire engageant les confrères à publier le document. Mais la plupart des évêques se contenteront d’une publication officielle ; Henri Arnauld et les évêques de Comminges, d’Orléans et de Beauvais y ajouteront un commentaire pour rappeler que la doctrine augustinienne n’était pas en cause dans la condamnation : p. 134. Ces prélats résistants, par exemple Gondrin, sont mal vus par Rome et les jésuites : ARNAULD Antoine, Œuvres, XIX, p. XXI-XXII. Voir JOUSLIN Olivier, Pascal et le dialogue polémique, p. 1047 : Gondrin est l’un des premiers à ne pas accepter de signer le projet de mandement mis au point le 16 juillet 1653 par l’assemblée des évêques, il refuse de condamner Jansénius en même temps que les cinq propositions. Il est entendu lors d’une conférence à laquelle assiste Marca le 18 janvier.

Le 9 mars 1654-28 mars 1654 a lieu une réunion d’une quarantaine d’évêques au Louvre, chez Mazarin, en vue de trouver moyen de faire cesser les querelles nées depuis la bulle d’Innocent X. Des commissaires sont nommés : Pierre de Marca, Harlay de Champvallon et Pierre de Bertier, entre autres : p. 42 et n. 3. On vise à attribuer explicitement les propositions à Jansénius; le projet est déjà formellement adopté par Mazarin : p. 43, n. 7. Voir JANSEN, Le cardinal Mazarin..., p. 68 sq., et JANSEN, Arnauld d’Andilly..., p. 20. Les commissaires ont dessein de frapper Jansénius, mais de donner de grands éloges à saint Augustin.

GRES-GAYER Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, p. 135. Ces évêques réunis au Louvre doivent demander au pape une explication de sa constitution concernant l’attribution des cinq propositions. L’assemblée conclut “que la constitution avait condamné les cinq propositions comme étant de Jansénius et au sens de Jansénius, et que le pape serait informé de ce jugement de l’assemblée” : p. 136. La lettre au pape est préparée par Pierre de Marca (encore lui) et celle informant les évêques de cette décision est rédigée par J. Lescot, évêque de Chartres : p. 136.

Voir sur cet épisode BLET, Le clergé de France, II, p. 180-181 ; JOUSLIN Olivier, Pascal et le dialogue polémique, p. 1048. On trouve un compte-rendu détaillé des discussions de l’Assemblée du clergé de 1654 dans ARNAULD Antoine, Œuvres, XIX, p. XXV sq.

L’affaire revient sur le tapis l’année suivante : le 10 mai 1655, Mazarin a réuni encore une fois au Louvre une assemblée de treize évêques, qui a rédigé une circulaire aux prélats de France afin de faire recevoir et signer par tous les ecclésiastiques la bulle Cum occasione ainsi que le bref du 29 septembre 1654. Texte de ce premier formulaire : « je me soumets sincèrement à la Constitution de notre saint Père le Pape Innocent X du 31 mai 1653, selon son véritable sens expliqué par l’Assemblée de Messeigneurs les Prélats de France du 28 mars 1654 et confirmé depuis par le Bref de sa sainteté du 29 septembre de la même année. Je reconnais que je suis obligé en conscience d’obéir à cette Constitution et je condamne de cœur et de bouche la doctrine des cinq Propositions de Cornelius Jansénius, contenues dans son livre intitulé Augustinus, que le Pape et les Evêques ont condamnées, laquelle doctrine n’est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliquée contre le vrai sens de ce saint Docteur. » On propose même de faire signer par tous ceux qui étaient suspects de jansénisme, sous peine de perte de leurs biens. Mazarin ressent malgré tout des réticences à pousser les choses aussi loin que le voudrait le P. Annat, car la persécution des augustiniens n’est pour lui qu’un moyen pour se réconcilier avec Rome, et non pas une fin en soi : voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, VI, éd. Pléiade, t. 2, p. 54-55. La circulaire a été envoyée le 2 juin, avec le bref du 27 septembre 1654. Mais cette idée de signature n’aura pas de suite immédiate. Sur cet épisode, voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XIX, p. XXXV ; ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 212 ; GRES-GAYER Jacques M., Le jansénisme en Sorbonne, 1643-1656, p. 137. GEF V, p. 338.

En revanche, en 1656, l’affaire est plus sérieuse. Voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XIX, p. XXXVI, sur le rapport de ces événements avec la séance du 10 mai 1655. Cette fois, c’est l’Assemblée du clergé qui reprend l’affaire ; sur cette Assemblée du clergé en 1656, voir JANSEN, Arnauld d’Andilly, p. 23, et ARNAULD Antoine, Œuvres, XIX, p. XIV-XV.

Le 1er septembre, L’assemblée confirme des résolutions de 1653, 1654 et 1655 ; elle rédige un formulaire uniforme, conforme aux demandes des 13 évêques réunis le 10 mai 1655 par Mazarin : voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. IV ; GOUHIER, Blaise Pascal. Commentaires, p. 308. Le texte est identique au précédent : voir GEF V, p. 337, notice et texte, p. 338. « Je me soumets sincèrement à la Constitution de notre saint Père le Pape Innocent X du 31 mai 1653, selon son véritable sens expliqué par l’Assemblée de Messeigneurs les Prélats de France du 28 mars 1654 et confirmé depuis par le Bref de sa sainteté du 29 septembre de la même année. Je reconnais que je suis obligé en conscience d’obéir à cette Constitution et je condamne de cœur et de bouche la doctrine des cinq Propositions de Cornelius Jansénius, contenues dans son livre intitulé Augustinus, que le Pape et les Evêques ont condamnées, laquelle doctrine n’est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliquée contre le vrai sens de ce saint Docteur. » Ce projet de formulaire condamne donc les Cinq propositions au sens de Jansénius. Devront signer toutes les personnes qui sont sous la charge des évêques. Parmi les évêques, le plus grand nombre garde le silence : Gondrin, Vialart, Godeau, Rouxel de Madovi. Certains font des objections fondées sur le fait que la question n’a pas été examinée. De nouveau, cette décision reste peu efficace : p. V.

