Succès public

 

Le succès et les réactions suscitées par les Provinciales

DUCHÊNE Roger, L’imposture littéraire dans les Provinciales..., p. 1 sq. Avant les Provinciales. Les sermons de 1642-1643 : p. 1 sq. Arnauld et l’Apologie de Jansénius de 1644 : p. 2. Succès dans le monde : p. 3. Seconde Apologie de Jansénius : p. 3. La Fréquente communion : p. 3. Le succès auprès des dames : p. 3. Style adapté au goût du monde : p. 3. Les disputes religieuses intéressent les honnêtes gens : p. 4. Tout le monde se croit alors qualifié pour juger : p. 5. Préparation du public par Arnauld avant 1656. Les discussions théologiques envahissent les salons et les ruelles. Selon le P. Rapin, le style d’Arnauld a rencontré du succès auprès du public mondain : Arnauld use de formes d’expression accessibles au grand nombre, jouant sur la curiosité et sur l’ignorance, ce qui convient aux femmes et aux snobs soucieux d’avoir lu ce qui vient de sortir. Les Provinciales sont là-dessus un aboutissement, et non un point de départ. Pascal sait offrir du neuf à un public friand de nouveauté et déjà las d’Arnauld. La première Provinciale s’adresse en principe à tous les publics, savants et ignorants, mais elle est surtout adaptée aux seconds. Le fait que son style soit accessible au public féminin est loué du côté du monde, mais blâmé par les adversaires de Pascal : p. 76.

CLÉMENCET, Histoire de Port-Royal, Livre IX, LXXXVI, p. 443. « On peut dire avec assurance que jamais lettres ne furent plus admirées et lues que les lettres provinciales. C’est là proprement le manuel des beaux esprits, comme les Commentaires de César sont celui des militaires ».

JOVY Ernest, Études pascaliennes, IX, Le Journal de M. de Saint-Gilles, p. 110. Début de la circulation de la première lettre. “Cette pièce a un débit et un applaudissement merveilleux, et comme elle expose agréablement l’ignorance et les contradictions des Molinistes, elle les fâche beaucoup, et on a su que M. Morel, entre autres, en a été fort piqué”. Voir aussi p. 117, à la date du 1er février 1656 : “La Lettre au Provincial fait tous les jours de nouvelles merveilles, montrant clairement et galamment combien l’opinion, ou plutôt les différentes opinions des Molinistes sont ridicules. Tous ceux qui n’y sont point intéressés en rient, mais les autres sont en fureur, et surtout M. le Chancelier de qui on attend quelque nouvelle violence à ce sujet. L’auteur de cette excellente pièce (...) en fait présentement imprimer une seconde, pour s’acquitter de la promesse qu’il y a faite d’instruire son ami provincial de ce qui se passera”. Date du 5 février 1656. “Ce même jour a commencé à paraître la seconde lettre à un Provincial touchant les dernières assemblées en Sorbonne contre M. Arnauld et touchant la censure de sa lettre. Cette pièce est encore plus estimée que la première et fait voir avec un agrément merveilleux l’injustice de cette censure, laquelle elle rend entièrement ridicule. Comme le sujet principal de la première était le pouvoir prochain, le sujet de celle-ci est la grâce suffisante” : p. 121. A la date du 12 février 1656 : “La troisième lettre à un Provincial touchant les matières de la grâce, et particulièrement sur la censure de la lettre de M. Arnauld par les Molinistes, a commencé aujourd’hui à paraître avec un éclat et applaudissement encore plus grand que les deux précédentes. On en a donné par Paris et envoyé dans les provinces par douzaines et le succès qu’on en apprend partout est incroyable. On éprouve que ces petites pièces font beaucoup plus d’effet que les autres plus longues et plus considérables, car en peu de temps on y est agréablement instruit de la vérité. Cela choque de plus en plus les adversaires qui pour cela font mettre en campagne les mouchards à toutes les imprimeries, en sorte que la difficulté et les frais de l’impression en sont extraordinaires. Cela n’empêche pas que Port-Royal et les amis de ce lieu n’en fassent toutes les dépenses nécessaires, et partout où il va de la gloire de Dieu et de la vérité, l’or et l’argent leur sont de la boue, ce qui m’a toujours beaucoup édifié”.

Voir  SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, VII, t. 2, p. 85. 31 janvier 1656, lettre de Saint-Amour à Arnauld sur l’accueil reçu par la première Provinciale.

