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Contexte de la Xe Provinciale
Les sermons de Du Four, abbé d'Aulney à l'église de Saint-Maclou, 9 juillet 1656: GEF V, p. 217. Il ne désigne pas les jésuites dans ses sermons; mais le P. Brisacier adresse à l'archevêque une requête contre lui. Voir le VIIe Ecrit des curés de Paris.
D’autre part, le 2 août 1656, le P. Brisacier demande l'interdiction des Provinciales. GEF V, p. 217; voir HERMANT Godefroy, Mémoires, III, éd. Gazier, Plon, 1906, p. 257. Extrait de la requête de Brisacier; le 2 août, l'archevêque renvoie l'examen des Provinciales à son conseil. Cette affaire concourt avec les tentatives du P. Brisacier pour faire interdire les sermons de Du Four.
OC III, éd. J. Mesnard, p. 456. Les curés de Rouen vont prendre fait et cause pour leur confrère et feront établir à partir des Provinciales une liste de propositions de morale relâchée, afin d'en obtenir la condamnation.
CLÉMENCET Charles, Histoire de Port-Royal, III, Part. I, Liv. IX, Amsterdam, Van Duren, 1756, p. 450 sq. « Dans la dixième lettre, le jésuite de M. Pascal lui parle des adoucissements qu’ils ont trouvé pour la confession, par le moyen desquels les crimes s’expient aujourd’hui avec plus d’allégresse et d’ardeur, alacrius, qu’ils ne se commetaient autrefois. C’est ce que les jésuites de Flandre appellent de saintes et pieuses finesses, un saint artifice de dévotion : Piam et religiosam calliditatem ; pietatis solertiam. Ces pieuses finesses, consistent à permettre au pénitent d’avoir deux confesseurs, un ordinaire pour les péchés véniels, afin de se maintenir en bonne réputation auprès de lui : uti bonam famam tueatur apud ordinarium ; Escobar, Suarez, t. 7 a 4 n. 135 ; et un extraordinaire pour les péchés mortels, et à laisser au confesseur la liberté de ne point s’enquérir des circonstances des péchés ; à lui défendre de refuser ou de différer l’absolution ; à enseigner que la contrition et l’amour de Dieu ne sont pas une disposition nécessaire pour le sacrement de pénitence, et que l’attrition conçue par le seul motif des peines de l’enfer, même une attrition naturelle, suffit avec le sacrement ; à décharger l’homme de l’obligation pénible d’aimer Dieu pourvu qu’il observe extérieurement les commandements.
Jusqu’ici M. Pascal avait ménagé ses termes d’une manière qui fait assez connaître qu’il n’approuve pas ce que lui dit le jésuite, lequel n’aperçoit pas que c’est une raillerie continuelle continuelle de sa part ; mais poussé à bout par cette détestable maxime, il se déclare ouvertement et foot par là ses conférences ».
D’AVRIGNY le P., Mémoires chronologiques et dogmatiques, pour servir à l’Histoire ecclésiastique depuis 1600 jusques en 1716 avec des réflexions et des remarques critiques, sl, sn, 1739, II, p. 361. Sermon contre le relâchement des casuistes, qui provoque une plainte du P. Brisacier.
RAPIN René, Mémoires du P. René Rapin, de la Compagnie de Jésus, sur l’Église et la Société, la Cour, la Ville et le Jansénisme, 1644-1669, publiés pour la première fois d’après le manuscrit autographe, éd. Aubineau, t. II, Gaume Frères et J. Duprey, Paris, 1865, 3 vol., p. 398.
Composition et publication de la Xe Provinciale
OC III, éd. J. Mesnard, p. 456. Selon le catalogue Fouillou, confrmé par le silence de Beaubrun, Nicole n’y a eu aucune part. La majeure partie de la documentation provient d'ouvrages d'Arnauld, dont Cognet juge la collaboration probable.
OC I, éd. J. Mesnard, p. 749. Journal de Saint-Gilles assure l'impression de la Xe Provinciale (18 août 1656).
Sujet de la Provinciale X
Titre de Wendrock: "Adoucissements que les jésuites ont apportés au sacrement de pénitence, par leurs maximes touchant la confession, la contrition et l'amour de Dieu" (tr. Joncoux).
MESNARD Jean, « Pascal et le problème moral », in La culture du XVIIe siècle, Paris, P. U. F., p. 360 sq.