D’AVRIGNY le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 343 sq., qui donne le point de vue des jésuites sur les événements, indique que l’Assemblée du clergé, composée de 2 archevêques, 37 évêques, et 27 députés du second ordre, approuve tout ce qui a été fait jusque là contre le Jansénisme.

OC III, p. 457. Lettre de Saint-Gilles à Florin Périer du 26 décembre 1656 mentionnant les publications de l’Assemblée du clergé en vue de faire signer le Formulaire.

JOUSLIN Olivier, Pascal et le dialogue polémique, p. 596 sq. et p. 1060.

L’affaire se poursuit en 1657. Le 17 mars 1657, un nouveau Formulaire est rédigé. Le texte du Formulaire de 1657 est le suivant : « Je me soumets sincèrement à la Constitution du Pape Innocent X du 31 mai 1653, selon son véritable sens, qui a été déterminé par la Constitution de N.S.P. le Pape Alexandre VII du 16 octobre 1656. Je reconnais que je suis obligé en conscience d’obéir à ces Constitutions, et je condamne de cœur et de bouche la doctrine des cinq Propositions de Cornélius Jansénius, contenues dans son livre intitulé Augustinus, que ces deux Papes et les évêques ont condamnée ; laquelle doctrine n’est point celle de saint Augustin, que Jansénius a mal expliquée contre le vrai sens de ce saint Docteur ». Voir aussi GEF VII, p. 4, qui donne le texte de la supplique adressée au roi par l’Assemblée pour lui demander d’envoyer des lettres de déclaration aux cours des Parlements (texte qui n’a pas été imprimé). La situation est cependant nouvelle, puisque la bulle Ad sacram beati Petri sedem a été fulminée par le pape Alexandre VII le 16 octobre 1656. Voir le texte de cette bulle in GEF VI, p. 59-62. Elle a été longtemps gardée en réserve ; mais elle affirme expressément que les Cinq propositions sont dans l’Augustinus et qu’elles sont condamnées au sens où Jansénius les avaient entendues. MESNARD, Pascal, p. 109 : ce qui est grave, c’est que cette fois, la distinction du droit et du fait est ruinée. Voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. V-VI ; GOUHIER Henri, Blaise Pascal. Commentaires, p. 308-309. Elle est présentée au roi le 2 mars 1657. Le 11 mars 1657, le nonce Celio Piccolomini remet à Louis XIV la bulle Ad sacram. Le 14 mars 1657, Piccolomini donne une copie au président de l’Assemblée du clergé. Le 17 mars 1657, l’Assemblée du clergé enregistre la bulle Ad sacram et rédige en conséquence un nouveau formulaire. Et le 29 novembre 1657 a lieu un lit de justice pour faire céder le Parlement. Sur les résistances rencontrées du côté des parlements, voir ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 214 ; SAINTE-BEUVE, Port-Royal, t. 2, éd. Leroy, Pléiade, p. 54. Les difficultés de la réception en France expliquent le retard avec lequel elle a été connue. Voir MESNARD Jean, Pascal, p. 109 sq. : le Parlement enregistre la bulle, mais n’exige pas la signature d’un formulaire.

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. VI sq. Voir p. VIII : plaintes et murmures contre le Formulaire du 17 mars. Intervention de Pavillon, évêque d’Alet; ARNAULD Antoine, Cas proposé par un docteur touchant la signature de la Constitution dernière du Pape Alexandre VII et du Formulaire en l’Assemblée Générale du Clergé, le 17 mars 1657, slnd, 42 p. in-4°. C’est contre cette bulle qu’est rédigée, par A. Lemaître avec la collaboration de Pascal, le Lettre d’un avocat au Parlement, 1er juin 1657, contre l’établissement d’une inquisition en France, éd. Cognet, p. 385 sq. C’est en effet ce que l’on craint : l’établissement de l’Inquisition en France, alors que jusqu’alors, la défense des libertés gallicanes a évité que la France ne subisse la même inquisition que l’Italie et l’Espagne. Les jansénistes accusent les jésuites d’avoir trompé le pape en lui présentant un Augustinus falsifié pour obtenir la bulle Ad sacram : voir Provinciale XVII, 27, éd. Cognet, p. 348 et p. 354, n. 1. L’histoire viendrait eu P. Lupus, augustin, qui la tenait d’Alexandre VII; il y aurait un certificat authentique daté du 4 avril 1675. Voir ARNAULD, Œuvres, XXI, p. V, pour la source de cette histoire. Mais l’affaire devient sérieuse.

L’affaire ne se réveillera qu’en 1660-1661, mais cette fois sera la bonne. Voir D’AVRIGNY le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 389 sq. Dès le 15 décembre 1660, le Roi a fait convoquer les trois présidents de l’Assemblée pour leur témoigner qu’il souhaitait qu’ils s’appliquent à trouver les moyens les plus propres et les plus prompts pour extirper la secte du jansénisme et qu’il les appuierait de toute son autorité. L’ordre de souscrire donné à tous les docteurs, bacheliers, et candidats, sous les mêmes peines que la censure de la Lettre d’Arnauld devait être souscrite : p. 391. Texte du Formulaire : p. 392. Le 17 décembre 1660, a lieu une délibération à l’assemblée du clergé, présidée par Marca, sur le formulaire. Du côté de Port-Royal, on prend ses mesures : Nicole est, cette année, l’auteur d’un ouvrage intitulé Remarques sur le Formulaire du serment de foi qui se trouve dans le procès-verbal du clergé, Paris, 1660, 14 p. in-4° (BN : 4° Ld4. 290).