DANIEL Gabriel, Entretiens de Cléandre et d’Eudoxe, p. 18-19 sq. Daniel compare les méthodes des partisans des Provinciales avec celle des faiseurs de comédies qui mobilisent une cabale : p. 18.

SELLIER Philippe, “Vers l’invention d’une rhétorique”, in Port-Royal et la littérature, I, Pascal, p. 173. La règle des règles est de plaire : voir Pensées, fragment Laf. 1002 : “j’ai cru qu’il fallait écrire d’une manière propre à faire lire mes lettres par les femmes et les gens du monde, afin qu’ils connussent le danger de toutes ces maximes”. Mais Pascal ne vise pas le style purement mondain, et il n’est ni le disciple de Voiture ni le précurseur de Voltaire. L’un des destinataires privilégiés des Provinciales est sans doute la comtesse du Plessis-Guénégaud, à laquelle Pascal a envoyé la sixième Provinciale “avant que de la donner au public, pour savoir son sentiment et celui de ses amis”. Son salon compte la compagnie “la plus choisie de Paris, tant de gens de Robe que de la Cour”, le prince de Marillac, le maréchal d’Albret, la marquise de Liancourt, la comtesse de La Fayette, la marquise de Sévigné, d’Andilly de Pomponne. Vers 1650, il y a une osmose entre Port-Royal et les salons qui engendre une alliance entre culture théologique et aisance mondaine. La formation des femmes est fondée sur la maîtrise du français et l’ouverture à la culture italienne ; celle des hommes comporte le latin, un peu de grec et les rudiments de l’aristotélisme scolastique.

MONGRÉDIEN Georges, La vie littéraire au XVIIe siècle, p. 163. Recherche du style et de la langue des savants et des cercles mondains.

LESNE-JAFFRO Emmanuèle, « La réception des Provinciales dans mes Mémoires du temps », in Treize études sur Blaise Pascal, Clermont-Ferrand, P. U. B. P., 2004, p. 121-132.

PASCAL, Œuvres complètes, éd. Mesnard, I, p. 470, extrait du Journal de Saint-Gilles : “M. Morel, entre autres, en a été fort piqué”. Voir p. 473, sur Cornet et Morel qui se font commettre par justice pour visiter les papiers pris au libraire Savreux. Voir p. 480, à la date du 20 août 1656, le catéchisme du P. Lambert contre les “nouveaux hérétiques” et la IXe Provinciale. Voir aussi p. 485, le Journal de Pontchâteau, sur les discussions sur la Provinciale II ; M. Morel accuse l’auteur d’employer les méthodes de Calvin. Voir p. 488 : les jésuites insistent auprès de Balard, syndic des libraires, pour empêcher l’impression des Provinciales ; voir le Journal de Taignier, 15 juin 1656.

Les imprimeurs des Provinciales, et les persécutions qu’ils subissent

FERREYROLLES Gérard, Les Provinciales, p. 19. Périodes principales de la querelle et de la persécution.

GEF VII, p. 62. Le valet Picart, qui portait les manuscrits à Fortin, principal du collège de Harcourt.

BATTIFFOL Louis, “L’impression clandestine des Provinciales de Pascal”, La revue hebdomadaire, 17 août 1912, p. 346-363.

SAINT-GILLES, Journal, in JOVY Ernest, Études pascaliennes, IX, Le Journal de M. de Saint-Gilles, Vrin, Paris, 1963. Voir p. XI, pour la part prise par Saint-Gilles dans l’impression des trois premières lettres, ainsi qu’à Périer et Pontchâteau. Voir p. 120. “C’est le sieur Petit qui a imprimé les deux lettres à un Provincial, première et seconde, qui par leur agrément et la pure vérité qu’elles contiennent, ont excité cette violence contre ces trois imprimeurs. Le commissaire étant venu à sa boutique avec plusieurs gardes, et ne s’y pas trouvé, sa femme monta à l’imprimerie, mit les formes quoique fort pesantes dans son tablier, passa en bas parmi les commissaires et gardes, et les porta chez un ami auprès, où dès la nuit on tire 300 de la 2e, et le lendemain 1200...”

GEF IV, p. 187 sq. Les poursuites contre les imprimeurs. Interventions du pouvoir politique après le succès des deux premières Provinciales ; voir aussi p. 188 sq.