GAY Jean-Pascal, Morales en conflit. Théologie et polémique au Grand Siècle (1640-1700), Paris, Cerf, 2011, p. 192.
Structure de la Provinciale X
Voir MESNARD Jean, « Sur la composition dans les Provinciales de Pascal », Kwansei Gakuin University School of sociology Journal, 89, mars 2001, p. 23-29. Avec la dixième Provinciale, nous sommes au cœur de la partie des Provinciales qui traite de la morale. Comme les précédentes immédiates, la lettre se déroule sous forme d'un dialogue entre Pascal et un interlocuteur jésuite qui lui expose les règles de la casuistique, c'est-à-dire la manière de rendre plus douce la pratique de la morale chrétienne. A quoi s'opposent des réactions ironiques ou indignées. La dixième lettre se concentre sur un sujet unique et capital : la confession, avec toutes les difficultés qu'elle comporte, susceptibles de rebuter le pécheur, mais auxquelles la casuistique a trouvé des atténuations.
C'est le jésuite qui a l'initiative ; c'est lui qui pose le sujet. Tactique de l'auteur qui répond à une intention précise : il n'y a pas de meilleure façon de ruiner la casuistique que de l'exposer ; car, si la bonne morale se pratique malaisément, la mauvaise excite naturellement la répulsion de 1'honnête homme en qui s'incarne le lecteur. Ce qui n'empêche pas l'instauration d'un dialogue critique permettant d'exprimer des réserves d'ordre plus proprement religieux.
Le jésuite ne se borne pas à poser le sujet; il indique l'ordre des matières à traiter à propos de la confession, annonçant ainsi le plan de la lettre : « Parce que les principales peines qui s'y rencontrent sont la honte de confesser certains péchés, le soin d'en exprimer les circonstances, la pénitence qu'il en faut faire, la résolution de n'y plus tomber, la fuite des occasions prochaines qui y engagent, et le regret de les avoir commis, j'espère vous montrer aujourd'hui qu'il ne reste presque rien de fâcheux en tout cela ». Pascal aurait-il conservé cette annonce un peu didactique s'il avait pris ces propos à son propre compte ? Peut-être, parce que la formulation reste souple : l'indication du plan n'est pas donnée pour telle, et elle apparaît au sein d'une phrase à laquelle elle donne son sens. En tout cas, l'ordre énoncé sera effectivement suivi tout au long de la lettre, dans les six parties qui la composent. Il est de type discontinu et énumératif, qui convient fort bien à la liberté de la lettre et du dialogue, mais qui permet aussi des investigations complètes sur une question importante.
Mais la juxtaposition n'empêche pas la progression. Les points qui semblent simplement juxtaposés offrent en fait une importance grandissante, si bien que, de l'un à l'autre, les « adoucissements » proposés par la casuistique apparaissent de plus en plus scandaleux. A l'exposé du jésuite les réactions du narrateur sont donc de plus en plus vives. Le sommet de l'indignation est atteint lorsque sont avancés des textes selon lesquels le chrétien serait dispensé d'aimer Dieu. L'explosion se produit alors et la rupture entre les deux interlocuteurs est consommée.
Cette lettre achève la courbe commencée avec la Ve Provinciale d'une part, mais elle annonce aussi les suivantes, par le renoncement à la raillerie, à défaut d'abandonner l'ironie, et par le choix d'un style véhément et sérieux.
Elle atteint l'essentiel : le principe même de toute la religion chrétienne, l'amour de Dieu.
Le texte comprend une structure doublement dramatique :
1. une courbe ascendante de la confession au repentir des fautes, et du repentir à l'amour de Dieu, à quoi correspond un couronnement de la méthode des casuistes : p. 190, c'est le renversement entier de la loi de Dieu ;
2. une courbe progressive: on va de rendre la confession plus facile, adoucir la pénitence, à faciliter l'absolution ; la charnière se fait avec le problème de l’attrition et de la contrition.
Suit une seconde progression du même type, sur l'amour de Dieu: la diminution progressive, puis la suppression de la nécessité de l'amour de Dieu, et enfin l'obligation pénible d'aimer Dieu.
Parallèlement s'opère un changement de ton: le ton du jésuite demeure didactique et satisfait, en contraste avec le ton de Montalte, qui ne se contente plus d'apprendre, mais fait des objections, pousse le jésuite aux dernières conséquences de sa logique et finalement laisse éclater son indignation.