Le 1er février 1661, l’Assemblée du clergé décide que le formulaire condamnant les Cinq propositions doit être signé des ecclésiastiques, des régents, des maîtres d’école, des religieuses.

Les publications de Port-Royal sur les difficultés de la signature se font nombreuses : début février 1661, ARNAULD ou LALANE, Lettre d’un théologien à un évêque sur la voie qu’il faut prendre pour étouffer les contestations présentes, paru sous le nom du sieur de Latigni (attribution discutée) ; le 14 février 1661, ARNAULD Antoine, Que la signature du Formulaire renferme la croyance du fait (voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XLI) ; le 20 février 1661, ARNAULD Antoine, Difficultés proposées à l’Assemblée générale du clergé de France sur ses délibérations touchant le Formulaire (voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XXXVI. Daté du 20 février 1661, et composé immédiatement après la séance du 1er février 1661).

La mort de Mazarin, le 9 mars 1661, n’arrête pas l’affaire, car le 10 mars 1661, Louis XIV déclare qu’à l’avenir il prendra en personne “la conduite de ses États”. Or Louis XIV est très hostile à Port-Royal, dont il pense que c’est un nid de Frondeurs.

Voir dans OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1190 sq., une excellente analyse de la situation générale dans laquelle s’insère cet épisode.

Le 13 avril 1661, est donné un Arrêt du Conseil d’Etat rendant obligatoire la signature du formulaire pour les ecclésiastiques, les religieux et les religieuses. Ces décisions coïnncident avec des manœuvres de menaces à l’égard de Port-Royal (le 23 avril 1661). Le lieutenant civil Dreux d’Aubray transmet l’ordre du roi à Port-Royal de Paris, où il revient le 4 mai pour faire sortir les novices, puis à nouveau le 13 mai.

Le 26 avril 1661, circulaire du roi aux évêques portant ordre d’éteindre la secte du jansénisme ; voir Mémoriaux du Conseil de 1661, p. 170 ; suivant D’AVRIGNI le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 389 sq., dès le 15 décembre 1660, le Roi a fait convoquer les trois présidents de l’Assemblée pour leur témoigner qu’il souhaitait qu’ils s’appliquent à trouver les moyens les plus propres et les plus prompts pour extirper la secte du jansénisme et qu’il les appuierait de toute son autorité. L’ordre de souscrire donné à tous les docteurs, bacheliers, et candidats, sous les mêmes peines que la censure de la Lettre d’Arnauld devait être souscrite : p. 391. Le 2 mai 1661, sur lettre de cachet obtenue pour imposer la signature, la Sorbonne signe le Formulaire. Sur la docilité des docteurs, voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XXXVII-XXXVIII. Lettre. Le décret est donné le 2 mai, confirmé le 18 et imprimé aussitôt. Port-Royal répond par les Difficultés proposées aux Docteurs en Théologie..., et surtout, le 6 juin 1661, par ARNAULD Antoine et NICOLE Pierre, De l’Hérésie et du schisme que causerait dans l’Église de France l’exécution de la signature du Formulaire du clergé, sans faire ni souffrir la distinction du fait avec le droit, sl, 1661, 8 p. in-4° (BN : Ld4.304), et par ARNAULD Antoine, De la signature du Formulaire (même date). Ce dernier ouvrage, composé chez Mme. Angran (ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XL; voir XXXIX sq.), montre que, dans les rangs de Port-Royal, les disputes sont intenses, et que certains pensent à signer et avoir un retentum dans le cœur : p. XL.

Les Grands Vicaires de Retz (alors en exil) sont alors Contes et Hodencq : Hodencq est curé de Saint-Séverin. Contes a pris la succession de Chassebras, banni en 1655, et remplacé le 31 octobre 1656. Voir Mémoriaux du Conseil de 1661, p. 204. D’après RAPIN René, Mémoires, III, p. 59. Leurs dispositions respectives, assez différentes, lors de l’affaire du formulaire. Ils ne sont pas jansénistes, mais un peu politiques et sachant ménager leurs intérêts. Mais Rapin est une mauvaise langue...

L’affaire semble pouvoir s’arranger le 8 juin 1661, grâce à un Mandement des deux grands vicaires de l’archevêché de Paris ordonnant la signature du formulaire en exigeant la croyance pour le droit et le silence respectueux sur le fait. Ce mandement n’oblige plus à joindre à la signature une réserve sur la question de fait : le contexte suffit à créer un sens qui en dispense : ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 244 ; MESNARD Jean, Pascal, p. 126 ; GOUHIER Henri, Commentaires, p. 309. Il est donc acceptable pour Port-Royal, qui y voirt un moyen d’apaiser les querelles. Voir GEF X, p. 82-86, texte du mandement ; et p. 80 pour son histoire. ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XLV sq.

La publication a lieu le 19 juin 1661 ; le mandement est reçu avec applaudissement. Voir contra ce que dit sur les Grands Vicaires et leur mandement RAPIN René, Mémoires, III, p. 59. Le P. Annat inquiet revient de Fontainebleau, où est la Cour, à Paris, pour aviser : p. XLVI. Ses manœuvres aboutissent à faire casser l’ordonnance des Grands Vicaires : p. XLVI. Voir aussi ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XXVII sq., sur les intrigues des Jésuites contre le Mandement et les pressions qu’ils exercent avec certains évêques; les écrits imprimés à l’occasion de ces délibérations.