Lettre d’Arnauld à Taignier du 11 octobre 1655, citée in LE GUERN Michel, Pascal et Arnauld, p. 66. “On retardera la publication du Posse, de peur que cela ne fasse tort à la réimpression de la Lettre (sc. la Seconde lettre à un duc et pair). Mais nous sommes fort mal satisfaits de Savreux. Il ne nous paye que de paroles. On a empêché, pour lui  faire plaisir, que Le Petit ne l’ait réimprimée, il y a six semaines ; et depuis encore, que Desprez ne le fît. Et aujourd’hui nous voilà sans Lettres. Il semble qu’il en soit bien aise, pour vendre à un prix excessif celles qu’il a. Il avait promis de faire travailler à deux presses, et même à trois ; et j’apprends que ce n’est que de cette semaine qu’il en a deux, et qu’il en a refusé une troisième qu’on lui a voulu donner, et dont il était demeuré d’accord. Je sais bien que c’est la peur qu’il a eue que cette presse ne fît pas si bien que les deux autres. Mais il en pouvait toujours essayer une feuille. Enfin cela n’avance point. On nous a dit encore qu’il renchérit les Concordes évangéliques, et que par là il empêche qu’on n’en achète autant qu’on ferait. Cela est très mal”.

La Provinciale II est composée le samedi 29 janvier 1656 par Pascal, à Paris ; revue par Nicole à Port-Royal des Champs (catalogue Fouillou) ; l’impression chez Petit est commencée le 1er février. Publiée dès le 5 février, elle est réimprimée par Langlois le 30 mars.

Voir OC I, p. 470 sq. ; GEF IV, p. 187, le Journal de Saint-Gilles à la date du 1er février 1656 et la suite. “Ce jour de la Chandeleur, sur les 11 heures et demie, on a pris prisonnier le Sr Savreux libraire et relieur fort affectionné pour la bonne cause, sa femme et deux garçons de sa boutique, et on les a mis dans les prisons de l’officialité : il est contre les lois et inouï qu’on ait emprisonné une femme mariée pour choses semblables (...) J’oubliais qu’on a laissé chez lui deux hommes pour garder tous les livres et papiers, à ce que rien ne fût détourné. : p. 187-188. Le lendemain, Savreux et sa femme sont interrogés par le lieutenant criminel Tardieu, quoique les Provinciales n’aient pas été retrouvées : p. 188. Actions contre les autres imprimeurs liés à Port-Royal, Petit et Desprez : “un commissaire est allé chez eux en la rue Saint-Jacques. Mais comme ils se doutaient, ils se sont trouvés absents” ; on a laissé deux gardes chez Petit et scellé son imprimerie : p. 188. Voir dans SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, VII, éd. Leroy, t. 2, p. 79, le récit de Beaubrun.

GEF IV, p. 190-191. Procès-verbal de la saisie des livres chez Savreux.

OC I, p. 470 sq. Journal de Saint-Gilles du 2 février 1656, Arrestation et emprisonnement de Savreux, le 2 février vers 11 heures et demi. On laisse deux hommes  de garde chez lui. Sa femme et lui sont interrogés par le lieutenant-criminel Tardieu : p. 471. “Ce qui s’est passé chez Petit et Desprez” : p. 471. “Savreux en prison”, le samedi 5 février 1656 ; noms des personnes qui s’activent pour sa libération.

JOVY Ernest, Études pascaliennes, IX, Le Journal de M. de Saint-Gilles, p. 118 sq. Poursuites et arrestations chez Savreux, Petit et Desprez. Voir p. 161 sq., sur le jeudi 30 mars 1656, sur la visite du commissaire Camuset à Langlois, “qui avait encore les formes de la cinquième lettre au Provincial et les deux premières et deux dernières pages de la première lettre Apologétique de M. Arnauld. Il s’en fit tirer devant lui de ces deux ouvrages, n’ayant trouvé aucune des feuilles qui avaient été enlevées. Il fit grand bruit là-dessus, fit signer et parapher ces feuilles et quelques autres  des premières provinciales qu’on réimprimait, par Langlois, visita chez lui partout, dressa son procès-verbal et s’en alla. Cela a mis une grande alarme chez tous nos imprimeurs, et on craint fort que M. le Chancelier ne fasse prendre Langlois. On travaille cependant à force d’argent à le sortir d’affaire.” Voir GEF IV, p. 187. Interventions du pouvoir politique après le succès des deux premières Provinciales ; voir aussi p. 188 sq. Voir SAINTE-BEUVE, Port-Royal, III, VII, éd. Leroy, t. 2, p. 79, l’arrestation de Savreux, 2 février 1656 ; p. 80. Récit de Beaubrun. Les problèmes posés par Savreux et ses mésaventures.