Sur les discussions à l’intérieur de Port-Royal lors du premier mandement, voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXXVI sq.

Certains refusent de signer le premier mandement, notamment Sainte Marthe, Le Roy de Hautefontaine, Lancelot, Varet, le Docteur Perrault. Voir ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 245. Voir dans GEF X, p. 98, la lettre de Le Roy à Arnauld contre la signature.

En juin 1661, en revanche, Du Hamel et Sainte-Beuve signent le Formulaire (ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XXXIX sq. ; HERMANT, Mémoires, Liv. XXVI, ch. 6; GEF X, p. 79 sq.).

Quant à Pascal, voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXXVIII : “Il ne paraît pas (...) qu’il ait eu aucune difficulté sur la signature du premier mandement, concerté avec les amis de Port-Royal, et on croyait qu’il l’avait lui-même dressé.” Voir sur ce poinnt MESNARD Jean, Pascal, p. 126.

Certains prélats se couchent. Le 18 juin 1661, Louis de Gondrin, évêque de Sens donne un mandement par lequel il déclare que les cinq propositions étaient condamnées et hérétiques dans le sens de Jansénius. Voir D’AVRIGNI le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 393. Le Nonce écrit au Pape qu’il a très mauvaise opinion de la sincérité de ce prélat : p. 393.

La situation des religieuses est particulièrement délicate : car elles sont dans le collimateur du pouvoir, et contrairement aux Messieurs, elles ne peuvent ni se sauver, ni se cacher, ni se défendre... Ce sont les victimes désignées de l’affaire. Pascal s’en rend très bien compte, du fait que sa sœur Jacqueline est à Port-Royal ; Arnauld et les autres Messieurs en sont très conscients aussi, et c’est pourquoi ils recherchent une solution acceptable qui épargne le monastère.

Les religieuses signent le 22 juin, en ajoutant un chapeau où elles déclarent suivre la foi de l’Église. Voir GEF X, p. 98 sq. La résistance à Port-Royal des Champs est encore plus vigoureuse, voir p. 99 sq., un passage de l’Apologie pour les religieuses de Port-Royal, 1665, d’Arnauld, Nicole et Sainte-Marthe.

Recueil d’Utrecht, p. 311 sq. Jacqueline et les religieuses face au mandement. Voir p. 312 : Jacqueline, “première victime de la signature”. Voir ce qu’elle écrit à Arnauld assez librement : GEF X, p. 113, en date du 22-23 juin 1661 ; Jacqueline regrette que le mandement ne soit pas plus dur, ce qui permettrait de le refuser directement. Son jugement, très sévère, sur le mandement : p. 105. On consent au mensonge sans nier la vérité. Expressions qui ont tout à fait une résonance héroïque : p. 105-106. L’explication proposée par Jacqueline : p. 110.

Ce premier mandement ne résiste pas aux attaques dont il est l’objet. Voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XLVI. L’action des députés de l’Assemblée du Clergé : ils déclarent, contre toute légalité, nulle l’ordonnance des Grands Vicaires. Le 29 juin, audience des Vicaires auprès du Roi; ils sont déférés au Conseil de Conscience, dont ils font exclure le P. Annat. Discussions : p. XLVI-XLVII. Conflit avec les évêques de Cour, notamment Marca, et échec des négociations. Les manœuvres de Marca à l’assemblée des prélats réunis à la Cour : p. XLVII. Le 9 juillet (le 14 selon Mesnard), le Conseil du roi le casse; et le 31 octobre, les Vicaires Contes et Hodencq font lire le second mandement qui annule le premier.

Le 20 juillet 1661, sort une Déclaration des curés de Paris sur le mandement des grands vicaires qui regardent le mandement signé le 8 juin par les deux grands vicaires comme “le seul et unique moyen d’apaiser les contentions présentes”. Les grands vicaires ont beau, dans une audience, défendre la distinction du droit et du fait, le 2 juillet 1661, une nouvelle assemblée des évêques, révoque le mandement du 8 juin.

  1. cour entend faire casser le mandement du 8 juin. Le 9 juillet 1661, le conseil du roi annule le mandement signé le 8 juin par les deux grands vicaires.

Le 1er août 1661. Un bref de Rome condamne le mandement des deux grands vicaires. Voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XLIX : ce Bref ordonne aux Vicaires de révoquer leur ordonnance.

Il faut bien remarquer que c’est la Cour qui fait le forcing pour obtenir la signature du Formulaire. Or elle n’y parvient pas du côté de Rome, qui n’exige aucunement cette signature. C’est donc la Cour qui, désappointée, doit prendre en charge la poursuite de la procédure d’inquisition.

Le pape se contente de ce Bref. Celui qu’il envoie n’est qu’un mandat : p. L. Mais cette décision de Rome ne satisfait pas encore les molinistes : p. XLIX-L. Voir aussi ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 245. Le bref arrive au roi le 21 août : GEF X, p. 161 sq.. Texte d’une traduction : p. 161-163. Voir ce qu’en dit D’AVRIGNI le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 395 sq : « Vous vous faites connaître en tout, ajoute-t-il, pour des semeurs de zizanie dans le champ du Seigneur, pour des perturbateurs de l’Église catholique, et pour auteurs, autant qu’il dépend de nous, d’un schime très honteux » : p. 395-396.

Le 5 août 1661, les Grands Vicaires envoient une lettre au Pape pour exprimer leur soumission; voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XLVIII.

Port-Royal se défend encore par des écrits : le 18 août 1661, ARNAULD Antoine, Avis à MM. les évêques de France, sur la surprise qu’on prétend faire au pape, pour lui faire donner atteinte au Mandement (ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. XLIX) ; le 28 août 1661, NICOLE Pierre, Tractatus de distinctione juris et facti in causa janseniana.

Mais le 31 octobre 1661, les grands vicaires publient un second mandement par lequel ils se rétractent et exigent la signature pure et simple du formulaire, sans distinction et sans restriction. Voir ce qu’en écrit D’AVRIGNI le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 396 sq. « Ils (les grands vicaires) y assuraient qu’on avait entendu contre leur intention ce qu’ils avaient dit en parlant des cinq propositions qu’ils reconnaissaient avoir été examinées et condamnées dans le sens de Jansénius, comme Alexandre VII l’ait défini par sa Constitution du 16 octobre 1656 et venait de le leur faire entendre dans son bref du 1 d’août ; qu’ainsi pour donner un bon exemple de leur obéissance et de la soumission d’esprit que doivent tous les catholiques à de semblables déclarations apostoliques, sans avoir égard à leur premier mandement qu’ils cassaient et révoquaient avec tout ce qui en était ensuivi, ainsi que Sa Sainteté les avait admonété de faire par son bref, ils ordonnaient de souscrire sincèrement e de cœur aux constitutions en usant de la Formule dressée par le Clergé. Il n’est pas aisé de dire comment les Grands-Vicaires avancent qu’on avait pris contre leur intention les termes de leur ordonnance, qui étaient si peu enveloppés qu’il aurait fallu se fermer les yeux pour ne pas voir qu’on ne demandai la croyance que pour le droit, et le silence pour le fait. L’amour-propre cherche toujours quelque ressource, et quand nous sommes forcés d’avouer que nous avons tort, notre orgueil imagine des tours et des adoucissements propres à colorer nos fautes, ou même à les faire retomber sur les autres. »

Cette fois, toute distinction du droit et du fait est supprimée : voir MESNARD Jean, Pascal, p. 126-127 ; GEF X, p. 163-164, extraits. Sur la signification de cette signature, voir GOUHIER Henri, Commentaires, p. 310 sq.

Un arrêt du Conseil du 1er mai 1662 autorise ce Mandement voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. 2 sq. et p. CXXVII sq. Voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, XVIII, p. 323 sq.

A Port-Royal, les positions sont très variées, et dépendent de considérations diverses théologiques, ecclésiologiques, philosophiques, morales, juridiques ; les résistances et les conflits se durcissent. Voir Recueil d’Utrecht, p. 314 sq. Contestations sur la signature. ADAM Antoine, Du mysticisme à la révolte, p. 245. Arnauld pense qu’il est légitime de signer avec une brève explication réservant expressément le fait de Jansénius; Nicole est du même avis.

Certains, comme Barcos et Singlin, veulent signer sans commentaire parce que la signature ne signifie que la soumission : p. 246. D’autres signent, comme Bourzeis, par exemple, au grand dam des religieuses : D’AVRIGNI le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 396 sq. : « La conversion de M. de Bourzeis fut le fruit du mandement. Cet abbé si célèbre dans le parti, n’était pas de ceux qui niaient que les propositions fussent dans Jansénius, du moins en termes équivalents. Persuadé de la vérité du fait qu’il avait établi lui-même dans un ouvrage latin, publié de l’aveu et avec l’applaudissement de ses amis avant la constitution d’Innocent X, et détrompé enfin sur le droit que les jansénistes n’osaient contester ouvertement, il crut devoir rétracter ce qu’il avait enseigné de peu conforme ou de contraire aux décisions, et il le fit le 4 de novembre après avoir signé le Formulaire, protétant qu’il voulait effacer même de son sang ce qu’il pouvait avoir écrit sur cette matière, par l’inviolable et souverain respect qu’il a et qu’il aura toute sa vie pour les décisions du Saint Père, comme du maître commun des chrétiens en la foi, du successeur du prince des apôtres et du vicaire de Jésus-Christ en terre. Ce sont ses termes. Le Père Gerberon nous apprend qu’on dit que l’abbé de Bourzeis eut cette faible complaisance pour le Cardinal Mazarin auquel il avait été attaché. Cet on-dit est tout à fait singulier, car le cardinal étai mort dès le 13 de mars ; c’est-à-dire que l’abbé a fait en sa considération huit mois après sa mort ce qu’il n’avait jamais voulu faire pendant sa vie. » Bourzeis signe le 4 novembre 1661.

Sur la position de Barcos, voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, XIII, t. 1, p. 675 sq. Elle n’a été vraiment au centre des débats que vers 1662 : voir OC IV, p. 1442-1443.

Sur la position de Varet : il s’oppose à la signature : voir OC I, p. 1050. Varet, au nom de la discipline de l’Église, prétend que la signature est un abus intolérable, un asservissement de l’Église, un avilissement de l’épiscopat. Les réponses faites par le parti d’Arnauld : p. 1050. Varet réplique à cette réponse, ce qui entraîne une querelle sur les règles générales de la tolérance des abus. Voir aussi BESOIGNE, Histoire de l’abbaye de Port-Royal, t. V, p. 138 ; ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXLVI ; GEF X, p. 166 sq.