À la date du 5 février, Savreux est transféré avec ses deux garçons de l’officialité au Châtelet.

JOVY Ernest, Études pascaliennes, IX, Le Journal de M. de Saint-Gilles, p. 127. Date du 12 février 1656.

PASCAL, Œuvres complètes, éd. Mesnard, I, p. 475, Journal de Saint-Gilles du 30 mars 1656. Visite du commissaire Camuset chez l’imprimeur Langlois “qui avait encore les formes de la cinquième lettre au Provincial et les deux premières et deux dernières pages de la première lettre Apologétique de M. Arnauld. Il s’en fit tirer devant lui de ces deux ouvrages, n’ayant trouvé aucune des feuilles qui avaient été enlevées. Il fit grand bruit là-dessus, fit signer et parapher ces feuilles et quelques autres  des premières provinciales qu’on réimprimait, pat Langlois, visita chez lui partout, dressa son procès-verbal et s’en alla. Cela a mis une grande alarme chez tous nos imprimeurs, et on craint fort que M. le Chancelier ne fasse prendre Langlois. On travaille cependant à force d’argent à le sortir d’affaire. (...) Cette fâcheuse surprise d’imprimeur a fait résoudre les amis de publier cette cinquième lettre au provincial qui est toute de la détestable morale des Jésuites : on avait dessein de ne la publier qu’avec la sixième qui doit bientôt paraître.” Les ennuis de Langlois (une perquisition au cours de laquelle les formes faillirent être saisies) font résoudre à publier la cinquième lettre. Envoi : p. 476. Arrêté par avoir imprimé cette lettre, Langlois déclare que le manuscrit lui a été apporté par un nommé Vitart, qui a gouverné les impressions que faisaient faire ceux de Port-Royal. Voir GEF VII, p. 71 ; cité in PICARD, La carrière de Jean Racine, p. 28, Nicolas Vitart et Thomas Fortin.

OC I, p. 488, Journal de Taignier, 15 juin 1656, annonce la publication de la Provinciale VIII malgré les démarches des jésuites auprès de Balard, syndic des libraires, pour empêcher l’impression des Provinciales ; sur la conduite de Balard, voir p. 488, vendredi 16 juin 1656.

Démarches des jésuites pour faire interrompre la publication des Provinciales : voir GEF V, p. 163-164. Quatre jésuites, après le VIIIe Provinciale, vont voir Ballard, syndic des libraires et imprimeurs de Paris, mais ils n’obtiennent pas qu’il s’oppose à la parution des Provinciales. Voir HERMANT, Mémoires, III, p. 72, sur cet événement.

Contexte de la Provinciale XVII. Des mesures de sévérité se produisent à l’époque : voir Hermant : “on ne parlait que d’un arrêt terrible pour faire tomber la plume des auteurs les plus hardis” ; cet arrêt paraît le 23 décembre 1656, sous la forme d’une ordonnance du Châtelet défendant d’imprimer sans privilège et sans nom d’auteur. Sur l’ordonnance du Châtelet qui interdit de publier sans nom d’auteur ni de privilège, promulguée le 23 décembre, voir éd. Cognet, p. 297. Voir la lettre de Saint-Gilles (?) à Périer de janvier 1657 : “je crois vous avoir mandé qu’il n’y a point eu d’arrêt du Conseil, portant défense d’imprimer, mais bien ordonnance du Lieutenant civil trompettée et affichée ; nous nous en moquons assez, aussi bien qu’on peut faire chez vous, mais cependant nous risquerions ouvertement imprimeurs et libraires, qui ont peur, et nous pour eux”. Du côté des jésuites, la Réponse à la XVIe Provinciale ne paraît pas à ce moment ; le recueil de 1657 explique que c’est par respect de cet arrêt : voir NOUËT, in Réponses.., p. 53 sq.

GEF VII, p. 70 sq. Interrogatoire de Langlois (24-25 juin 1657).