Sur la position de Le Roy, voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXLIV ; GEF X, p. 167. Il se fonde plutôt sur des motifs moraux que dogmatiques : il considère la signature comme un mensonge, quelle que soit la teneur du mandement. Il préfère souffrir pour la véité que la trahir ; pour son compte, il ennvisage, sans signer le formulaire, de rédiger une déclaration à part où il protesterait de s croyance quant au droit et de son silence respectueux pour le fait. Mais après avoir fait imprimer, fin novembre 1661, une Lettre sur la constance et le courage qu’il faut avoir pour la vérité, qui invitait les religieuses à souffrir pour la vérité, il gagne son abbaye et y observe un silence provisoire : OC IV, p. 1191-1192.

Sur la position de Singlin, voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, II, V, t. 1, Pléiade, p. 471 sq.

Sur la position de Sainte-Marthe, très réticent à signer, voir ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXLVII ; OC IV, p. 1189.

Sur la position de Nicolas Perrault, voir OC IV, p. 1189. Position extrême, par laquelle il fonde son refus sur l’abus que constituerait dans l’Église l’obligation de la signature. Mais il meurt le 8 ou le 9 novembre 1661 : p . 1191.

Sur la position de Domat, voir OC I, p. 1049. Les propositions condamnées au sens de Jansénius, et non dans l’idée que le pape et les évêques ont eue. Voir OC IV, p. 1192.

Sur le sens de cette prise de position de Pascal, voir OC IV, p. 1183 sq. ; MESNARD Jean, Pascal, p. 126 sq. Attitude de Pascal ; ses deux écrits : p. 127 ; MESNARD Jean, Pascal et les Roannez, p. 752 sq. Ni Pascal ni Arnauld n’acceptent la signature pure et simple ; ils exigent une formule restrictive ; cette formule doit rétablir la distinction du fait et du droit, séparer les cinq propositions et la doctrine de Jansénius. Mais Pascal veut excepter la doctrine de Jansénius en termes formels, alors qu’Arnauld pense qu’il suffit de signer en ajoutant la restriction quant à la foi. Pourquoi Pascal, simple laïque, donc non obligé à la signature, s’engage-t-il aussi délibérément dans la dispute ? Voir OC IV, p. 1186 sq. Le différend de Pascal avec Arnauld et Nicole se place après la cassation du premier mandement et la publication du second. Il porte seulement sur la nature de la restriction à apporter à la signature ; sur la distinction du fait et du droit, les trois hommes sont d’accord. Arnauld veut limiter l’adhésion aux termes du formulaire au droit, ce qui exclut implicitement le fait, avec simple engagement, sur ce point, à un silence respectueux. Pascal veut préserver la non-adhésion au formulaire sur la question de fait, en mettant explicitement à part le sens de Jansénius ; il pense que la distinction du fait et du droit, réelle dans le fond, est devenue inopérante et incompréhensible par les gens du monde à partir du moment où les propositionns ont été expressément condamnées au sens de Jansénius : p. 1192-1193. D’autre part, Pascal pense qu’en laissant condamner Jansénius, on laisser préparer la condamnation de saint Augustin, et la doctrine traditionnelle de l’Église.

Voir surtout OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1194, sur la différence entre l’attitude de Pascal et celle d’Arnauld : Arnauld pense et agit d’abord en prêtre ; Pasca ne redoute pas de parler dans le désert, il se sent prophète. Le changement d’attitude est important par rapport à l’époque des Provinciales, où il n’est nullement question de parler dans le désert, bien au contraire, puisqu’il s’agit alors de susciter une campagne contre les molinistes et les casuistes.

La discussion a été très vive. Pascal a composé deux écrits.

Il a d’abord composé un Petit écrit sur la signature, qui n’est connu que par un manuscrit déposé à la BCIU de Clermont (Ms. 140), par la réponse que lui a opposée Nicole. On trouve le texte dans OC IV, p. 1204-1205, avec un grand dossier sur le Formulaire, p. 1176-1203, et tous les écrits composés par Arnauld, Nicole et Domat au cours de cette dernière controverse, p. 1204-1359. Voir p. 1188 sq. une remarquable étude du sens de ce débat, et le rôle prophétique que Pascal y a joué. Sur les aspects logiques et théologiques du débat, voir p. 1197 sq.

Voici le texte du dernier écrit de Pascal sur ce sujet.

« Sur la signature de ceux qui souscrivent aux Constitutions en cette manière : Je ne souscris à ces Constitutions qu’en ce qui regarde la foi, ou simplement : Je souscris aux Constitutions touchant la foi, quoad dogmata.

Toute la question d’aujourd’hui étant sur ces paroles, Je condamne les cinq propositions au sens de Jansénius, ou la doctrine de Jansénius sur les cinq propositions; il est d’une extrême importance de voir de quelle manière on y souscrit.

Il faut premièrement savoir que dans la vérité des choses il n’y a point de différence entre condamner la doctrine de Jansénius sur les cinq propositions, et condamner la grâce efficace, saint Augustin, saint Paul.

C’est pour cette seule raison que les ennemis de la grâce efficace s’efforcent de faire passer cette clause.

Il faut savoir encore que la manière dont on s’est pris pour se défendre contre les décisions du pape et des évêques qui ont condamné cette doctrine et ce sens de Jansénius a été tellement subtile, qu’encore qu’elle soit véritable dans le fond, elle a été si peu nette et si timide qu’elle ne paraît pas digne des vrais défenseurs de l’Église.

Le fondement de cette manière de se défendre a été de dire qu’il y a dans ces expressions un fait et un droit, et qu’on promet la créance pour l’un et le respect pour l’autre.

Toute la dispute est de savoir s’il y a un fait et un droit séparé, ou s’il n’y a qu’un droit; c’est-à-dire si le sens de Jansénius qui y est exprimé ne fait autre chose que marquer le droit.

Le pape et les évêques sont d’un côté, et prétendent que c’est un point de droit et de foi de dire que les cinq propositions sont hérétiques au sens de Jansénius; et Alexandre VII a déclaré dans sa Constitution que, pour être dans la véritable foi, il faut dire que les mots de sens de Jansénius ne font qu’exprimer le sens hérétique des propositions, et qu’ainsi c’est un fait qui emporte un droit, et qui fait une portion essentielle de la profession de foi, comme qui dirait le sens de Calvin sur l’Eucharistie est hérétique, ce qui certainement est un point de foi.

Et un très petit nombre de personnes, qui font à toute heure des petits écrits volants, disent que ce fait est de sa nature séparé du droit.

Il faut enfin remarquer que ces mots de fait et de droit ne se trouvent ni dans le mandement, ni dans les Constitutions, ni dans le formulaire, mais seulement dans quelques écrits qui n’ont nulle relation nécessaire avec cette signature; et sur tout cela examiner la signature que peuvent faire en conscience ceux qui croient être obligés en conscience à ne point condamner le sens de Jansénius.

Mon sentiment est, pour cela, que comme le sens de Jansénius a été exprimé dans le mandement, dans les bulles et dans le formulaire, il faut nécessairement l’exclure formellement par sa signature, sans quoi on ne satisfait point à son devoir. Car de prétendre qu’il suffit de dire qu’on ne croit que ce qui est de la foi, pour prétendre avoir assez marqué par là qu’on ne condamne point le sens de Jansénius, par cette seule raison qu’on s’imagine qu’il y a en cela un fait qui est séparé du droit, c’est une pure illusion : on en peut donner bien des preuves.

Celle-ci suffit, que le fait et le droit étant des choses dont on ne parle en aucune manière en tout ce qu’on signe, ces deux mots n’ont nullement assez de relation l’un à l’autre pour faire qu’il soit nécessaire que l’expression de l’un emporte l’exclusion de l’autre.

S’il était dit dans le mandement, ou dans les Constitutions, ou dans le formulaire, qu’il faut non seulement croire la foi, mais aussi le fait; ou que le fait et le droit fussent proposés également à souscrire; et qu’enfin ces deux mots de fait et de droit y fussent bien formellement marqués : on pourrait peut-être dire qu’en mettant simplement que l’on se soumet au droit on marque assez que l’on ne se soumet point à l’autre. Mais comme ces deux mots ne se regardent que dans nos entretiens, et dans quelques écrits tout à fait séparés des Constitutions, lesquels peuvent périr et la signature subsister; et qu’ils ne sont relatifs ni opposés l’un à l’autre, ni dans la nature de la chose, où la foi n’est pas naturellement opposée au fait mais à l’erreur, ni dans ce qu’on fait signer : il est impossible de prétendre que l’expression de la foi emporte nécessairement l’exclusion du fait.

Car encore qu’en disant qu’on ne reçoit que la foi on marque par là qu’il y a quelque autre chose qu’on ne reçoit pas, il ne s’ensuit pas que cette autre chose qu’on ne reçoit pas soit nécessairement le sens de Jansénius; et cela se peut entendre de beaucoup d’autres choses, comme des récits qui sont faits dans l’exposé, et des défenses de lire et d’écrire.

Il y a cela de plus, que le mot de foi étant ici extrêmement équivoque, les uns prétendant que la doctrine de Jansénius emporte un point de foi, et les autres que ce n’est qu’un pur fait, il est indubitable qu’en disant simplement qu’on reçoit la foi, sans dire qu’on ne reçoit pas le point de la doctrine de Jansénius, on ne marque pas par là qu’on ne le reçoit pas, mais on marque plutôt par là qu’on le reçoit; puisque l’intention publique du pape et des évêques est de faire recevoir la condamnation de Jansénius comme une chose de foi, tout le monde le disant publiquement, et personne n’osant dire publiquement le contraire.

Il est hors de doute que cette profession de foi est au moins équivoque et ambiguë, et par conséquent méchante.

D’où je conclus que ceux qui signent purement le formulaire sans restriction signent la condamnation de Jansénius, de saint Augustin, de la grâce efficace.

Je conclus en second lieu que qui excepte la doctrine de Jansénius en termes formels sauve de condamnation et Jansénius et la grâce efficace.

Je conclus en troisième lieu que ceux qui signent en ne parlant que de la foi, n’excluant pas formellement la doctrine de Jansénius, prennent une voie moyenne, qui est abominable devant Dieu, méprisable devant les hommes, et entièrement inutile à ceux qu’on veut perdre personnellement. »

Le second écrit de Pascal sur le formulaire est appelé son Grand écrit : voir OC IV, p. 1359 sq. Texte perdu, dont on peut restituer partiellement le contenu par DUMAS Hilaire, Histoire des cinq propositions, t. 2, Liège, 1699, p. 90-133, qui est très malveillant envers Port-Royal. Voir dans OC I, p. 1051, Mémoire, un court extrait du “grand récit” de Pascal. “Ayant fait voir que les jésuites n’avaient obtenu la bulle et ne l’avaient signée que pour faire condamner la grâce efficace, il ajoute : “On ne peut se mêler à cette foule en ne se discernant par aucune marque extérieure et sensible”. Voir dans GEF X, p. 267, la notice sur le Grand écrit, composé par Pascal d’après des mémoires fournis par des amis. Voir les lettres de Pavillon, p. 193 sq. On retrouve quelques indications sur ce qu’il renfermait dans la Lettre d’un théologien de Nicole, voir p. 344 sq. de GEF X; dans le mémoire anonyme écrit vers 1669, voir p. 185; et dans les Mémoires de Rapin, qui recueillit les souvenirs de Chamillard (voir p. 192).

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXXXV. Pascal veut rétablir la conformité de doctrine et de défense. Il prétend faire voir l’avantage que la diversité des augustiniens donne à leurs ennemis, et qu’on pouvait leur reprocher d’avoir parlé plus faiblement après les bulles qu’avant. Cet écrit ne touche plus la manière dont on doit s’exprimer en se soumettant pour la foi aux bulles; mais seulement la manière dont on devait se servir en traitant les matières de la grâce dans les écrits publiés avant et après les bulles. Cet écrit a été confié à Domat, qui les a encore en 1666 : p. CXL.

Recueil d’Utrecht, p. 323 sq. Pascal rédige un écrit où il soutient qu’il est nécessaire de “revoir” les écrits qu’on avait faits sur les contestations, et “de les réduire à une parfaite conformité d’expressions”, parce qu’il lui paraissait qu’on “avait parlé plus facilement depuis les Bulles qu’auparavant”, et qu’on pouvait reprocher aux augustiniens “d’avoir eu égard en écrivant à l’utilité présente, en sorte que comme elle avait changé selon les divers temps, les écrits ne paraissaient pas tout à fait conformes” : p. 324. L’auteur cite ensuite : “c’est ce que l’on apprend d’un écrit publié en 1666 contre le P. Annat”, mais dont il ne précise pas lequel c’est. A la page 326, on trouve que les faits sont exposés dans la Lettre d’un théologien qui est à la fin d’un écrit publié en 1666 contre un ouvrage du P. Annat”; selon ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXXXIII, il s’agit de la Lettre d’un théologien de Nicole, du 15 juillet 1666, à la fin de la Réfutation du livre du P. Annat, contre le mandement de M. l’évêque d’Alet. Il semble que les préfaces des Œuvres d’Arnauld s’appuient à plusieurs reprises sur le Recueil d’Utrecht (voir Œuvres, ibid., p. CXL)

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXXXIX sq., et p. CXL : les renseignements du Recueil d’Utrecht serait tirés d’un texte de Marguerite Périer, Relation de la dispute entre MM. Arnauld et Nicole d’une part, et MM. Pascal et Domat de l’autre, au sujet de la signature du Formulaire quant au droit seulement ; l’éditeur ne dit pas ce que ce mémoire est devenu. Voir p. CXL : Pascal soutenait que comme il n’y avait pas d’acte officiel établissant que le Pape n’a pas voulu condamner la grâce efficace ; il ne fallait rien laisser d’équivoque pour la foi; lever le doute pour les personnes ignorantes, le grand nombre, en exceptant le sens de la grâce efficace par elle-même. Arnauld dit que l’on condamnera la grâce efficace : Pascal répond qu’ils y regarderont à deux fois, et que ses défenseurs resteront purs : p. CXL.

ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXXXVI sq. Critique du Grand écrit de Pascal. Texte de Nicole sur cet écrit, d’après la Lettre d’un théologien : p. 81. Nicole récuse le grief de Pascal : il connaît mal la chronologie des textes dont il parle ; il ignore les négociations à Rome; il ignore les auteurs des écrits qu’il cite, les regardant tous comme ayant écrit de concert, il veut que chacun soit responsable de tous les autres; il oublie les circonstances; il attribue à la diversité des temps ce qui revient seulement à la diversité des auteurs. Un exemple sur les jugements portés par différents individus sur les cinq propositions inventées par Cornet. Comment ces diverses formulations, toutes contemporaines, marquent une grande harmonie d’opinions, malgré leur diversité : p. CXXXVII.

Sur le sens de cette prise de position de Pascal, voir OC IV, éd. J. Mesnard, p. 1183 sq.

Sur les conséquences du désaccord entre Pascal et Port-Royal : une perte de prestige d’Arnauld, voir MESNARD Jean, Pascal et les Roannez, II, p. 753. Eloignement de Pascal : MESNARD Jean, Pascal, p. 129. Voir aussi ARNAULD Antoine, Œuvres, XXI, p. CXL. Mais l’éloignement de Pascal des disputes ne signifie pas qu’il s’est brouillé avec Port-Royal, avec lequels ses liens restent très forts.

29 novembre 1661, Les religieuses de Port-Royal signent à nouveau le formulaire, mais avec un en-tête où elles expriment leur acceptation du mandement du 31 octobre 1661, “considérant que dans l’ignorance où nous sommes de toutes choses qui sont au-dessus de notre profession et de notre sexe, tout ce que nous pouvons faire est de rendre témoignage à la pureté de notre foi”. Elles expriment leur soumission à la papauté. Le 3 décembre 1661. Le signatures de Port-Royal de Paris sont remises. Le 9 décembre 1661. M. de Contes soumet un autre modèle de signature. Les religieuses refusent, voulant s’en tenir à la signature du 28 novembre.

En 1662, Pascal meurt.

Quelques années plus tard, les religieuses seront dispersées et Port-Royal détruit.

Voir sur l’histoire du Formulaire un opuscule de Pierre NICOLE, NICOLE Pierre, Remarques sur le Formulaire du serment de foi qui se trouve dans le procès-verbal du clergé, Paris, 1660, 14 p. in-4° (BN : 4° Ld4. 290), qui content une allusion à la condamnation des Provinciales par le Pape Alexandre, 6 septembre 1657 : p. 13. Le premier formulaire cité par Nicole et celui de 1655, GEF V, p.337; le second celui de 1657, GEF VII, p. 4.